R. c. Farcy, 2010 QCCQ 5764 (CanLII)
[13] Après avoir observé l'accusée lors de son témoignage, le Tribunal estime que cette dernière s'est déchargée de son fardeau de repousser par la balance des probabilités la présomption prévue à l'article 258 (1)a) du Code criminel. En effet, le Tribunal croit l'accusée lorsqu'elle affirme qu'elle n'avait pas l'intention de conduire le véhicule à moteur puisqu'elle se trouvait chez elle et qu'elle ne connaît personne à Victoriaville. D'ailleurs, cette preuve n'est pas contredite.
[14] Quant à l'élément de garde ou de contrôle d'un véhicule à moteur, le Tribunal est d'avis qu'il n'y a pas dans la présente cause de risque réaliste que l'accusée mette le véhicule en mouvement de telle sorte qu'il puisse devenir dangereux. En ce sens, le Tribunal conclut que sa défense soulève un doute raisonnable.
[15] Dans l'arrêt Olivier, la Cour d'appel dit ceci:
« Même si, en toute théorie, l'intimé aurait pu, avant de s'endormir ou en se réveillant, décider plus ou moins consciemment de faire rouler la voiture, le juge Caron pouvait, sans commettre une erreur de droit, conclure qu'en réalité, dans l'espèce en cause, « il n'y avait aucun risque que l'intimé mette la voiture en marche ». La proposition de l'appelante suivant laquelle le fait pour un conducteur d'être assis derrière le volant d'une voiture, avec la clé dans le contact, entraîne nécessairement la conclusion que ce conducteur a le contrôle de la voiture est trop absolue: dans la très grande majorité des situations on pourra conclure que c'est le cas, mais, devant un jeu de circonstances donné, le tribunal pourra, sans errer en droit, conclure que ce n'est pas le cas. »
[16] Plusieurs décisions comportant des faits similaires à ceux que l'on retrouve en l'espèce ont été rendues postérieurement à cet arrêt de la Cour d'appel. Dans l'ensemble, ces autorités reconnaissent la nécessité pour la poursuite de démontrer un risque réaliste que le véhicule soit mis en mouvement de façon à constituer un danger pour le public et non un risque purement théorique.
[17] Ainsi, dans l'arrêt Decker, l'accusé avait l'habitude de garer sa voiture chez un ami, de se rendre en taxi au centre-ville de St-John puis de revenir en taxi passer la nuit chez ce même ami pour finalement retourner chez lui le lendemain. La nuit en question, au retour de sa sortie au centre-ville de St-John, son ami est absent de telle sorte qu'il ne peut entrer dans sa résidence. Il démarre le moteur de sa voiture avec un démarreur à distance sachant que celui-ci fonctionnera environ quinze minutes, met les clés dans le dispositif d'allumage sans tourner celle-ci à la position marche, met le frein à main et tente de joindre son ami. Après trois appels infructueux, il se couche sur le siège avant et s'endort. Il est en état d'ébriété avancé. Les policiers le trouvent ainsi dans sa voiture, le moteur étant toujours en marche.
[18] La Cour d'appel de Terre-Neuve a conclu que l'accusé n'avait pas l'intention de conduire le véhicule et qu'il n'y avait aucun risque que celui-ci soit mis en mouvement. La permission d'en appeler de cette décision fut refusée par la Cour suprême.
[19] Dans l'arrêt Marcotte, l'accusé revient chez lui alors qu'il est en état d'ébriété. Sa conjointe lui intime l'ordre, comme elle l'avait déjà fait dans le passé, d'aller dormir dans son automobile pour retrouver sa sobriété et ensuite retourner à son domicile. L'accusé se couche sur la banquette avant et quelque temps après, il fait démarrer son véhicule pour ne pas avoir froid. La Cour supérieure a prononcé un acquittement annulant ainsi le verdict de culpabilité prononcé en première instance.
[20] Au paragraphe 16, le juge Béliveau dit ceci :
« En fait, si on devait conclure que l'appelant avait la garde et le contrôle de son véhicule dans la présente affaire, cela impliquerait qu'il en serait ainsi à toutes les fois qu'un accusé est sur la banquette avant d'une automobile et qu'il en a allumé le contact, sans examiner davantage les circonstances. Cela serait contraire à l'enseignement de notre Cour d'appel. »
[21] Dans la décision R c. Beaupré, l'accusée gare en pleine nuit son véhicule non loin d'un centre de thérapie dans le but d'y être admise en cure fermée le lendemain matin. Elle consomme des boissons alcooliques puis s'endort au volant de sa voiture. Les clés sont dans le dispositif d'allumage. C'est dans cette position que les policiers la trouvent quelques heures plus tard. Après avoir constaté que l'accusée avait l'intention bien arrêtée d'être admise le lendemain en thérapie, le tribunal a conclu qu'elle avait repoussé la présomption prévue à l'article 258(1)a) et que la poursuite ne s'était pas déchargée de son fardeau de démontrer hors de tout doute raisonnable qu'elle avait la garde ou le contrôle du véhicule à moteur.
[22] Le Tribunal estime que l’attitude de l'accusée de même que l'intervention des policiers durant la soirée démontrent que cette dernière s’est servie de son automobile dans le but de se réfugier puisqu'elle avait été expulsée de sa résidence et que si le moteur était en marche, c'est qu’elle voulait se réchauffer. Il n'y avait aucun risque qu'elle mette le véhicule en mouvement. Dans les circonstances, la situation n'était pas susceptible de devenir dangereuse.
[23] De plus, il faut rappeler que l'accusée n'a pas conduit sa voiture au préalable, ce qui aurait pu évidemment démontrer un élément de contrôle ou une intention quelconque de mettre éventuellement le véhicule en mouvement.
[24] Également, l'accusée, à la différence de plusieurs décisions rendues en pareille matière, était chez elle. Elle ne pouvait aller nulle part ailleurs. Sa version selon laquelle elle ne projetait pas de partir pour Drummondville en pleine nuit est crédible. Du reste, s'il faut reconnaître qu'il y avait un risque qu'elle change d'idée à ce sujet, celui-ci est très hypothétique.
[25] Par surcroît, pour mettre le véhicule en mouvement, l'accusée devait désengager le frein à main et réussir à sortir de l'abri d'auto sans être vue par Labonté dont elle se cachait. Il n'est pas contredit qu'elle avait des raisons de le craindre ce soir-là compte tenu de la violence dont elle a été victime par le passé.
[26] Enfin, si l'accusée avait voulu quitter les lieux avec la voiture, elle l'aurait sûrement fait avant de s'endormir. De toute évidence, elle ne savait pas que Labonté l'avait vue et encore moins que ce dernier avait contacté les policiers. Elle se croyait en sécurité dans sa voiture. Elle ne représentait pas un danger pour le public.
[27] Conséquemment, le Tribunal estime que la poursuite ne s'est pas déchargée de son fardeau de démontrer hors de tout doute raisonnable la culpabilité de l'accusée.
Aucun commentaire:
Publier un commentaire