mercredi 7 novembre 2012

La Couronne ne peut pas faire valoir un nouvel argument en appel vise des situations dans lesquelles la poursuite change sa théorie en appel ou fait valoir un nouvel argument qui est incompatible avec ce qu’elle avait plaidé en première instance

R. c. Émond, 2012 QCCA 1573 (CanLII)

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[81] L’étude de la jurisprudence me convainc que la règle voulant que la Couronne ne puisse faire valoir un nouvel argument en appel vise des situations dans lesquelles la poursuite change sa théorie en appel ou fait valoir un nouvel argument qui est incompatible avec ce qu’elle avait plaidé en première instance ou auquel elle avait expressément renoncé.

[82] Ainsi en est-il des arrêts suivants rendus par la Cour suprême :

- Wexler c. R. : l’appelant avait été acquitté d’une accusation de meurtre. La poursuite avait fait valoir qu’il avait agi volontairement et le juge avait instruit le jury que s’il croyait la version de l’accusé qui prétendait que le coup de feu mortel était accidentel, il devait l’acquitter. En appel, la Couronne faisait valoir un motif autre pour obtenir une condamnation pour meurtre en plus de faire valoir la thèse de l’homicide involontaire coupable alors qu’il n’en avait jamais été question en première instance. La Cour suprême a cassé l’arrêt de la Cour d’appel qui avait ordonné un nouveau procès;

- Savard c. R.: les deux appelants , des policiers, avaient été poursuivis pour homicide involontaire coupable à la suite d’une poursuite au cours de laquelle un fuyard avait été tué par un projectile d’arme à feu. Ils avaient été poursuivis ensemble sur la base de l’article 29(2) C.cr., maintenant devenu l’article 21(2). En appel, la poursuite recherchait une condamnation sur la base de la responsabilité individuelle de chacun. La Cour suprême a jugé que cela violerait le droit des accusés de ne pas être mis en péril deux fois (not to be placed a second time in jeopardy);

- R. c. Penno : l’appelant a été acquitté de quatre accusations dont celle d’avoir eu la garde et le contrôle d’un véhicule alors que ses capacités étaient affaiblies. En défense, il a témoigné qu’il était ivre au point de ne plus se rappeler de rien de ce qui s’était passé. En appel, la poursuite a invoqué que ce moyen de défense ne pouvait être soulevé à cause de la présomption de l’article 237(1)a) C.cr. (maintenant l'article 258(1)a)). La Cour suprême a jugé que la poursuite, n’ayant pas invoqué cette présomption au procès, ne pouvait le faire en appel, mais devait plaider l'appel sur la seule preuve établissant que l’appelant avait bien la garde et le contrôle au sens de l’article 234(1)a) du Code (maintenant l'article 253(1)a)). Permettre au ministère public d’invoquer la présomption en appel aurait pour effet de priver l’appelant de la possibilité de présenter une défense pleine et entière, ce qu’il aurait pu faire si la présomption avait été invoquée au procès.

[83] Dans l’arrêt R. c. Varga, la Cour d’appel de l’Ontario n’a pas permis à la poursuite de plaider en appel que le juge du procès n’aurait pas dû donner à la défense accès aux dossiers médicaux et psychiatriques de la plaignante dans une affaire de viol alors qu’elle ne l’avait pas plaidé au procès bien que son avocat ait vu tous les documents en question. La Cour a jugé que la poursuite ne pouvait, afin d’obtenir un nouveau procès, faire valoir un nouveau critère d’admissibilité de la preuve « […] that contradicts the one advanced at trial ». Il ne s’agissait pas seulement du défaut de s’opposer, en l’espèce, cela équivalait à un choix délibéré de ne pas plaider la question au procès. La même solution a été retenue par la Cour d’appel de la Saskatchewan lorsque la poursuite avait fait un choix tactique délibéré au procès. Elle ne pouvait ensuite, en appel, remettre ce choix en question.

[84] Enfin, dans l'arrêt Vaillancourt, le juge Brossard note que non seulement le nouveau moyen avancé en appel n'avait-il pas été plaidé en première instance mais il avait été expressément exclu par le ministère public. De la même façon dans son arrêt Fitzwilliams, la Cour a refusé au poursuivant de faire valoir une position qui, en plus d'être soumise pour la première fois en appel, était par ailleurs incompatible avec celle prise au procès par l'avocat du ministère public.

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