Cormier c. R., 2013 QCCA 2068 (CanLII)
[63] Le droit de la fraude est complexe. Il suffit pour s'en convaincre de lire le long chapitre que l'auteur Jean-Claude Hébert y consacre dans son ouvrage Droit pénal des affaires. Il s'agit, pour citer la juge McLachlin (elle n'était pas encore juge en chef) dans l'arrêt Théroux, d'« une infraction de portée générale susceptible d'englober une large gamme d'activités commerciales malhonnêtes ». Je n'ai pas l'intention d'en dire trop, juste assez pour expliquer pourquoi j'estime, avec égards pour l'opinion contraire, que c'est à tort que la juge de première instance a conclu à la culpabilité de l'appelant à l'égard de ce chef d'accusation.
[64] Je dirai tout d'abord quelques mots des éléments essentiels de l'infraction.
[65] Les arrêts de principe sur le sujet sont bien sûr les arrêts Théroux et Zlatic rendus, de façon concomitante, par la Cour suprême en 1993. Dans le premier de ces deux arrêts, la juge McLachlin explique que l'élément matériel (l'actus reus) de la fraude comporte deux éléments : 1) un acte prohibé, qu'il s'agisse d'une supercherie, d'un mensonge ou d'un autre moyen dolosif, et 2) une privation causée par cet acte prohibé, laquelle peut consister en une perte véritable pour la victime ou la mise en péril de ses intérêts pécuniaires. Il n'est pas nécessaire que la personne qui commet la fraude en tire profit pour qu'elle soit déclarée coupable ni que la victime en subisse une perte pécuniaire réelle.
[66] L'actus reus de la fraude est donc une privation malhonnête.
[67] Les mots « autre moyen dolosif » « couvrent les moyens qui ne sont ni des mensonges ni des supercheries; ils comprennent tous les autres moyens qu'on peut proprement qualifier de malhonnêtes », pour reprendre les propos du juge Dickson (il n'était pas alors juge en chef) dans l'arrêt Olan. Dans Zlatic, la juge McLachlin affirme que « La question fondamentale qu'il faut se poser en déterminant l'actus reus de la fraude au sens du troisième volet de l'infraction de fraude est de savoir si le moyen adopté pour commettre la prétendue fraude peut à juste titre être qualifié de malhonnête : Olan, précité. Pour déterminer cela, on applique la norme de la personne raisonnable. ». Il s'agit donc d'évaluer la conduite de l'accusé par rapport à une perception objective de ce qui constitue une conduite malhonnête au sens criminel du terme.
[68] Quant à l'élément intentionnel (la mens rea) de la fraude, il est composé à la fois de la connaissance subjective par l'accusé que l'acte était prohibé et que cet acte pouvait causer une privation à autrui, sans qu'il ne soit nécessaire que l'accusé saisisse subjectivement la malhonnêteté de son acte. Comme le souligne l'auteur Hébert : « Le concept de mens rea reflète la conviction qu'une personne ne devrait pas être punie à moins de savoir qu'elle commet un acte interdit. ».
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