R. c. Savaresse-Belapatino, 2007 QCCQ 1251 (CanLII)
«De façon générale, le complot peut être défini comme étant l’existence simultanée, chez au moins deux personnes, d’une entente pour réaliser un objet et de l’intention véritable d’atteindre cette fin.
L’Honorable juge Jean-Guy Boilard, Manuel de preuve pénal, Cowansville (Qc), Éditions Yvon Blais, mis-à-jour au 30 mars 2006, para. 7.010.
Il n’est pas nécessaire que tous les membres du complot connaissent l’identité et le rôle joué par tous les autres membres du complot. Il suffit que les membres du complot aient la connaissance de la nature du complot général. À cet égard, la Cour d’appel d’Ontario mentionne dans l’arrêt R. c. McNamara :
« …It was not, of course, necessary for the Crown to prove that the appellants knew the identities of other parties to the common design, or the precise details of the agreement. If the jury found that the requisite guilty knowledge was brought home to the appellants, the jury could readily draw the ultimate conclusion that the appellants were participants in the conspiracy.”
R. c. McNamara reflex, (1981) 56 C.C.C. (2d) 193, p. 453, (Ont. C.A.), p. 209 sur 244 de la version imprimée de Quicklaw, confirmé par la Cour suprême. 1985 CanLII 32 (C.S.C.), [1985] 1 R.C.S. 662.
L’arrêt R. c. Carter propose la démarche d’analyse suivante pour déterminer la culpabilité d’un accusé à un complot :
(1) Premièrement, existe-t-il une preuve hors de tout doute raisonnable de l’existence d’un complot?
(2) Deuxièmement, si oui, existe-t-il une preuve directement recevable (i.e. exception faite des actes ou des déclarations des co-conspirateurs) contre l’accusé qui rend probable la participation de l’accusé au complot?
(3) Troisièmement, si oui, l’ensemble de la preuve établit-elle hors de tout doute raisonnable la culpabilité de l’accusé à l’infraction qui lui est reprochée ?
R. c. Carter, 1982 CanLII 35 (S.C.C.), [1982] 1 S.CR. 938, para. 11.
1. L’existence d’un complot hors de tout doute raisonnable.
À la première étape de l’analyse Carter, la poursuite doit prouver hors de tout doute raisonnable, l’existence du complot tel qu’énoncé au chef d’accusation. Toute preuve pertinente est admissible en preuve pour démontrer l’existence du complot, incluant les actes manifestes et les déclarations des conspirateurs.
R. c. Carter, 1982 CanLII 35 (S.C.C.), [1982] 1 S.CR. 938.
L’existence de l’entente peut être inférée de cette preuve, tel que le déclare madame le juge Charron dans R. c. Gassyt :
"[…] I would think it would have been the rare case where direct evidence would be available that the conspirators met, discussed and actually agreed to carry out a common unlawful purpose. A conspiracy is more likely to be proven by evidence of overt acts and statements by the conspirators from which the prior agreement can be logically inferred.”
R. c. Gassyt, 1998 CanLII 5976 (ON C.A.), (1998) 127 C.C.C. (3d) 546 (Ont. C.A), para. 17, permission d’appeler à la Cour suprême refusée.
À cette étape, il n’est pas nécessaire de connaître l’identité de tous les conspirateurs. À cet effet, le juge McIntyre, pour la Cour suprême mentionne dans l’arrêt R. c. Barrow :
"[…] Il est tout à fait possible et loin d’être rare que l’on soit convaincu hors de tout doute raisonnable, d’après l’ensemble de la preuve soumise, qu’un complot, pour les fins alléguées dans l’acte d’accusation, a existé, tout en demeurant dans l’incertitude quant à l’identité de toutes les personnes qui y ont participé. Une fois qu’on a compris cela il devient évident que l’argument de l’appelant est sans fondement. Au cours de cette première étape, ce qui est examiné, c’est l’existence du complot, et non pas l’identité de ceux qui y ont participé. […]”
R. c. Barrow, 1987 CanLII 11 (C.S.C.), [1987] 2 R.C.S. 694, para. 74; décision des juges McIntyre et LeDain, dissidents sur d’autres points.
(2) La participation de l’accusé au complot.
À la seconde étape de l’analyse Carter, la poursuite doit prouver la participation probable de l’accusé au complot. Le fardeau de preuve est celui de la balance de probabilité.
R. c. Carter, 1982 CanLII 35 (S.C.C.), [1982] 1 S.CR. 938.
La participation probable de l’accusé est déterminée en regardant la preuve recevable contre l’accusé-même; cette preuve doit être examinée en considérant le contexte. À cet effet, la cour d’appel de l’Île-du-Prince-Édouard affirme dans l’arrêt R. c. Doucette :
«[…]It is also important to bear in mind that the words and actions of the accused ought to be interpreted and considered in the context of the surrounding circumstances in which they occur. Although an accused can only become a member of a conspiracy by his own acts or declarations, that does not mean that what he says or does is to be viewed in isolation or without reference to the milieu in which they occur or that they cannot be interpreted against the picture provided by the acts of the alleged co-conspirators. In order to give meaning or to gain a proper appreciation of an accused’s own acts and declarations, it is permissible for the tier of fact to consider them in the context of the interaction with and among others.”
R. c. Doucette, (2003) P.E.I.J. No. 27, para. 13
Voir aussi R. c. Filiault and Kane, reflex, (1981) 63 C.C.C. (2d) 321 (Ont. C.A.), p. 5 et 6 de la version imprimée de Quicklaw, confirmé par la Cour suprême 1984 CanLII 72 (S.C.C.), [1984] 1 S.C.R. 387.
(3)L'ensemble de la preuve établit-elle hors de tout doute raisonnable la culpabilité de l’accusé
À la troisième étape de l’analyse Carter, la poursuite doit prouver hors de tout doute raisonnable la participation de l’accusé au complot. A cette étape, l’exception à la règle du ouï-dire s’applique et les actes posés et les déclarations faites par les co-conspirateurs en vue de réaliser les objets du complot sont recevables contre l’accusé. Il s’agit de l’exception communément connue sous le nom « l’exception au ouï-dire, les actes manifestes ».
R. c. Carter, 1982 CanLII 35 (S.C.C.), [1982] 1 S.CR. 938, para. 11
Règles précises quant à l’admissibilité de documents et/ou de communications interceptées
À la deuxième étape de l’analyse Carter, le contenu d’un document est admissible contre son auteur. Par ailleurs, la connaissance du contenu du document est admissible contre la personne l’ayant en sa possession.
L’Honorable juge E.G. Ewaschuk, Criminal Pleadings and Practices in Canada, Second Edition, The Cartwright Group Ltd., 2006, mis-à-jour jusqu’au 28 février 2007, para. 19:4130.
À la troisième étape de l’analyse Carter, un document, s’il est fait en vue de réaliser un ou des objets du complot, est recevable contre tous les conspirateurs.
L’Honorable juge E.G. Ewaschuk, Criminal Pleadings and Practices in Canada, Second Edition, The Cartwright Group Ltd., 2006, mis-à-jour jusqu’au 28 février 2007, para. 19:4130.
De la même façon, dans le cadre de la deuxième étape de l’arrêt Carter, le contenu d’une communication interceptée est admissible contre le déclarant alors que la connaissance de son contenu peut être imputée au récepteur. Ce n’est qu’à la troisième étape de l’analyse Carter que la communication interceptée est admissible contre les conspirateurs n’ayant pas participé à la communication en tant que tel, pourvu que la communication soit faite en vue de réaliser un ou des objets du complot.
L’Honorable juge E.G. Ewaschuk, Criminal Pleadings and Practices in Canada, Second Edition, The Cartwright Group Ltd., 2006, mis-à-jour jusqu’au 28 février 2007, para. 19 : 4130.
Les gestes et déclarations des conspirateurs non-accusés
Un geste ou une déclaration fait par un conspirateur non-accusé, appelé ou non comme témoin au procès, est admissible à la troisième étape de l’analyse Carter uniquement s’il est probable que ce dernier ait participé au complot tel qu’exigé par la deuxième étape de l’analyse Carter.
R. v. Cloutier, [1940] S.C.R. 131, p. 5 de la version imprimée de Quicklaw.
R. v. Gassyt, 1998 CanLII 5976 (ON C.A.), (1998) 127 C.C.C. (3d) 546 (Ont. C.A.), para. 22, permission d’appeler à la Cour suprême refusée
Droit quant à la participation d’un conspirateur se joignant à un complot existant
Si une personne adhère à un complot existant, elle devra avoir la connaissance de la nature du complot et l’intention de réaliser l’objet illégal. Cependant, il n’est pas nécessaire qu’elle connaisse toutes les modalités d’exécution du projet.
Les États-Unis d’Amérique c. Tavormina, 1996 CanLII 5995 (QC C.A.), (1996) 112 C.C.C. (3d) 563 (C.A. Qué.), para. 13
Voir aussi R. c. Lamontagne, (1999) J.Q. no 5416 (C.A. Qué.), para. 41.
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