lundi 29 mai 2017

Le fait d’encaisser des chèques donnés en acompte pour un travail à venir constitue-t-il une conduite malhonnête au sens de la locution «autre moyen dolosif» employée à l’article 380(1) C.cr.?

R. c. Gourdeau, 1993 CanLII 4360 (QC CA)

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Les éléments essentiels de la fraude sont la malhonnêteté et la privation. Le fait d’encaisser deux chèques versés en acompte pour un travail à venir ne constitue pas une conduite malhonnête au sens de l’expression «autre moyen dolosif » utilisée à l’article 380(1)C.cr. La preuve ne démontre pas qu’en échangeant les chèques l’appelant avait l’intention malveillante de s’approprier les deniers de son cocontractant. Les chèques ne contenaient aucune mention restrictive quant à leurs encaissement et affectation. Le tireur devait s’attendre à ce qu’ils soient encaissés avant l’exécution des travaux puisqu’ils étaient payables avant la date prévue au contrat. L’appelant a tenté de faire exécuter les travaux par quelqu’un d’autre et a, pour ce faire, communiqué avec son concurrent. Il n’y a pas eu de conduite malhonnête de la part de l’appelant ni d’intention de priver le créancier de quoi que ce soit L’appelant a sûrement été négligent en n’avisant pas le propriétaire de l’entreprise pour laquelle il s’était engagé à faire des travaux de peinture que ceux-ci ne seraient pas exécutés dans le temps prévu au contrat, mais il n’a pas fraudé.

[12]        Le fait, pour l’appelant, d’encaisser les deux chèques donnés en acompte pour un travail à venir constituait-il une conduite malhonnête au sens de la locution «autre moyen dolosif» employée à l’article 380(1) C.cr.?
[13]        Avec égards, je ne peux déceler, dans le présent cas, un élément de malhonnêteté dans un tel geste. Rien dans la preuve offerte ne permet de déduire ou de supposer qu’en échangeant les chèques l’appelant avait l’intention malveillante de s’approprier carrément les deniers de Ferme M.S.C. Inc., sans avoir la moindre intention de respecter son contrat. Au surplus, les chèques ne contenaient aucune mention restrictive quant à leurs encaissement et affectation. Une chose est évidente: le tireur de ces deux chèques devait s’attendre à ce qu’ils soient encaissés avant l’exécution des travaux de peinture, puisqu’ils étaient, l’un et l’autre, payables bien avant la date première (avril 1990) prévue au contrat pour ces travaux.
[15]        Quant à la privation, comme j’en viens à la conclusion qu’il n’y a pas eu de conduite malhonnête de la part de l’appelant, j’estime par le fait même qu’il n’a jamais eu l’intention de priver Ferme M.S.C. Inc. ou Marcel Cayer de quoi que ce soit. Tel que souligné plus haut, l’appelant a tenté de faire exécuter le travail par un autre. La preuve révèle du reste que l’appelant, pour l’année 1991, a exécuté des contrats de peinture pour 255 000 $ (m.a., p. 79). Je ne vois pas pourquoi il aurait voulu frauder Marcel Cayer en particulier alors qu’il respecte ses autres engagements.
[16]        L’appelant a sûrement été négligent en n’avisant pas Marcel Cayer que les travaux de peinture ne seraient pas exécutés dans le temps stipulé au contrat. Si ce retard a causé un préjudice, il n’appartient pas à la Chambre criminelle d’un tribunal de le corriger.

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