samedi 6 novembre 2010

Revue de la jurisprudence sur l'infraction de refus prévue à l'article 254(5)

R. c. Légaré, 2010 CanLII 63061 (QC C.M.)

[85] L'infraction de refus prévue à l'article 254(5) du Code criminel vise tout autant le refus formel d'obtempérer à l'ordre de l'agent de la paix de fournir un échantillon d'haleine que le défaut de fournir un échantillon « nécessaire » à une analyse à l'aide d'un appareil de dépistage, comme prévu à l'article 254(2), ou celui « nécessaire à une analyse convenable » à l'aide d'un éthylomètre, tel que prévu à l'article 254(3) (R. c. MacLennan, (1973) 13 C.C.C. (2d) 217, 220 (C.A. N.-E.); R. c. Hart, (1983) 21 M.V.R. 65, 67 (C.A. T.-N.)).

[86] En outre de la preuve de conduite ou de garde et contrôle du véhicule par l’accusé, les éléments constitutifs de cette infraction, lesquels font partie du fardeau de preuve hors de tout doute raisonnable de la poursuite, sont les suivants dans un cas, comme celui qui nous occupe, où il s'agit d'un ordre donné en vertu de l'article 254(3) (voir R. c. Lewko, 2002 SKCA 121 (CanLII), (2002) 7 C.R. (6th) 71, 78 (C.A. Sask.)) :

1.- Un ordre donné par un agent de la paix qui a des motifs raisonnables de croire à la commission d’une infraction à l’article 253 C.cr.

[87] Il doit s'agir d'un ordre. Le policier n'est pas obligé d'utiliser une formule sacramentelle. Ce qui importe, c'est que le justiciable ait l'information qui lui permet de comprendre qu'il n'a pas le choix et qu'il doit s'y conformer (Boucher c. La Reine, (1986) 47 M.V.R. 173, 176 (Q.B. N.-B.)). Le policier n'a pas l'obligation d'aviser le justiciable que le défaut d'obtempérer entraînera une accusation de refus (MacLennan, précitée, p. 221). Cependant, le fait d'en aviser le justiciable lui laisse entendre qu'il s'agit d'un ordre contraignant.

[88] Pour que cet ordre soit valide, le policier doit avoir des motifs raisonnables de croire à la commission d'une infraction à l'article 253 C.cr. (Dupré c. La Reine, [1995] A.Q. nº 1155, par. 10 (C.S.); Gavin c. La Reine, (1994) 50 M.V.R. (2d) 302, 305 (C.A. I.P.E.)).

[89] Les motifs raisonnables doivent exister au moment où l'ordre est donné (R. c. Warford, reflex, (1981) 61 C.C.C. (2d) 489, 493 (C.A. T.-N.)). Le Tribunal doit apprécier l'ensemble de la preuve relative à la situation qui existe à ce moment pour décider s'il y a des motifs raisonnables justifiant de sommer le justiciable de fournir des échantillons d'haleine (R. c. McClelland, (1995) 12 M.V.R. (3d) 288, 295 (C.A. Alb.)).

[90] L'ordre doit aussi être donné immédiatement ou dès que possible après que l'agent a acquis des motifs raisonnables.

[91] Lorsque l'ordre donné ne respecte pas ces exigences, le premier élément de l'infraction n'est pas prouvé. L'ordre peut aussi s'avérer illégal. Dans ces cas, il ne peut y voir commission d'une infraction de refus.

2 - Le comportement ou la réponse du justiciable doit constituer un refus définitif.

[92] Tel que mentionné précédemment, le défaut d'obtempérer est une forme de refus.

[93] Pour déterminer si un comportement constitue un refus, le Tribunal doit tenir compte de l'ensemble des circonstances mises en preuve (Dupré c. La Reine, [1995] A.Q. no 1155, par. 13-14 (C.S.)).

3 - Le comportement reproché au défendeur doit être volontaire.

[94] Selon les circonstances, le Tribunal peut inférer l'intention du comportement du justiciable [Assaf c. La Reine, (1988) 7 M.V.R. (2d) 58, 63-64 (C.A. N.-E.)].

[95] Il importe de noter que l’intention fait partie des éléments que la poursuite doit établir hors de tout doute raisonnable. Il faut de plus éviter de confondre cet élément, l’intention, et le moyen de défense qu’est l’excuse raisonnable de l’accusé [Lewko, précitée, par. 30 et 35; R. c. Bolduc, REJB 2000-22238, par. 12, 14 à 16 (C.A.)].

4.- La défense.

[96] Lorsque la poursuite a établi les éléments constitutifs de l'infraction, le Tribunal doit analyser la preuve pour apprécier si l'accusé a offert une excuse raisonnable à son refus. À défaut d'une telle excuse lorsque le fardeau de preuve de la poursuite est rencontré, l'accusé doit être déclaré coupable de l'infraction (Lewko, précitée, p. 78).

[97] Enfin, en vertu de l'article 258(3) C.cr., le Tribunal peut tirer une conclusion défavorable à l'accusé dans le cadre d'une poursuite pour une infraction de conduite avec les facultés affaiblies s'il conclut à la culpabilité de l'accusé à une infraction de refus. Ainsi, le juge peut considérer que le refus constitue une preuve de comportement postérieur compatible avec la culpabilité de l'accusé à l'infraction de « conduite avec les facultés affaiblies ». Cette inférence défavorable ne vaut qu’à l’égard des infractions prévues à l’article 253 C.cr.

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