Rechercher sur ce blogue

jeudi 3 juin 2010

L'ignorance d'une disposition légale qui peut donner lieu à une interprétation est un facteur très important lorsqu'il s'agit de décider si l'accusé doit jouir d'une absolution

R. c. Cogger, 2001 CanLII 20626 (QC C.A.)

En somme l'appelant ignorait la loi, et l'ignorance de la loi n'est pas un moyen de défense.

Cependant, à mon humble avis, l'ignorance d'une disposition légale qui peut donner lieu à une interprétation est un facteur très important lorsqu'il s'agit de décider si l'accusé doit jouir d'une absolution

Ceci, alors que l'appelant n'a pas commis de turpitude et ne sachant pas qu'il commettait un acte criminel. L'infraction prévue à l'al. 121(1)a) n'est pas un malum in se, mais un malum prohibitum. L'intérêt public n'exige nullement autre chose qu'une absolution.

Quant à la dissuasion spécifique, il y a fort à parier que l'appelant a eu sa leçon et qu'il ne recommencerait pas même s'il redevenait «fonctionnaire».

Quant à la dissuasion générale, elle doit céder le pas à la mansuétude dans le cas où l'accusé a agi dans l'ignorance de la loi, en toute bonne foi, et a subi un préjudice singulièrement important.

mardi 1 juin 2010

Étude de la Cour d'appel au sujet des règles juridiques devant gouverner le contre-interrogatoire

El Morr c. R., 2010 QCCA 812 (CanLII)

[83] (...) Une preuve dont le seul but est de démontrer que l’accusé est le genre de personne susceptible d’avoir commis une infraction, est inadmissible à moins d'exception, ce qui n'est pas le cas ici : R. c Shearing, 2002 CSC 58 (CanLII), [2002] 3 R.C.S. 33; R. c. Handy, 2002 CSC 56 (CanLII), [2002] 2 R.C.S. 908; R. c. Arp, 1998 CanLII 769 (C.S.C.), [1998] 3 R.C.S. 339.

[85] Un contre-interrogatoire autorise bien des questions qui portent sur la crédibilité. Je ne vois cependant pas en quoi ces dernières questions pouvaient permettre de croire ou de ne pas croire le témoignage de l'appelant. En réalité, de l'aveu même de l'avocat de la poursuite, le but n'était pas d'affaiblir sa crédibilité, mais plutôt de laisser croire qu'il était plus susceptible, pour cette raison, d'avoir proféré des menaces.

[86] Comme le souligne le juge Cory dans R. c. Osolin, 1993 CanLII 54 (C.S.C.), [1993] 4 R.C.S. 595, le droit de contre-interroger n'est pas illimité :

Malgré son importance, le droit de contre‑interroger n'a jamais été illimité. Il doit respecter le principe fondamental selon lequel tout élément de preuve doit être pertinent pour être admissible. En outre, la valeur probante de la preuve doit être soupesée en regard de son effet préjudiciable.

[87] L'appelant n'avait pas mis en cause sa bonne réputation et sa bonne moralité pour démontrer qu'il n'était pas une personne susceptible de commettre l'infraction ou pour rehausser sa crédibilité et la poursuite ne pouvait donc pas tenter de faire la preuve de sa mauvaise réputation, de sa moralité ou de son mode vie pour démontrer le contraire.

[97] Dans R. v. G. (A.), 1998 CanLII 7189 (ON C.A.), (1998) 130 C.C.C. (3d) 30 (C.A. Ont.), le juge Labrosse rappelle cette règle :

46 This clear rebuke from the trial judge resulted when he ascertained that defence counsel had no basis for believing or suspecting that the complainant had revealed to the doctor that anything had been inserted into her vagina, let alone the appellant's fist. Based on disclosure, defence counsel would have known the substance of the complainant's allegations. As such, the questions were improper, outrageous and clearly exceeded the proper limits of cross-examination. The questions could only have been intended to embarrass the complainant. […]

[98] Un contre-interrogatoire ne peut avoir pour objectif de dénigrer ou de diminuer l'accusé : R. v. Robinson 2001 CanLII 24059 (ON C.A.), (2001), 153 C.C.C. (3d) 398 (C.A. Ont.); R. v. Bouhsass 2002 CanLII 45109 (ON C.A.), (2003), 169 C.C.C. (3d) 444 (C.A. Ont.).

[102] Je ne retiens pas cet argument. Il est vrai qu'un procès présidé par un juge seul réduit considérablement le risque que cette preuve crée de la confusion à l'égard des enjeux soulevés. Par contre, comme le soulignait l'avocat de l'appelant à l'audience, ce n'est pas une raison en soi ni une licence pour justifier le dépôt d'éléments de preuve inadmissibles ou encore les questions illégales. Comme le mentionne à ce sujet le juge Helper dans R. v. W. (R.S.) reflex, (1990), 55 C.C.C. (3d) 149 (Man. C.A.), à la p. 157, un arrêt prononcé à la suite d'un procès présidé par un juge seul :

A trial judge is charged with the responsibility of ensuring that proceedings before him (or her) are conducted fairly. He has an overriding duty in every case to ensure a fair trial. He is the ultimate umpire whose duties include excluding inadmissible evidence and preventing cross-examination which goes beyond permissible limits, even though not objected to by counsel for the accused.

[103] Dans R. c. Duguay, [2001] J.Q. n° 4037, J.E. 2001-1769 (C.A. Qué.), au paragr. 46, le juge Biron écrivait, pour la Cour :

Présumé innocent, un accusé a droit à un procès équitable.

[104] Or, un contre-interrogatoire abusif peut rendre le procès inéquitable. Dans R v. R. (A.J.), 1994 CanLII 3447 (ON C.A.), (1994) 94 C.C.C.(3d) 168 (C.A. Ont.), le juge Doherty écrit :

23 There are, however, well-established limits on cross- examination. Some apply to all witnesses, others only to the accused. Isolated transgressons of those limits may be of little consequence on appeal. Repeated improprieties during the cross-examination of an accused are, however, a very different matter. As the improprieties mount, the cross-examination may cross over the line from the aggressive to the abusive. When that line is crossed, the danger of a miscarriage of justice is very real. If improper cross-examination of an accused prejudices that accused in his defence or is so improper as to bring the administration of justice into disrepute, an appellate court must intervene […]

[105] Dans R. v. White 1999 CanLII 3695 (ON C.A.), (1999), 132 C.C.C. (3d) 373 (C.A. Ont.), le juge Doherty s'exprime ainsi :

6 There is no need to review the well-established and unfortunately ever-growing line of authority relating to improper cross-examination by Crown counsel. Improper cross-examination of an accused may taint a trial either by resulting in actual prejudice to an accused or by creating the appearance of unfairness.

[106] Je suis d'avis que c'est le cas en l'espèce et que le contre-interrogatoire de l'appelant a mis en cause l'équité du procès. Le juge ne pouvait demeurer passif. Dans R. v. Snow 2004 CanLII 34547 (ON C.A.), (2004), 190 C.C.C. (3d) 317 (C.A. Ont.), il est écrit :

[24] On the other hand, a trial judge is certainly entitled to control the proceedings and to intervene when counsel fail to follow the rules or abide by rulings. A trial judge is not a mere observer who must sit by passively allowing counsel to conduct the proceedings in any manner they choose. It is well recognized that a trial judge is entitled to manage the trial and control the procedure to ensure that the trial is effective, efficient and fair to both sides

lundi 24 mai 2010

Exposé de la Cour Suprême concernant le traitement d'une requête en séparation des chefs d'accusation

R. c. Last, 2009 CSC 45, [2009] 3 R.C.S. 146

[16] Selon le par. 591(3) du Code, l’ultime question à laquelle se trouve confronté le juge de première instance lorsqu’il s’agit de décider s’il y a lieu de donner suite à une demande de séparation de chefs d’accusation est celle de savoir si les intérêts de la justice exigent une telle séparation. Les intérêts de la justice englobent le droit de l’accusé d’être jugé en fonction de la preuve admissible contre lui, ainsi que l’intérêt de la société à ce que justice soit rendue d’une manière raisonnablement efficace, compte tenu des coûts. Le risque évident que comporte l’instruction des chefs d’accusation réunis est que la preuve admissible à l’égard d’un chef influencera le verdict sur un chef non lié.

[17] Les tribunaux ont concrétisé les critères généraux établis au par. 591(3) et ont dégagé des facteurs qui peuvent être appréciés quand il s’agit de décider de séparer ou non les chefs d’accusation. L’exercice d’appréciation permet d’établir un équilibre raisonnable entre le risque de préjudice pour l’accusé et l’intérêt de la société à ce qu’il y ait un seul procès. Il importe de rappeler que les intérêts de la justice exigent souvent la tenue d’une instruction conjointe. L’arrêt Litchfield, dans lequel le ministère public a été empêché de plaider la cause de façon appropriée en raison d’une ordonnance de séparation contraire aux normes judiciaires, est un exemple. La séparation peut nuire non seulement à l’efficacité, mais aussi à la fonction de recherche de la vérité du procès.

[18] Les facteurs relevés par les tribunaux ne sont pas exhaustifs. Ils aident seulement à dégager la façon dont les intérêts de la justice peuvent être servis dans un cas particulier et à éviter qu’une injustice soit commise. Les facteurs que les tribunaux utilisent à bon droit sont notamment les suivants : le préjudice causé à l’accusé, le lien juridique et factuel entre les chefs d’accusation, la complexité de la preuve, la question de savoir si l’accusé entend témoigner à l’égard d’un chef d’accusation, mais pas à l’égard d’un autre, la possibilité de verdicts incompatibles, le désir d’éviter multiplicité des instances, l’utilisation de la preuve de faits similaires au procès, la durée du procès compte tenu de la preuve à produire, le préjudice que l’accusé risque de subir quant au droit d’être jugé dans un délai raisonnable et l’existence de moyens de défense diamétralement opposés entre coaccusés

Analyse de ce que constitue la défense d'erreur de droit - le concept de l'erreur extra-pénale

R. c. Kairouz, 2010 QCCQ 2649 (CanLII)

[106] Rappelons, d'entrée de jeu, que la défense d'erreur de droit est en principe irrecevable en droit pénal canadien. Les professeurs Côté-Harper, Rainville et Turgeon expliquent pourquoi, aux pages 1071 et 1072 de leur ouvrage précédemment cité :

« L'erreur de droit ne peut en principe avoir aucune incidence sur la mens rea d'un individu. Cette règle se retrouve à l'article 19 du Code criminel, voulant que l'ignorance de la loi ne puisse constituer ni une excuse ni une justification pour la perpétration d'une infraction criminelle […]. »

[107] Cela dit, cette règle n'est pas absolue. Ainsi, dans Droit pénal, infractions, moyens de défense et peine (Collection de droit 2009-2010, École du Barreau et Les Éditions Yvon Blais Inc., Montréal, 2009), la juge Sophie Bourque, de la Cour supérieure, écrit-elle, aux pages 193 et 194 :

« Nul n'est censé ignorer la loi. L'article 19 C.cr. énonce que «l'ignorance de la loi chez une personne qui commet une infraction n'excuse pas la perpétration de l'infraction». L'erreur quant à la loi, même sincère et honnête, n'est pas une excuse. Cependant, cette interdiction n'est pas absolue. Il faut faire attention de ne pas qualifier d'erreur de droit ce qui ne l'est pas et ainsi priver un accusé d'un moyen de défense par ailleurs valable […].

[…]

Les enseignements de l'arrêt Docherty [1989 CanLII 45 (C.S.C.), [1989] 2 R.C.S. 941] sont cependant toujours d'actualité lorsque la mens rea de l'infraction implique un élément de connaissance de certains faits. […]

[…]

Par ailleurs, une erreur quant à une notion de droit privé ou de droit civil est généralement une défense opposable à une accusation. […] »

[108] Or, les professeurs Côté-Harper, Rainville et Turgeon expliquent, aux pages 1082 à 1084 de leur ouvrage précité, que la défense d'erreur de droit fondée sur la méprise à l'égard d'une règle de droit civil ou de droit de la famille doit être traitée à la lumière des règles applicables à la défense d'erreur de fait :

« L'erreur extra-pénale est l'erreur commise au sujet d'une règle empruntée à une branche autre que le droit pénal et qui prévoit une incrimination. Il arrive, en effet, qu'un texte à caractère pénal incorpore des normes ou des notions empruntées à une autre branche du droit. Dans la plupart des cas, il s'agit de notions provenant du droit civil comme les notions de propriété ou de mariage. […] En ce qui concerne la bigamie, il faut prouver l'existence d'un premier mariage valide. Les auteurs ont estimé qu'il serait abusif de ne pas accepter l'erreur commise par rapport à une telle norme ou notion. Étant donné la complexité du droit civil, le citoyen ne devrait pas subir les conséquences d'une condamnation criminelle dans un tel cas.

[…]

En outre, la discrimination entre la loi pénale et la loi civile est tout à fait arbitraire si, en refusant de prendre en considération l'erreur de droit, on sanctionne l'indifférence des justiciables.

Pour acquitter l'accusé, les tribunaux n'invoqueront pas l'erreur de droit et jugeront qu'il y avait absence de mens rea ou assimileront cette erreur à une erreur de fait. C'est ainsi que la Cour suprême du Canada a admis, dans un jugement majoritaire, qu'une erreur portant sur une norme extra-pénale incorporée dans un texte d'incrimination pourrait être acceptée en défense sous la forme d'une erreur de fait. […]

[…]

L'assimilation d'une erreur extra-pénale à une erreur de fait ne constitue pas une solution souhaitable. Qualifier les éléments normatifs incorporés dans les textes d'incrimination comme des faits ne servira qu'à compliquer davantage les choses. La question principale sera déplacée une fois de plus. Au lieu de se demander si l'erreur de droit a été excusable ou raisonnable, on cherchera à déterminer si l'erreur porte sur un autre domaine du droit que le droit pénal.

Il faut quand même admettre que, jusqu'au moment où l'erreur de droit sera reconnue comme défense par le législateur canadien, le concept de l'erreur extra-pénale constitue une alternative préférable à la stricte application de la règle «nul n'est censé ignorer la loi ». »

Les critères relatifs aux requêtes en non-lieu sont les mêmes que ceux applicables pour justifier citation à procès lors d'une enquête préliminaire

R. c. Laplante, 2005 CanLII 14071 (QC C.S.)

[23] Avant de clore sa preuve, la poursuite doit soumettre une preuve prima facie de la commission de l'infraction par l'accusé, à défaut de quoi l'accusé sera acquitté soit par ordonnance de non-lieu lorsque le procès se tient devant un juge sans jury, soit par un verdict dirigé ou imposé d'acquittement lorsque le procès a lieu devant juge et jury. Les critères en la matière sont les mêmes que ceux applicables pour justifier une citation à procès lors d'une enquête préliminaire (États-Unis d'Amérique c. Shephard, 1976 CanLII 8 (C.S.C.), [1977] 2 R.C.S. 1067, j.Ritchie, p.1080).

[24] Deux arrêts tout à fait récents de la Cour suprême du Canada, R. c. Deschamplain, 2004 CSC 76 (CanLII), [2004] 3 R.C.S. 601 et R. c. Sazant, 2004 CSC 77 (CanLII), [2004] 3 R.C.S. 635, viennent rappeler l'état du droit en cette matière. Particulièrement dans l'arrêt Sazant, le juge Major rappelle que l'enquête préliminaire est une procédure de vérification préalable au procès ayant pour objet d'assurer l'existence d'éléments de preuve suffisants pour renvoyer l'accusé à son procès. Elle permet également à l'accusé de prendre connaissance de la preuve qui pèse contre lui. À ce stade, la loi n'exige qu'une preuve prima facie recevable de chacun des éléments de l'infraction, la détermination de la culpabilité ou de l'innocence de l'accusé se faisant au procès :

Si la preuve suffit pour qu'un jury raisonnable ayant reçu des directives appropriées puisse prononcer un verdict de culpabilité, le juge de l'enquête préliminaire doit renvoyer l'accusé à son procès : voir l'arrêt États-Unis d'Amérique c. Shephard, 1976 CanLII 8 (C.S.C.), [1977] 2 R.C.S. 1067, p. 1080. Ainsi, dans le cas où le ministère public présente une preuve directe à l'égard de tous les éléments de l'infraction, le juge de l'enquête préliminaire doit renvoyer l'accusé à son procès même si la défense produit une preuve exculpatoire : voir l'arrêt R. c. Arcuri, 2001 CSC 54 (CanLII), [2001] 2 R.C.S. 828, 2001 CSC 54, par. 29. Toutefois, commet une erreur de compétence le juge de l'enquête préliminaire qui renvoie l'accusé à son procès en l'absence de preuve relative à un élément essentiel de l'accusation : voir l'arrêt Skogman, précité [1984 CanLII 22 (C.S.C.), [1984] 2 R.C.S. 93], p. 104.

(p.643, par.16)

[25] Par ailleurs, à ce stade, le rôle du juge n'est pas d'apprécier la crédibilité et la fiabilité des témoignages :

Le juge Moore qui a présidé l'enquête préliminaire en l'espèce a énoncé correctement le critère applicable en matière de renvoi à procès et le fardeau correspondant qui incombe au ministère public. Il a également reconnu que le juge de l'enquête préliminaire n'est pas autorisé à apprécier la crédibilité et la fiabilité, et que, lorsque plusieurs inférences peuvent résulter de la preuve, il ne faut considérer que celles favorables au ministère public.

samedi 22 mai 2010

L'analyse de la Cour d'appel quant à l'application de l'article 4(6) de la Loi sur la preuve au Canada

Delisle c. R., 2010 QCCA 491 (CanLII)

[Défaut de témoigner] Le défaut de la personne accusée, ou de son conjoint, de témoigner ne peut faire le sujet de commentaires par le juge ou par l'avocat du poursuivant.

[106] Dans l'arrêt R. c. Noble, 1997 CanLII 388 (C.S.C.), [1997] 1 R.C.S. 874, paragr. 97, la Cour suprême confirme que cette interdiction vise à faire en sorte que ni le tribunal ni le poursuivant ne puissent attirer injustement l’attention sur le silence de l’accusé. Le juge Sopinka reprend ainsi la règle :

[97] Sur un point connexe, j’ajouterai que ni le par. 4(6) ni l’analyse faite jusqu’ici n’ont pour effet d’empêcher le juge du procès de dire aux jurés que la preuve concernant une question particulière n’a pas été contredite. En pareille circonstance, le juge ne donne pas instruction au jury de tenir compte du défaut de témoigner de l’accusé en tant que tel, mais il leur dit plutôt simplement de prendre note du fait qu’il n’a été présenté aucun élément de preuve contredisant un point particulier. Le juge n’invite pas les jurés à considérer le silence de l’accusé comme un élément de preuve dont il faut apprécier la force probante, mais il leur indique plutôt qu’ils n’ont pas à conjecturer sur quelque élément de preuve contradictoire possible qui n’a pas été présenté. Le paragraphe 4(6) empêche le juge du procès d’aller plus loin et de dire au jury de tenir compte en particulier du défaut de l’accusé de présenter une preuve contradictoire. De plus, en raison du droit de garder le silence et de la présomption d’innocence, le juge du procès ne peut pas, en tant que juge des faits, accorder d’importance particulière au fait que l’accusé n’a pas présenté de preuve contradictoire. Toutefois, il est permis de signaler, comme moyen d’apprécier la preuve, que la preuve sur un point particulier n’a pas été contredite; le juge des faits n’a pas à conjecturer sur des éléments de preuve contradictoires qui ne lui ont pas été présentés.

[107] Dans cette affaire, le juge du procès avait tenu compte du défaut de témoigner de l'accusé pour conclure à sa culpabilité, ce qui était clairement une erreur de droit : Noble, précité, paragr. 53.

[108] Plus récemment, notre Cour, sous la plume de la juge Thibault dans R. c. Devillers, 2005 QCCA 660 (CanLII), 2005 QCCA 660, a rappelé : « La Cour suprême est formelle : le droit de garder le silence et la présomption d’innocence interdisent la prise en compte du silence d’un accusé comme un complément de preuve permettant de conclure à sa culpabilité », (paragr. 74).

[109] Par ailleurs, le paragraphe 4(6) ne doit pas faire l'objet d'une interprétation littérale et exige « quelque chose de plus qu'une simple allusion en passant au fait qu'un accusé n'a pas témoigné au procès » : R. c. Potvin, 1989 CanLII 130 (C.S.C.), [1989] 1 R.C.S. 525, p. 558.

Date de l'infraction n'a pas à être établie pour qu'il y ait déclaration de culpabilité sauf lorsque la date est un élément essentiel de l'infraction

Delisle c. R., 2010 QCCA 491 (CanLII)

[85] Le principe général veut qu'une dénonciation ou un acte d'accusation fournisse à l'accusé suffisamment de renseignements pour lui permettre de se défendre et que la particularisation de l'infraction oblige la poursuite à faire la preuve de cette infraction : R. c. Saunders, 1990 CanLII 1131 (C.S.C.), [1990] 1 R.C.S. 1020, p. 1023.

[86] Par ailleurs, dans l'arrêt B.(G.), précité, la Cour suprême conclut qu'une déclaration de culpabilité peut être prononcée même si le moment de commission de l'infraction n'a pas été prouvé. La juge Wilson qui rend jugement pour la Cour, après avoir fait une analyse de la jurisprudence, conclut à la page 45 que :

[…] Toutefois, les appelants soutiennent que le moment est un élément essentiel de toute infraction et doit être précisé et démontré. Compte tenu de la jurisprudence mentionnée, les appelants ne peuvent avoir gain de cause relativement à ce moyen. Vu la nature de l'infraction reprochée et l'âge de la victime, la dénonciation était à mon avis adéquate.

Elle résume ainsi les principes applicables à la page 52 :

À mon avis, les conclusions suivantes ressortent de la jurisprudence et de la doctrine:

1. Bien que le moment de l'infraction doive être précisé dans une dénonciation pour donner à un accusé des renseignements raisonnables sur les accusations portées contre lui et lui permettre de présenter une défense pleine et entière et d'avoir un procès équitable, le moment exact n'a pas à être précisé. Toutefois, les circonstances individuelles d'une affaire donnée peuvent rendre nécessaire une plus grande précision quant au moment de l'infraction, par exemple, s'il n'y a peu d'autres informations factuelles qui permettraient d'identifier l'acte reproché.

2. Si le moment précisé dans la dénonciation ne correspond pas à la preuve et que la date de l'infraction ne constitue pas un élément essentiel de l'infraction ou un élément crucial pour la défense, la divergence n'est pas importante et la dénonciation ne doit pas être annulée.

3. Si la preuve est contradictoire quant au moment de l'infraction ou que la date de l'infraction ne peut être établie avec précision, il n'est pas nécessaire d'annuler la dénonciation et une déclaration de culpabilité peut être prononcée, pourvu que le moment de l'infraction ne soit pas un élément essentiel de l'infraction ou un élément crucial pour la défense.

4. Si le moment de l'infraction ne peut être déterminé et qu'il constitue un élément essentiel de l'infraction ou un élément crucial pour la défense, une déclaration de culpabilité ne peut être maintenue.

En conséquence, lorsqu'un tribunal doit faire face à des circonstances dans lesquelles le moment de l'infraction ne peut être déterminé avec précision ou que la dénonciation est en contradiction avec la preuve, la première question qui se pose est de savoir si le moment de l'infraction est soit un élément essentiel de celle-ci soit un élément crucial pour la défense. C'est seulement dans les cas où l'on répond par l'affirmative à la première question que le juge des faits doit déterminer si le moment de l'infraction a été démontré hors de tout doute raisonnable. Si la réponse à la première question est négative, une déclaration de culpabilité peut être prononcée même si le moment de l'infraction n'est pas prouvé, pourvu que le reste de la preuve du ministère public soit établi hors de tout doute raisonnable.

[Je souligne]

[87] Dans l'arrêt R. c. Meunier 1999 CanLII 13611 (QC C.A.), (1999), 135 C.C.C. (3d) 444, à la page 446, le juge Proulx résume ainsi la règle :

1) Eu égard à la règle que le ministère public doit faire la preuve des éléments essentiels de l'accusation, il est admis que la date de l'infraction n'a pas à être établie pour qu'il y ait déclaration de culpabilité sauf lorsque la date est un élément essentiel de l'infraction;

2) Il est sans conséquence que la date précisée dans l'acte d'accusation soit différente de celle qui ressort de la preuve à moins que l'accusé puisse être induit en erreur par la divergence, et par conséquent, qu'il lui soit porté préjudice relativement à sa défense. En d'autres termes, le préjudice causé au prévenu limite clairement le recours à la règle du superfétatoire, soit la règle qu'un élément non essentiel n'a pas à être prouvé.

[Références omises]

[89] Les circonstances de l'infraction ne justifient pas de considérer le moment où elle a été commise comme un élément essentiel de l'infraction. En outre, l'appelant n'a pas présenté de défense d'alibi : R. c. B.(G.), précité, à la page 53.

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

Le pouvoir d'amender un acte d'accusation ou une dénonciation expliqué par la Cour d'appel de l'Ontario

R. v. K.R., 2025 ONCA 330 Lien vers la décision [ 17 ]        The power to amend an indictment or information under  s. 601(2)  of the  Crim...