R. c. Pelletier, 2011 QCCQ 11109 (CanLII)
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[17] D'abord, l'accusé doit avoir proféré des menaces de mort ou des lésions corporelles à quelqu'un. Il s'agit de l'actus reus et il sera prouvé si, considérées de façon objective, dans le contexte des paroles prononcées, compte tenu de la personne à qui elles s'adressaient, ces paroles constituent des menaces pour une personne raisonnable.
[18] Par la suite, la poursuite a le fardeau de prouver la mens rea de l'infraction et plus précisément, l'intention de faire en sorte que les paroles soient perçues comme une menace de causer la mort ou des lésions corporelles, c'est-à-dire comme visant à intimider ou à être pris au sérieux. Ainsi, l'auteur de la menace doit avoir l'intention de voir ses propos pris au sérieux et visant à susciter un sentiment de crainte chez son destinataire. Il s'agit donc d'un crime d'intention spécifique.
[19] La défense d'intoxication volontaire est donc recevable et contrairement à la défense d'intoxication volontaire extrême à l'encontre d'une infraction d'intention générale qui n'est pas soustraite par l'article 33.1 du Code criminel, elle n'impose pas un fardeau de prépondérance appuyé par une expertise médicale. Si elle est vraisemblable, elle doit être examinée et si elle soulève un doute raisonnable que le degré d'ivresse était élevé au point que l'accusé ne possède pas l'intention spécifique requise, un verdict d'acquittement doit être prononcé. L'opinion des policiers et des agents de détention quant au degré d'ivresse de l'accusé est recevable. Dans l'arrêt Graat c. La Reine, 1982 CanLII 33 (CSC), [1982] 2 R.C.S. 819, la Cour suprême reprenant l'opinion du juge en chef Howland de la Cour d'appel d'Ontario, a jugé recevable le témoignage d'opinion des policiers quant au degré d'ivresse de l'accusé dans une affaire d'ivresse au volant. Ainsi, comme un tel témoignage d'opinion est recevable afin d'incriminer un accusé, il devrait aussi être permis pour le disculper.
[20] Dans l'arrêt Dyckow c. La Reine, J.E. 96-16, l'infraction reprochée à l'accusé en était une de menaces et notre Cour d'appel, se basant sur l'arrêt Clemente, précité, a renversé une décision d'instance et elle a acquitté l'accusé en concluant que la preuve de son état d'ébriété soulevait un doute raisonnable sur l'élément essentiel de la mens rea de l'infraction.
[22] Il semble acquis que la défense d'intoxication volontaire ne peut bénéficier à une personne qui se met volontairement en état d'ébriété avec l'intention ou pour se donner du courage de commettre une infraction. Au même effet, l'épileptique qui connaît les risques reliés au fait qu'il conduise et qui prend quand même le volant et cause un accident alors qu'il est en crise ne pourra se soustraire à sa responsabilité criminelle. Dans l'affaire R. c. Courville, 1985 CanLII 37 (CSC), [1985] 1 R.C.S. 847, pour une accusation de vol qualifié, le juge du procès avait conclu que bien que l'accusé appréciait la nature et la qualité de ses actes et comprenait que ses actes étaient illégaux, sa conduite était imputable à la perte de maîtrise de soi ou à une impulsion irrésistible qui était quant à elle due à des hallucinations résultant d'une intoxication volontaire au moyen de stupéfiant. L'accusé a été acquitté parce que l'état d'intoxication dans lequel il se trouvait soulevait un doute raisonnable sur le point de savoir s'il avait l'intention spécifique nécessaire à la perpétration des infractions dont on l'accusait. La Cour suprême se dit d'accord avec la Cour d'appel d'Ontario pour dire que le juge du procès avait commis une erreur en acquittant l'accusé. La Cour suprême précise que la perte de la maîtrise de soi ou l'impulsion irrésistible causée par une intoxication volontaire ne constitue pas un moyen de défense à une accusation criminelle au Canada. Tel n’est cependant pas le cas dans le litige qui nous occupe.
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