R. c. Sinclair, 2010 CSC 35
[24] L’alinéa 10b) vise à fournir au détenu l’occasion d’obtenir des conseils juridiques propres à sa situation juridique. Dans le contexte d’un interrogatoire sous garde, le détenu doit tout particulièrement comprendre le droit que lui accorde l’art. 7 de la Charte de choisir de coopérer ou non avec la police.
[25] L’objet de l’al. 10b) de la Charte et son rapport avec le droit au silence qui découle de l’art. 7 ont été décrits par la juge McLachlin (maintenant Juge en chef) dans R. c. Hebert, [1990] 2 R.C.S. 151, p. 176-177. Ces deux droits s’allient pour faire en sorte que le suspect soit en mesure d’exercer un choix libre et éclairé quant à la décision de parler ou non aux enquêteurs de la police :
L’article 7 confère à la personne détenue le droit de choisir de parler aux autorités ou de garder le silence. L’alinéa 10b) exige qu’elle soit avisée de son droit à l’assistance d’un avocat et qu’elle puisse y avoir recours sans délai.
La fonction la plus importante de l’avis juridique au moment de la détention est d’assurer que l’accusé comprenne quels sont ses droits dont le principal est le droit de garder le silence. [...] Pris ensemble, l’art. 7 et l’al. 10b) confirment le droit de garder le silence reconnu à l’art. 7 et nous éclairent sur sa nature.
La garantie du droit de consulter un avocat confirme que l’essence du droit est la liberté de l’accusé de choisir de faire ou non une déclaration. L’État n’est pas tenu de garantir que le suspect ne fasse pas de déclaration; l’État est, en fait, libre d’utiliser des moyens de persuasion légitimes pour encourager le suspect à le faire. L’État est cependant tenu de permettre au suspect de faire un choix éclairé quant à savoir s’il parlera ou non aux autorités. Pour faciliter ce choix, le suspect a droit à l’assistance d’un avocat.
[26] Le droit à l’assistance d’un avocat a pour objet de « permettre à la personne détenue non seulement d’être informée de ses droits et de ses obligations en vertu de la loi, mais également, voire qui plus est, d’obtenir des conseils sur la façon d’exercer ces droits » : R. c. Manninen, [1987] 1 R.C.S. 1233, p. 1242-1243. Il s’agit donc fondamentalement de faire en sorte que la décision du détenu de coopérer ou non à l’enquête soit à la fois libre et éclairée. L’alinéa 10b) ne garantit pas que le détenu prendra une sage décision, ni ne le met à l’abri de facteurs subjectifs susceptibles d’influer sur sa décision. Il vise simplement à fournir aux détenus la possibilité d’avoir accès à des conseils juridiques dans l’exercice de ce choix.
[27] L’alinéa 10b) remplit son objet de deux façons. Premièrement, il exige que le détenu soit informé de son droit à l’assistance d’un avocat. C’est le volet informationnel. Deuxièmement, il exige que le détenu ait la possibilité d’exercer son droit de consulter un avocat. C’est le volet mise en application. L’inobservation de l’un ou l’autre de ces volets va à l’encontre de l’objet de l’al. 10b) et constitue une atteinte aux droits du détenu : Manninen. Le deuxième volet comporte l’obligation pour la police de suspendre les questions jusqu’à ce que le détenu ait eu une possibilité raisonnable de consulter un avocat. Les obligations de la police qui découlent de l’al. 10b) ne sont pas absolues. À moins que le détenu n’invoque son droit et ne l’exerce d’une façon raisonnablement diligente, l’obligation correspondante pour la police de lui donner une possibilité raisonnable de l’exercer, ainsi que de s’abstenir de tenter de lui soutirer des éléments de preuve ne prendra pas naissance ou sera suspendue : R. c. Tremblay, [1987] 2 R.C.S. 435, p. 439, et R. c. Black, [1989] 2 R.C.S. 138, p. 154‑155.
[28] Une fois informé de son droit de consulter un avocat, le détenu peut y renoncer, c’est‑à‑dire décider de ne pas se prévaloir de la possibilité qui lui a été offerte de consulter un avocat. Le droit de choisir de coopérer ou non avec la police, objet fondamental de l’al. 10b), a été respecté en cas de renonciation valide, et il n’y a donc pas de violation.
[29] Le droit prévu à l’al. 10b) d’avoir recours à l’assistance d’un avocat et d’être informé de ce droit donne appui au droit général de garder le silence garanti par l’art. 7. Il ne faut toutefois pas confondre les droits que confèrent ces deux dispositions. L’un des objectifs importants des conseils juridiques est d’informer l’accusé de son droit de choisir de coopérer ou non à l’enquête policière et de la façon de l’exercer. L’alinéa 10b) prévoit un droit spécifique visant un aspect de la protection du droit au silence, à savoir la possibilité d’obtenir l’assistance d’un avocat. Certaines situations peuvent mettre en jeu des questions relevant à la fois de l’al. 10b) et de l’art. 7. Lorsqu’il est allégué en vertu de l’art. 7 et de la règle des confessions qu’une déclaration n’est pas volontaire à cause de la dénégation du droit de consulter un avocat, les faits sur lesquels se fondent les deux examens peuvent se chevaucher : Singh. Les deux examens demeurent toutefois distincts. Le fait que la police se soit conformée à l’al. 10b) ne signifie pas que la déclaration a été faite volontairement selon la règle des confessions. À l’inverse, le fait qu’une déclaration soit volontaire n’écarte pas la possibilité d’une violation de l’al. 10b). Il s’ensuit que Singh, qui porte sur le droit de garder le silence garanti par l’art. 7, ne règle pas la question soulevée en l’espèce.
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