R. c. Arthurs, 2000 CSC 19 (CanLII)
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Pour les motifs exposés dans l’arrêt R. c. Wust, 2000 CSC 18 (CanLII), [2000] 1 R.C.S. 455, 2000 CSC 18, le tribunal qui détermine la peine peut accorder au délinquant une réduction de sa peine pour tenir compte de toute période que ce dernier a passée sous garde avant le prononcé de celle-ci, même si cette réduction aboutit à une peine inférieure à la peine minimale prévue, étant donné que les peines minimales obligatoires doivent être interprétées et exécutées conformément au régime général de détermination de la peine du système de justice criminelle.
mardi 23 avril 2013
Sanctions et mesures prévues par le Code criminel et le Code de la sécurité routière Code criminel Code de la sécurité routière
1re infraction
APRÈS DÉCLARATION DE CULPABILITÉ CRIMINELLE
•Interdiction de conduire pour une période minimale de 1 an
•Amende minimale de 1 000 $
•Casier judiciaire
Pour une alcoolémie supérieure à 80 mg par 100 ml, sans excéder 160 mg par 100 ml :
À l'ARRESTATION (donc avant le procès criminel)
•Suspension immédiate du permis pour 90 jours
APRÈS DÉCLARATION DE CULPABILITÉ CRIMINELLE
•Révocation du permis pour 1 an
•Évaluation sommaire du conducteur pour établir si son rapport à l'alcool ou aux drogues compromet la conduite sécuritaire d'un véhicule
•Si l'évaluation sommaire est favorable :
•programme Alcofrein obligatoire
•Si l'évaluation sommaire est non favorable :
•évaluation complète
•antidémarreur éthylométrique obligatoire pour 1 an après la fin de la période de révocation et une fois que l'évaluation est satisfaisante pour la Société
Pour une alcoolémie supérieure à 160 mg par 100 ml ou pour un refus d'obtempérer :
À l'ARRESTATION (donc avant le procès criminel)
•Suspension immédiate du permis pour 90 jours (peut être prolongée si l'évaluation du risque n'est pas favorable)
•Saisie du véhicule pour 30 jours
•Évaluation du risque
APRÈS DÉCLARATION DE CULPABILITÉ CRIMINELLE
•Révocation du permis pour 3 ans
•Évaluation de la capacité à dissocier consommation et conduite
•Antidémarreur éthylométrique pour 2 ans après la révocation et une fois que l'évaluation est satisfaisante pour la Société
2e infraction
APRÈS DÉCLARATION DE CULPABILITÉ CRIMINELLE
•Interdiction de conduire pour une période minimale de 2 ans
•Emprisonnement minimal de 30 jours
Pour une alcoolémie supérieure à 80 mg par 100 ml, sans excéder 160 mg par 100 ml :
À l'ARRESTATION (donc avant le procès criminel)
•Suspension immédiate du permis pour 90 jours
•Saisie du véhicule pour 90 jours
•Évaluation du risque
APRÈS DÉCLARATION DE CULPABILITÉ CRIMINELLE
•Retrait du droit à l'immatriculation
•Révocation du permis pour 3 ans
•Évaluation de la capacité à dissocier consommation et conduite
•Antidémarreur éthylométrique pour 2 ans après la révocation et une fois que l'évaluation est satisfaisante pour la Société
Pour une alcoolémie supérieure à 160 mg par 100 ml ou pour un refus d'obtempérer :
À l'ARRESTATION (donc avant le procès criminel)
•Suspension immédiate du permis pour 90 jours
•Saisie du véhicule pour 90 jours
•Évaluation du risque
•Évaluation du comportement
APRÈS DÉCLARATION DE CULPABILITÉ CRIMINELLE
•Retrait du droit à l'immatriculation (7)
•Révocation du permis pour 5 ans
•Évaluation de la capacité à dissocier consommation et conduite
•Antidémarreur éthylométrique pour 3 ans (ou à vie s'il s'agit de la 2e condamnation pour une alcoolémie de plus de 160 mg par 100 ml ou pour un refus d'obtempérer) après la révocation et une fois que l'évaluation est satisfaisante pour la Société
3e infraction et les subséquentes
APRÈS DÉCLARATION DE CULPABILITÉ CRIMINELLE
•Interdiction de conduire pour une période minimale de 3 ans
•Emprisonnement minimal de 120 jours
À l'ARRESTATION (donc avant le procès criminel)
•Suspension immédiate du permis pour 90 jours
•Saisie immédiate du véhicule pour 90 jours
•Évaluation du risque
APRÈS DÉCLARATION DE CULPABILITÉ CRIMINELLE
•Retrait du droit à l'immatriculation
•Révocation du permis pour 5 ans
•Évaluation de la capacité à dissocier consommation et conduite
•Antidémarreur éthylométrique à vie
Accident(5) causant des lésions corporelles
Emprisonnement maximal de 10 ans Selon les dispositions prévues pour une 1re, 2e ou 3e infraction
Accident causant la mort
Peine maximale d'emprisonnement à perpétuité Selon les dispositions prévues pour une 1re, 2e ou 3e infraction
Période de référence pour le calcul de la récidive
Pas de période mentionnée au Code criminel 10 ans
Autres dispositions
•Conduite durant une sanction : saisie du véhicule pour 30 jours et amende de 1 500 $ à 3 000 $
•Zéro alcool pour les titulaires d'un permis de 21 ans et moins, d'un permis d'apprenti conducteur et d'un permis probatoire et pour les titulaires, depuis moins de 5 ans, d'un permis autorisant la conduite d'un cyclomoteur ou d'un tracteur de ferme
•Zéro alcool pour les conducteurs d'autobus, de minibus et de taxis
•Maximum de 50 mg par 100 ml de sang pour les conducteurs de véhicules lourds autres que les minibus et autobus
Tiré de : SAAQ: Lois et sanctions
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http://www.saaq.gouv.qc.ca/securite_routiere/comportements/alcool/comprendre/lois_sanctions.php
lundi 22 avril 2013
Principes applicables en matière de suggestion commune
Dumont c. R., 2013 QCCA 576 (CanLII)
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[12] Toutefois, même si la juge n'était pas liée par la suggestion commune, elle ne pouvait l'écarter que « si elle est déraisonnable, contraire à l'intérêt public ou susceptible de déconsidérer l'administration de la justice ». Comme l'explique le juge Fish, alors à la Cour d'appel, dans l'arrêt Verdi-Douglas c. R. , ces différentes formules se recoupent sous le critère du caractère raisonnable de la suggestion commune :
[51] In my view, a reasonable joint submission cannot be said to "bring the administration of justice into disrepute". An unreasonable joint submission, on the other hand, is surely "contrary to the public interest". Accordingly, though it is purposively framed in striking and evocative terms, I do not believe that the Ontario standard departs substantially from the test of reasonableness articulated by other courts, including our own. Their shared conceptual foundation is that the interests of justice are well served by the acceptance of a joint submission on sentence accompanied by a negotiated plea of guilty - provided, of course, that the sentence jointly proposed falls within the acceptable range and the plea is warranted by the facts admitted.
[Références omises.]
[13] Nos tribunaux reconnaissent à la suggestion commune issue d'une négociation rigoureuse entre le ministère public et l'accusé une « force persuasive certaine », qui vise à assurer à l'accusé que la recommandation commune obtenue en échange de son plaidoyer de culpabilité sera respectée par le juge chargé de déterminer la peine, pourvu qu'elle soit raisonnable. Certes, il ne s'agit pas d'une règle formelle, mais plutôt d'une politique judiciaire nécessaire en vue d'encourager la négociation des plaidoyers de culpabilité, qui joue un rôle essentiel au sein de l'institution pénale.
[15] Il est bien établi qu'en présence d'une suggestion commune issue d'un plaidoyer de culpabilité, « l'exercice en appel ne consiste pas à se demander si la peine imposée par le juge de première instance est raisonnable, mais de déterminer si la suggestion commune est déraisonnable, inadéquate, contraire à l'intérêt public ou de nature à déconsidérer l'administration de la justice ».
[16] Il nous faut donc tout d'abord évaluer si la suggestion commune est raisonnable.
b) Le caractère raisonnable de la suggestion commune
[18] Plusieurs facteurs atténuants militent au surplus en faveur d'une peine propice à la réhabilitation de M. Dumont : sa jeunesse, l'accalmie de son comportement criminel au cours des 18 mois précédant le prononcé de la peine, sa présence assidue à ses séances de thérapie, à ses travaux compensatoires et à ses rendez-vous probatoires, la rupture des liens avec ses anciennes fréquentations indésirables, sa reconnaissance des conséquences néfastes de sa consommation de drogue, la diminution de cette consommation, ses démarches, même timides, pour se trouver un emploi et sa volonté de reprendre ses études. Le tableau n'est certes pas tout blanc, M. Dumont faisant preuve comme l'a noté la juge d'une profonde immaturité et d'un manque de motivation flagrant, mais rien dans la preuve ne requiert son incarcération à tout prix.
[21] Dans l'ensemble, force est de conclure que la suggestion commune n'était pas déraisonnable.
[22] La juge décide toutefois de la rejeter, comme elle en aurait eu le droit, pourvu qu'elle s'en explique en démontrant que la suggestion est déraisonnable. Il y a lieu, donc, de nous attarder aux raisons ayant poussé la juge à écarter la suggestion commune.
c) Les motifs de rejet de la suggestion commune
[25] La Cour suprême énonce en effet dans R. c. Gladue que « [l]es objectifs correctifs ne concordent habituellement pas avec le recours à l'emprisonnement ». Elle le répète dans R. c. Proulx, qui concerne spécifiquement l'emprisonnement dans la collectivité :
22 La condamnation à l'emprisonnement avec sursis intègre certains aspects des mesures substitutives à l'incarcération et certains aspects de l'incarcération. Parce qu'elle est purgée dans la collectivité, la peine d'emprisonnement avec sursis permet généralement de réaliser plus efficacement que l'incarcération les objectifs de justice corrective que sont la réinsertion sociale du délinquant, la réparation des torts causés aux victimes et à la collectivité et la prise de conscience par le délinquant de ses responsabilités. […]
[26] Les auteurs Hugues Parent et Julie Desrosiers, reprenant les mots de la Cour suprême, insistent eux aussi, dans un ouvrage récent, sur l'inefficacité de l'emprisonnement ferme par rapport au sursis pour favoriser la réhabilitation des délinquants :
[…] Malgré toute la bonne volonté des réformateurs, la prison ne réhabilite pas ou très peu. Conscient de « l'incapacité générale de l'emprisonnement à assurer la réadaptation du délinquant et sa réinsertion sociale », le législateur a prescrit de nouvelles dispositions visant à favoriser l'atteinte de ces objectifs tout en évitant la disqualification du condamné. Aussi, « parce qu'elle est purgée dans la collectivité, la peine d'emprisonnement avec sursis permet généralement de réaliser plus efficacement que l'incarcération […] la réinsertion sociale du délinquant ».
[27] En rejetant l'emprisonnement dans la collectivité recommandé par les parties au motif que l'incarcération apprendra plus efficacement à M. Dumont à « marcher droit » et à « fonctionner correctement dans la société », la juge va à l'encontre d'une jurisprudence bien établie voulant que l'incarcération n'aide généralement pas le délinquant à corriger son comportement. Avec égards, il ne s'agissait donc pas d'une raison valable d'écarter une suggestion commune raisonnable dans le cas de M. Dumont.
[28] Une seconde raison pour laquelle la juge a décidé de rejeter la suggestion commune est sa conviction que M. Dumont ne respectera pas les conditions de son sursis. On comprend du déroulement des audiences que cette conviction repose sur l'oisiveté et le peu d'effort que M. Dumont consacre à sa recherche d'emploi, principaux signes de son immaturité. Or, et cela dit avec respect, on ne peut inférer de ces facteurs que M. Dumont ne respectera pas les conditions de son sursis, sachant que ces conditions consistent principalement en une assignation à domicile, à la réalisation de travaux communautaires et à la continuation de ses traitements. Le second rapport présentenciel indique plutôt que M. Dumont se présente à ses rendez-vous et qu'il effectue des travaux communautaires au sein d'une fondation. Les indices que M. Dumont ne respecterait pas les conditions imposées n'étaient pas suffisants pour rendre la suggestion commune déraisonnable.
[29] Notons tout de même que ce constat ne signifie pas que la peine infligée par la juge est déraisonnable. Le caractère raisonnable de la peine infligée ne constitue cependant pas une raison de la confirmer, puisque « le fait que la peine imposée par le juge n'ait elle-même pas été déraisonnable ne suffit pas à justifier le rejet de la suggestion commune ».
Lien vers la décision
[12] Toutefois, même si la juge n'était pas liée par la suggestion commune, elle ne pouvait l'écarter que « si elle est déraisonnable, contraire à l'intérêt public ou susceptible de déconsidérer l'administration de la justice ». Comme l'explique le juge Fish, alors à la Cour d'appel, dans l'arrêt Verdi-Douglas c. R. , ces différentes formules se recoupent sous le critère du caractère raisonnable de la suggestion commune :
[51] In my view, a reasonable joint submission cannot be said to "bring the administration of justice into disrepute". An unreasonable joint submission, on the other hand, is surely "contrary to the public interest". Accordingly, though it is purposively framed in striking and evocative terms, I do not believe that the Ontario standard departs substantially from the test of reasonableness articulated by other courts, including our own. Their shared conceptual foundation is that the interests of justice are well served by the acceptance of a joint submission on sentence accompanied by a negotiated plea of guilty - provided, of course, that the sentence jointly proposed falls within the acceptable range and the plea is warranted by the facts admitted.
[Références omises.]
[13] Nos tribunaux reconnaissent à la suggestion commune issue d'une négociation rigoureuse entre le ministère public et l'accusé une « force persuasive certaine », qui vise à assurer à l'accusé que la recommandation commune obtenue en échange de son plaidoyer de culpabilité sera respectée par le juge chargé de déterminer la peine, pourvu qu'elle soit raisonnable. Certes, il ne s'agit pas d'une règle formelle, mais plutôt d'une politique judiciaire nécessaire en vue d'encourager la négociation des plaidoyers de culpabilité, qui joue un rôle essentiel au sein de l'institution pénale.
[15] Il est bien établi qu'en présence d'une suggestion commune issue d'un plaidoyer de culpabilité, « l'exercice en appel ne consiste pas à se demander si la peine imposée par le juge de première instance est raisonnable, mais de déterminer si la suggestion commune est déraisonnable, inadéquate, contraire à l'intérêt public ou de nature à déconsidérer l'administration de la justice ».
[16] Il nous faut donc tout d'abord évaluer si la suggestion commune est raisonnable.
b) Le caractère raisonnable de la suggestion commune
[18] Plusieurs facteurs atténuants militent au surplus en faveur d'une peine propice à la réhabilitation de M. Dumont : sa jeunesse, l'accalmie de son comportement criminel au cours des 18 mois précédant le prononcé de la peine, sa présence assidue à ses séances de thérapie, à ses travaux compensatoires et à ses rendez-vous probatoires, la rupture des liens avec ses anciennes fréquentations indésirables, sa reconnaissance des conséquences néfastes de sa consommation de drogue, la diminution de cette consommation, ses démarches, même timides, pour se trouver un emploi et sa volonté de reprendre ses études. Le tableau n'est certes pas tout blanc, M. Dumont faisant preuve comme l'a noté la juge d'une profonde immaturité et d'un manque de motivation flagrant, mais rien dans la preuve ne requiert son incarcération à tout prix.
[21] Dans l'ensemble, force est de conclure que la suggestion commune n'était pas déraisonnable.
[22] La juge décide toutefois de la rejeter, comme elle en aurait eu le droit, pourvu qu'elle s'en explique en démontrant que la suggestion est déraisonnable. Il y a lieu, donc, de nous attarder aux raisons ayant poussé la juge à écarter la suggestion commune.
c) Les motifs de rejet de la suggestion commune
[25] La Cour suprême énonce en effet dans R. c. Gladue que « [l]es objectifs correctifs ne concordent habituellement pas avec le recours à l'emprisonnement ». Elle le répète dans R. c. Proulx, qui concerne spécifiquement l'emprisonnement dans la collectivité :
22 La condamnation à l'emprisonnement avec sursis intègre certains aspects des mesures substitutives à l'incarcération et certains aspects de l'incarcération. Parce qu'elle est purgée dans la collectivité, la peine d'emprisonnement avec sursis permet généralement de réaliser plus efficacement que l'incarcération les objectifs de justice corrective que sont la réinsertion sociale du délinquant, la réparation des torts causés aux victimes et à la collectivité et la prise de conscience par le délinquant de ses responsabilités. […]
[26] Les auteurs Hugues Parent et Julie Desrosiers, reprenant les mots de la Cour suprême, insistent eux aussi, dans un ouvrage récent, sur l'inefficacité de l'emprisonnement ferme par rapport au sursis pour favoriser la réhabilitation des délinquants :
[…] Malgré toute la bonne volonté des réformateurs, la prison ne réhabilite pas ou très peu. Conscient de « l'incapacité générale de l'emprisonnement à assurer la réadaptation du délinquant et sa réinsertion sociale », le législateur a prescrit de nouvelles dispositions visant à favoriser l'atteinte de ces objectifs tout en évitant la disqualification du condamné. Aussi, « parce qu'elle est purgée dans la collectivité, la peine d'emprisonnement avec sursis permet généralement de réaliser plus efficacement que l'incarcération […] la réinsertion sociale du délinquant ».
[27] En rejetant l'emprisonnement dans la collectivité recommandé par les parties au motif que l'incarcération apprendra plus efficacement à M. Dumont à « marcher droit » et à « fonctionner correctement dans la société », la juge va à l'encontre d'une jurisprudence bien établie voulant que l'incarcération n'aide généralement pas le délinquant à corriger son comportement. Avec égards, il ne s'agissait donc pas d'une raison valable d'écarter une suggestion commune raisonnable dans le cas de M. Dumont.
[28] Une seconde raison pour laquelle la juge a décidé de rejeter la suggestion commune est sa conviction que M. Dumont ne respectera pas les conditions de son sursis. On comprend du déroulement des audiences que cette conviction repose sur l'oisiveté et le peu d'effort que M. Dumont consacre à sa recherche d'emploi, principaux signes de son immaturité. Or, et cela dit avec respect, on ne peut inférer de ces facteurs que M. Dumont ne respectera pas les conditions de son sursis, sachant que ces conditions consistent principalement en une assignation à domicile, à la réalisation de travaux communautaires et à la continuation de ses traitements. Le second rapport présentenciel indique plutôt que M. Dumont se présente à ses rendez-vous et qu'il effectue des travaux communautaires au sein d'une fondation. Les indices que M. Dumont ne respecterait pas les conditions imposées n'étaient pas suffisants pour rendre la suggestion commune déraisonnable.
[29] Notons tout de même que ce constat ne signifie pas que la peine infligée par la juge est déraisonnable. Le caractère raisonnable de la peine infligée ne constitue cependant pas une raison de la confirmer, puisque « le fait que la peine imposée par le juge n'ait elle-même pas été déraisonnable ne suffit pas à justifier le rejet de la suggestion commune ».
mercredi 17 avril 2013
Revue de la jurisprudence sur le dédommagement par le juge Marc Bisson
R. c. Robert, 2013 QCCQ 2396 (CanLII)
Lien vers la décision
[69] Dans l'affaire Legault c. R., notre Cour d'appel commente ainsi (références omises) :
7 L’ordonnance de dédommagement fait partie du processus de détermination de la peine. Elle émane d’un pouvoir discrétionnaire qui doit être exercé avec circonspection.
10 Les principes qui prévalent en matière de dédommagement sont exposés par l'auteur François Dadour :
1. L’ordonnance de dédommagement doit être rendue avec circonspection ;
2. Cette ordonnance fait partie intégrante de la détermination de la peine en ce qu’elle participe à la sanction du contrevenant, lie ce dernier au dédommagement de la victime, le prive du fruit de l’infraction qu’il a commise et facilite la remise en état de la victime ;
3. Le juge d’instance doit considérer l’objectif visé par le créancier du dédommagement, de même que l’existence de procédures civiles ;
4. L’ordonnance de restitution n’est pas un substitut à ces procédures civiles ;
[...]
9. Le dédommagement en double peut être évité par le recours aux juridictions civiles ;
10. L’ordonnance de dédommagement peut être indiquée lorsqu’un jugement civil est inexécutoire suite à la faillite du débiteur.
11 L’auteur ajoute :
Il est à noter que le juge d’instance a le pouvoir de rendre une ordonnance de dédommagement pour un montant inférieur aux dommages causés. En effet et en lien avec un commentaire similaire quant au quantum des amendes, il n’est ni souhaitable ni approprié qu’une ordonnance de dédommagement mette en péril les chances de réhabilitation du contrevenant par la destruction de son patrimoine.
12 L’auteur Ruby partage le même avis :
A compensation order which would ruin the offender financially, thus impairing chances of rehabilitation, should not be imposed; neither should one be made where compliance would be particularly onerous or impossible, nor where enforcement would be difficult or impossible. The totality principle applies to the whole of the sentence, including the order of restitution.
13 La jurisprudence a également établi que le juge qui rend l’ordonnance de dédommagement doit tenir compte des ressources financières de l’accusé, même si la capacité ne doit pas toujours être le facteur déterminant. Comme l'explique le juge Doherty, s'exprimant pour la Cour d’appel de l’Ontario, dans Taylor :
(5) It has been stated many times that restitution is a discretionary order. It should only be made with restraint and caution and not only in order to avoid putting the victim through the extra legal expense of going to the civil courts or as a substitute for civil procedure.
(6) As stated by Martin J.A., speaking for this court, in R. v. Scherer, reflex, (1984), 16 C.C.C. (3d) 30 at 38:
It may be that in some cases it would be inappropriate to make a compensation order in an amount that is unrealistic to think that the accused could ever discharge.
(7) In his reasons, the trial judge said:
The only possible way to complete that part of his rehabilitation is through penal consequences. Because of the magnitude of the crime, the duration of the crime, there is no other way to compensate the victims other than his family, then by a penitentiary term [emphasis added].
(8) He then ordered restitution. The restitution order appears to have been added as an afterthought to permit the victim to avoid the costs of a civil action. The Crown had not asked for a restitution order.
(9) The relevant factors and objectives to the imposition of a restitution order have been discussed by this court in R. v. Devgan, and R. v. Biegus. An order for restitution must also bear some reality to the circumstances of the appellant and must be directly associated with the sentence imposed as the public reprobation of the offence. In the circumstances of this case, the overriding factor is the means of the appellant. There is no ability, as noted by the trial judge, to pay even the most minute part of this staggering amount, with no expiry date. It would kill all hope for the appellant for the future and it would likely impair his chances of rehabilitation. The order is clearly excessive and futile and the trial judge erred in that regard.
(10) It remains open to the victim to take proceedings in the civil court, if so advised.
(14) En conclusion, une ordonnance de dédommagement doit être rendue avec pondération et circonspection afin de remplir les objectifs et principes de la détermination de la peine soit, plus particulièrement, la réparation des torts, la conscience de la responsabilité, la dénonciation et la dissuasion. Cette ordonnance ne constitue pas le substitut à un recours civil. Lorsque la capacité de payer est absente, comme en l’espèce, il est déraisonnable de rendre une ordonnance de dédommagement de plus d’un million de dollars. Il importe de souligner que l’ordonnance de dédommagement survie (sic) à la libération d’un failli. En l'espèce, le montant du dédommagement est si excessif que le délinquant ne pourra jamais l'acquitter, ce qui met en péril le principe de réinsertion sociale.
[70] Dans l'affaire Bendwell c. R., notre Cour d'appel commente ainsi (références omises) :
(14) L’ordonnance de remboursement est plus problématique compte tenu du peu de preuve sur la capacité de payer de l’appelant.
(16) Si l’objectif visé par le juge – d’assurer la réparation des torts causés aux victimes – est pertinent (C.cr., art. 718, alinéa e)), il ne saurait justifier à lui seul l’ordonnance. Il faut aussi tenir compte des ressources financières du contrevenant comme le rappelle la Cour suprême dans l’arrêt R. c. Fitzgibbon :
D’abord, l’arrêt Zelensky reconnaît que le tribunal doit tenir compte des ressources financières de l’accusé quand [il] envisage de rendre une ordonnance de dédommagement.
Ce que le juge a omis de faire.
(17) Ce facteur est lié à l’objectif de la réhabilitation du délinquant et à sa réinsertion sociale. Obliger un délinquant qui en a les moyens à indemniser sa victime est de nature à le responsabiliser. Par contre, une ordonnance susceptible de le maintenir démuni constitue un sérieux obstacle à toute reprise en main de sa part. Comme l’exprimait la Cour d’appel du Manitoba :
(8) From the wording of s. 738(1)(a) and its predecessor, the old s. 725(1), it is obvious that it is discretionary as to whether the court orders restitution or not. There is case law concerning both the old s. 725(1) and the present s. 738(1)(a) which forms a useful guide as to how that discretion should be exercised.
(1) […]
(2) The means of the offender are to be considered as an important factor in determining whether restitution should be ordered. That factor was specifically mentioned by Laskin C.J.C., who wrote for the majority of the Supreme Court of Canada, in R. v. Zelensky,. At p. 961, Lasking (sic) C.J.C. stated that the various factors, including the means of the offender, come down to this:
…[A]n order for compensation should only be made with restraint and with caution.
In the subsequent decision of the Ontario Court of Appeal in R. v. Scherer, Martin J.A., speaking for the appeal panel, agreed that the means of the offender is a factor to be considered, but that is not a controlling factor in every case. Martin J.A. went on to note at pp. 37-38:
It may be that in some cases it would be inappropriate and undesirable to make a compensation order in an amount that it is unrealistic to think the accused could ever discharge.
(3) The impact of a restitution order upon the chances of rehabilitation of the accused, either pro or con, is a factor to be considered. In R. v. Spellacy (R.A.), the Court of Appeal of Newfoundland approbated a passage from Sentencing in Canada (1982), by R. Paul Nadin-Davis, which contained the following passage at p. 497:
A compensation order which would ruin the accused financially, thus impairing his chances of rehabilitation, should not be imposed;
(4) […]
(18) Compte tenu des faits qui révèlent une déchéance sociale et financière, il est irréaliste de prévoir que l’appelant puisse un jour satisfaire l’ordonnance de remboursement, même pour une partie quelque peu substantielle.
(20) La Cour est d’avis que les circonstances de l’affaire rendent contre-indiquée l’ordonnance de remboursement.
[71] Par ailleurs, dans l'affaire Morin c. R., notre Cour d'appel est intervenue pour annuler l'ordonnance et ce pour les raisons suivantes :
(5) Premièrement, l’ordonnance a été rendue sans véritable débat sur la situation financière de l’appelant et, en conséquence, sans que le juge tienne véritablement compte de ses ressources pécuniaires.
(6) Deuxièmement, il ne s’agit pas ici d’un cas où « la valeur de remplacement des biens [pouvait] être facilement déterminée », pour reprendre les mots de l’article 738 du Code criminel.
(7) Ainsi, l’avocate de l’appelant faisait part au juge de première instance que son client, à qui le propriétaire avait offert de vendre sa maison, « avait l’impression que le montant qui avait été donné au propriétaire [par l’assureur] dépassait déjà la valeur de la résidence ».
(8) Finalement, la Cour note que le juge envisage l’ordonnance de dédommagement afin d’éviter aux victimes de « prendre des recours civils », alors qu’au moment du prononcé de la sentence, il s’était écoulé plus de cinq ans depuis les événements sans que quelque action civile ait été intentée contre l’appelant.
[72] Finalement, dans l'affaire R. c. Castro, la Cour d'appel de l'Ontario commente ainsi (références omises) :
(21) Section 738(1)(a) governs the making of restitution orders when money has been taken. It gives the court discretion to order the offender to make restitution by paying the victim “an amount not exceeding the replacement value of the property as of the date the order is imposed, less the value of any part of the property that is returned … where the amount is readily ascertainable”.
(26) … Thus, the omission of a sentencing judge to give any consideration to the relevant factor of the offender’s ability to repay the amount of money taken is an error. A restitution order is not intended to undermine the prospects for rehabilitation of the offender...
(27) Reviewing courts have, however, consistently held that no single factor is itself determinative of whether a compensation order should be granted and that the weight to be given to individual considerations will depend on the circumstances of each case. Those circumstances include two considerations I wish to emphasize: the nature of the offence and, when money has been taken, what has happened to the money.
(30) In imposing a sentence where the offender has used his or her position to commit a breach of trust, the primary considerations are the protection of the public, general deterrence and the repudiation of the conduct of which the offender was found guilty. Relevant factors include the length of time over which the conduct took place, whether the offence was a sophisticated and well planned scheme, the amount involved, and, most importantly, the impact of the offender’s conduct on the victims. The secondary considerations are specific deterrence, rehabilitation and any mitigating circumstances such as a plea of guilty or co-operation with the authorities (in tracing the funds): Scherer, per Martin J.A. at para. 34.
(32) Whether or not a breach of trust has occurred, the impact of the crime on the victim is an important factor. In Biegus, the appellant was one of several co-accused convicted of bank theft. The ringleader, Hornett, worked for Intercon Security and as a result had access to the combinations of ATM machines in various Royal Bank branches. Biegus was brought in by Hornett and participated with him in seven thefts. After Biegus pleaded guilty, he co-operated fully with the police and returned $14,000 of the cash. He received a sentence of two years less a day in jail and was ordered to make restitution of the remaining amount stolen in the seven thefts with Hornett, namely $638,534. The sentencing judge recognized that Biegus did not have the ability to pay this amount but did not say why this fact was irrelevant in imposing the order for restitution. On appeal, the court held that the sentencing judge erred in not addressing this factor and also erred by failing to take into account the potentially unfair effect to Biegus of the restitution orders already made against two other co-accused. The court did not say that Biegus engaged in any breach of trust. The restitution order was excessive and prevented Biegus’s rehabilitation. The court noted that the bank’s insurer had already repaid the bank $453,387.70. Furthermore, the bank could be in a position to recover a portion of its losses from Hornett. Therefore, the court reduced the amount of restitution to $264,000, the amount Biegus acknowledged he received from the robbery. Where the victim is a large institution, or is likely to have insurance for the amount of the loss, the impact on the victim will obviously be much less than in situations where disabled or elderly persons have lost their ability to earn income and to replace the money taken.
(33) This brings me to a discussion of the second consideration I wish to emphasize, namely evidence as to what has happened to the money that was taken illegally, and how this evidence factors into a determination of the ability to pay.
(34) Ability to pay must take into consideration what disclosure has been made respecting where the money is or has gone. Depriving the offender of the fruits of his crime is one of the overarching goals of making a restitution order: see Working Paper 5 of the Law Reform Commission of Canada, October 1974, cited with approval by Laskin C.J. in Zelensky at pp. 592-593. In cases of theft, robbery, fraud, breach of trust or the like, I see no reason why the court should accept an offender’s bald assertion that he or she has no ability to make restitution because the money “is gone” when no evidence is proffered in support of this assertion. When the victims can clearly establish that “the replacement value of the property” under s. 738(1)(a) is the amount of money taken, surely it is the offender asserting that he or she has no ability to make restitution who is in the best position to provide transparency concerning what has happened to that money. A bald assertion that the money is gone should be given no weight. Similarly, when the location of the money illegally obtained by the offender is unknown, the sentencing judge is entitled to take that fact into account with respect to ability to pay in making a restitution order.
(35) To summarize, a restitution order is simply part of the determination of an overall fit sentence, and general sentencing principles apply. While consideration of the offender’s ability to pay and the impact of a restitution order on an offender’s rehabilitation are factors to be considered, the weight to be given to these factors will vary depending on the nature of the offence and the circumstances of the offender. When the offence involves a breach of trust, a primary consideration is the effect on the victim; rehabilitation is a secondary consideration. Furthermore, consideration of the ability to pay includes the ability to make payment from the money taken as a source of restitution.
(43) … The fact that a restitution order provides a convenient, rapid and inexpensive means of recovery for the victim, especially a vulnerable victim, is one of the considerations in favour of the making of such an order.
Lien vers la décision
[69] Dans l'affaire Legault c. R., notre Cour d'appel commente ainsi (références omises) :
7 L’ordonnance de dédommagement fait partie du processus de détermination de la peine. Elle émane d’un pouvoir discrétionnaire qui doit être exercé avec circonspection.
10 Les principes qui prévalent en matière de dédommagement sont exposés par l'auteur François Dadour :
1. L’ordonnance de dédommagement doit être rendue avec circonspection ;
2. Cette ordonnance fait partie intégrante de la détermination de la peine en ce qu’elle participe à la sanction du contrevenant, lie ce dernier au dédommagement de la victime, le prive du fruit de l’infraction qu’il a commise et facilite la remise en état de la victime ;
3. Le juge d’instance doit considérer l’objectif visé par le créancier du dédommagement, de même que l’existence de procédures civiles ;
4. L’ordonnance de restitution n’est pas un substitut à ces procédures civiles ;
[...]
9. Le dédommagement en double peut être évité par le recours aux juridictions civiles ;
10. L’ordonnance de dédommagement peut être indiquée lorsqu’un jugement civil est inexécutoire suite à la faillite du débiteur.
11 L’auteur ajoute :
Il est à noter que le juge d’instance a le pouvoir de rendre une ordonnance de dédommagement pour un montant inférieur aux dommages causés. En effet et en lien avec un commentaire similaire quant au quantum des amendes, il n’est ni souhaitable ni approprié qu’une ordonnance de dédommagement mette en péril les chances de réhabilitation du contrevenant par la destruction de son patrimoine.
12 L’auteur Ruby partage le même avis :
A compensation order which would ruin the offender financially, thus impairing chances of rehabilitation, should not be imposed; neither should one be made where compliance would be particularly onerous or impossible, nor where enforcement would be difficult or impossible. The totality principle applies to the whole of the sentence, including the order of restitution.
13 La jurisprudence a également établi que le juge qui rend l’ordonnance de dédommagement doit tenir compte des ressources financières de l’accusé, même si la capacité ne doit pas toujours être le facteur déterminant. Comme l'explique le juge Doherty, s'exprimant pour la Cour d’appel de l’Ontario, dans Taylor :
(5) It has been stated many times that restitution is a discretionary order. It should only be made with restraint and caution and not only in order to avoid putting the victim through the extra legal expense of going to the civil courts or as a substitute for civil procedure.
(6) As stated by Martin J.A., speaking for this court, in R. v. Scherer, reflex, (1984), 16 C.C.C. (3d) 30 at 38:
It may be that in some cases it would be inappropriate to make a compensation order in an amount that is unrealistic to think that the accused could ever discharge.
(7) In his reasons, the trial judge said:
The only possible way to complete that part of his rehabilitation is through penal consequences. Because of the magnitude of the crime, the duration of the crime, there is no other way to compensate the victims other than his family, then by a penitentiary term [emphasis added].
(8) He then ordered restitution. The restitution order appears to have been added as an afterthought to permit the victim to avoid the costs of a civil action. The Crown had not asked for a restitution order.
(9) The relevant factors and objectives to the imposition of a restitution order have been discussed by this court in R. v. Devgan, and R. v. Biegus. An order for restitution must also bear some reality to the circumstances of the appellant and must be directly associated with the sentence imposed as the public reprobation of the offence. In the circumstances of this case, the overriding factor is the means of the appellant. There is no ability, as noted by the trial judge, to pay even the most minute part of this staggering amount, with no expiry date. It would kill all hope for the appellant for the future and it would likely impair his chances of rehabilitation. The order is clearly excessive and futile and the trial judge erred in that regard.
(10) It remains open to the victim to take proceedings in the civil court, if so advised.
(14) En conclusion, une ordonnance de dédommagement doit être rendue avec pondération et circonspection afin de remplir les objectifs et principes de la détermination de la peine soit, plus particulièrement, la réparation des torts, la conscience de la responsabilité, la dénonciation et la dissuasion. Cette ordonnance ne constitue pas le substitut à un recours civil. Lorsque la capacité de payer est absente, comme en l’espèce, il est déraisonnable de rendre une ordonnance de dédommagement de plus d’un million de dollars. Il importe de souligner que l’ordonnance de dédommagement survie (sic) à la libération d’un failli. En l'espèce, le montant du dédommagement est si excessif que le délinquant ne pourra jamais l'acquitter, ce qui met en péril le principe de réinsertion sociale.
[70] Dans l'affaire Bendwell c. R., notre Cour d'appel commente ainsi (références omises) :
(14) L’ordonnance de remboursement est plus problématique compte tenu du peu de preuve sur la capacité de payer de l’appelant.
(16) Si l’objectif visé par le juge – d’assurer la réparation des torts causés aux victimes – est pertinent (C.cr., art. 718, alinéa e)), il ne saurait justifier à lui seul l’ordonnance. Il faut aussi tenir compte des ressources financières du contrevenant comme le rappelle la Cour suprême dans l’arrêt R. c. Fitzgibbon :
D’abord, l’arrêt Zelensky reconnaît que le tribunal doit tenir compte des ressources financières de l’accusé quand [il] envisage de rendre une ordonnance de dédommagement.
Ce que le juge a omis de faire.
(17) Ce facteur est lié à l’objectif de la réhabilitation du délinquant et à sa réinsertion sociale. Obliger un délinquant qui en a les moyens à indemniser sa victime est de nature à le responsabiliser. Par contre, une ordonnance susceptible de le maintenir démuni constitue un sérieux obstacle à toute reprise en main de sa part. Comme l’exprimait la Cour d’appel du Manitoba :
(8) From the wording of s. 738(1)(a) and its predecessor, the old s. 725(1), it is obvious that it is discretionary as to whether the court orders restitution or not. There is case law concerning both the old s. 725(1) and the present s. 738(1)(a) which forms a useful guide as to how that discretion should be exercised.
(1) […]
(2) The means of the offender are to be considered as an important factor in determining whether restitution should be ordered. That factor was specifically mentioned by Laskin C.J.C., who wrote for the majority of the Supreme Court of Canada, in R. v. Zelensky,. At p. 961, Lasking (sic) C.J.C. stated that the various factors, including the means of the offender, come down to this:
…[A]n order for compensation should only be made with restraint and with caution.
In the subsequent decision of the Ontario Court of Appeal in R. v. Scherer, Martin J.A., speaking for the appeal panel, agreed that the means of the offender is a factor to be considered, but that is not a controlling factor in every case. Martin J.A. went on to note at pp. 37-38:
It may be that in some cases it would be inappropriate and undesirable to make a compensation order in an amount that it is unrealistic to think the accused could ever discharge.
(3) The impact of a restitution order upon the chances of rehabilitation of the accused, either pro or con, is a factor to be considered. In R. v. Spellacy (R.A.), the Court of Appeal of Newfoundland approbated a passage from Sentencing in Canada (1982), by R. Paul Nadin-Davis, which contained the following passage at p. 497:
A compensation order which would ruin the accused financially, thus impairing his chances of rehabilitation, should not be imposed;
(4) […]
(18) Compte tenu des faits qui révèlent une déchéance sociale et financière, il est irréaliste de prévoir que l’appelant puisse un jour satisfaire l’ordonnance de remboursement, même pour une partie quelque peu substantielle.
(20) La Cour est d’avis que les circonstances de l’affaire rendent contre-indiquée l’ordonnance de remboursement.
[71] Par ailleurs, dans l'affaire Morin c. R., notre Cour d'appel est intervenue pour annuler l'ordonnance et ce pour les raisons suivantes :
(5) Premièrement, l’ordonnance a été rendue sans véritable débat sur la situation financière de l’appelant et, en conséquence, sans que le juge tienne véritablement compte de ses ressources pécuniaires.
(6) Deuxièmement, il ne s’agit pas ici d’un cas où « la valeur de remplacement des biens [pouvait] être facilement déterminée », pour reprendre les mots de l’article 738 du Code criminel.
(7) Ainsi, l’avocate de l’appelant faisait part au juge de première instance que son client, à qui le propriétaire avait offert de vendre sa maison, « avait l’impression que le montant qui avait été donné au propriétaire [par l’assureur] dépassait déjà la valeur de la résidence ».
(8) Finalement, la Cour note que le juge envisage l’ordonnance de dédommagement afin d’éviter aux victimes de « prendre des recours civils », alors qu’au moment du prononcé de la sentence, il s’était écoulé plus de cinq ans depuis les événements sans que quelque action civile ait été intentée contre l’appelant.
[72] Finalement, dans l'affaire R. c. Castro, la Cour d'appel de l'Ontario commente ainsi (références omises) :
(21) Section 738(1)(a) governs the making of restitution orders when money has been taken. It gives the court discretion to order the offender to make restitution by paying the victim “an amount not exceeding the replacement value of the property as of the date the order is imposed, less the value of any part of the property that is returned … where the amount is readily ascertainable”.
(26) … Thus, the omission of a sentencing judge to give any consideration to the relevant factor of the offender’s ability to repay the amount of money taken is an error. A restitution order is not intended to undermine the prospects for rehabilitation of the offender...
(27) Reviewing courts have, however, consistently held that no single factor is itself determinative of whether a compensation order should be granted and that the weight to be given to individual considerations will depend on the circumstances of each case. Those circumstances include two considerations I wish to emphasize: the nature of the offence and, when money has been taken, what has happened to the money.
(30) In imposing a sentence where the offender has used his or her position to commit a breach of trust, the primary considerations are the protection of the public, general deterrence and the repudiation of the conduct of which the offender was found guilty. Relevant factors include the length of time over which the conduct took place, whether the offence was a sophisticated and well planned scheme, the amount involved, and, most importantly, the impact of the offender’s conduct on the victims. The secondary considerations are specific deterrence, rehabilitation and any mitigating circumstances such as a plea of guilty or co-operation with the authorities (in tracing the funds): Scherer, per Martin J.A. at para. 34.
(32) Whether or not a breach of trust has occurred, the impact of the crime on the victim is an important factor. In Biegus, the appellant was one of several co-accused convicted of bank theft. The ringleader, Hornett, worked for Intercon Security and as a result had access to the combinations of ATM machines in various Royal Bank branches. Biegus was brought in by Hornett and participated with him in seven thefts. After Biegus pleaded guilty, he co-operated fully with the police and returned $14,000 of the cash. He received a sentence of two years less a day in jail and was ordered to make restitution of the remaining amount stolen in the seven thefts with Hornett, namely $638,534. The sentencing judge recognized that Biegus did not have the ability to pay this amount but did not say why this fact was irrelevant in imposing the order for restitution. On appeal, the court held that the sentencing judge erred in not addressing this factor and also erred by failing to take into account the potentially unfair effect to Biegus of the restitution orders already made against two other co-accused. The court did not say that Biegus engaged in any breach of trust. The restitution order was excessive and prevented Biegus’s rehabilitation. The court noted that the bank’s insurer had already repaid the bank $453,387.70. Furthermore, the bank could be in a position to recover a portion of its losses from Hornett. Therefore, the court reduced the amount of restitution to $264,000, the amount Biegus acknowledged he received from the robbery. Where the victim is a large institution, or is likely to have insurance for the amount of the loss, the impact on the victim will obviously be much less than in situations where disabled or elderly persons have lost their ability to earn income and to replace the money taken.
(33) This brings me to a discussion of the second consideration I wish to emphasize, namely evidence as to what has happened to the money that was taken illegally, and how this evidence factors into a determination of the ability to pay.
(34) Ability to pay must take into consideration what disclosure has been made respecting where the money is or has gone. Depriving the offender of the fruits of his crime is one of the overarching goals of making a restitution order: see Working Paper 5 of the Law Reform Commission of Canada, October 1974, cited with approval by Laskin C.J. in Zelensky at pp. 592-593. In cases of theft, robbery, fraud, breach of trust or the like, I see no reason why the court should accept an offender’s bald assertion that he or she has no ability to make restitution because the money “is gone” when no evidence is proffered in support of this assertion. When the victims can clearly establish that “the replacement value of the property” under s. 738(1)(a) is the amount of money taken, surely it is the offender asserting that he or she has no ability to make restitution who is in the best position to provide transparency concerning what has happened to that money. A bald assertion that the money is gone should be given no weight. Similarly, when the location of the money illegally obtained by the offender is unknown, the sentencing judge is entitled to take that fact into account with respect to ability to pay in making a restitution order.
(35) To summarize, a restitution order is simply part of the determination of an overall fit sentence, and general sentencing principles apply. While consideration of the offender’s ability to pay and the impact of a restitution order on an offender’s rehabilitation are factors to be considered, the weight to be given to these factors will vary depending on the nature of the offence and the circumstances of the offender. When the offence involves a breach of trust, a primary consideration is the effect on the victim; rehabilitation is a secondary consideration. Furthermore, consideration of the ability to pay includes the ability to make payment from the money taken as a source of restitution.
(43) … The fact that a restitution order provides a convenient, rapid and inexpensive means of recovery for the victim, especially a vulnerable victim, is one of the considerations in favour of the making of such an order.
mardi 16 avril 2013
Revue du droit par la Cour suprême sur la défense de contrainte
R. c. Ryan, 2013 CSC 3 (CanLII)
Lien vers la décision
(2) La contrainte comme moyen de défense prévu par la loi, après l’arrêt Ruzic
[43] Que reste‑t‑il donc de l’art. 17 après l’arrêt Ruzic? La Cour n’a pas invalidé complètement l’art. 17, ne le déclarant inconstitutionnel qu’« en partie » (par. 1). Par conséquent, les quatre conditions nécessaires pour invoquer le moyen de défense prévu par la loi demeurent inchangées après l’arrêt Ruzic :
1. il doit y avoir une menace de causer la mort ou des lésions corporelles visant l’accusé ou un tiers;
2. l’accusé doit croire que les menaces seront mises à exécution;
3. l’infraction ne doit pas figurer sur la liste des infractions exclues;
4. l’accusé ne participe à aucun complot ni à aucune association le soumettant à la contrainte.
[44] Toutefois, la Cour, dans Ruzic, n’a pas seulement confirmé l’opposabilité du moyen de défense prévu par la loi en vigueur après l’avoir simplement dépouillé de ses parties inconstitutionnelles. Elle a aussi complété l’interprétation et l’application de l’art. 17 avec des éléments du moyen de défense de common law fondé sur la contrainte qui, selon elle, « s’accord[ent] davantage avec les valeurs de la Charte » (par. 56). Autrement dit, elle s’est servie, dans cette affaire, de la norme de common law pour interpréter les conditions positives de la loi (voir D. M. Paciocco, « No‑one Wants to Be Eaten: The Logic and Experience of the Law of Necessity and Duress » (2010), 56 Crim. L.Q. 240, p. 273).
[45] En cas d’ambiguïtés ou de lacunes dans l’art. 17 partiellement invalidé, le moyen de défense de common law fondé sur la contrainte s’applique de façon à préciser et à compléter le moyen de défense prévu par la loi :
L’analyse de la contrainte en common law verra son utilité confirmée du fait qu’elle permettra de clarifier les règles qui devaient être appliquées au moyen de défense de l’accusée en l’espèce et qui deviendront dorénavant applicables dans tous les autres cas, après l’invalidation partielle de l’art. 17 du Code criminel. [Nous soulignons; Ruzic, par. 55.]
[46] Dans l’arrêt Ruzic, la Cour a énoncé et analysé, relativement au moyen de défense de common law fondé sur la contrainte, trois éléments clés qui s’appliquent maintenant dans les causes relatives à l’art. 17, conjointement avec les quatre conditions qui comporte encore le moyen de défense fondé sur la loi : (1) aucun moyen de s’en sortir sans danger; (2) un lien temporel étroit; (3) la proportionnalité (voir Parent, p. 549‑550).
a) Aucun moyen de s’en sortir sans danger
[47] Le moyen de défense fondé sur la contrainte « se concentre sur la recherche d’un moyen de s’en sortir sans danger » (Ruzic, par. 61). À la suite de sa décision rendue dans Hibbert, la Cour a conclu, dans Ruzic, que ce moyen de défense ne s’appliquait pas aux personnes qui auraient pu échapper légalement et sans danger à la situation de contrainte. Pour pouvoir invoquer ce moyen de défense, l’accusé ne doit disposer d’aucun moyen de s’en sortir sans danger. Ce critère est lui‑même évalué en fonction de la norme objective modifiée de la personne raisonnable se trouvant dans une situation similaire.
b) Un lien temporel étroit
[48] Il doit exister « un lien temporel étroit entre les menaces et le préjudice que l’on menace de causer » (Ruzic, par. 96). Ce lien étroit entre les menaces et leur exécution doit être tel que l’accusé perde la capacité d’agir volontairement. L’exigence d’un lien temporel étroit entre les menaces et le préjudice que l’on menace de causer est liée à l’exigence que l’accusé ne dispose d’aucun moyen de se soustraire sans danger à la menace. Comme la Cour l’a expliqué dans Ruzic, des menaces « proférées longtemps auparavant [. . .] contribueraient à mettre en doute leur propre gravité et, plus particulièrement, l’argument de l’absence de moyen de s’en sortir sans danger » (par. 65).
[49] Tant que les exigences d’immédiateté et de présence de l’art. 17 demeuraient inchangées, les facteurs relatifs au moyen de se soustraire sans danger à la menace et au lien temporel étroit n’étaient guère pertinents. Des menaces de mort ou de lésions corporelles immédiates qui, selon leur destinataire, seront exécutées par une personne présente garantissaient l’existence d’un lien temporel étroit et ne laissaient au destinataire aucun moyen de s’en sortir sans danger. Toutefois, depuis l’invalidation des exigences d’immédiateté et de présence de l’art. 17, les exigences de la common law relatives à l’absence de moyen de se soustraire sans danger à la menace et au lien temporel étroit sont devenues des moyens essentiels pour évaluer le caractère moralement involontaire des actes de l’accusé.
[50] De plus, après l’invalidation des exigences d’immédiateté et de présence, la croyance de l’accusé voulant que les menaces seraient mises à exécution devait désormais être évaluée en fonction d’une norme objective modifiée de la personne raisonnable se trouvant dans une situation similaire. En effet, l’article 17 prévoit qu’une personne sera excusée « si elle croit que les menaces seront mises à exécution ». Donc, à première vue, l’article exige une croyance purement subjective, une norme moins exigeante qui était logique lorsque les menaces étaient manifestement immédiates et que leur auteur était physiquement présent sur les lieux. Cependant, une fois supprimées les exigences d’immédiateté et de présence, l’appréciation de la croyance de l’accusé que les menaces seront mises à exécution commande nécessairement une norme d’évaluation plus exigeante. En d’autres termes, la croyance réelle de l’accusé doit également être raisonnable.
[51] En interprétant les exigences d’un moyen de s’en sortir sans danger et d’un lien temporel étroit, la norme purement subjective devient une évaluation fondée sur une norme objective modifiée. Ces deux éléments, conjugués à la croyance que les menaces seront mises à exécution, doivent être analysés dans leur ensemble : l’accusé ne peut raisonnablement croire que les menaces seront mises à exécution s’il y a une possibilité de se soustraire à la menace sans danger et s’il n’existe aucun lien temporel étroit entre les menaces et le préjudice que l’on menace de causer.
[52] L’ajout des exigences de common law dans le but de remplacer les éléments désormais invalidés d’immédiateté et de présence de l’art. 17 tempère donc l’application du critère de la croyance purement subjective dans la gravité des menaces. De plus, ces nouvelles exigences harmonisent la disposition législative avec le principe du caractère involontaire au sens moral. L’opinion de la société sur la conduite de l’accusé constitue un aspect important du principe; il serait donc contraire à la nature même du caractère involontaire au sens moral d’accepter sans plus la croyance subjective de l’accusé, sans obliger la présence de certains facteurs externes. Renvoyant à l’arrêt R. c. Howe, [1987] A.C. 417 (H.L.), p. 426, Baker convient que [traduction] « [l]es menaces doivent comporter un degré de violence à ce point important qu’on peut penser qu’’une personne raisonnablement déterminée’ ayant les mêmes caractéristiques et se trouvant dans la même situation que le défendeur n’aurait pas pu résister » (par. 25‑015). Il affirme expressément que l’accusé doit avoir des motifs raisonnables de croire que les menaces seront mises à exécution (Baker, par. 25‑015 et 25‑016).
c) La proportionnalité
[53] Le moyen de défense fondé sur la contrainte exige un rapport de proportionnalité entre les menaces proférées et l’acte criminel qui serait commis. En d’autres termes, le préjudice causé ne doit pas être plus grave que le préjudice évité. La proportionnalité s’apprécie en fonction de la norme objective modifiée de la personne raisonnable se trouvant dans une situation semblable, et comporte l’exigence que l’accusé adapte sa conduite en fonction de la nature des menaces proférées : « On doit s’attendre à ce que l’accusé démontre un certain courage et oppose une résistance normale aux menaces proférées » (Ruzic, par. 62).
[54] La proportionnalité constitue une composante fondamentale du moyen de défense fondé sur la contrainte parce que, tout comme les deux éléments précédents, elle découle directement du principe du caractère involontaire au sens moral. En effet, seule une action fondée sur des menaces proportionnellement graves auxquelles l’accusé s’oppose en démontrant un courage normal peut être considérée comme involontaire au sens moral. De plus, comme l’arrêt Ruzic a décidé que le principe du caractère involontaire au sens moral était un principe de justice fondamentale, son inclusion par interprétation dans l’art. 17 s’impose afin de respecter la règle d’interprétation législative selon laquelle que les tribunaux doivent privilégier l’interprétation constitutionnelle d’une loi.
(3) Le moyen de défense de common law fondé sur la contrainte après l’arrêt Ruzic
[55] Suivant l’analyse faite par la Cour dans l’arrêt Ruzic, nous pouvons conclure que les règles de common law en matière de contrainte comprennent les éléments suivants :
• des menaces explicites ou implicites de mort ou de lésions corporelles proférées contre l’accusé ou un tiers. Les menaces peuvent porter sur un préjudice futur. Bien que, traditionnellement, le degré de préjudice corporel ait été décrit comme devant être « grave », il vaut mieux examiner cette question de la gravité à l’étape de la proportionnalité, qui représente un critère capable d’établir le degré approprié de préjudice corporel;
• l’accusé croyait, pour des motifs raisonnables, que les menaces seraient mises à exécution;
• il n’existe aucun moyen de se soustraire sans danger à la menace; cet élément est évalué en fonction d’une norme objective modifiée;
• il doit exister un lien temporel étroit entre les menaces proférées et le préjudice qu’on menace de causer;
• il doit exister un rapport de proportionnalité entre le préjudice dont l’accusé est menacé et celui qu’il inflige. Cet élément doit également être évalué en fonction d’une norme objective modifiée;
• l’accusé n’a participé à aucun complot ni à aucune association le soumettant à la contrainte, et savait vraiment que les menaces et la contrainte l’incitant à commettre une infraction criminelle constituaient une conséquence possible de cette activité, de ce complot ou de cette association criminels.
Lien vers la décision
(2) La contrainte comme moyen de défense prévu par la loi, après l’arrêt Ruzic
[43] Que reste‑t‑il donc de l’art. 17 après l’arrêt Ruzic? La Cour n’a pas invalidé complètement l’art. 17, ne le déclarant inconstitutionnel qu’« en partie » (par. 1). Par conséquent, les quatre conditions nécessaires pour invoquer le moyen de défense prévu par la loi demeurent inchangées après l’arrêt Ruzic :
1. il doit y avoir une menace de causer la mort ou des lésions corporelles visant l’accusé ou un tiers;
2. l’accusé doit croire que les menaces seront mises à exécution;
3. l’infraction ne doit pas figurer sur la liste des infractions exclues;
4. l’accusé ne participe à aucun complot ni à aucune association le soumettant à la contrainte.
[44] Toutefois, la Cour, dans Ruzic, n’a pas seulement confirmé l’opposabilité du moyen de défense prévu par la loi en vigueur après l’avoir simplement dépouillé de ses parties inconstitutionnelles. Elle a aussi complété l’interprétation et l’application de l’art. 17 avec des éléments du moyen de défense de common law fondé sur la contrainte qui, selon elle, « s’accord[ent] davantage avec les valeurs de la Charte » (par. 56). Autrement dit, elle s’est servie, dans cette affaire, de la norme de common law pour interpréter les conditions positives de la loi (voir D. M. Paciocco, « No‑one Wants to Be Eaten: The Logic and Experience of the Law of Necessity and Duress » (2010), 56 Crim. L.Q. 240, p. 273).
[45] En cas d’ambiguïtés ou de lacunes dans l’art. 17 partiellement invalidé, le moyen de défense de common law fondé sur la contrainte s’applique de façon à préciser et à compléter le moyen de défense prévu par la loi :
L’analyse de la contrainte en common law verra son utilité confirmée du fait qu’elle permettra de clarifier les règles qui devaient être appliquées au moyen de défense de l’accusée en l’espèce et qui deviendront dorénavant applicables dans tous les autres cas, après l’invalidation partielle de l’art. 17 du Code criminel. [Nous soulignons; Ruzic, par. 55.]
[46] Dans l’arrêt Ruzic, la Cour a énoncé et analysé, relativement au moyen de défense de common law fondé sur la contrainte, trois éléments clés qui s’appliquent maintenant dans les causes relatives à l’art. 17, conjointement avec les quatre conditions qui comporte encore le moyen de défense fondé sur la loi : (1) aucun moyen de s’en sortir sans danger; (2) un lien temporel étroit; (3) la proportionnalité (voir Parent, p. 549‑550).
a) Aucun moyen de s’en sortir sans danger
[47] Le moyen de défense fondé sur la contrainte « se concentre sur la recherche d’un moyen de s’en sortir sans danger » (Ruzic, par. 61). À la suite de sa décision rendue dans Hibbert, la Cour a conclu, dans Ruzic, que ce moyen de défense ne s’appliquait pas aux personnes qui auraient pu échapper légalement et sans danger à la situation de contrainte. Pour pouvoir invoquer ce moyen de défense, l’accusé ne doit disposer d’aucun moyen de s’en sortir sans danger. Ce critère est lui‑même évalué en fonction de la norme objective modifiée de la personne raisonnable se trouvant dans une situation similaire.
b) Un lien temporel étroit
[48] Il doit exister « un lien temporel étroit entre les menaces et le préjudice que l’on menace de causer » (Ruzic, par. 96). Ce lien étroit entre les menaces et leur exécution doit être tel que l’accusé perde la capacité d’agir volontairement. L’exigence d’un lien temporel étroit entre les menaces et le préjudice que l’on menace de causer est liée à l’exigence que l’accusé ne dispose d’aucun moyen de se soustraire sans danger à la menace. Comme la Cour l’a expliqué dans Ruzic, des menaces « proférées longtemps auparavant [. . .] contribueraient à mettre en doute leur propre gravité et, plus particulièrement, l’argument de l’absence de moyen de s’en sortir sans danger » (par. 65).
[49] Tant que les exigences d’immédiateté et de présence de l’art. 17 demeuraient inchangées, les facteurs relatifs au moyen de se soustraire sans danger à la menace et au lien temporel étroit n’étaient guère pertinents. Des menaces de mort ou de lésions corporelles immédiates qui, selon leur destinataire, seront exécutées par une personne présente garantissaient l’existence d’un lien temporel étroit et ne laissaient au destinataire aucun moyen de s’en sortir sans danger. Toutefois, depuis l’invalidation des exigences d’immédiateté et de présence de l’art. 17, les exigences de la common law relatives à l’absence de moyen de se soustraire sans danger à la menace et au lien temporel étroit sont devenues des moyens essentiels pour évaluer le caractère moralement involontaire des actes de l’accusé.
[50] De plus, après l’invalidation des exigences d’immédiateté et de présence, la croyance de l’accusé voulant que les menaces seraient mises à exécution devait désormais être évaluée en fonction d’une norme objective modifiée de la personne raisonnable se trouvant dans une situation similaire. En effet, l’article 17 prévoit qu’une personne sera excusée « si elle croit que les menaces seront mises à exécution ». Donc, à première vue, l’article exige une croyance purement subjective, une norme moins exigeante qui était logique lorsque les menaces étaient manifestement immédiates et que leur auteur était physiquement présent sur les lieux. Cependant, une fois supprimées les exigences d’immédiateté et de présence, l’appréciation de la croyance de l’accusé que les menaces seront mises à exécution commande nécessairement une norme d’évaluation plus exigeante. En d’autres termes, la croyance réelle de l’accusé doit également être raisonnable.
[51] En interprétant les exigences d’un moyen de s’en sortir sans danger et d’un lien temporel étroit, la norme purement subjective devient une évaluation fondée sur une norme objective modifiée. Ces deux éléments, conjugués à la croyance que les menaces seront mises à exécution, doivent être analysés dans leur ensemble : l’accusé ne peut raisonnablement croire que les menaces seront mises à exécution s’il y a une possibilité de se soustraire à la menace sans danger et s’il n’existe aucun lien temporel étroit entre les menaces et le préjudice que l’on menace de causer.
[52] L’ajout des exigences de common law dans le but de remplacer les éléments désormais invalidés d’immédiateté et de présence de l’art. 17 tempère donc l’application du critère de la croyance purement subjective dans la gravité des menaces. De plus, ces nouvelles exigences harmonisent la disposition législative avec le principe du caractère involontaire au sens moral. L’opinion de la société sur la conduite de l’accusé constitue un aspect important du principe; il serait donc contraire à la nature même du caractère involontaire au sens moral d’accepter sans plus la croyance subjective de l’accusé, sans obliger la présence de certains facteurs externes. Renvoyant à l’arrêt R. c. Howe, [1987] A.C. 417 (H.L.), p. 426, Baker convient que [traduction] « [l]es menaces doivent comporter un degré de violence à ce point important qu’on peut penser qu’’une personne raisonnablement déterminée’ ayant les mêmes caractéristiques et se trouvant dans la même situation que le défendeur n’aurait pas pu résister » (par. 25‑015). Il affirme expressément que l’accusé doit avoir des motifs raisonnables de croire que les menaces seront mises à exécution (Baker, par. 25‑015 et 25‑016).
c) La proportionnalité
[53] Le moyen de défense fondé sur la contrainte exige un rapport de proportionnalité entre les menaces proférées et l’acte criminel qui serait commis. En d’autres termes, le préjudice causé ne doit pas être plus grave que le préjudice évité. La proportionnalité s’apprécie en fonction de la norme objective modifiée de la personne raisonnable se trouvant dans une situation semblable, et comporte l’exigence que l’accusé adapte sa conduite en fonction de la nature des menaces proférées : « On doit s’attendre à ce que l’accusé démontre un certain courage et oppose une résistance normale aux menaces proférées » (Ruzic, par. 62).
[54] La proportionnalité constitue une composante fondamentale du moyen de défense fondé sur la contrainte parce que, tout comme les deux éléments précédents, elle découle directement du principe du caractère involontaire au sens moral. En effet, seule une action fondée sur des menaces proportionnellement graves auxquelles l’accusé s’oppose en démontrant un courage normal peut être considérée comme involontaire au sens moral. De plus, comme l’arrêt Ruzic a décidé que le principe du caractère involontaire au sens moral était un principe de justice fondamentale, son inclusion par interprétation dans l’art. 17 s’impose afin de respecter la règle d’interprétation législative selon laquelle que les tribunaux doivent privilégier l’interprétation constitutionnelle d’une loi.
(3) Le moyen de défense de common law fondé sur la contrainte après l’arrêt Ruzic
[55] Suivant l’analyse faite par la Cour dans l’arrêt Ruzic, nous pouvons conclure que les règles de common law en matière de contrainte comprennent les éléments suivants :
• des menaces explicites ou implicites de mort ou de lésions corporelles proférées contre l’accusé ou un tiers. Les menaces peuvent porter sur un préjudice futur. Bien que, traditionnellement, le degré de préjudice corporel ait été décrit comme devant être « grave », il vaut mieux examiner cette question de la gravité à l’étape de la proportionnalité, qui représente un critère capable d’établir le degré approprié de préjudice corporel;
• l’accusé croyait, pour des motifs raisonnables, que les menaces seraient mises à exécution;
• il n’existe aucun moyen de se soustraire sans danger à la menace; cet élément est évalué en fonction d’une norme objective modifiée;
• il doit exister un lien temporel étroit entre les menaces proférées et le préjudice qu’on menace de causer;
• il doit exister un rapport de proportionnalité entre le préjudice dont l’accusé est menacé et celui qu’il inflige. Cet élément doit également être évalué en fonction d’une norme objective modifiée;
• l’accusé n’a participé à aucun complot ni à aucune association le soumettant à la contrainte, et savait vraiment que les menaces et la contrainte l’incitant à commettre une infraction criminelle constituaient une conséquence possible de cette activité, de ce complot ou de cette association criminels.
vendredi 12 avril 2013
La privation d'un bien n'équivaut pas à celle d'une somme d'argent
R. c. Fraillon, 1991 CanLII 3818 (QC CA)
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Le 25 avril 1987, Fraillon avait acheté une bicyclette de Crépin Sports. Il l'avait payée d'un chèque de 160 $ qui s'est avéré sans provisions. Talonné par son vendeur, il s'est rendu au magasin à une date non précisée et a remplacé son chèque du 25 avril par un autre de 181,451 $ date du 12 mai qui est aussi revenu faute de fonds suffisants. Le juge a conclu que pour le premier chèque, il n'y avait pas d'infraction puisqu'une transaction était intervenue entre l'acheteur et le vendeur, alors que infraction il y avait à l'égard du second chèque.
Dans son jugement, le juge se déclare convaincu, hors de tout doute raisonnable, que l'accusé savait qu'il n'avait pas les fonds nécessaire pour rencontrer et honorer le chèque du 12 mai.
L'appelant a d'abord plaidé l'absence d'intention malhonnête. Il allègue que le chèque du 12 mai était postdaté et qu'au moment où il l'émettait, il avait la conviction que son employeur lui aurait payé en temps utile les commissions gagnées à titre d'agent d'assurances, une somme amplement suffisante à le couvrir.
Mais il est un moyen plus péremptoire que les griefs contenus à l'avis d'appel: un élément essentiel de l'acte d'accusation n'a pas été prouvé. En effet, la dénonciation se lit:
3. Le ou vers le 12 mai 1987, à Châteauguay, district de Beauharnois, par la supercherie, le mensonge ou autre moyen dolosif, a frustré Crépin Sports, d'une somme d'argent, d'une valeur ne dépassant pas 1 000 $, commettant ainsi l'acte criminel prévu à l'article 338(1)b)i) du Code criminel.
Or, il est indéniable que si Crépin Sports fut frustré de quelque chose, ce n'est sûrement pas d'une somme d'argent, comme l'allègue et le prétend le ministère public; au mieux, pourrait-on prétendre à l'obtention d'un bien ou de crédit, ce dont cependant je suis loin d'être convaincu.
A tout événement, un fait demeure: la preuve n'a pas été faite de l'accusation telle que portée. Il n'est peut-être pas inutile d'ajouter qu'à l'égard de l'autre chef d'accusation, celui relatif au paiement de la bicyclette par chèque sans provisions du 25 avril 1987, le juge affirme que le substitut n'avait pas établi l'intention coupable du prévenu (m.a. 16).
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Le 25 avril 1987, Fraillon avait acheté une bicyclette de Crépin Sports. Il l'avait payée d'un chèque de 160 $ qui s'est avéré sans provisions. Talonné par son vendeur, il s'est rendu au magasin à une date non précisée et a remplacé son chèque du 25 avril par un autre de 181,451 $ date du 12 mai qui est aussi revenu faute de fonds suffisants. Le juge a conclu que pour le premier chèque, il n'y avait pas d'infraction puisqu'une transaction était intervenue entre l'acheteur et le vendeur, alors que infraction il y avait à l'égard du second chèque.
Dans son jugement, le juge se déclare convaincu, hors de tout doute raisonnable, que l'accusé savait qu'il n'avait pas les fonds nécessaire pour rencontrer et honorer le chèque du 12 mai.
L'appelant a d'abord plaidé l'absence d'intention malhonnête. Il allègue que le chèque du 12 mai était postdaté et qu'au moment où il l'émettait, il avait la conviction que son employeur lui aurait payé en temps utile les commissions gagnées à titre d'agent d'assurances, une somme amplement suffisante à le couvrir.
Mais il est un moyen plus péremptoire que les griefs contenus à l'avis d'appel: un élément essentiel de l'acte d'accusation n'a pas été prouvé. En effet, la dénonciation se lit:
3. Le ou vers le 12 mai 1987, à Châteauguay, district de Beauharnois, par la supercherie, le mensonge ou autre moyen dolosif, a frustré Crépin Sports, d'une somme d'argent, d'une valeur ne dépassant pas 1 000 $, commettant ainsi l'acte criminel prévu à l'article 338(1)b)i) du Code criminel.
Or, il est indéniable que si Crépin Sports fut frustré de quelque chose, ce n'est sûrement pas d'une somme d'argent, comme l'allègue et le prétend le ministère public; au mieux, pourrait-on prétendre à l'obtention d'un bien ou de crédit, ce dont cependant je suis loin d'être convaincu.
A tout événement, un fait demeure: la preuve n'a pas été faite de l'accusation telle que portée. Il n'est peut-être pas inutile d'ajouter qu'à l'égard de l'autre chef d'accusation, celui relatif au paiement de la bicyclette par chèque sans provisions du 25 avril 1987, le juge affirme que le substitut n'avait pas établi l'intention coupable du prévenu (m.a. 16).
lundi 8 avril 2013
Revue de certains principes par la Cour d'Appel concernant les infractions de fabrication de faux et emploi de faux
Laroche c. R., 2011 QCCA 1891 (CanLII)
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[221] Au regard de l'intention relative à l'usage de faux, le paragr. 368(1)a) C.cr. énonce :
368. (1) Commet une infraction quiconque, sachant ou croyant qu’un document est contrefait, selon le cas :
a) s’en sert, le traite ou agit à son égard comme s’il était authentique;
[222] La preuve de l'intention de frauder n'est pas requise pour entraîner un verdict de culpabilité. La Cour d'appel de l'Alberta le rappelle avec à-propos dans l'arrêt R. v. Sebo :
In my view, to drop the word " fraudulently " in these circumstances was a clear signal of a choice for the wider definition. A description of the mental element that does not require an intention of prejudicial reliance can only be taken as a choice to broaden the traditional rule in order to catch people like Kenney. The drafters of the 1892 Code cannot reasonably be taken as merely expressing, in misleadingly simple words, the traditional ideas about the mental element.
[…]
Again, the changes from the Draft Code to the 1892 Code can only be seen as a conscious decision to broaden the scope of the law, a choice also consistent with the elimination of " fraudulently " in the definition of uttering. I am satisfied that a contextual interpretation requires me to say that the present wording of s. 326, and indeed s. 324, express a requirement only for an intent to deceive, not an intent to cause prejudice.
[223] Dans l'arrêt R. c. Ferland, la Cour va dans le même sens et conclut :
[22] Selon cette disposition, le ministère public doit démontrer que l'appelant a utilisé un faux document et qu'il savait que le document était faux. Une simple intention de tromper suffit pour conclure à la commission du crime.
[224] L'argumentation de l'appelant en lien avec les chefs de fabrication de faux ne repose pas sur l'intention de frauder mais plutôt sur l'absence de préjudice. Or, le fait que l'intimée a précisé que les faux ont été fabriqués au préjudice de la SAAQ n'a pas de véritable impact. En vertu du paragraphe 366(1)a) C.cr., il n'est pas nécessaire qu'il y ait un préjudice dans les faits. Il suffit que l'accusé ait eu l'intention d'en causer un. Dans l'arrêt Québec (Procureur général) c. Couture, la Cour soulignait en ces termes le fardeau du ministère public d'établir l'intention de causer un préjudice sans pour autant prouver qu'un préjudice a été causé :
Avec égards, ces notions ne se rejoignent pas nécessairement; ce n'est pas parce qu'il y a préjudice dans les faits qu'il y avait, auparavant, intention d'en causer un. Dans une affaire de La Reine c. Cowan (1962) 37 C.R. 151, la Cour suprême conclut qu'il est suffisant, pour qu'il y ait faux document, qu'il y ait intention de préjudice mais qu'il n'est pas nécessaire que la poursuite démontre qu'il y a eu en fait un préjudice à quiconque.
Il faut donc dissocier les notions d'existence de préjudice de celles d'intention de préjudice.
[…]
L'intention de causer un préjudice, comme l'intention de frauder, requiert un élément de turpitude morale (" deception, trickery, cheating, guile " [R. c. Wolfe, (1961) 132 C.C.C. 130]) qui se situe bien au-delà de la négligence ou de l'incompétence.
[225] Revenons à la juge Thibault dans l'arrêt R. c. Ferland :
[16] De cette disposition, il appert que trois éléments doivent être réunis pour que l'on puisse conclure à une fabrication d'un faux. D'abord, il doit y avoir un faux document; ensuite, le prévenu doit savoir qu'il fait un faux; enfin, il doit présenter une intention spécifique que le faux soit utilisé pour porter préjudice à autrui.
[…]
[19] Quant au troisième élément de l'infraction relié à l'intention, il faut préciser que le Code criminel exige la preuve d'une intention spécifique. Pour que la falsification d'un chèque constitue un crime, il faut qu'il ait été fabriqué dans le but de porter préjudice à quelqu'un.
[226] Il importe peu qu'une victime soit identifiée, comme c'est le cas pour l'infraction de fraude. L'intention requise consiste à vouloir en faire une utilisation préjudiciable, non de causer un préjudice à une victime identifiée. Le ministère public reproche à l'appelant d'avoir commis un faux dans l'intention qu'on y donne suite au préjudice de quelqu'un, soit les acheteurs potentiels de ses véhicules reconstruits. Il s'agit d'un cas où l'appelant ne subirait aucun préjudice que l'acte d'accusation soit amendé pour le rendre conforme à la preuve, soit pour enlever la mention « au préjudice de la SAAQ », soit pour asseoir l'infraction sur le paragraphe 366(1)b) C.cr. plutôt que sur le sous-alinéa a).
[227] Par ailleurs, le juge a correctement énoncé les critères permettant de définir ce qu'est un « faux document » aux termes des articles 321 et 366 C.cr. Les définitions qu'ils comportent ne sont pas exhaustives et mutuellement exclusives. Elles sont complémentaires
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[221] Au regard de l'intention relative à l'usage de faux, le paragr. 368(1)a) C.cr. énonce :
368. (1) Commet une infraction quiconque, sachant ou croyant qu’un document est contrefait, selon le cas :
a) s’en sert, le traite ou agit à son égard comme s’il était authentique;
[222] La preuve de l'intention de frauder n'est pas requise pour entraîner un verdict de culpabilité. La Cour d'appel de l'Alberta le rappelle avec à-propos dans l'arrêt R. v. Sebo :
In my view, to drop the word " fraudulently " in these circumstances was a clear signal of a choice for the wider definition. A description of the mental element that does not require an intention of prejudicial reliance can only be taken as a choice to broaden the traditional rule in order to catch people like Kenney. The drafters of the 1892 Code cannot reasonably be taken as merely expressing, in misleadingly simple words, the traditional ideas about the mental element.
[…]
Again, the changes from the Draft Code to the 1892 Code can only be seen as a conscious decision to broaden the scope of the law, a choice also consistent with the elimination of " fraudulently " in the definition of uttering. I am satisfied that a contextual interpretation requires me to say that the present wording of s. 326, and indeed s. 324, express a requirement only for an intent to deceive, not an intent to cause prejudice.
[223] Dans l'arrêt R. c. Ferland, la Cour va dans le même sens et conclut :
[22] Selon cette disposition, le ministère public doit démontrer que l'appelant a utilisé un faux document et qu'il savait que le document était faux. Une simple intention de tromper suffit pour conclure à la commission du crime.
[224] L'argumentation de l'appelant en lien avec les chefs de fabrication de faux ne repose pas sur l'intention de frauder mais plutôt sur l'absence de préjudice. Or, le fait que l'intimée a précisé que les faux ont été fabriqués au préjudice de la SAAQ n'a pas de véritable impact. En vertu du paragraphe 366(1)a) C.cr., il n'est pas nécessaire qu'il y ait un préjudice dans les faits. Il suffit que l'accusé ait eu l'intention d'en causer un. Dans l'arrêt Québec (Procureur général) c. Couture, la Cour soulignait en ces termes le fardeau du ministère public d'établir l'intention de causer un préjudice sans pour autant prouver qu'un préjudice a été causé :
Avec égards, ces notions ne se rejoignent pas nécessairement; ce n'est pas parce qu'il y a préjudice dans les faits qu'il y avait, auparavant, intention d'en causer un. Dans une affaire de La Reine c. Cowan (1962) 37 C.R. 151, la Cour suprême conclut qu'il est suffisant, pour qu'il y ait faux document, qu'il y ait intention de préjudice mais qu'il n'est pas nécessaire que la poursuite démontre qu'il y a eu en fait un préjudice à quiconque.
Il faut donc dissocier les notions d'existence de préjudice de celles d'intention de préjudice.
[…]
L'intention de causer un préjudice, comme l'intention de frauder, requiert un élément de turpitude morale (" deception, trickery, cheating, guile " [R. c. Wolfe, (1961) 132 C.C.C. 130]) qui se situe bien au-delà de la négligence ou de l'incompétence.
[225] Revenons à la juge Thibault dans l'arrêt R. c. Ferland :
[16] De cette disposition, il appert que trois éléments doivent être réunis pour que l'on puisse conclure à une fabrication d'un faux. D'abord, il doit y avoir un faux document; ensuite, le prévenu doit savoir qu'il fait un faux; enfin, il doit présenter une intention spécifique que le faux soit utilisé pour porter préjudice à autrui.
[…]
[19] Quant au troisième élément de l'infraction relié à l'intention, il faut préciser que le Code criminel exige la preuve d'une intention spécifique. Pour que la falsification d'un chèque constitue un crime, il faut qu'il ait été fabriqué dans le but de porter préjudice à quelqu'un.
[226] Il importe peu qu'une victime soit identifiée, comme c'est le cas pour l'infraction de fraude. L'intention requise consiste à vouloir en faire une utilisation préjudiciable, non de causer un préjudice à une victime identifiée. Le ministère public reproche à l'appelant d'avoir commis un faux dans l'intention qu'on y donne suite au préjudice de quelqu'un, soit les acheteurs potentiels de ses véhicules reconstruits. Il s'agit d'un cas où l'appelant ne subirait aucun préjudice que l'acte d'accusation soit amendé pour le rendre conforme à la preuve, soit pour enlever la mention « au préjudice de la SAAQ », soit pour asseoir l'infraction sur le paragraphe 366(1)b) C.cr. plutôt que sur le sous-alinéa a).
[227] Par ailleurs, le juge a correctement énoncé les critères permettant de définir ce qu'est un « faux document » aux termes des articles 321 et 366 C.cr. Les définitions qu'ils comportent ne sont pas exhaustives et mutuellement exclusives. Elles sont complémentaires
dimanche 7 avril 2013
Liste des infractions ne pouvant plus donner lieu à l’imposition d’une peine avec sursis depuis le 20 novembre 2012
- Toutes les infractions pour lesquelles la loi prévoit une peine maximale de 14 ans ou l’emprisonnement à perpétuité, notamment l’homicide involontaire, l’agression grave, l’incendie criminel et les fraudes de plus de 5 000 $.
- Les infractions punissables par voie de mise en accusation pour lesquelles la loi prévoit une peine maximale d’emprisonnement de dix ans et qui :
- entraînent des lésions corporelles,
- comportent l’importation ou l’exportation, le trafic et la production de drogues,
- font intervenir l’utilisation d’armes.
- Les infractions suivantes punissables par voie de mise en accusation pour lesquelles la loi prescrit une peine maximale d’emprisonnement de dix ans :
- évasion ou tentative d’évasion de prison
- vol de véhicule à moteur
- harcèlement criminel
- agression sexuelle
- enlèvement et séquestration
- traite de personnes pour un avantage matériel
- vol d’un montant supérieur à 5 000 $
- enlèvement d’une personne de moins de 14 ans (c’est-à-dire par un étranger)
- introduction par effraction à des fins criminelles
- présence illégale dans une maison d’habitation
- incendie criminel avec intention frauduleuse.
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http://www.justice.gc.ca/fra/nouv-news/cp-nr/2012/doc_32759.html
mercredi 3 avril 2013
État du droit concernant l'infraction de conduite avec capacités affaiblies causant la mort
R. c. Laprise, 1996 CanLII 6000 (QC CA)
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Il incombe donc à la poursuite d'établir hors de tout doute raisonnable que:
(i) que l'intimé conduisait le véhicule en question; (ii) que sa capacité de conduire était affaiblie par l'alcool; (iii) que cet affaiblissement a causé le décès [...].
1. La preuve de l'affaiblissement de la capacité de conduire
L'affaiblissement des facultés de conduire s'entend généralement de l'altération du jugement et de la diminution de l'habilité physique. Mais pour tomber sous le coup de l'alinéa 253a) C.cr., cet affaiblissement n'a pas à atteindre un degré particulier:
[L]e fardeau de la preuve de culpabilité hors de tout doute raisonnable est rempli lorsque la preuve est faite que les facultés de conduire un véhicule automobile étaient affaiblies par l'alcool ou une drogue, et pas davantage. En effet, ce que le législateur exige dans l'article 253a) c'est de reconnaître un affaiblissement de la capacité de conduire, mais non pas un affaiblissement "marqué".
Pour établir que le conducteur avait les facultés affaiblies, la poursuite dispose de moyens de preuve très variés. Tout d'abord, elle peut mettre en preuve, par le témoignage d'un policier ou de toute autre personne, les caractéristiques de la conduite de l'accusé. Cet état peut également se déduire de constatations usuelles, comme l'odeur de l'alcool, la démarche chancelante ou les yeux vitreux. Une telle démonstration peut aussi être faite au moyen du résultat d'un test d'haleine, d'urine ou de sang. Toutefois, si un tel résultat peut corroborer les observations d'un policier quant à la cause de la diminution des capacités de conduire, il ne permet pas à lui seul de déduire la quantité d'alcool consommée ni ses effets, sauf si un expert établit une corrélation entre le résultat et un affaiblissement possible des facultés. En effet, les tribunaux n'ont pas une connaissance judiciaire de ces faits. Enfin, d'autres tests, tels que la capacité de marcher sur une ligne blanche, permettent parfois d'inférer que le conducteur avait les facultés affaiblies.
2.La preuve du lien de causalité
Il est clairement établi qu'en matière de facultés affaiblies causant la mort, il suffit d'établir que l'état de l'accusé a contribué au moindre degré au décès. Ainsi, la Couronne n'a pas à démontrer que la diminution de la capacité de l'accusé est la seule cause de la mort ou des blessures de la victime.
Toutefois, comme le mentionne le juge de première instance, la seule preuve que les capacités de conduire du conducteur sont affaiblies ne suffit habituellement pas à établir le lien de causalité:
The Crown concedes that "evidence of impairement per se is not enough to satisfy the test for causation," but goes on, in the Crown factum, to point out that the trial judge looked at all of the evidence in finding it "reasonable to infer in these circumstances that the impairement of [the appellant] was a contributing cause ... at least beyond the de minimis range". The question then, before us, is whether there was evidence, apart from the mere fact of impairement, from which the trial judge could draw an inference of causation.
It is, perhaps, appropriate in this context to remind ourselves of what an inference is. It is defined in the 5th edition of Black's Law Dictionary (St. Paul, Minn.: West Publishing Co., 1979) as:
'A process of reasoning by which a fact or proposition sought to be established is deduced as a logical consequence from other facts, or a state of facts, already proved or admitted.'
Par conséquent, le ministère public doit prouver, par exemple, une conduite inhabituelle de la part de l'accusé ou, par le témoignage d'un expert, que son état d'intoxication a pu contribuer, de façon plus que mineure, à la mort de la victime. L'absence d'explication, de la part de l'accusé, peut également inférer que son état d'ébriété a contribué, hors de tout doute raisonnable, à la mort de la victime.
3. L'ordre d'analyse des éléments de l'infraction
À cet égard, la jurisprudence réfère généralement à la procédure décrite dans l'arrêt R. c. Petznick:
Before expanding upon these positions in relation to the evidence, I wish to deal with the law that applies. Firstly, as I perceive the procedure anticipated by the wording of the section itself, it is first to determine whether or not the accused is guilty of the offence of operating a motor vehicle while his ability to do so was impaired by alcohol, contrary to 237(a) [aujourd'hui 253a)].
If the accused is found not guilty, then obviously one need go no further. If the accused is found guilty of that offence, then one proceeds to consider whether the committing of it "thereby cause death".
Les tribunaux saisis d'une question semblable devraient suivre ces étapes dans l'ordre et ce, essentiellement pour deux raisons. Premièrement, la conduite avec facultés affaiblies est une infraction moindre et incluse à l'accusation de facultés affaiblies causant la mort. Par conséquent, si la preuve ne démontre que l'infraction moindre, le juge peut déclarer l'accusé coupable de cette dernière uniquement (art. 662(1) C.cr.).
Deuxièmement, bien qu'il ne soit pas nécessaire d'évaluer avec précision le degré d'intoxication d'un accusé lorsqu'on se penche sur l'infraction de conduite avec facultés affaiblies, cette question acquiert une importance primordiale lors de l'étude du lien de causalité, le degré d'intoxication ayant un effet sur les fonctions intellectuelles, sensorielles et motrices. D'ailleurs, la jurisprudence reconnaît qu'à cette étape, c'est l'ensemble des circonstances qui doit être pris en considération. Et parmi ces circonstances, les effets de l'intoxication peuvent jouer un rôle important
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Il incombe donc à la poursuite d'établir hors de tout doute raisonnable que:
(i) que l'intimé conduisait le véhicule en question; (ii) que sa capacité de conduire était affaiblie par l'alcool; (iii) que cet affaiblissement a causé le décès [...].
1. La preuve de l'affaiblissement de la capacité de conduire
L'affaiblissement des facultés de conduire s'entend généralement de l'altération du jugement et de la diminution de l'habilité physique. Mais pour tomber sous le coup de l'alinéa 253a) C.cr., cet affaiblissement n'a pas à atteindre un degré particulier:
[L]e fardeau de la preuve de culpabilité hors de tout doute raisonnable est rempli lorsque la preuve est faite que les facultés de conduire un véhicule automobile étaient affaiblies par l'alcool ou une drogue, et pas davantage. En effet, ce que le législateur exige dans l'article 253a) c'est de reconnaître un affaiblissement de la capacité de conduire, mais non pas un affaiblissement "marqué".
Pour établir que le conducteur avait les facultés affaiblies, la poursuite dispose de moyens de preuve très variés. Tout d'abord, elle peut mettre en preuve, par le témoignage d'un policier ou de toute autre personne, les caractéristiques de la conduite de l'accusé. Cet état peut également se déduire de constatations usuelles, comme l'odeur de l'alcool, la démarche chancelante ou les yeux vitreux. Une telle démonstration peut aussi être faite au moyen du résultat d'un test d'haleine, d'urine ou de sang. Toutefois, si un tel résultat peut corroborer les observations d'un policier quant à la cause de la diminution des capacités de conduire, il ne permet pas à lui seul de déduire la quantité d'alcool consommée ni ses effets, sauf si un expert établit une corrélation entre le résultat et un affaiblissement possible des facultés. En effet, les tribunaux n'ont pas une connaissance judiciaire de ces faits. Enfin, d'autres tests, tels que la capacité de marcher sur une ligne blanche, permettent parfois d'inférer que le conducteur avait les facultés affaiblies.
2.La preuve du lien de causalité
Il est clairement établi qu'en matière de facultés affaiblies causant la mort, il suffit d'établir que l'état de l'accusé a contribué au moindre degré au décès. Ainsi, la Couronne n'a pas à démontrer que la diminution de la capacité de l'accusé est la seule cause de la mort ou des blessures de la victime.
Toutefois, comme le mentionne le juge de première instance, la seule preuve que les capacités de conduire du conducteur sont affaiblies ne suffit habituellement pas à établir le lien de causalité:
The Crown concedes that "evidence of impairement per se is not enough to satisfy the test for causation," but goes on, in the Crown factum, to point out that the trial judge looked at all of the evidence in finding it "reasonable to infer in these circumstances that the impairement of [the appellant] was a contributing cause ... at least beyond the de minimis range". The question then, before us, is whether there was evidence, apart from the mere fact of impairement, from which the trial judge could draw an inference of causation.
It is, perhaps, appropriate in this context to remind ourselves of what an inference is. It is defined in the 5th edition of Black's Law Dictionary (St. Paul, Minn.: West Publishing Co., 1979) as:
'A process of reasoning by which a fact or proposition sought to be established is deduced as a logical consequence from other facts, or a state of facts, already proved or admitted.'
Par conséquent, le ministère public doit prouver, par exemple, une conduite inhabituelle de la part de l'accusé ou, par le témoignage d'un expert, que son état d'intoxication a pu contribuer, de façon plus que mineure, à la mort de la victime. L'absence d'explication, de la part de l'accusé, peut également inférer que son état d'ébriété a contribué, hors de tout doute raisonnable, à la mort de la victime.
3. L'ordre d'analyse des éléments de l'infraction
À cet égard, la jurisprudence réfère généralement à la procédure décrite dans l'arrêt R. c. Petznick:
Before expanding upon these positions in relation to the evidence, I wish to deal with the law that applies. Firstly, as I perceive the procedure anticipated by the wording of the section itself, it is first to determine whether or not the accused is guilty of the offence of operating a motor vehicle while his ability to do so was impaired by alcohol, contrary to 237(a) [aujourd'hui 253a)].
If the accused is found not guilty, then obviously one need go no further. If the accused is found guilty of that offence, then one proceeds to consider whether the committing of it "thereby cause death".
Les tribunaux saisis d'une question semblable devraient suivre ces étapes dans l'ordre et ce, essentiellement pour deux raisons. Premièrement, la conduite avec facultés affaiblies est une infraction moindre et incluse à l'accusation de facultés affaiblies causant la mort. Par conséquent, si la preuve ne démontre que l'infraction moindre, le juge peut déclarer l'accusé coupable de cette dernière uniquement (art. 662(1) C.cr.).
Deuxièmement, bien qu'il ne soit pas nécessaire d'évaluer avec précision le degré d'intoxication d'un accusé lorsqu'on se penche sur l'infraction de conduite avec facultés affaiblies, cette question acquiert une importance primordiale lors de l'étude du lien de causalité, le degré d'intoxication ayant un effet sur les fonctions intellectuelles, sensorielles et motrices. D'ailleurs, la jurisprudence reconnaît qu'à cette étape, c'est l'ensemble des circonstances qui doit être pris en considération. Et parmi ces circonstances, les effets de l'intoxication peuvent jouer un rôle important
mardi 2 avril 2013
En matière de fraude, la loi n'exige pas une relation entre le fraudeur et la victime
Laroche c. R., 2011 QCCA 1891 (CanLII)
Lien vers la décision
[298] En matière de fraude, la loi n'exige pas une relation entre le fraudeur et la victime :
La différence fondamentale qui différencie, à ce sujet, la supercherie et le mensonge d'avec les autres moyens dolosifs, vient d'être exposée. L'inexistence de relation entre le fraudeur et sa victime ne fait pas, en principe, obstacle à une inculpation de fraude. La décision de la Cour d'appel de l'Ontario rendue en 1983 dans R. c. Kirkwood nous livre trois enseignements. La présence de contacts entre l'accusé et la victime n'est pas obligatoire. Il n'est pas non plus nécessaire que la victime ait été amenée à agir à son détriment ni même qu'elle ait connu le fraudeur.
En vérité, le fraudeur peut lui-même ne pas connaître l'identité précise de sa victime et cette dernière ne jamais avoir été induite en erreur du fait du comportement de l'accusé. Dans ces hypothèses, la fraude vient sanctionner un comportement qui relève également souvent du vol.
[299] Les auteurs rappellent néanmoins qu'il ne faut pas oublier les exigences relatives au lien de causalité et à la mens rea :
La possibilité de condamner pour fraude un individu qui n'ayant entretenu aucun contact avec sa victime ne doit pas faire oublier les exigences traditionnelles en matière de causalité et de mens rea. Le tribunal doit s'assurer que le moyen dolosif employé par l'accusé a bien une relation de cause à effet avec la privation ressentie par la victime. Cette exigence est d'autant plus importante que l'accusé n'a pas traité directement avec la victime alléguée. La preuve de la mens rea ne doit pas non plus être éludée. L'accusé doit avoir prévu que la victime éprouverait un risque de préjudice d'ordre pécuniaire du fait de son comportement. Il n'est pas nécessaire qu'il identifie cette victime dès lors qu'il sait qu'il est vraisemblable que les intérêts patrimoniaux d'autrui seront affectés.
[300] Les motifs du juge Proulx dans l'arrêt R. c. Pereira vont dans le même sens :
Depuis l'arrêt Olan, il faut dire que l'actus reus de la fraude se compose de la privation et de la malhonnêteté. Ces deux éléments doivent coexister et un rapport causal doit être établi entre eux: la malhonnêteté doit entraîner ou causer la privation [Vézina et Côté c. R., 1986 CanLII 93 (CSC), [1986] 1 R.C.S. 2, p. 19].
Il n'est donc plus nécessaire de démontrer (1) une représentation auprès de la victime et (2) l'agir de la victime en conséquence de cette représentation. Il suffit d'établir que des moyens frauduleux (commis même à l'insu de la victime) ont entraîné la perte ou le risque de perte.
Lien vers la décision
[298] En matière de fraude, la loi n'exige pas une relation entre le fraudeur et la victime :
La différence fondamentale qui différencie, à ce sujet, la supercherie et le mensonge d'avec les autres moyens dolosifs, vient d'être exposée. L'inexistence de relation entre le fraudeur et sa victime ne fait pas, en principe, obstacle à une inculpation de fraude. La décision de la Cour d'appel de l'Ontario rendue en 1983 dans R. c. Kirkwood nous livre trois enseignements. La présence de contacts entre l'accusé et la victime n'est pas obligatoire. Il n'est pas non plus nécessaire que la victime ait été amenée à agir à son détriment ni même qu'elle ait connu le fraudeur.
En vérité, le fraudeur peut lui-même ne pas connaître l'identité précise de sa victime et cette dernière ne jamais avoir été induite en erreur du fait du comportement de l'accusé. Dans ces hypothèses, la fraude vient sanctionner un comportement qui relève également souvent du vol.
[299] Les auteurs rappellent néanmoins qu'il ne faut pas oublier les exigences relatives au lien de causalité et à la mens rea :
La possibilité de condamner pour fraude un individu qui n'ayant entretenu aucun contact avec sa victime ne doit pas faire oublier les exigences traditionnelles en matière de causalité et de mens rea. Le tribunal doit s'assurer que le moyen dolosif employé par l'accusé a bien une relation de cause à effet avec la privation ressentie par la victime. Cette exigence est d'autant plus importante que l'accusé n'a pas traité directement avec la victime alléguée. La preuve de la mens rea ne doit pas non plus être éludée. L'accusé doit avoir prévu que la victime éprouverait un risque de préjudice d'ordre pécuniaire du fait de son comportement. Il n'est pas nécessaire qu'il identifie cette victime dès lors qu'il sait qu'il est vraisemblable que les intérêts patrimoniaux d'autrui seront affectés.
[300] Les motifs du juge Proulx dans l'arrêt R. c. Pereira vont dans le même sens :
Depuis l'arrêt Olan, il faut dire que l'actus reus de la fraude se compose de la privation et de la malhonnêteté. Ces deux éléments doivent coexister et un rapport causal doit être établi entre eux: la malhonnêteté doit entraîner ou causer la privation [Vézina et Côté c. R., 1986 CanLII 93 (CSC), [1986] 1 R.C.S. 2, p. 19].
Il n'est donc plus nécessaire de démontrer (1) une représentation auprès de la victime et (2) l'agir de la victime en conséquence de cette représentation. Il suffit d'établir que des moyens frauduleux (commis même à l'insu de la victime) ont entraîné la perte ou le risque de perte.
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