Laroche c. R., 2011 QCCA 1891 (CanLII)
Lien vers la décision
[221] Au regard de l'intention relative à l'usage de faux, le paragr. 368(1)a) C.cr. énonce :
368. (1) Commet une infraction quiconque, sachant ou croyant qu’un document est contrefait, selon le cas :
a) s’en sert, le traite ou agit à son égard comme s’il était authentique;
[222] La preuve de l'intention de frauder n'est pas requise pour entraîner un verdict de culpabilité. La Cour d'appel de l'Alberta le rappelle avec à-propos dans l'arrêt R. v. Sebo :
In my view, to drop the word " fraudulently " in these circumstances was a clear signal of a choice for the wider definition. A description of the mental element that does not require an intention of prejudicial reliance can only be taken as a choice to broaden the traditional rule in order to catch people like Kenney. The drafters of the 1892 Code cannot reasonably be taken as merely expressing, in misleadingly simple words, the traditional ideas about the mental element.
[…]
Again, the changes from the Draft Code to the 1892 Code can only be seen as a conscious decision to broaden the scope of the law, a choice also consistent with the elimination of " fraudulently " in the definition of uttering. I am satisfied that a contextual interpretation requires me to say that the present wording of s. 326, and indeed s. 324, express a requirement only for an intent to deceive, not an intent to cause prejudice.
[223] Dans l'arrêt R. c. Ferland, la Cour va dans le même sens et conclut :
[22] Selon cette disposition, le ministère public doit démontrer que l'appelant a utilisé un faux document et qu'il savait que le document était faux. Une simple intention de tromper suffit pour conclure à la commission du crime.
[224] L'argumentation de l'appelant en lien avec les chefs de fabrication de faux ne repose pas sur l'intention de frauder mais plutôt sur l'absence de préjudice. Or, le fait que l'intimée a précisé que les faux ont été fabriqués au préjudice de la SAAQ n'a pas de véritable impact. En vertu du paragraphe 366(1)a) C.cr., il n'est pas nécessaire qu'il y ait un préjudice dans les faits. Il suffit que l'accusé ait eu l'intention d'en causer un. Dans l'arrêt Québec (Procureur général) c. Couture, la Cour soulignait en ces termes le fardeau du ministère public d'établir l'intention de causer un préjudice sans pour autant prouver qu'un préjudice a été causé :
Avec égards, ces notions ne se rejoignent pas nécessairement; ce n'est pas parce qu'il y a préjudice dans les faits qu'il y avait, auparavant, intention d'en causer un. Dans une affaire de La Reine c. Cowan (1962) 37 C.R. 151, la Cour suprême conclut qu'il est suffisant, pour qu'il y ait faux document, qu'il y ait intention de préjudice mais qu'il n'est pas nécessaire que la poursuite démontre qu'il y a eu en fait un préjudice à quiconque.
Il faut donc dissocier les notions d'existence de préjudice de celles d'intention de préjudice.
[…]
L'intention de causer un préjudice, comme l'intention de frauder, requiert un élément de turpitude morale (" deception, trickery, cheating, guile " [R. c. Wolfe, (1961) 132 C.C.C. 130]) qui se situe bien au-delà de la négligence ou de l'incompétence.
[225] Revenons à la juge Thibault dans l'arrêt R. c. Ferland :
[16] De cette disposition, il appert que trois éléments doivent être réunis pour que l'on puisse conclure à une fabrication d'un faux. D'abord, il doit y avoir un faux document; ensuite, le prévenu doit savoir qu'il fait un faux; enfin, il doit présenter une intention spécifique que le faux soit utilisé pour porter préjudice à autrui.
[…]
[19] Quant au troisième élément de l'infraction relié à l'intention, il faut préciser que le Code criminel exige la preuve d'une intention spécifique. Pour que la falsification d'un chèque constitue un crime, il faut qu'il ait été fabriqué dans le but de porter préjudice à quelqu'un.
[226] Il importe peu qu'une victime soit identifiée, comme c'est le cas pour l'infraction de fraude. L'intention requise consiste à vouloir en faire une utilisation préjudiciable, non de causer un préjudice à une victime identifiée. Le ministère public reproche à l'appelant d'avoir commis un faux dans l'intention qu'on y donne suite au préjudice de quelqu'un, soit les acheteurs potentiels de ses véhicules reconstruits. Il s'agit d'un cas où l'appelant ne subirait aucun préjudice que l'acte d'accusation soit amendé pour le rendre conforme à la preuve, soit pour enlever la mention « au préjudice de la SAAQ », soit pour asseoir l'infraction sur le paragraphe 366(1)b) C.cr. plutôt que sur le sous-alinéa a).
[227] Par ailleurs, le juge a correctement énoncé les critères permettant de définir ce qu'est un « faux document » aux termes des articles 321 et 366 C.cr. Les définitions qu'ils comportent ne sont pas exhaustives et mutuellement exclusives. Elles sont complémentaires
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