mardi 17 juin 2014

L'infraction de complot vue par la Cour d'Appel

Yessaian c. R., 2014 QCCA 1161 (CanLII)


[38]        Tel qu’il appert d’une lecture de cet article, le complot n'y est pas défini. En fait, il n'est pas défini au Code criminel. C'est plutôt la common law qui en a fourni la définition et établi les balises. Depuis l’affaire Mulcahy v. The Queen qui date de 1868, le complot est compris ainsi :
A conspiracy consists not merely in the intention of two or more, but in the agreement of two or more to do an unlawful act or to do a lawful act by unlawful means. So long as such a design rests in intention only, it is not indictable. When two agree to carry it into effect, the very plot is an act in itself, and the act of each of the parties, promise against promise, actus contra actum, capable of being enforced, if lawful, punishable if for a criminal object or for the use of criminal means.
[39]        Dans l’arrêt États-Unis d’Amérique c. Dynar, le jugement majoritaire des juges Cory et Iacobucci reprend cette même citation, mais en la tronquant comme ceci : 
A conspiracy consists not merely in the intention of two or more, but in the agreement of two or more to do an unlawful act, or to do a lawful act by unlawful means. So long as such a design rests in intention only, it is not indictable. When two agree to carry it into effect, the very plot is an act in itself, and the act of each of the parties . . . punishable if for a criminal object. . . .
[40]        Le complot se définit donc comme une « entente », soit un accord de volonté entre deux ou plusieurs personnes, pour mettre à exécution un dessein criminel. Il requiert ainsi (i) une entente qui va au-delà de la simple intention, (ii) entre au moins deux personnes, (iii) pour un objet illégal, mais avec aussi (iv) l'intention de conclure cette entente, d'y participer et de réaliser le dessein criminel commun.
[41]        Comme le souligne la Cour suprême dans The Queen v. Kravenia, dès l'entente conclue, le crime est commis :
The offence of conspiracy is committed only if it be found that two or more persons agreed to commit an indictable offence. Once the agreement is made the offence is committed. That it was not carried out or executed is not an issue. Conspiracy is, therefore, an offence separate and distinct from the offence in respect to the commission of which the parties conspired. Rex v. Weiss, (1913) 22 C.C.C. 42;Rex v. Brown [(1945) 85 Can. C.C. 91.]. […]
[42]        La particularité du complot, une infraction inchoative, vient du fait que l'acte criminel visé dans l'entente n'est pas encore commis. On sanctionne toutefois de manière préventive l'entente prévoyant et précédant sa mise en œuvre. Puisque le droit criminel canadien ne sanctionne pas la simple formulation d'une intention criminelle, l'entente doit donc constituer plus que de simples discussions ou négociations ou qu'une intention; il doit y avoir un accord de volonté pour accomplir la fin illégale.
[43]        La criminalisation de l'entente se fonde sur le raisonnement selon lequel la mise en commun de l'intention criminelle de deux personnes ou plus, soit l'entente qui en découle, constitue un danger pour la société qui mérite l'intervention de l'État. C'est ce qu'expliquait le juge Taschereau dans The Queen v. O'Brien :
[…] The law punishes conspiracy so that the unlawful object is not attained. It considers that several persons who agree together to commit an unlawful act, are a menace to society, and even if they do nothing in furtherance of their common design, the state intervenes to exercise a repressive action, so that the intention is not materialized, and does not become harmful to any one. The intention must necessarily be present because it is the unlawful act necessarily flowing from the intention, that the state wishes to prevent.
[60]        L'arrêt Carter établit la méthode selon laquelle le juge doit procéder afin de conclure à la culpabilité d'un accusé en matière de complot. Le test comprend deux étapes. La première requiert de déterminer si la preuve directe convainc hors de tout doute raisonnable de l'existence d'un complot. La seconde vise à établir si cette preuve convainc, selon le poids des probabilités, de la participation de l'accusé au complot. Une fois ces deux étapes franchies, une preuve d’actes manifestes, notamment par ouï‑dire, peut être admise pour parfaire la démonstration de la participation de l'accusé au complot. La Cour suprême suggère d’expliquer ainsi le test dans les directives à un jury :
[…] Il n'est pas indispensable que la preuve directement recevable soit présentée en premier lieu pour que toute preuve quant aux actes et aux déclarations des autres conspirateurs puisse être reçue. Les exigences du procès rendraient impossible la séparation chronologique des éléments de preuve. En définitive toutefois, pour que l'exception à la règle du ouï-dire puisse s'appliquer, la preuve relative à la question préliminaire de la participation de l'accusé au complot doit être présente. […] [Le] juge du procès doit lui dire de décider si l'ensemble de la preuve le convainc hors de tout doute raisonnable de l'existence du complot reproché dans l'acte d'accusation. Si le jury n'en est pas convaincu, il doit alors acquitter l'accusé qui est inculpé d'avoir participé au complot. Si, toutefois, le jury conclut qu'il y a eu complot, comme on le prétend, il doit alors examiner la preuve et décider si, d'après la preuve directement recevable contre l'accusé, il est probable qu'il ait participé au complot. Si c'est là sa conclusion, le jury peut alors appliquer l'exception à la règle du ouï-dire et considérer comme recevable contre l'accusé, relativement à la question de sa culpabilité, la preuve des actes posés et des déclarations faites par les coconspirateurs en vue de réaliser les objets du complot. Cette preuve, ajoutée aux autres éléments de preuve, peut suffire pour convaincre le jury hors de tout doute raisonnable que l'accusé a participé au complot et qu'il est donc coupable. […]

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