R. c. Stabile, 2010 QCCQ 10118 (CanLII)
[34] Dans l’arrêt Evans, précité, la juge McLachlin, au paragr. 31, rappelle que :
31 Le droit d’être informé dans les plus brefs délais des motifs de son arrestation énoncé à l’al. 10a) de la Charte découle fondamentalement de la notion que personne n’est tenu de se soumettre à une arrestation [page 887] dont il ne connaît pas le motif : R. v. Kelly reflex, (1985), 17 C.C.C. (3d) 419 (C.A. Ont.), à la p. 424. Un second aspect de ce droit découle de son rôle complémentaire à l’égard du droit à l’assistance d’un avocat que confère l’al. 10b) de la Charte. Comme le juge Wilson le dit dans l’arrêt R. c. Black, 1989 CanLII 75 (C.S.C.), [1989] 2 R.C.S. 138, aux pp. 152 et 153 ” [u]ne personne ne peut valablement exercer le droit que lui garantit l’al. 10b) que si elle connaît l’ampleur du risque qu’elle court ”. Pour interpréter l’al. 10a) en tenant compte de son objet, il faut prendre en considération le double fondement de ce droit.
[35] Dans l’évaluation d’une violation de l’al. 10a) de la Charte, la juge McLachlin spécifie, au paragr. 35, que « c’est la substance de ce qu’on peut raisonnablement supposer que [le détenu] a compris qui est déterminante plutôt que le formalisme des mots exacts utilisés. »
[37] On peut donc conclure que l’accusé « a été mis au courant des faits susceptibles de lui permettre de décider s’il devait continuer de se soumettre à la détention » : R. c. Evans, précité, paragr. 36.
[41] Tel que mentionné par la Cour d’appel du Québec, dans l’arrêt R. c. Reber, [1990] J.Q. No 302 (C.A.), EYB 1990-57300, au paragr. 22, « une attitude semblable constituait dès le départ un accroc au droit à l’avocat ».
[42] Il est évident que les policiers n’ont pas respecté les dispositions de l’al. 10b) de la Charte au moment initial de l’arrestation. L’accusé n’a été avisé de son droit à l’assistance d’un avocat qu’une fois amené devant l’alcootest, et ce, dans une langue qu’il ne connaissait pas.
[43] Incapables de lui expliquer en français l’étendue de ce droit quand il leur a mentionné qu’il ne les comprenait pas, les policiers lui ont remis une carte des droits bilingue afin qu’il puisse s’auto-informer.
[44] Dans l’arrêt Evans, précité, la Cour suprême énonce, au paragr. 44, ceci :
44 […] Une personne qui ne comprend pas son droit n’est pas en mesure de l’exercer. L’objet de l’al. 10b) est d’exiger des policiers qu’ils fassent connaître à la personne détenue son droit à l’assistance d’un avocat. […] Mais lorsque, comme en l’espèce, il y a des signes concrets que l’accusé ne comprend pas son droit à l’assistance d’un avocat, les policiers ne peuvent se contenter de la récitation rituelle de la mise en garde relative à ce droit de l’accusé; ils doivent prendre des mesures pour faciliter cette compréhension.
[45] « L’obligation d’informer un citoyen arrêté de son droit à l’avocat comporte nécessairement celle de s’assurer qu’il comprend la portée de son droit, ce qui lui permet de décider s’il veut se prévaloir de son droit ou y renoncer en toute connaissance de cause » : R. c. Reber, précité, paragr. 24.
[46] Remettre une carte bilingue à une personne arrêtée ou détenue pour qu’elle en prenne connaissance par elle-même n’est pas un moyen acceptable permettant de s’assurer qu’elle est en mesure de bien comprendre la portée de son droit.
[47] La procédure appropriée aurait été de solliciter l’aide d’un autre agent « peacekeeper », s’exprimant convenablement en français, pour l’informer de ses droits. À cette étape, si personne ne pouvait intervenir efficacement, il fallait requérir les services d’un interprète toujours disponible en cas d’arrestation ou de détention d’une personne de langue étrangère.
[49] Lorsqu’un détenu saisit le contenu et la portée des informations transmises, il peut alors en toute connaissance de cause renoncer à l’exercice du droit à l’avocat. « [T]oute renonciation volontaire doit se fonder sur une appréciation véritable des conséquences de la renonciation à ce droit » : R. c. Clarkson, 1986 CanLII 61 (C.S.C.), [1986] 1 R.C.S. 383, p. 396. « Il s’ensuit qu’une renonciation ne vaut pas si l’accusé n’a pas compris qu’il avait droit à l’assistance d’un avocat sans délai » : R. c. Reber, précité, paragr. 26.
[50] Quelle compréhension l’accusé avait-il des informations inscrites sur cette carte des droits? Les policiers n’en savent rien. L’accusé comprenait-il qu’il avait la possibilité de s’entretenir avec l’avocat de son choix ou avec un avocat du service de garde de l’aide juridique ou de la pratique privée sans égard à ses moyens financiers? Même si l’accusé n’a pas témoigné au soutien de sa requête, il ne ressort de la preuve qu’une forme d’incompréhension ou une absence d’informations à ce sujet.
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