mardi 1 mars 2011

L'état du droit sur la contraignabilité à témoigner du conjoint de fait, de l'individu marié et de la personne divorcée

R. c. Campeau, 1999 CanLII 13455 (QC C.A.)

L'appelant plaide que le conjoint de fait, comme le mari ou la femme selon l'art. 4 de la Loi sur la preuve au Canada, ne devrait pas être un témoin contraignable.

Avant de disposer de cette question de fond qui consiste à déterminer si le conjoint de fait devrait bénéficier de la même exemption que le mari ou la femme selon l'art. 4, supra, il convient de se demander si les conditions préalables à cette exemption qui vaut pour le mari ou la femme s'appliqueraient en l'espèce. En premier lieu, il y a lieu de déterminer à quel moment doit exister la qualité de conjoint (mari ou femme): est-ce à l'époque où l'infraction a été commise ou lors du procès au moment où le témoin est appelé à déposer?

L'objectif de la règle actuelle est double: il vise à assurer la protection de l'harmonie conjugale et reflète une répugnance naturelle à contraindre la femme ou le mari à se faire l'instrument de la condamnation de l'autre (R. c. Salituro, 1991 CanLII 17 (C.S.C.), [1991] 3 R.C.S. 654, 672). Partant de là, il est logique que la jurisprudence ait affirmé que la relation maritale doit exister au moment où le conjoint est appelé à témoigner. En conséquence, si les époux sont divorcés au moment où l'un d'eux est appelé à témoigner contre l'autre ou encore, même si encore mariés, «ils sont séparés sans possibilité de réconciliation», la société «n'a aucun intérêt à préserver l'harmonie conjugale» (R. c. Salituro, supra, p. 676).

Ce n'est donc pas, comme le juge du procès l'a décidé, la situation entre les conjoints au moment de la commission de l'infraction qui prévaut mais bien celle qui est démontrée lorsque le conjoint est appelé à déposer contre l'autre.

En l'espèce, même si, pour les fins de la discussion, un conjoint de fait pouvait être exempté, ce que je m'abstiens de décider, il se dégage clairement de la preuve que Ghislaine Dubreuil était un témoin contraignable. Elle fut la conjointe de fait de l'appelant pendant au moins trois ans. Toutefois, lors de son interrogatoire par la Couronne, elle témoigne qu'elle a cohabité avec l'appelant de 1989 jusqu'au mois de mai 1993 ou au début de l'été de la même année et que lors de l'arrestation de l'appelant, elle ne demeurait plus avec lui depuis deux mois et nul ne laisse entendre qu'après l'arrestation de l'appelant, il y aurait même eu tentative de réconciliation. L'appelant confirme la déposition de son ex-conjointe. En conséquence, même si en principe l'exemption de l'art. 4 s'appliquait à des conjoints de fait, Ghislaine Dubreuil ne l'était plus au moment de sa déposition.

Reste à disposer d'une autre objection se fondant cette fois sur le principe énoncé au par. 4(3) de la Loi sur la preuve au Canada que «nul ne peut être contraint de divulguer une communication que son conjoint lui a faite durant leur mariage».

Encore là, le premier obstacle que doit franchir l'appelant consiste à démontrer que cette disposition s'applique également aux conjoints de fait. Si tant est que cet argument pouvait être retenu, de toute façon il ne pourrait faire ici échec à la divulgation. En effet, ce «privilège» qui est accordé au témoin par ailleurs contraint à témoigner (il ne s'agit donc pas d'une prohibition absolue de divulguer), ne peut plus être invoqué si le mariage s'est dissout depuis la communication: un conjoint divorcé au moment de son témoignage ne peut soulever le privilège et il en serait ainsi pour un ex-conjoint de fait. C'est ce que les auteurs opinent, s'appuyant principalement sur deux arrêts qui tranchent cette question, dont la Cour suprême du Canada, dans l'arrêt Kanester, approuvant les motifs du juge McLean en Cour d'appel, lequel avait affirmé: «She was not his wife at the time she gave her evidence and it follows that not then being a wife that s. 4(3) of the Canada Evidence Act does not apply».

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