lundi 29 mai 2017

Le fait d’encaisser des chèques donnés en acompte pour un travail à venir constitue-t-il une conduite malhonnête au sens de la locution «autre moyen dolosif» employée à l’article 380(1) C.cr.?

R. c. Gourdeau, 1993 CanLII 4360 (QC CA)

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Les éléments essentiels de la fraude sont la malhonnêteté et la privation. Le fait d’encaisser deux chèques versés en acompte pour un travail à venir ne constitue pas une conduite malhonnête au sens de l’expression «autre moyen dolosif » utilisée à l’article 380(1)C.cr. La preuve ne démontre pas qu’en échangeant les chèques l’appelant avait l’intention malveillante de s’approprier les deniers de son cocontractant. Les chèques ne contenaient aucune mention restrictive quant à leurs encaissement et affectation. Le tireur devait s’attendre à ce qu’ils soient encaissés avant l’exécution des travaux puisqu’ils étaient payables avant la date prévue au contrat. L’appelant a tenté de faire exécuter les travaux par quelqu’un d’autre et a, pour ce faire, communiqué avec son concurrent. Il n’y a pas eu de conduite malhonnête de la part de l’appelant ni d’intention de priver le créancier de quoi que ce soit L’appelant a sûrement été négligent en n’avisant pas le propriétaire de l’entreprise pour laquelle il s’était engagé à faire des travaux de peinture que ceux-ci ne seraient pas exécutés dans le temps prévu au contrat, mais il n’a pas fraudé.

[12]        Le fait, pour l’appelant, d’encaisser les deux chèques donnés en acompte pour un travail à venir constituait-il une conduite malhonnête au sens de la locution «autre moyen dolosif» employée à l’article 380(1) C.cr.?
[13]        Avec égards, je ne peux déceler, dans le présent cas, un élément de malhonnêteté dans un tel geste. Rien dans la preuve offerte ne permet de déduire ou de supposer qu’en échangeant les chèques l’appelant avait l’intention malveillante de s’approprier carrément les deniers de Ferme M.S.C. Inc., sans avoir la moindre intention de respecter son contrat. Au surplus, les chèques ne contenaient aucune mention restrictive quant à leurs encaissement et affectation. Une chose est évidente: le tireur de ces deux chèques devait s’attendre à ce qu’ils soient encaissés avant l’exécution des travaux de peinture, puisqu’ils étaient, l’un et l’autre, payables bien avant la date première (avril 1990) prévue au contrat pour ces travaux.
[15]        Quant à la privation, comme j’en viens à la conclusion qu’il n’y a pas eu de conduite malhonnête de la part de l’appelant, j’estime par le fait même qu’il n’a jamais eu l’intention de priver Ferme M.S.C. Inc. ou Marcel Cayer de quoi que ce soit. Tel que souligné plus haut, l’appelant a tenté de faire exécuter le travail par un autre. La preuve révèle du reste que l’appelant, pour l’année 1991, a exécuté des contrats de peinture pour 255 000 $ (m.a., p. 79). Je ne vois pas pourquoi il aurait voulu frauder Marcel Cayer en particulier alors qu’il respecte ses autres engagements.
[16]        L’appelant a sûrement été négligent en n’avisant pas Marcel Cayer que les travaux de peinture ne seraient pas exécutés dans le temps stipulé au contrat. Si ce retard a causé un préjudice, il n’appartient pas à la Chambre criminelle d’un tribunal de le corriger.

L'encaissement d'un accompte, alors que les travaux ne sont pas entrepris, n'équivaut pas en soi à un comportement frauduleux

R. c. Adams, 1994 CanLII 6331 (QC CA)

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Le juge s'est mal dirigé en droit; il ne s'agit pas ici d'un cas où, par une déclaration mensongère ou une autre manoeuvre dolosive, une personne convainc une autre de lui remettre une certaine somme d'argent; il ne s'agit pas non plus d'un cas où une personne utilise à des fins personnelles une somme qu'elle avait promis de conserver en fidéicommis; il s'agit simplement d'un cas où un débiteur qui avait reçu un acompte sur le prix de matériaux à être livrés et de services à être rendus a fait défaut de remplir son obligation sans remettre l'acompte à son créancier;  si illégitime et illégale que soit l'omission de remplir l'obligation ou de rembourser l'acompte, ces omissions ne constituent pas le crime prévu à l'art. 380(1)a).

Ce que peut constituer ou non une preuve d'harcèlement criminel

Liang c. R., 2004 NBCA 80 (CanLII)

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[5]                                       Le paragraphe 264(2) prévoit ensuite que la conduite mentionnée au paragraphe 264(1) consiste notamment à « communiquer de façon répétée, même indirectement, avec cette personne ou une de ses connaissances » : voir l’alinéa 264(2)b). Pour qu’une personne soit déclarée coupable de harcèlement criminel en raison de la conduite décrite à l’alinéa 264(2)b), il n’est pas essentiel qu’il existe des preuves : 1) de menaces adressées au plaignant par l’accusé; 2) d’un comportement violent de la part de l’accusé; 3) de contacts personnels entre l’accusé et le plaignant. Tous les moyens d’appel de Mme Liang sont donc sans fondement.

Principes sentenciels relatifs à l'infraction de vol qualifié (mugging)

R. v. Klopp, 2010 ABPC 119 (CanLII)

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[26]           From these cases, certain principles emerge for sentencing of street muggers in Alberta:

1.         The "normal" range of sentence for a street mugging or purse snatching type robberies is 12 ‑ 18 months imprisonment. (Carter; Saeed).

2.         If there is a significant or related criminal record, the sentence will be at the top of that range even if there is no actual physical violence. (Saeed, para. 8)

3.         Sentences may be at the top of this range, even for an accused with no related record, and where there is no actual injury, if the victim is elderly. This is so because the  risk of injury to such victims  from even a minimal application of violence is foreseeable. (Carter).

4.         If there is "serious violence" and if injuries are suffered by the victim, then the crime can be just as serious as a convenience store robbery, where the starting point sentence is 3 years imprisonment. (CartersupraR. v. Johnas[1982] 2 C.C.C. (3d) 132 C.R. (3d) 1 (Alta C.A.))

jeudi 4 mai 2017

Comment apprécier l'immédiateté de la prise d'un échantillon d’haleine dans un ADA et qu’un délai devient nécessaire

R. c. Gaétani, 2015 QCCS 4226 (CanLII)


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[46]        Le Tribunal est d’accord avec cet énoncé du juge LaBrie  de la règle de droit : lorsque, compte tenu de toutes les circonstances, un agent de la paix ayant acquis des soupçons raisonnables qu’il y a présence d’alcool dans l’organisme du conducteur n’est pas en mesure d’exiger de celui-ci qu’il fournisse immédiatement un échantillon d’haleine dans un ADA et qu’un délai devient nécessaire, si cette attente donne une possibilité réaliste au conducteur détenu de consulter un avocat, l’exigence d’immédiateté de l’art. 254(2)b) C.cr. n’est pas respectée et l’ordre est invalide.
[47]        Ainsi, la jurisprudence a notamment considéré que la raison de l’attente (par exemple assurer de la fiabilité du test ou l’absence d’un ADA sur les lieux), la présence de véhicules accidentés ou de blessés, la durée de la période de détention, les conditions relatives à la sécurité du conducteur détenu et celle des agents, la possession d’un téléphone cellulaire par le conducteur, son comportement, son état physique ou mental,   l’exercice ultérieur du droit à l’avocat et la facilité à l’exercer, sont autant d’éléments factuels à considérer pour décider s’il y avait une possibilité réaliste pour le conducteur d’exercer son droit à l’avocat (Voir Lauzier, paragraphes 117 à 125).
[48]        Cette règle signifie également que le seul fait pour le conducteur d’être en possession d’un téléphone cellulaire durant l’attente ne constituera pas nécessairement une violation de l’art. 10b) de la Charte Elle signifie aussi que ce n’est pas parce qu’un conducteur n’a pas de téléphone cellulaire alors qu’il aurait pu en utiliser un qu’il y aura une violation de l’art. 10 b), la question étant de savoir s’il existait une possibilité réaliste et non seulement théorique de communiquer avec un avocat.
[57]        La question que devait se poser le juge d’instance était si, compte tenu de toutes les circonstances, il existait, dans ce délai, une possibilité réaliste pour l’intimé de contacter un avocat.

Les éléments constitutifs de l'infraction de fournir un échantillon d'haleine

R. c. Tremblay, 2014 QCCQ 369 (CanLII)


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[13]        Dans le cas d'une infraction alléguée d'avoir omis ou refusé de fournir un échantillon d'haleine en vertu de l'article 254 (5) du Code criminel, l'arrêt Lewko  de la Cour d'appel de la Saskatchewan résume les éléments essentiels de l'infraction comme suit :
«9     The elements of the offence that the Crown must prove beyond a reasonable doubt are three. First, the Crown must prove the existence of a demand having the requirements of one of the three types mentioned in ss. (2) and (3). Second, the Crown must prove a failure or refusal by the defendant to produce the required sample of breath or the required sample of blood (the actus reus). Third, the Crown must prove that the defendant intended to produce that failure (the mens rea).
10     The proof by the Crown of the three elements (…) may be looked upon as the first stage of the proceedings. Once the Crown hasestablished the three elements of the offence in question, the defendant is presumed guilty and must be so found unless the defendant raises a defence. That brings us to what may be looked upon as the second stage in the proceedings, namely, the presentation by the defendant of his/her justifications or excuses - his/her defences. (…) In the case of the subject offence, a defendant is able to present not only a defence ordinarily cognizable by law, but a defence constituted by any excuse that is "reasonable". This is the effect of the use of the phrase "without reasonable excuse" in the context of s. 254(5)
[14]        Essentiellement, la poursuite doit d'abord prouver hors de tout doute raisonnable chacun des trois éléments essentiels suivants:
1- L'existence d'un ordre valide respectant les exigences de l'article 254(2)C.Cr.
             
            2-  L'omission ou le refus de l'accusé de fournir l'échantillon d'haleine requis
            3-  L'intention criminelle de l'accusé d'omettre ou de refuser
Deuxièmement, une fois que la poursuite a rencontré son fardeau de preuve sur chacun des éléments précités, l'accusé sera déclaré coupable à moins qu'il n'invoque une excuse raisonnable. Nous verrons plus loin à qui incombe le fardeau de convaincre à cet égard.
[15]        L'arrêt Lewko fait autorité partout au Canada et est cité avec approbation à d'innombrables reprises, dont plusieurs fois récemment par la Cour Supérieure, la Cour du Québec, et plusieurs Cours municipales, sans compter de nombreux tribunaux à travers le Canada.
[16]        La jurisprudence est constante à l'effet que tous les éléments essentiels de l'infraction doivent être prouvés hors de tout doute raisonnable avant de traiter la question d'une excuse raisonnable.

Les pouvoirs du juge en matière de gestion de l’instance

R. c. Charron, 2017 QCCS 688 (CanLII)

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[31]        La Cour suprême reconnait que « [p]our que notre système de justice fonctionne, les juges qui président les procès doivent être en mesure de veiller au bon déroulement des instances » et avoir le « moyen de s’assurer que […] l’instance demeure sur la bonne voie ».
[32]        Ainsi, il s’avère nécessaire « de veiller à ne pas entraver le processus judiciaire criminel par de longues procédures qui n’aident en rien à la résolution des questions pertinentes ».
[33]        Un tribunal a un « pouvoir implicite […] de faire ce qui est nécessaire, dans l’exécution de son mandat, pour « administrer pleinement et efficacement la justice » ». La « compétence inhérente ou [la] compétence par déduction nécessaire » du tribunal inclut « le pouvoir de décider du déroulement de l’instance, de prévenir l’abus de procédure et de veiller au bon fonctionnement des rouages de la cour ».
[34]        Selon le juge en chef McLachlin dans R. c. Find, le but ultime est de « maintenir le déroulement efficace du procès » tout en assurant « un procès fondamentalement équitable sans compliquer et allonger inutilement les procès ».
[35]        Elle définit ainsi les caractéristiques d’un procès équitable :
[…] Un procès équitable ne doit toutefois pas être confondu avec un procès parfait, ni avec le procès le plus avantageux possible du point de vue de l’accusé.  Comme je l’ai dit dans R. c. O’Connor1995 CanLII 51 (CSC)[1995] 4 R.C.S. 411, par. 193, « [l]e procès équitable tient compte non seulement du point de vue de l'accusé, mais également des limites pratiques du système de justice et des intérêts légitimes des autres personnes concernées [. . .]. La loi exige non pas une justice parfaite mais une justice fondamentalement équitable ».  Voir également R. c. Carosella1997 CanLII 402 (CSC)[1997] 1 R.C.S. 80, par. 72; R. c. Lyons1987 CanLII 25 (CSC)[1987] 2 R.C.S. 309, p. 362; R. c. Harrer1995 CanLII 70 (CSC)[1995] 3 R.C.S. 562, par. 14. Par ailleurs, une injustice occasionnelle ne saurait être acceptée comme étant le prix à payer pour l’efficacité :M. (A.) c. Ryan1997 CanLII 403 (CSC)[1997] 1 R.C.S. 157, par. 32; R. c. Leipert1997 CanLII 367 (CSC)[1997] 1 R.C.S. 281[13].
[36]        Les procès criminels doivent être axés sur les véritables questions en litige.
[37]        Dans l’arrêt R. c. Rodgerson, le juge Moldaver note que « [l]es exposés aux jurés devraient être soigneusement adaptés de manière à être axés sur les principaux éléments de preuve et les questions essentielles qui sont pertinents eu égard au contexte particulier de l’affaire ».
[38]        La Cour suprême affirme aussi que « la compétence inhérente des cours supérieures est une source résiduelle de pouvoirs à laquelle ces cours peuvent puiser pour veiller à l’application régulière de la loi, empêcher les abus et s’assurer de rendre justice aux parties ». Cela « habilite les cours supérieures notamment à contrôler leur procédure de manière à garantir la commodité, la célérité et l’efficacité de l’administration de la justice ».
[39]        En d’autres termes, une gestion active de l’instance par le tribunal s’avère essentielle pour assurer des procès d’une durée raisonnable ainsi qu’une utilisation efficiente des ressources judiciaires. 
[40]        Dans sa décision récente dans l’arrêt R. c. Jordan, la Cour suprême affirme que « [l]es deux parties [doivent] être soucieuses de faire des admissions raisonnables, de simplifier la preuve et d’anticiper les questions devant être tranchées à l’avance » et « [l]es juges devront en outre faire des efforts raisonnables pour diriger et gérer le déroulement des procès ». Les régimes de gestion de l’instance adoptés par les tribunaux devraient « [fournir] aux parties les outils nécessaires pour collaborer et mener les dossiers de façon efficace ».

[41]        Les tribunaux anglais adoptent cette approche depuis fort longtemps.
[42]        L’adoption de la Loi sur la tenue de procès criminels équitables et rapides en juin 2011 s’inscrit dans le même esprit.
[43]        Il est bien entendu reconnu que les tribunaux doivent faire preuve d’une grande retenue envers les décisions tactiques des avocats et qu’ils doivent généralement s’abstenir de s’immiscer dans la conduite du litige en tant que tel.
[44]        Cela dit, la durée d’un procès ne devrait pas dépasser ce qui s’avère nécessaire.
[45]        Dans l’arrêt Endean c. Colombie-Britannique, la Cour suprême adopte l’approche proposée par la Cour d’appel de l’Ontario en matière de gestion de l’instance des recours collectifs. Cette approche autorise les tribunaux de « rechercher et d’imposer des solutions novatrices pour trancher efficacement les questions en litige ». La gestion efficace et équitable d’un procès criminel justifie certainement la recherche de solutions créatives en autant que celles-ci ne causent pas de préjudice au droit à une défense pleine et entière de l’accusé.
[46]        Bien entendu, comme l’explique le juge Rosenberg dans R. c. Felderhof, l’avocat de la défense doit défendre son client avec zèle :
Nothing said here is inconsistent with or would in any way impede counsel from the fierce and fearless pursuit of a client's interests in a criminal or quasi-criminal case. Zealous advocacy on behalf of a client, to advance the client's case and protect that client's rights, is a cornerstone of our adversary system. It is "a mark of professionalism for a lawyer to firmly protect and pursue the legitimate interests of his or her client". As G. Arthur Martin said, "The existence of a strong, vigorous and responsible Defence Bar is essential in a free Society" (emphasis added). Counsel have a responsibility to the administration of justice, and as officers of the court, they have a duty to act with integrity, a duty that requires civil conduct.
[47]        De plus, les droits constitutionnels de l’accusé lui permettent de forcer la poursuite à présenter sa preuve sans faire aucune admission.
[48]        Voici ce qu’écrit à ce sujet David Layton, auteur de la deuxième édition de l’ouvrage Ethics and Criminal Law :
On the other hand, the client is presumed innocent until proven guilty and has a constitutional right to require the Crown to prove the charge beyond a reasonable doubt. In light of these fundamental constitutional rights, it is crucial that any ethical rule against frivolous arguments contain an exception permitting defence counsel to require that the Crown prove all essential elements of the offence. To this end, the prohibition against taking frivolous steps found in major ethical codes in the United States expressly allows the defence in a criminal matter to require that the prosecution establish every necessary element of the offence. This sort of exception should apply in Canada as well.
[49]        Les auteurs du Report of the Review of Large and Complex Criminal Cases abordent la question du pouvoir du tribunal d’exiger que l’accusé fasse des admissions au sujet de faits qui ne sont pas en litige. Ils concluent que ce pouvoir n’existe pas :
4. Requiring the Defence to Make Admissions of Facts not Legitimately in Dispute
A far more difficult question is whether the Court has power to require an admission of a fact that is readily provable. Furthermore, if counsel unreasonably refuses to admit an obviously provable fact, should the law provide a remedy?
We believe that there should be consequences for counsel who conduct trials in a manner that is contrary to the professional duties discussed above. At a minimum, their eligibility to act on Legal Aid certificates in future cases should be affected, assuming the case is publicly funded, because their conduct arguably contravenes the Legal Aid Services Act. This topic will be dealt with in Chapter 5. In addition, if their conduct rises to the level of professional misconduct it should be referred to the Law Society of Upper Canada. This topic will be dealt with in Chapter 6. Finally, in extreme cases of misconduct before the Court, common law sanctions are available such as costs and contempt. This topic will also be dealt with in Chapter 6. However, none of these remedies will secure the desired admission of fact.
We are not aware of any power held by the court to force the defence to admit facts that should be admitted and that would be admitted by responsible counsel. There are a number of provisions in the Canada Evidence Act permitting proof of certain routine facts by way of affidavit (for example, ss. 262930 and 31). Similarly, s. 657.1 of the Criminal Code permits proof of certain facts in property crime cases by way of affidavit and s. 657.3 permits proof of expert evidence by way of affidavit, subject to requiring cross-examination of the affiant where some live issue exists. Another expedited form of proof utilized in the Criminal Code is certificate evidence in drinking and driving cases (s. 258) and in counterfeiting cases (s. 461). These provisions are all in the nature of statutory hearsay exceptions that permit proof in written form in the place of proof by viva vocetestimony. They are somewhat akin to forced admissions.
We believe that the Federal, Provincial and Territorial Justice Ministers ought to give consideration to expanding the list of facts that can be proved in affidavit form pursuant to s. 657.1. These would obviously not include central disputed aspects of the Crown’s case. Our concern is only with the peripheral facts in a case that are generally proved by witnesses who simply rely on routine records when they testify. Continuity of exhibits is a classic example of an issue where viva voce evidence generally adds nothing to what is recorded on an exhibit tag. Proof that a firearms examiner tested a gun and found it to be operable, as set out in his/her report, is a similar issue where live testimony is generally an unnecessary expenditure of time and resources.118
We have been told that some counsel insist on proof of these kinds of facts, even when they have no legitimate issue to raise in cross-examination. Counsel should be required to demonstrate that some live issue exists to justify calling the witness and challenging his/her routine report or record. This is the way s. 657.1 works and the above kinds of issues could usefully be added to it.
Recommendation 19:
Federal, Provincial and Territorial Justice Ministers ought to instruct their officials to consider expanding s. 657.1 of the Criminal Code to include other routine factual issues that can properly be proved by way of affidavit, subject to a right to cross-examine the affiant where some live issue exists.
[50]        Cette recommandation ne semble pas avoir été spécifiquement intégrée lors de l’adoption de la Loi sur la tenue de procès criminels équitables et rapides.
[52]        Toutefois, il faut considérer l’intérêt de la société à la tenue d’un procès dans un délai raisonnable.
[53]        Dans l’arrêt R. c. Godin, le juge Cromwell formule les commentaires suivants :
[40] Comme l’a dit la juge McLachlin (devenue depuis Juge en chef) dans ses motifs concordants dans Morin, à la p. 810, « [l]orsque les procès sont retardés, il peut y avoir déni de justice.  Des témoins oublient ou disparaissent.  La qualité de la preuve peut se détériorer.  La liberté et la sécurité des accusés peuvent être limitées beaucoup plus longtemps qu’il n’est nécessaire ou justifiable.  Non seulement de tels délais ont des conséquences pour l’accusé, mais ils peuvent également avoir un effet sur l’intérêt du public dans l’administration rapide et équitable de la justice. »
[41] La société a certes grand intérêt à ce que les accusations graves soient jugées au fond.  Toutefois, le déroulement de la présente affaire a été retardé à un point tel qu’il y a eu violation du droit constitutionnel de l’appelant d’être jugé dans un délai raisonnable.  J’estime, en toute déférence, que la Cour d’appel a commis une erreur en infirmant la conclusion du juge de première instance à cet égard.
[54]        Cela dit, le juge de gestion de l’instance, confronté au refus de l’accusé d’admettre certains faits secondaires, s’avère-t-il sans recours?
[55]        Dans un jugement rendu dans l’affaire Bordo, le Tribunal conclut que le pouvoir d’établir des horaires et d’imposer des échéances comprend celui de fixer la durée du procès et celle de la présentation de la preuve par les parties.
[56]        Depuis cette décision, la Cour suprême a confirmé, dans l'arrêt Jordan, le pouvoir des tribunaux de mettre en œuvre des procédures plus efficaces, notamment des pratiques d’établissement de calendriers pour les procès.
[57]        La gestion de l’instance ne constitue pas un outil réservé aux procès de grande envergure.
[58]        Le pouvoir d’établir des horaires, d’imposer des échéances et de fixer la durée du procès comprend nécessairement les pouvoirs qui permettent de fixer la durée de la présentation de la preuve, la manière dont celle-ci sera présentée par les parties et les modalités qui permettent d’en assurer le respect.  

[59]        La gestion équitable et efficace de l’instance s’exerce en respectant le droit des parties de présenter la preuve pertinente et les règles fondamentales de notre système de justice criminelle accusatoire et contradictoire.
[60]        Bien entendu, tel qu’indiqué précédemment, le juge du procès doit être prudent avant de s’immiscer dans la conduite du procès et de rendre des décisions qui ont un effet sur la stratégie des parties.
[61]        Les parties ne possèdent pas le droit absolu de présenter la preuve comme elles le souhaitent. La poursuite et l’accusé ne disposent pas d’un droit de présenter une preuve qui exige un temps excessivement long qui est sans commune mesure avec la valeur probante de la preuve à l’égard des questions véritablement en litige lors du procès. 
[62]        Ainsi, le juge du procès peut fixer la manière dont la preuve sera présentée.
[63]        Voici ce qu’écrit le juge Rosenberg à ce sujet dans Felderhof :
[…] In my view, the trial judge must have the power to control the procedure in his or her court to ensure that the trial is run effectively. Sometimes, the exercise of this power may mean that the trial judge will require counsel to proceed in a different manner than counsel desired.
[64]        La gestion de l’instance doit fournir aux parties les outils nécessaires pour collaborer et mener les dossiers avec diligence. Les parties doivent utiliser de façon efficace le temps du tribunal. Elles doivent être soucieuses de faire des admissions raisonnables, de simplifier la preuve et d’identifier les questions qui doivent être tranchées avant la présentation de la preuve lors du procès.
[65]        En cas de désaccord entre les parties ou lorsque l'accusé refuse de faire des admissions raisonnables à l'égard de questions qui ne sont pas véritablement en litige, le juge de gestion de l’instance peut et doit intervenir.
[66]        Les pouvoirs généraux de gestion de l'instance, et plus particulièrement ceux prévus à l’article 551.3(3)d), permettent de fixer les modalités de la présentation d’une preuve qui est périphérique par rapport aux véritables enjeux du procès si cela ne met pas en jeu le droit à une défense pleine et entière de l’accusé.
[67]        Le juge de gestion de l’instance peut autoriser la poursuite à présenter une telle preuve par le biais d'une déclaration écrite sous serment, sous réserve du droit de l'accusé de contre-interroger l’auteur de la déclaration assermentée ou, le cas échéant, d'un autre témoin, lorsqu’il subsiste vraisemblablement une question à trancher (« a live issue »).
[68]        Dans le présent dossier, plusieurs des admissions sollicitées par la poursuite paraissent raisonnables sans qu’elles ne mettent en péril le droit à une défense pleine et entière de l’accusé.
[69]        À titre d’exemple, il s’avère difficile de comprendre pourquoi l’accusé ne veut pas admettre l’identité de sa conjointe, plusieurs chaines de possession d’objets saisis, la preuve de certaines filatures et certains aspects de la preuve du déroulement des événements qui ne mettent pas en cause la connaissance de l’accusé ou sa participation personnelle aux infractions.
[70]        La poursuite doit donc avoir la possibilité de demander l’autorisation de présenter la preuve de certains faits secondaires au moyen d’une déclaration écrite sous serment.