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mercredi 4 mars 2009

Définition de « arme » / Sens du mot « blesser » dans la définition de « arme »

R. c. Lamy, [2002] 1 R.C.S. 860

Résumé des faits
L’accusé est déclaré coupable au procès d’agression sexuelle armée et de relations sexuelles anales. Pendant l’agression sexuelle, l’accusé pénètre la plaignante avec un long godemiché de bambou en forme de bâton de baseball.

Analyse
Si un objet est utilisé dans l’infliction d’une blessure (physique ou psychologique) dans une agression sexuelle, il n’est pas nécessaire que la blessure équivaille à des lésions corporelles pour que soit déclenchée l’application de l’al. 272(1)a) du Code criminel. « Blesser » à l’art. 2 n’est pas synonyme de « infliger des lésions corporelles ».

Pour ce qui est de l’élément moral requis pour faire d’un objet une arme, la version française de l’art. 2, prise littéralement, pourrait vouloir dire que l’objet doit être conçu ou utilisé, ou qu’une personne entende l’utiliser, dans le but de blesser. La version anglaise fournit une clarification indiquant que, lorsqu’un objet a été utilisé pour tuer ou blesser, il n’est pas exigé qu’il ait été utilisé dans le but de tuer ou blesser, mais seulement qu’il ait été utilisé en causant la mort ou une blessure. L’accusé doit sciemment ou inconsidérément utiliser l’objet sans le consentement de la victime dans des circonstances où la blessure est raisonnablement prévisible.

De toute évidence, il faut un lien de causalité entre la blessure causée par l’agression sexuelle et l’utilisation d’un objet au cours de l’agression. Par exemple, si l’accusé contraint la victime à porter un vêtement particulier pendant qu’il l’agresse sexuellement, il est évident que ce vêtement ne devient pas une arme même si la victime subit des blessures pendant l’agression. De même, l’accusé doit sciemment ou inconsidérément utiliser l’objet sans le consentement de la victime dans des circonstances où la blessure est raisonnablement prévisible. Lorsqu’un accusé, comme en l’espèce, agresse sexuellement la plaignante en employant la force contre elle sans qu’elle y consente, et que le recours à cette force, dont une pénétration de force avec un objet, lui a causé des blessures, j’estime qu’il est parfaitement compatible avec la définition de l’art. 2 de conclure que l’objet a été utilisé pour causer des blessures et peut donc être qualifié d’arme.

Définitions pertinentes
L’expression « lésions corporelles », qui est utilisée largement dans le contexte des voies de fait, est ainsi définie à l’art. 2 : « Blessure qui nuit à la santé ou au bien‑être d’une personne et qui n’est pas de nature passagère ou sans importance »

«arme » Toute chose conçue, utilisée ou qu’une personne entend utiliser pour soit tuer ou blesser quelqu’un, soit le menacer ou l’intimider. Sont notamment visées par la présente définition les armes à feu.

mardi 3 mars 2009

Harcèlement criminel - état du droit

R. c. Lamontagne, 1998 CanLII 13048 (QC C.A.)

L'art. 264 C.cr., précité, précise au par. (1) les éléments constitutifs de l'infraction qui doivent être prouvés tandis que le par. (2) décrit les quatre types de l'acte interdit auquel renvoie le par. (1). La Cour d'appel d'Alberta, dans l'arrêt R. v. Sillip 1997 CanLII 10865 (AB C.A.), (1997), 11 C.R. (5th) 71, p. 78, en dégage les cinq éléments essentiels suivants:

1) It must be established that the accused has engaged in the conduct set out in s. 264 (2) (a), (b), (c), or (d) of the Criminal Code.

2) It must be established that the complainant was harassed.

3) It must be established that the accused who engaged in such conduct knew that the complainant was harassed or was reckless or wilfully blind as to whether the complainant was harassed.

4) It must be established that the conduct caused the complainant to fear for her safety or the safety of anyone known to her; and

5) It must be established that the complainant's fear was, in all of the circumstances, reasonable.

Je souscris à cette analyse.

L'actus reus de cette infraction se compose de trois éléments, soit (1) l'acte interdit au par. (2), (2) que de fait la victime soit harcelée et (3) l'effet que cet acte provoque chez la victime.

Quand dans la version française il est stipulé que la connaissance ou l'insouciance que la plaignante se sente harcelée cela implique que l'auteur, par son fait, a contribué au harcèlement de la plaignante puisqu'on pourrait difficilement lui imputer une connaissance d'un état dont il n'est pas responsable.

Si l'on applique maintenant à l'instance le texte d'incrimination à la lumière de la dénonciation, il s'ensuit que la poursuite devait prouver les éléments essentiels suivants:

(1) que l'appelant s'est comporté d'une manière menaçante envers la plaignante;

(2) qu'en se comportant d'une manière menaçante cela a eu pour effet de faire raisonnablement craindre à la plaignante - compte tenu du contexte - pour sa sécurité; [j'ai regroupé ici dans un seul les éléments ci-haut énumérés aux par. 4) et 5)]

(3) que la plaignante a été harcelée;

(4) que l'appelant savait que la plaignante se sentait harcelée ou ne se souciait pas qu'elle se sente harcelée;

Le premier élément à prouver concerne la conduite prohibée par le par. 264(2) C.cr.; l'appelant s'est-il comporté d'une manière menaçante en prononçant les mots reprochés? Pour interpréter les mots «d'une manière menaçante», j'estime, à l'instar de la Cour d'appel de la Colombie-Britannique dans l'arrêt R. v. Ryback, supra, qu'il y a lieu d'appliquer le test proposé par la Cour Suprême du Canada dans l'arrêt R. v. McCraw, 1991 CanLII 29 (C.S.C.), [1991] 3 R.C.S. 72, à l'égard de l'infraction qui consiste à «proférer des menaces» selon l'art. 264.1 du Code criminel, soit que la nature de la menace doit être examinée de façon objective, dans le contexte de tous les mots énoncés et compte tenu de la personne à qui ils s'adressent.

Si le premier élément soulevait l'existence même d'un comportement dit «menaçant» d'un point de vue purement objectif, le deuxième précise quel doit être l'effet de ce comportement, soit de «faire raisonnablement craindre à la plaignante - compte tenu du contexte - pour sa sécurité».

Encore là, il s'agit d'un test objectif en raison de l'emploi du mot «raisonnablement». Cela signifie que même si une plaignante affirmait avoir subjectivement craint pour sa sécurité, cela ne suffirait pas puisque le juge des faits doit être satisfait que «raisonnablement», donc d'un point de vue objectif (d'une personne raisonnable), ce comportement «menaçant», «compte tenu du contexte», a fait craindre à la plaignante pour sa sécurité (R. v. Ducey (W.J.) (reflex-logo) reflex, (1996), 142 Nfld. & P.E.I.R. 91 (C.A.T.N.), et La Reine c. Anne-Nicole Josile (inédit), C.S. Montréal, no 500-36-001209-975, 16 janvier 1998, j. Pinard.

Le «harcèlement» n'est pas défini par le législateur à l'art. 264.

Dans les arrêts Ryback et Sillipp, supra, l'on s'entend pour donner à ce mot une interprétation contextuelle. Il ne suffit pas que la plaignante soit «vexed, disquieted or annoyed», encore faut-il démontrer que la conduite prohibée ait «tormented, troubled, worried continually or chronically, plagued, bedeviled and badgered», soulignent ces arrêts

Les conditions pouvant être contenues dans une ordonnance de probation

Certaines conditions d’une ordonnance de probation sont obligatoires, alors que d’autres sont facultatives. L’article 732.1 (2) C.cr. énumère les conditions obliga-toires qu’une ordonnance doit comporter

Conditions obligatoires
(2) Le tribunal assortit l’ordonnance de probation des conditions suivantes, intimant au délinquant :

a) de ne pas troubler l’ordre public et d’avoir une bonne conduite;

b) de répondre aux convocations du tribunal;

c) de prévenir le tribunal ou l’agent de probation de ses changements d’adresse ou de nom et de les aviser rapidement de ses changements d’emploi ou d’occupation.

Conditions facultatives
(3) Le tribunal peut assortir l’ordonnance de probation de l’une ou de plusieurs des conditions suivantes, intimant au délinquant :

a) de se présenter à l’agent de probation :

(i) dans les deux jours ouvrables suivant l’ordonnance, ou dans le délai plus long fixé par le tribunal,

(ii) par la suite, selon les modalités de temps et de forme fixées par l’agent de probation;

b) de rester dans le ressort du tribunal, sauf permission écrite d’en sortir donnée par le tribunal ou par l’agent de probation;

c) de s’abstenir de consommer :

(i) de l’alcool ou d’autres substances toxiques,

(ii) des drogues, sauf sur ordonnance médicale;

d) de s’abstenir d’être propriétaire, possesseur ou porteur d’une arme;

e) de prendre soin des personnes à sa charge et de subvenir à leurs besoins;

f) d’accomplir au plus deux cent quarante heures de service communautaire au cours d’une période maximale de dix-huit mois;

g) si le délinquant y consent et le directeur du programme l’accepte, de participer activement à un programme de traitement approuvé par la province;

g.1) si le lieutenant-gouverneur en conseil de la province où doit être rendue l’ordonnance de probation a institué un programme de traitement curatif pour abus d’alcool ou de drogue, de subir, à l’établissement de traitement désigné par celui-ci, l’évaluation et la cure de désintoxication pour abus d’alcool ou de drogue qui sont recommandées dans le cadre de ce programme;

g.2) si le lieutenant-gouverneur en conseil de la province où est rendue l’ordonnance de probation a institué un programme visant l’utilisation par le délinquant d’un antidémarreur avec éthylomètre et s’il accepte de participer au programme, de se conformer aux modalités du programme;

h) d’observer telles autres conditions raisonnables que le tribunal considère souhaitables, sous réserve des règlements d’application du paragraphe 738(2), pour assurer la protection de la société et faciliter la réinsertion sociale du délinquant.

Conditions facultatives — organisations

(3.1) Le tribunal peut assortir l’ordonnance de probation visant une organisation de l’une ou de plusieurs des conditions ci-après, intimant à celle-ci :

a) de dédommager toute personne de la perte ou des dommages qu’elle a subis du fait de la perpétration de l’infraction;

b) d’élaborer des normes, règles ou lignes directrices en vue de réduire la probabilité qu’elle commette d’autres infractions;

c) de communiquer la teneur de ces normes, règles et lignes directrices à ses agents;

d) de lui rendre compte de l’application de ces normes, règles et lignes directrices;

e) de désigner celui de ses cadres supérieurs qui veillera à l’observation de ces normes, règles et lignes directrices;

f) d’informer le public, selon les modalités qu’il précise, de la nature de l’infraction dont elle a été déclarée coupable, de la peine infligée et des mesures — notamment l’élaboration des normes, règles ou lignes directrices — prises pour réduire la probabilité qu’elle commette d’autres infractions;

g) d’observer telles autres conditions raisonnables qu’il estime indiquées pour empêcher l’organisation de commettre d’autres infractions ou réparer le dommage causé par l’infraction.

Organismes de réglementation
(3.2) Avant d’imposer la condition visée à l’alinéa (3.1)b), le tribunal doit prendre en considération la question de savoir si un organisme administratif serait mieux à même de superviser l’élaboration et l’application des normes, règles et lignes directrices mentionnées à cet alinéa.

Détention présentencielle dans la situation d'une personne n'ayant pas la citoyenneté canadienne

Canada (Ministre de la Citoyennté et de l'Immigration) c. Atwal, 2004 CF 7 (CanLII)

[15] En adoptant l'article 64 de la LIPR, le législateur a voulu établir une norme objective de criminalité au regard de laquelle un résident permanent perd son droit d'appel. On peut présumer que le législateur était au courant du fait que, conformément à l' article 719 du Code criminel, la période de détention présentencielle est prise en considération lors de la détermination des peines. Appliquer l'article 64 de la LIRP en faisant abstraction de la période de détention présentencielle lorsque cette période a été expressément prise en compte dans la détermination de la peine serait contraire à l'intention qu'avait le législateur lors de l'adoption de cet l'article.

Cheddesingh c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2006 CF 124 (CanLII)

[20] Dans l’arrêt R. c. Wust, 2000 CSC 18 (CanLII), [2000] 1 R.C.S. 455, la juge Arbour écrivait ce qui suit, au paragraphe 41 :

[…] En conséquence, bien que la détention avant le procès ne se veuille pas une sanction lorsqu’elle est infligée, elle est, de fait, réputée faire partie de la peine après la déclaration de culpabilité du délinquant, par l’application du paragraphe 719(3) […]

[21] La demanderesse dit que dans la décision Atwal, précitée, le juge Pinard a mal interprété l’arrêt Wust lorsqu’il a considéré que le temps passé en détention présentencielle devrait être inclus dans l’emprisonnement dont parle l’article 64 de la Loi. Le juge Pinard écrivait ce qui suit, au paragraphe 15 :

En adoptant l’article 64 de la LIPR, le législateur a voulu établir une norme objective de criminalité au regard de laquelle un résident permanent perd son droit d’appel. On peut présumer que le législateur était au courant du fait que, conformément à l’article 719 du Code criminel, la période de détention présentencielle est prise en considération lors de la détermination des peines. Appliquer l’article 64 de la LIPR en faisant abstraction de la période de détention présentencielle lorsque cette période a été expressément prise en compte dans la détermination de la peine serait contraire à l’intention qu’avait le législateur lors de l’adoption de cet l’article.

[22] J’ai entendu les arguments très solides de l’avocat de la demanderesse, mais je ne puis souscrire à l’interprétation que propose la demanderesse sur ce qui constitue un emprisonnement pour l’application de l’article 64. Je partage les conclusions tirées par le juge Pinard dans la décision Atwal, précitée, et la jurisprudence de la Cour sur cette question est constante.

[23] Dans la décision Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Smith, 2004 CF 63 (CanLII), 2004 CF 63, le juge Campbell a dit que l’emprisonnement visé au paragraphe 64(2) de la Loi comprenait la période de détention présentencielle, laquelle était prise en compte dans la détermination de la peine imposée à une personne. Dans la décision Jamil, précitée, la juge Mactavish est arrivée à la même conclusion. Elle écrivait ce qui suit, au paragraphe 33 :

Il convient de rappeler à cette étape que le paragraphe 64(2) de la LIPR ne concerne pas la durée de la peine infligée au délinquant, mais la punition infligée. Il ressort clairement de la jurisprudence qu’une fois qu’un individu est déclaré coupable d’un crime, la période qu’il passe en détention avant son procès est réputée faire partie de la punition infligée.

[24] Je suis donc d’avis que l’interprétation que préconise la demanderesse va à l’encontre de l’intention qu’avait le législateur lorsqu’il a rédigé le paragraphe 64(2) de la Loi, et j’arrive à la conclusion que le Tribunal n’a pas commis d’erreur susceptible de contrôle lorsqu’il a conclu que la période passée par la demanderesse en détention présentencielle faisait partie de son « emprisonnement ».

[29] Je souscris aux conclusions du juge Mosley sur ce point, conclusions qui ont été suivies dans la décision Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Gomes, 2005 CF 299 (CanLII), 2005 CF 299, et dans la décision Sherzad, précitée. Dans la décision Sherzad, la juge Mactavish écrivait ce qui suit, aux paragraphes 57 à 61 :

C’est donc dire que la période passée en détention pour un délinquant avant sa condamnation est réputée faire partie de la « punition » qui lui est infligée. Il ne conviendrait pas, à mon avis, qu’un délinquant puisse faire valoir, en matière criminelle, qu’il faudrait réduire sa peine à cause de la période qu’il a passée en détention avant de subir son procès, et qu’il puisse ensuite faire volte‑face, en matière d’immigration, et dire qu’il ne faudrait pas prendre en compte la période passée en détention avant le procès, et que seule la durée de la peine devrait être prise en compte pour l’application du paragraphe 64(2) de la LIPR.

Comme l’a signalé le juge Mosley dans Cheddesingh (Jones), une telle interprétation irait à l’encontre des principes formulés dans l’arrêt Wust et de l’intention qu’avait le législateur en adoptant l’article 64 de la LIPR.

Par ailleurs, accepter l’interprétation que fait M. Sherzad du paragraphe 64(2) entraînerait un résultat absurde. Par exemple, si un individu inculpé d’une infraction plaidait coupable au moment de l’arrestation et était condamné à deux ans d’emprisonnement, son droit d’appel devant la SAI serait éteint par l’application du paragraphe 64(2). Par contre, un autre individu, inculpé de la même infraction dans des circonstances identiques, pourrait décider de subir un procès. S’il était déclaré coupable, la période qu’il a passée en détention avant le procès serait prise en compte et sa peine serait réduite en conséquence, devenant inférieure à deux ans. Dans de telles circonstances, le second délinquant aurait encore le droit d’interjeter appel devant la SAI.

Dans le même ordre d’idées, un délinquant qui passerait deux ans en détention avant de subir son procès et qui serait ensuite condamné « à la peine déjà purgée » n’aurait, suivant l’interprétation de M. Sherzad, reçu aucune « punition » aux fins de l’application du paragraphe 64(2).

Une telle interprétation inciterait concrètement les délinquants à invoquer les délais avant procès afin de contourner le paragraphe 64(2), ce qui n’est certes pas l’intention du législateur.

Calcul de la réduction de peine pour détention présentencielle

R. c. Wust, [2000] 1 R.C.S. 455

Résumé des faits
L’accusé a plaidé coupable à des accusations de vol qualifié et de possession d’une arme à autorisation restreinte. Au moment de la détermination de sa peine, il était détenu depuis son arrestation, environ sept mois et demi auparavant. Il a été condamné à une peine de quatre ans et demi d’emprisonnement, à purger concurremment avec un emprisonnement d’un an pour le chef de possession d’une arme à autorisation restreinte, et sa peine à été réduite d’un an pour tenir compte de la période qu’il avait passée sous garde avant qu’elle ne soit prononcée. Il en a résulté une peine de trois ans et demi.

Analyse

Les peines minimales obligatoires doivent être interprétées d’une manière conforme au contexte global du régime de détermination de la peine, y compris la réduction légale.

La période passée sous garde avant le prononcé de la peine est véritablement passée en détention, souvent dans des circonstances plus pénibles que celles dans lesquelles sera purgée la peine infligée en bout de ligne. Le fait d’accorder une réduction pour cette période porte moins atteinte au concept de période minimale d’incarcération que la réduction légale de peine ou la libération conditionnelle.

Le paragraphe 719(3) fait en sorte que la pratique bien établie qu’appliquent les juges déterminant les peines et qui consiste à prendre en compte la période passée sous garde par le délinquant dans le calcul de la durée de sa peine puisse être utilisée, même si elle semble avoir pour effet de réduire la peine en deçà du minimum fixé par la loi.

Il ne faut pas porter atteinte au pouvoir discrétionnaire bien établi dont disposent les tribunaux en vertu du par. 719(3) en avalisant une formule mécanique de réduction de la peine pour tenir compte de la période de détention présentencielle. L’objectif de la détermination de la peine est l’infliction d’une peine juste et appropriée, qui prend en compte la situation du délinquant et les circonstances particulières de la perpétration de l’infraction. Dans le passé, nombre de juges ont retranché environ deux mois à la peine du délinquant pour chaque mois passé en détention présentencielle.

Ce rapport reflète non seulement la rigueur de la détention en raison de l’absence de programmes, mais également le fait qu’aucun mécanisme de réduction de la peine ne s’applique à cette période de détention. Comme la période à retrancher ne peut ni ne doit être établie au moyen d’une formule rigide, il est préférable de laisser au juge qui détermine la peine le soin de calculer cette période.

Les cours d’appel provinciales ont rejeté l’application d’une formule mathématique de réduction de la peine pour tenir compte de la période de détention avant le procès, insistant plutôt sur le fait que la période à retrancher de la peine doit être déterminée au cas par cas [. . .] Bien qu’il ne soit peut‑être pas judicieux d’adopter un multiplicateur fixe, le juge qui détermine la peine doit, à moins de justifier son abstention de le faire, accorder une certaine réduction de peine pour tenir compte de la période passée sous garde par le délinquant avant son procès (et le prononcé de sa peine)

Dans le passé, nombre de juges ont retranché environ deux mois à la peine du délinquant pour chaque mois de détention présentencielle. Cette façon de faire est tout à fait convenable, quoiqu’un autre rapport puisse aussi être appliqué, par exemple si l’accusé a été détenu avant son procès dans un établissement où il avait pleinement accès à des programmes d’enseignement, de formation professionnelle ou de réadaptation. Le rapport de 2 pour 1 qui est souvent appliqué reflète non seulement la rigueur de la détention en raison de l’absence de programmes, rigueur qui peut être plus grande dans certains cas que dans d’autres, mais également le fait qu’aucun des mécanismes de réduction de la peine prévus par la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition ne s’applique à cette période de détention.

En conséquence, bien que la détention avant le procès ne se veuille pas une sanction lorsqu’elle est infligée, elle est, de fait, réputée faire partie de la peine après la déclaration de culpabilité du délinquant, par l’application du paragraphe 719(3)

Les textes de loi qui sous-tendent la « règle des deux ans »

L’article 743.1 du Code criminel sert de fondement à la « règle des deux ans ». Un délinquant est sous responsabilité fédérale et purge sa peine dans un pénitencier dans les cas suivants :

* lorsqu’il est condamné à perpétuité;
* lorsqu’il est condamné à une peine d’emprisonnement pour une période indéterminée;
* lorsqu’il est condamné à une peine d’emprisonnement de deux ans ou plus;
* lorsqu’il est condamné à une peine d’emprisonnement pour deux ou plusieurs périodes de moins de deux ans chacune, à purger l’une après l’autre et dont la durée totale est de deux ans ou plus;
* lorsqu’il est condamné, pendant qu’il purge une peine en milieu pénitentiaire, à une peine de moins de deux ans;
* lorsqu’il est condamné, pendant qu’il purge une peine ailleurs que dans un pénitencier, à deux peines ou plus, à purger l’une après l’autre et dont la durée de chacune est de moins de deux ans, le délinquant doit être transféré dans un pénitencier lorsque la durée totale des parties non expirées s’élève à deux ans ou plus.

Dans les autres cas, le délinquant purge sa peine dans une prison provinciale.

Notons que le juge qui impose la peine a le pouvoir de préciser que la peine doit être purgée dans un pénitencier, quelle que soit la durée de la peine du délinquant, lorsque ce dernier a été trouvé coupable d’évasion, de liberté illégale, de bris de prison, etc.

De plus, tout délinquant déclaré délinquant à contrôler auquel est imposée une nouvelle peine d’incarcération alors qu’il est soumis à une ordonnance de surveillance de longue durée doit purger cette nouvelle peine dans un pénitencier, quelle qu’en soit la durée.

Exemples de peines purgées dans un pénitencier :

* une personne est condamnée à une peine d’emprisonnement à perpétuité pour un meurtre au deuxième degré;
* une personne est déclarée « criminel dangereux » et condamnée à une peine d’emprisonnement d’une durée indéterminée;
* une personne est déclarée « délinquant à contrôler » et condamnée à une nouvelle peine alors qu’elle est soumise à une ordonnance de surveillance de longue durée;
* une personne est condamnée à purger une période unique d’emprisonnement de six ans;
* une personne est condamnée le même jour à deux périodes d’emprisonnement, une pour 18 mois et l’autre pour 12 mois, consécutive à la première (total : 2 ans et 6 mois);
* une personne purge déjà une peine de 3 ans et se voit imposer une nouvelle peine de six mois consécutive à la première;
* une personne a purgé 6 mois d’une peine de 1 an et se voit imposer le même jour deux autres peines, une d’une année consécutive à la peine actuelle et une d’une année consécutive à la nouvelle peine (total des périodes restant à courir : 2 ans et 6 mois).

Exemples de peines purgées dans une prison :

* une personne se voit imposer une peine d’emprisonnement de 18 mois;
* une personne est condamnée à trois peines d’emprisonnement à purger consécutivement : une période de 3 mois, une de 6 mois et une autre de 4 mois (soit un total de 13 mois);
* une personne a déjà purgé 6 mois d’une peine d’un an et se voit imposer trois autres peines à purger l’une après l’autre : 2 mois, 3 mois et 1 an (total des périodes restant à courir : 23 mois –même si la peine totale est de 2 ans et 5 mois, le délinquant demeure incarcéré dans une prison).

Tiré du site:
http://www.securitepublique.gc.ca/res/cor/rep/2005-sntnce-hndbk-fra.aspx#Anchor-36871
Le calcul des peines : Guide pour les juges, les avocats et les responsables correctionnels

lundi 2 mars 2009

Refuser la mise en liberté sous caution « pour ne pas miner la confiance du public envers l’administration de la justice »

R. c. Hall, [2002] 3 R.C.S. 309

Tout inculpé a le droit de ne pas être privé sans juste cause d'une mise en liberté assortie d'un cautionnement raisonnable (art 11 de la Charte)

Il est nécessaire d’examiner l’ensemble de l’al. 515(10)c) pour se prononcer sur la constitutionnalité du refus d’accorder la mise en liberté sous caution afin de maintenir la confiance du public dans l’administration de la justice. La partie de l’al. 515(10)c) qui permet la détention « [s’]il est démontré une autre juste cause » est inconstitutionnelle.

Le reste de l’al. 515(10)c), qui permet de refuser la mise en liberté sous caution « pour ne pas miner la confiance du public envers l’administration de la justice », est valide. Il énonce un motif de refuser d’accorder la mise en liberté sous caution, qui n’est pas visé par les al. 515(10)a) et b).

Bien que les circonstances dans lesquelles il est possible d’invoquer ce motif de refus d’accorder la mise en liberté sous caution puissent être rares, lorsqu’elles se présentent, il est essentiel de disposer d’un moyen de refuser cette mise en liberté étant donné que la confiance du public est essentielle au bon fonctionnement du système de mise en liberté sous caution et de l’ensemble du système de justice.

Dans l’arrêt R. c. Rondeau, 1996 CanLII 6516 (QC C.A.), [1996] R.J.Q. 1155, p. 1159, le juge Proulx de la Cour d’appel du Québec a affirmé ceci au sujet d’un meurtre aussi inexplicable et sauvage : « Plus un crime comme celui-là est inexpliqué et inexplicable, plus inquiétante pour la société s’avère la mise en liberté provisoire ». La disposition en cause vise un objectif important, à savoir le maintien de la confiance du public dans l’administration de la justice dans des circonstances comme celles de la présente affaire.

Permettre qu’une personne accusée d’avoir commis un crime haineux soit remise en liberté dans la collectivité, lorsque la preuve qui pèse contre elle est accablante, peut avoir pour effet de miner la confiance du public dans l’administration de la justice. Lorsque le public n’a pas l’impression que justice est rendue, il risque d’avoir moins confiance dans le système de mise en liberté sous caution et, de manière plus générale, dans tout le système de justice. Dans le cas où il est raisonnable de croire que la confiance du public est compromise, il peut notamment en résulter des désordres et des actes de justicier au sein de la population.

Le législateur a assorti d’importantes garanties la présente disposition en matière de mise en liberté sous caution. Le juge doit être persuadé que la détention est non seulement souhaitable, mais encore nécessaire. De plus, il doit être convaincu que cette mesure n’est pas seulement nécessaire pour atteindre un objectif quelconque, mais qu’elle s’impose pour ne pas miner la confiance du public dans l’administration de la justice.

Le refus d’accorder la mise en liberté sous caution « pour ne pas miner la confiance du public envers l’administration de la justice », eu égard aux facteurs énoncés à l’al. 515(10)c), est conforme à l’al. 11e) de la Charte.

Le législateur a assorti la disposition d’importantes garanties : le juge peut refuser d’accorder la mise en liberté sous caution uniquement s’il est persuadé, à la lumière des quatre facteurs énoncés et des circonstances connexes, qu’un membre raisonnable de la collectivité serait convaincu que ce refus est nécessaire pour ne pas miner la confiance du public dans l’administration de la justice. La disposition n’a pas une portée excessive. Elle établit plutôt un juste équilibre entre les droits de l’accusé et la nécessité de veiller à ce que la justice règne dans la collectivité.

Voir l'article 515 (10)

L'article 515 (10) c) est libellé comme suit :

« Motif justifiant la détention – Pour l'application du présent article, la détention d'un prévenu sous garde n'est justifiée que dans l'un des cas suivants :

[…]

c) il est démontré une autre juste cause et, sans préjudice de ce qui précède, sa détention est nécessaire pour ne pas miner la confiance du public envers l'administration de la justice, compte tenu de toutes les circonstances, notamment le fait que l'accusation paraisse fondée, la gravité de l'infraction, les circonstances entourant sa perpétration et le fait que le prévenu encoure, en cas de condamnation, une longue peine d'emprisonnement. »d'emprisonnement.

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

Le pouvoir d'amender un acte d'accusation ou une dénonciation expliqué par la Cour d'appel de l'Ontario

R. v. K.R., 2025 ONCA 330 Lien vers la décision [ 17 ]        The power to amend an indictment or information under  s. 601(2)  of the  Crim...