Directeur des poursuites criminelles et pénales du Québec c. Michaud, 2014 QCCQ 2523 (CanLII)
[41] Le droit constitutionnel, protégé par les articles 7 et 11 d) de la Charte, d’être représenté par avocat dans des procédures criminelles comporte le droit d’être représenté par l’avocat de son choix. Toutefois, le droit à l’avocat de son choix n’est pas absolu. Doit être protégé l’intérêt public à la protection de l’intégrité du système judiciaire comprenant le maintien des hauts standards de pratique de la profession d’avocat afin d’assurer la protection du public. Aussi l’avocat a l’obligation de loyauté et cela implique pour l’avocat d’agir de façon à assurer une représentation effective de chacun de ses clients.
[42] Le conflit d’intérêts peut être soulevé par le justiciable concerné, par l’avocat concerné, par l’avocat de la poursuite ou même par le Tribunal afin de protéger l’intérêt constitutionnel d’une partie à recevoir une pleine représentation pour lui assurer une défense pleine et entière ou de protéger l’intérêt public au maintien d'un procès équitable et de s’assurer de la fiabilité des procédures et d’un éventuel verdict. « La protection de l’intégrité du système judiciaire relève de l’ordre public général ».
[43] Récemment la Cour suprême reprenait les grands principes applicables :
L'avocat et, par extension, le cabinet d'avocats, ont envers leurs clients un devoir de loyauté qui comporte les trois aspects principaux suivants: (1) le devoir d'éviter les conflits d'intérêts; (2) le devoir de dévouement à la cause du client; (3) le devoir de franchise.
[44] Dans Neil, la Cour suprême rappelle l’ampleur des devoirs de loyauté et de dévouement de l’avocat envers son client et rappelle combien le devoir de loyauté du client à son avocat est essentiel à l’intégrité de l’administration de la justice. La loyauté, « étroitement liée à la nature fiduciaire de la relation avocat-client » favorise la représentation effective et efficace.
[45] Le devoir de loyauté a une portée plus large que la seule protection contre l’utilisation de renseignements confidentiels à mauvais escient, il vise la prévention de conflits d’intérêts éventuels et l’obligation d’agir de bonne foi sans aller à l’encontre des intérêts d’un client ou sans même être distraits par d’autres intérêts, un devoir de dévouement, voire de zèle, impliquant que les intérêts d’un client ne soient pas mis en sourdine aux dépens d’un autre et un devoir de franchise, et la prise de mesure pour ne pas compromettre une représentation efficace de l’un des clients :
La représentation efficace peut être compromise lorsque l'avocat est tenté de privilégier des intérêts autres que ceux de son client : ses propres intérêts, ceux d'un autre client actuel, d'un ancien client ou d'un tiers.
[46] La protection de l’intérêt constitutionnel d’une partie à recevoir une pleine représentation pour lui assurer une défense pleine et entière implique qu’une :
ligne de démarcation très nette est tracée par la règle générale interdisant à un avocat de représenter un client dont les intérêts sont directement opposés aux intérêts immédiats d'un autre client actuel — même si les deux mandats n'ont aucun rapport entre eux — à moins que les deux clients n'y aient consenti après avoir été pleinement informés (et de préférence après avoir obtenu des avis juridiques indépendants) et que l'avocat ou l'avocate estime raisonnablement pouvoir représenter chaque client sans nuire à l'autre.
[47] Lorsqu’un des clients n’a pas acquiescé au partage d’information confidentielle, la Cour doit inférer lors de l’existence de mandats ayant une certaine connexité, sauf preuve contraire par l’avocat, que des renseignements confidentiels ont été transmis. Il faut ensuite vérifier si un mauvais usage sera fait des renseignements confidentiels.
[48] Lorsque l’usage des renseignements confidentiels n’est pas en cause, l’avocat doit s’assurer qu’il sera en mesure de représenter adéquatement ses clients ou si l’acceptation d’un nouveau mandat risque d'entraîner un risque substantiel de représentation déficiente. Il s’agit de s’assurer que l’avocat ne soit pas sujet à des pressions contradictoires dans l’exercice de ses différents mandats. Ce n’est que s’il répond négativement à ces dernières questions qu’il peut accepter le mandat. Autrement, et dans la mesure où il y a un préjudice pour un accusé, il peut y avoir déclaration d’inhabilité d’un avocat d’occuper pour un justiciable :
La notion de « conflit d'intérêts » a été définie dans l'arrêt Neil comme étant un risque sérieux que les intérêts personnels de l'avocat ou ses devoirs envers un autre client actuel, un ancien client ou une tierce personne nuisent de façon appréciable à la représentation du client par l'avocat.
(…)
Bien qu'il suffise de démontrer l'existence d'un risque (plutôt que d'une probabilité) d'effet nuisible, cette possibilité doit être davantage qu'une simple hypothèse (voir la décision de Guzman c. de la Cruz, 2004 BCSC 36 (CanLII), 2004 BCSC 36 (CanLII), [2004] B.C.J. No. 72 (QL), 2004 BCSC 36, par. 27). (…)
[49] Lorsque seuls les intérêts des parties sont en jeu, il sera parfois possible de concilier le droit d’être représenté par l’avocat de son choix malgré une apparence de conflit d’intérêts potentiel. En effet, la Cour suprême a reconnu qu’une divulgation de l’avocat à ses clients de cette situation, et une renonciation écrite à invoquer le conflit d’intérêts pourront protéger suffisamment l’intérêt des parties en jeu.
[50] Par ailleurs, la déclaration d'inhabilité peut servir à protéger l'intégrité et la considération dont jouit l'administration de la justice et cela indépendamment de toute renonciation des parties puisque l’intérêt public est en cause. Il s’agit notamment que les Tribunaux découragent toute pratique déloyale.
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