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vendredi 8 octobre 2010

Une communication faite en vue de servir un dessein criminel ne relève pas de la portée ordinaire des secrets professionnels

R. c. Campbell, [1999] 1 R.C.S. 565

Lien vers la décision

55 Comme les appelants le soutiennent, l’existence d’une exception au principe de la confidentialité des communications avocat‑client est bien établie relativement aux cas où ces communications sont de nature criminelle ou qu’elles visent à obtenir un avis juridique pour faciliter la perpétration d’un crime. L’exception a été soulignée par le juge Dickson dans Solosky c. La Reine, 1979 CanLII 9 (C.S.C.), [1980] 1 R.C.S. 821, aux pp. 835 et 836:

Plus significatif, si un client consulte un avocat pour pouvoir perpétrer plus facilement un crime ou une fraude, alors la communication n’est pas privilégiée et il importe peu que l’avocat soit une dupe ou un participant. L’arrêt classique est R. v. Cox and Railton [(1884), 14 Q.B.D. 153], où le juge Stephen s’exprime en ces termes (p. 167): [traduction] «Une communication faite en vue de servir un dessein criminel ne «relève pas de la portée ordinaire des secrets professionnels»».

56 (...) [traduction] L’application de la règle [du secret professionnel de l’avocat] suppose, d’une part, un rapport de confidentialité professionnelle, et, d’autre part, une consultation professionnelle, mais si le client poursuit un dessein criminel en faisant des communications à son avocat, l’un de ces éléments doit nécessairement être absent. Le client doit, soit comploter avec l’avocat, soit le tromper. S’il lui fait part de son dessein criminel, le client ne consulte pas à titre professionnel, parce que la fonction de l’avocat ne peut pas être de favoriser la perpétration d’un crime. Si le client ne lui divulgue pas son dessein, il n’y a pas de confidence, car l’état de choses sur lequel repose la prétendue confidence n’existe pas. Il obtient l’avis de l’avocat par fraude.

Dans cette affaire, la cour a conclu que, bien que l’avocat n’ait pas pris une part active au complot pour léser le créancier, il avait été dupé par ses clients et le privilège avait été anéanti.

57 Les termes employés dans Cox and Railton («. . . si le client poursuit un dessein criminel en faisant des communications à son avocat») impliquent que cette exception ne vaut que si le client poursuit sciemment un dessein criminel, et c’est précisément ce que dit le professeur Wigmore (Wigmore on Evidence, op. cit., § 2298, à la p. 573) quand il apporte une réponse affirmative à la question: [traduction] «Le client doit-il demander l’avis sachant que la fin poursuivie est illégale?»

58 Quoique la question n’ait apparemment pas été abordée directement dans la jurisprudence au Canada, le point de vue de Wigmore a été approuvé par les auteurs de «The Future Crime or Tort Exception to Communications Privileges» (1964), 77 Harv. L. Rev. 730, aux pp. 730 et 731:

[traduction] Le secret professionnel de l’avocat a toujours été subordonné à cette condition: la protection des communications est écartée quand le client consulte l’avocat pour obtenir son aide, sachant que l’acte projeté constitue un crime ou un délit.

La portée de l’exception du «crime projeté» est délimitée selon des raisons de principes d’intérêt public, comme on l’explique à la p. 731:

[traduction] La condition relative à la connaissance réduit l’effet de l’exception sur des communications légitimes; à défaut de cette condition, le risque que leur objet se révèle illégal et que le privilège soit par conséquent écarté ferait obstacle aux consultations légitimes. De plus, c’est une partie importante de la fonction de l’avocat de déconseiller les revendications sans fondement et les projets illégaux. [Je souligne.]

59 Cette explication est conforme à l’énoncé du principe par le juge Lamer dans l’arrêt Descôteaux, précité, à la p. 881:

Confidentielles, qu’elles aient trait aux moyens financiers ou à la nature du problème, les communications ne le seront plus si et dans la mesure où elles ont été faites dans le but d’obtenir des avis juridiques pour faciliter la perpétration d’un crime.

L’exception à la création du privilège a été développée par lord Parmoor dans O’Rourke c. Darbishire, [1920] A.C. 581 (H.L.), à la p. 621:

[traduction] Le troisième moyen de l’appelant contre l’existence du secret professionnel invoqué est que la présente affaire est soumise au principe que ce privilège ne s’applique pas lorsqu’une fraude a été concoctée entre un avocat et son client ou lorsque l’avocat a conseillé son client de manière à lui permettre d’effectuer une opération frauduleuse. S’il est démontré que ce principe doit trouver application en l’espèce, le secret professionnel sera écarté puisque les obligations professionnelles de l’avocat excluent la planification d’une opération frauduleuse ou les conseils à un client sur la façon de commettre une fraude. On ne peut prétendre que les échanges et les communications effectuées dans ce but font l’objet du sceau de la confidentialité professionnelle rattaché à l’exercice des fonctions professionnelles.

60 Un arrêt de principe américain sur cette question est State ex rel. North Pacific Lumber Co. c. Unis, 579 P.2d 1291 (Or. 1978). Dans cette affaire, il était allégué qu’un employeur avait illégalement soumis les conversations téléphoniques d’un employé à l’écoute électronique. L’employeur a dit qu’avant de recourir à l’écoute électronique, il avait demandé un avis juridique et il a fait valoir le secret professionnel de l’avocat à l’égard de ces communications. L’employé a sollicité la divulgation de cet avis, mais celle‑ci lui a été refusée. La cour fait cette observation pertinente, à la p. 1295:

[traduction] Nous approuvons l’exigence selon laquelle, s’il veut invoquer l’exception au privilège, celui qui veut présenter la preuve doit démontrer que le client, lorsqu’il a consulté l’avocat, savait ou aurait dû savoir que l’acte projeté était illégal. Les consultations de bonne foi entre un avocat et un client qui est incertain des conséquences juridiques d’une ligne de conduite envisagée bénéficient de la protection du privilège, même si l’acte est jugé illicite par la suite.

61 En l’espèce, la seule preuve de la connaissance, présumée ou autre, de la GRC est le témoignage du caporal Reynolds qui maintient avoir cru que l’opération de vente surveillée était légale. Puisque le caporal Reynolds avait lu la décision Lore, précitée, de la Cour supérieure, on ne peut affirmer qu’au moment où il s’est adressé à M. Leising, il «savait ou aurait dû savoir que l’acte projeté était illégal». Rien dans la preuve n’établit non plus que M. Leising était un «comploteur ou une dupe». Rien ne permet donc de dire à partir du témoignage du capl. Reynolds que le secret professionnel de l’avocat n’a jamais pris naissance en l’espèce.

62 Il reste à décider si le privilège a été anéanti quand la GRC a vendu du haschisch aux appelants. Les auteurs de «The Future Crime or Tort Exception to Communications Privileges», loc. cit., à la p. 731, soutiennent que [traduction] «la formation ultérieure d’une intention criminelle devrait anéantir le privilège préexistant». Ceci signifierait que la preuve d’un crime, sauf dans les infractions de responsabilité absolue, qui entraîne la preuve de l’intention détruirait automatiquement le privilège dans tous les cas. Une telle proposition pourrait avoir une portée très large dans le domaine des infractions réglementaires, par exemple. À mon avis, la levée du privilège exige plus que la preuve de l’existence d’un crime et de la consultation préalable d’un avocat. Il faut quelque élément tendant à établir que l’avis a facilité le crime ou que l’avocat est devenu «dupe ou comploteur». Cela n’est pas démontré par le témoignage du capl. Reynolds, mais la position officielle du ministère public, avec l’appui de la GRC, va au‑delà de ce témoignage. La GRC a soutenu devant notre Cour que la décision d’exécuter l’opération de vente surveillée a été prise avec la participation et l’accord du ministère de la Justice. En adoptant cette position, la GRC s’est placée en fin de compte dans le cadre de l’exception de «crime projeté» et a mis en question le maintien du privilège.

Ce ne sont pas toutes les communications avec un avocat qui bénéficient de la protection du secret professionnel

Maranda c. Richer, 2003 CSC 67, [2003] 3 R.C.S. 193

42 Ce ne sont pas toutes les communications avec un avocat qui bénéficient de la protection du privilège. En d’autres mots, ce n’est pas la qualité de l’interlocuteur qui donne naissance au privilège. C’est le contexte de la communication qui justifie d’en reconnaître le caractère privilégié. Ainsi, l’avocat d’affaires qui travaille dans une agence de publicité et qui se consacre exclusivement au développement de produits de son client ne pourra pas invoquer de privilège pour son travail de promotion. De même, le simple fait qu’un client considère qu’une information est confidentielle ne suffira pas pour la protéger au moyen du privilège. Je mentionne ces exemples pour rappeler que les trois conditions préalables à l’existence du privilège établies par le juge Dickson, plus tard Juge en chef, dans Solosky c. La Reine, 1979 CanLII 9 (C.S.C.), [1980] 1 R.C.S. 821, sont toujours valables (à la p. 837) :

. . . (i) une communication entre un avocat et son client; (ii) qui comporte une consultation ou un avis juridiques; et (iii) que les parties considèrent de nature confidentielle.

La preuve de faits similaires

Lacroix c. R., 2008 QCCA 78 (CanLII)

[49] La preuve de faits similaires est en général inadmissible étant donné sa faible valeur probante et le préjudice potentiel qui peut en découler pour l'accusé. Il appartient au ministère public de convaincre le juge, selon la prépondérance des probabilités, que la valeur probante des faits similaires en cause est suffisamment élevée pour l'emporter sur son effet préjudiciable. La preuve doit satisfaire deux conditions d'admissibilité pour permettre de conclure que sa valeur probante l'emporte sur son effet préjudiciable : 1) la similitude entre les actes et 2) le lien rattachant ces actes à l'accusé

[51] Reste la question du lien permettant de rattacher tous ces actes à l'accusé.

[52] Dans R. c. Sweitzer, la Cour suprême explique le critère de la façon suivante, au paragraphe 9 :

Pour que des éléments de preuve soient reçus comme preuve d'actes similaires, il doit y avoir un lien entre les actes que l'on prétend similaires et l'accusé. En d'autres termes, il doit exister des éléments de preuve qui permettent au juge des faits de conclure à bon droit que les actes similaires que l'on veut invoquer sont effectivement les actes de l'accusé, car il est évident que, s'il ne s'agit pas de ses propres actes mais plutôt de ceux d'une autre personne, ceux-ci n'ont aucun rapport avec les questions soulevées par l'acte d'accusation.

[54] Dans l'arrêt Arp, précité, la Cour suprême confirme que l'existence d'un lien entre l'accusé et les actes similaires allégués est une condition préalable à l'admissibilité de cette preuve (au paragr. 45). Il faut donc, pour chaque acte présenté comme acte similaire, des éléments de preuve permettant de conclure que celui-ci est effectivement le fait de l'accusé.

[55] Dans l'arrêt Perrier, précité, la Cour suprême ajoute que ce critère « n'est pas très exigeant », mais que « la preuve d'une simple opportunité ou possibilité ne suffit pas » (au paragr. 24).

[90] En l'espèce, il est clair que le but visé par cette preuve est d'établir l'identité. Il faut donc analyser la façon dont les gestes ont été commis, leur degré de similitudes pour déterminer s'il est probable que ces gestes ont été commis par la même personne. Dans l'hypothèse d'une réponse positive à cette question, la preuve de faits similaires devient un élément de preuve circonstancielle qui doit être évalué par le juge des faits avec tous les autres éléments de preuve pour déterminer la culpabilité. Dans l'arrêt R. c. Arp, 1998 CanLII 769 (C.S.C.), [1998] 3 R.C.S. 339, le juge Cory écrit :

[72] En revanche, en tant que preuve circonstancielle, une preuve de faits similaires doit être qualifiée différemment, étant donné que, de par sa nature, elle ne peut pas être concluante quant à la culpabilité. Elle constitue simplement un des éléments de preuve à examiner parmi tous ceux qui constituent la preuve globale du ministère public. Sa valeur probante réside dans sa capacité d’étayer, par l’improbabilité d’une coïncidence, d’autres éléments de preuve inculpatoires. Comme pour tout élément de preuve circonstancielle, le jury décidera du poids qui doit lui être accordé. Le simple fait que, dans un cas particulier, le juge des faits pourrait accorder un poids élevé à une preuve de faits similaires est une toute autre chose que le concept selon lequel, de par sa nature, la preuve peut être décisive quant à la culpabilité.

La portée du mandat de perquisition VS le droit au silence, le droit à la présomption d'innocence, le droit de ne pas être mobilisé contre soi-même et la protection contre l'auto incrimination

R. c. Boudreau-Fontaine, 2010 QCCA 1108 (CanLII)

[38] Quant à la preuve découverte à la suite du mandat de perquisition, il faut souligner le caractère singulier de ce mandat.

[39] Je rappelle qu'il ordonne à l'intimé de divulguer son ou ses mots de passe « afin de démontrer que l'ordinateur a été connecté à Internet par M. Boudreau-Fontaine, contrevenant ainsi aux conditions de sa probation ». En d'autres termes, le juge de paix sommait l'appelant de donner une information essentielle spécifiquement en vue de l'amener à s'incriminer. Je ne peux voir comment le doit criminel pourrait permettre une telle ordonnance. Il faut rappeler que l'intimé s'est conformé à l'ordonnance, mais qu'il ne l'aurait sûrement pas fait sans cet ordre, la preuve étant qu'il a refusé de parler aux policiers des événements du 19 septembre lors de son arrestation. Comme l'écrit l'intimé dans son exposé, cette ordonnance met en cause le droit au silence, le droit à la présomption d'innocence, le droit de ne pas être mobilisé contre soi-même et la protection contre l'auto incrimination. Contraint de participer à l'enquête policière et de donner une information cruciale, contrairement à ses droits constitutionnels, l'intimé a fait une déclaration (l'identification de son mot de passe) qui est irrecevable et qui rend abusive la saisie des données qui a suivi. Bref, même si cette saisie a été précédée d'une autorisation judiciaire, la loi ne permettait pas d'y adjoindre une ordonnance forçant l'intimé à s'incriminer.

[40] Dans R. c. Hebert, 1990 CanLII 118 (C.S.C.), [1990] 2 R.C.S. 151, paragr. 47, la juge McLachlin écrit :

[…] la portée du droit de garder le silence réside dans l'idée qu'une personne dont la liberté est compromise par le processus criminel ne peut être tenue de témoigner contre elle-même mais qu'elle a plutôt le droit de choisir de s'exprimer ou de garder le silence.

[41] Sans être nécessairement détenu, l'intimé était contraint de participer à sa propre incrimination et n'avait pas le choix : il devait aider les policiers à le faire condamner. Cette façon de faire ne peut être acceptée.

[42] Je précise que, selon moi, pour les fins de l'analyse, l'information ainsi fournie était essentielle, et ce, malgré l'admission selon laquelle un policier avait obtenu l'information d'un spécialiste des crimes technologiques qu'il était possible de découvrir les données contenues dans l’ordinateur de l’intimé sans que ce dernier révèle le mot de passe en requérant les services d’une firme spécialisée. Dans R. c. Marini, [2000] O.J. No. 1363, la Cour d'appel d'Ontario fait les commentaires suivants :

11 The Crown also argues that the admission of this evidence would not render the trial unfair because it would have been discovered in the absence of the unlawful conscription of the appellant. The Crown says that it was open to the police to obtain a search warrant under s. 487 of the Criminal Code to seize the tissue or other bodily substances from the appellant while he was in custody, or to obtain a DNA warrant after the new DNA warrant provisions were enacted in 1995 (the arrest was in September 1992).

12 In order to take advantage of the discoverability principle, the Crown must establish on a balance of probabilities that the police would have availed themselves of the alternative lawful or non-conscriptive means: Stillman, supra, p. 360. There was no evidence on the application to establish that the police would have taken the steps that the Crown now urges were open to them. On the facts of this case we are not prepared to draw that inference.

[43] Il est vrai que ces commentaires ont été tenus dans le cadre de l'analyse du paragr. 24 (2) de la Charte. Ils demeurent néanmoins pertinents lorsqu'il s'agit de savoir si l'information obtenue contre le gré de l'intimé peut être qualifiée d'essentielle, autrement dit si elle peut établir une violation qui a eu un impact grave et important sur ses droits. J'estime que c'est le cas.

[44] Il est loin d'être certain, en tout cas la preuve ne le démontre pas, que la poursuite aurait, de fait, eu accès aux données contenues dans l'ordinateur sans l'information que l'intimé a été forcé de divulguer. L'admission à ce sujet n'est tout au plus que théorique et ne démontre pas, pour paraphraser l'arrêt Marini, précité, que les policiers auraient véritablement entrepris cette démarche. La preuve ne permet même pas de savoir si la moindre tentative a été faite auprès d'une firme spécialisée. Si tel est le cas, cette firme était-elle en mesure d'avoir accès à l'ordinateur spécifique de l'intimé? Qui a donné cette information au policier? D'où provient-elle? Quelles sont les chances de réussite? En somme, il s'agit tout au plus, toujours selon la preuve, d'une simple possibilité. Et si les données étaient si aisément accessibles, l'on serait en droit de s'interroger sur la raison d'être d'une telle ordonnance. Dans ces circonstances, il faut conclure que les droits de l'intimé ont été brimés et que cette entorse a eu un impact significatif en le forçant à fournir aux policiers une information essentielle à la preuve de la poursuite.

[46] Ces dispositions ne peuvent autoriser un juge de paix à ordonner à un suspect de s'incriminer de la sorte. D'une part, le paragr. 2.1 permet à la personne autorisée à faire la perquisition d'avoir accès aux données que contient l'ordinateur. Pour ce faire, cette personne doit évidemment pouvoir utiliser l'ordinateur, ce qui n'autorise pas un juge de paix à forcer un suspect à s'incriminer. D'autre part, le paragr. 2.2 oblige le responsable du lieu de la perquisition à laisser les agents accéder à l'ordinateur et procéder aux opérations permises par le paragr. 2.1. Là encore, je ne peux voir comment cette disposition pourrait autoriser l'État à contrevenir à des droits aussi fondamentaux que le droit au silence et à la présomption d'innocence. Je rappelle qu'ici le responsable du lieu était le responsable du poste de police, situation pour le moins saugrenue.

Lorsque la personne qui exécute le mandat a trouvé et saisi cette chose, l'exécution du mandat est terminée / Plain view

R. c. Boudreau-Fontaine, 2010 QCCA 1108 (CanLII)

Lien vers la décision

[50] Il s'agit essentiellement de la codification d'une règle de common law, la doctrine de l'objet bien en vue (plain view doctrine). Pour que la saisie soit alors conforme à la loi, il faut que l'on soit encore, au moment de la saisie, dans le cadre de l'exécution du mandat, autrement dit, à la recherche de la chose spécifiquement décrite dans ce mandat. Lorsque la personne qui exécute le mandat a trouvé et saisi cette chose, l'exécution du mandat est terminée.

[51] Les auteurs Béliveau et Vauclair donnent l'exemple suivant dans Traité général de preuve et de procédure pénales, 16è éd., 2009, Éd. Yvon Blais, Cowansville, paragr 818 :

Par ailleurs, le saisissant n'est pas autorisé à effectuer une fouille supplémentaire, par exemple aller dans le sous-sol d'une résidence alors qu'il n'avait eu que l'autorisation de pénétrer dans l'entrée.

[52] Dans R. v. Fawthrop 2002 CanLII 45004 (ON C.A.), (2002), 166 C.C.C. (3d) 97 (C.A. Ont.), le juge Borins écrit, aux paragr. 32-33 :

32 Whatever may be the precise definition of the plain view doctrine, as in Law, for the pedophile collection to be subject to lawful seizure on the basis of that doctrine it must have been immediately obvious to, and discovered inadvertently by, the officers executing the lawful portion of the search warrant. As I have explained, there was no evidence before the trial judge that supported either of these findings. If the trial judge was applying the plain view doctrine in finding that the seizure was lawful because the "police would have found the impugned items while searching" for the photographs of A.Y., this conclusion is incorrect. As the authorities indicate, the test in applying the plain view doctrine to justify a seizure of evidence is not whether the police would have found the items in plain view while searching for the photographs as the trial judge believed, but whether they did find the items in plain view while executing a valid warrant or while lawfully present in the appellant's residence.

33 Moreover, Det. Const. Pulkki was unable to provide any evidence that would support the conclusion that the police discovered the pedophile collection while searching for the photographs of A.Y. In fact, she was unable to provide any evidence of the location of any of the items on the list of items seized or of the circumstances that led to the discovery and seizure of any of those items. As the evidence of the execution of the warrant was sparse, it is not possible to determine whether the officers were engaged in the execution of the valid or the invalid portion of the warrant when the items were located.

[53]           En l'espèce, la poursuite n'a présenté aucune preuve permettant de savoir si les agents étaient toujours dans le cadre de l'exécution du mandat lorsqu'ils ont découvert le matériel pornographique, donc qu'ils étaient toujours à la recherche des données démontrant que l'ordinateur était branché à Internet. Ainsi, rien n'établit que cette saisie a été faite légalement.

jeudi 7 octobre 2010

La notion criminelle d’arme prohibée et l’interprétation littérale; il faut apprécier le véritable objet de l’appareil par opposition à la désignation commerciale

R. c. Hodgky, 2006 QCCQ 6950 (CanLII)

[38] Le Tribunal n’a pu trouver de décisions de nos tribunaux du Québec statuant sur la nature de ces répulsifs au poivre de cayenne, eu égard à la notion criminelle d’arme prohibée. Certaines décisions de d’autres provinces canadiennes sont néanmoins intéressantes même si elles ne lient pas le présent Tribunal

[45] On ne peut dire qu’en soi, un répulsif à chien, ou un répulsif à l’encontre des ours, a été « conçu comme moyen de blesser une personne, de l’immobiliser ou de la rendre incapable » au sens du règlement. La version anglaise du texte impose la même conclusion : « Any device designed to be used for the purpose of injuring, immobilizing or otherwise incapacitating any person by… ». Ils ont en principe été conçus par leurs fabricants, manufacturiers, distributeurs, pour repousser ces animaux.

[46] Dans une intéressante décision de l’Honorable juge Reilly de la Cour de justice de l’Ontario (division générale) celui-ci empruntait également cette voie de l’interprétation littérale. Il laissait néanmoins place à l’ensemble de la preuve afin d’apprécier le véritable objet de l’appareil par opposition à la désignation commerciale.

R. c. Hutter, Ontario Court of Justice (General Division), décision du 29 juillet 1996, Docket : Kitchener SCA 3743, 1996 CarswellOnt 2888.

[55] Si l’objet en question est capable de blesser, immobiliser ou rendre incapable une personne, il peut avoir été « conçu comme moyen de blesser… », quoiqu’en dise l’étiquette et quelle que soit l’appellation donnée à l’appareil. Toutes les circonstances importent.

[56] La notion de « ce qui a été conçu », n’est pas exclusive au manufacturier, au fabriquant. Concevoir reçoit la définition suivante : Se représenter par la pensée; comprendre. Former, élaborer dans son esprit, son imagination. Le petit Larousse, Grand format, 2004.

[57] La notion « designed to be used », expression équivalente en langue anglaise, peut avoir le sens de créer, exécuter quelque chose, de construire selon un plan ou technique. Mais elle a également le sens beaucoup plus subjectif : « to conceive and plan out in the mind; to have as a purpose; intend… » Merriam-Webster’s Collegiate Dictionary, 10th edition, Springfield Massachusetts, U.S.A.

[58] Cette approche introduit bien sûr une certaine notion subjective et une recherche d’intention chez le possesseur. Malgré cette interprétation élargie de la disposition sur les armes prohibées, la notion demeure plus restrictive et étroite que celle définissant ce qu’est une arme à l’article 2 C.cr. On remarque que le même vocabulaire est employé savoir « conçu » en français, et « designed » en anglais aux deux définitions. La rédaction de la définition de l’article 2 restera néanmoins beaucoup plus généreuse.

[59] Or, dans l’affaire qui nous intéresse, il est en preuve que l’accusé a acheté ce produit en vente libre. Il s’est procuré la cannette plusieurs semaines auparavant d’un marchand Surplus d’armée. Rien ne laisse croire que ce dispositif a été fabriqué, mis en marché pour être utilisé afin de repousser une personne qui attaque le possesseur quoiqu’un utilisateur puisse en concevoir un usage bien différent. En l’occurrence rien non plus ne convainc que tel était l’usage que prévoyait en faire l’accusé. Au contraire.

[60] L’accusé explique qu’il circule en vélo ou à la marche de façon quotidienne ne possédant aucune automobile. Alors qu’il habitait un secteur rural de la municipalité, il avait fait l’objet d’une attaque par un gros chien. D’ailleurs il porta plainte en raison de cet incident. S’il craint les chiens, c’est aussi pour se protéger des ours lors de randonnées à la campagne qu’il a pris l’habitude de se munir d’un tel dispositif.

[61] Le produit en question fabriqué aux États-Unis est identifié comme étant « DOG D’FENSE ». Les instructions d’usage prévoient un scénario d’attaque par un canidé. Il n’est aucunement fait mention d’une attaque perpétrée par un humain, ni d’un usage à l’encontre d’une personne.

[62] Devant cette preuve, le Tribunal est satisfait que l’accusé possédait ce vaporisateur pour se protéger contre des animaux.

[63] Et, même s’il est raisonnable de penser qu’il peut immobiliser ou rendre incapable une personne puisque la preuve fait état des effets sur les deux victimes alléguées, de même que sur les deux agents de sécurité qui furent eux aussi incommodés par les vapeurs du produit, le Tribunal ne peut conclure que ce produit ait été conçu avec cet objectif en vue. Ainsi, ce ne serait pas une arme prohibée.

[64] Par ailleurs, rien dans la preuve ne démontre non plus que l’accusé entendait utiliser cet objet pour blesser, menacer ou intimider quelqu’un comme le veut l’article 2 C.cr. Au contraire, la preuve en défense est même convaincante qu’il destinait cet objet à une toute autre réalité.

Les principes du concept de res judicata

R. c. Sherkowski, 2001 CanLII 19075 (QC C.Q.)

[24] Dans leur ouvrage « Traité général de preuve et de procédure pénales », les auteurs Pierre Béliveau et Martin Vauclair décrivent de la façon suivante les principes du concept de res judicata, à partir d’une revue de la jurisprudence.

[25] La défense de res judicata repose sur le principe de l’interdiction des condamnations multiples et a une portée plus large que celle d’un plaidoyer d’autrefois acquit. Ce qui suppose qu’un accusé ne peut être déclaré coupable de deux infractions si l’une est incluse à l’autre. Les deux auteurs fournissent à cet égard, comme exemple, le cas de l’arrêt Kienapple de la Cour suprême où il fut décidé qu’un individu ne peut être déclaré à la fois coupable de viol et d’avoir eu des relations sexuelles avec une jeune fille de moins de 14 ans.

[26] De plus, ces auteurs notent que la défense de res judicata n’empêche pas de porter, à partir d’un seul événement, plusieurs accusations qui seraient liées les unes aux autres par des éléments communs, si les infractions sont essentiellement différentes.

[27] Pour expliquer davantage les critères de l’arrêt Kienapple, ils citent l’arrêt Prince de la Cour suprême, avec les commentaires suivants:

« Dans l’arrêt Prince, la Cour suprême a repris les critères relevant de la règle de l’arrêt Kienapple. Pour que cette dernière s’applique, il doit exister d’abord un lien factuel entre les infractions reprochées : cela signifie que le même comportement aurait pu être reproché en vertu de l’une ou l’autre des infractions. Ensuite, il doit exister un lien juridique suffisant entre les dispositions légales: la question est donc de savoir si le législateur a voulu des éléments distinctifs entre les deux infractions. En résumé, une infraction « A » est-elle une manifestation particulière d’une infraction « B » ? Et les éléments constitutifs de l’infraction « A. font-ils partie également de l’infraction « B » ? Si l’on conclut à l’existence d’éléments distincts et supplémentaires dans l’une ou l’autre des infractions, le législateur ne contrevient pas à la règle de Kienapple et l’accusé ne pourra opposer la défense de res judicata. »

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

Le pouvoir d'amender un acte d'accusation ou une dénonciation expliqué par la Cour d'appel de l'Ontario

R. v. K.R., 2025 ONCA 330 Lien vers la décision [ 17 ]        The power to amend an indictment or information under  s. 601(2)  of the  Crim...