mercredi 26 juin 2013

Le droit applicable à l'infraction d’entrave à la justice

R. c. S.B., 2013 QCCQ 3525 (CanLII)

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[63] L’élément matériel de l’infraction consiste dans le fait pour l’accusé d’adopter une conduite (action ou omission) tendant à entraver, détourner ou contrecarrer le cours de la justice. Une intention spécifique est requise. Une simple erreur de jugement ne suffit pas. La poursuite doit prouver hors de tout doute raisonnable que l’accusé avait bel et bien l’intention d’entraver, de détourner ou de contrecarrer le cours de la justice : R. c. Charbonneau 1992 CanLII 2979 (QC CA), (1992), 13 C.R. (4th) 191 (C.A.Qué.); R. c. Beaudry 2007 CSC 5 (CanLII), 2007 CSC 5, aux paragraphes 52 et 85.

[65] Le début du paragraphe 139(3) du Code criminel stipule que les façons ainsi évoquées ne doivent pas restreindre la portée générale du paragraphe 139(2) C.cr., qui lui, se veut d’application large et permet d’englober plusieurs conduites criminellement blâmables.

[66] Le fait que l’accusé n’obtienne pas ce qu’il recherche n’est pas pertinent : R. c. Hearn, 1989 CanLII 14 (CSC), [1989] 2 R.C.S. 1180. Incidemment, même si la fameuse lettre P-2 n’a pas été remise à Y, ni lue par cette dernière, cela demeure sans conséquence.

[67] De l’arrêt R. c. Barros se dégage un consensus des juges de la Cour suprême sur le sort du pourvoi concernant le chef d’entrave à la justice. Selon les enseignements de la cour, une telle infraction est définie de façon large. La limite qu’il convient d’imposer se trouve dans l’obligation pour le ministère public de prouver l’élément mental : Barros précité, au paragraphe 46.

[70] Lorsqu’un accusé demande directement ou indirectement à une présumée victime ou un plaignant de solliciter auprès des autorités (DPCP ou policiers) le retrait des accusations criminelles portées (ou dont le dépôt est à venir) contre lui, en recherchant ainsi à se soustraire au processus judiciaire (que ce soit dans le but d’éviter une éventuelle condamnation et l’imposition d’une peine ou encore de subir l’opprobre ou le stigmate d’une inculpation criminelle, voire même d’éviter d’engager des honoraires d’avocat pour se défendre), il commet alors une entrave à la justice au sens du paragraphe 139(2) du Code criminel.

[71] Cela vaut aussi pour toute personne qui agit pour le compte d’un tiers inculpé au criminel, comme par exemple, un avocat.

[72] À moins de particularité en ce sens dans le libellé de l’inculpation, je suis d’opinion qu’aucune preuve d’intimidation, de menace ou de corruption n’est nécessaire sous le paragraphe 139(2) du Code criminel, quoiqu’une telle preuve, si elle existe, puisse faciliter la démonstration de l’intention coupable : R. c. Reynolds, 2011 CSC 19 (CanLII), 2011 CSC 19.

[73] Dans Reynolds, précité, la Cour suprême a adopté l’opinion du juge dissident en Cour d’appel et a rétabli le verdict de culpabilité rendu en première instance. M. Reynolds avait suggéré à un témoin de se soustraire à son assignation à comparaître en présentant un faux certificat médical. Dans cette affaire, la poursuite avait, à la demande du juge, apporté une précision au chef d’accusation tel qu’exigé, en ajoutant les mots : « by threat or other corrupt means », ce qui n’est pas le cas en l’espèce. Il existe en jurisprudence d’autres exemples de condamnation d’entrave à la justice sous le paragraphe 139(2) C.cr., sans que l’accusé n’ait explicitement recours à des menaces d’intimidation ou de violence, ni autre moyen de corruption.

[74] Évidemment, simplement inciter ou tenter de convaincre un éventuel témoin à ne s’en tenir qu’à exposer la vérité dans son éventuel témoignage ne constitue pas une entrave à la justice : R. c. Paré, 2010 ONCA 563 (CanLII), 2010 ONCA 563 au paragraphe 9.

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