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lundi 13 mai 2013

Le statut professionnel peut constituer un facteur aggravant

R. c. Perrier, 2013 QCCS 1658 (CanLII)

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[107] M. Perrier était un comptable agréé, ce qui est un facteur aggravant.

[108] Dans R. v. McLellan, le juge Tulloch de la Cour d'appel de l'Ontario écrit :

[27] This court and other Canadian appellate courts have dealt with the significance and impact of lawyers who commit fraudulent breaches of trust within the context of their professional capacities. The primary sentencing principle at play in these types of cases is general deterrence and denunciation, or the repudiation of the conduct for which the offender was found guilty. The secondary considerations are specific deterrence, rehabilitation and any mitigating circumstances such as a plea of guilty or cooperation with the authorities: R. v. Scherer reflex, (1984), 16 C.C.C. (3d) 30 (Ont. C.A.), at p. 34.

[28] Doherty J.A. outlined why an offender's status as a lawyer is a significant aggravating factor in R. v. Rosenfeld, 2009 ONCA 307 (CanLII), 2009 ONCA 307, 94 O.R. (3d) 641, at para. 40:

[A]part from the specifics of the offences committed by the appellant, those privileged to practise law take on a public trust in exchange for that privilege and the many advantages that come with it. Lawyers are duty bound to protect the administration of justice and enhance its reputation within their community. Criminal activity by lawyers in the course of performing functions associated with the practice of law in its broadest sense, has exactly the opposite effect. Lawyers like the appellant who choose to use their skills and abuse the privileges attached to service in the law not only discredit the vast majority of the profession, but also feed public cynicism of the profession. In the long run, that cynicism must undermine public confidence in the justice system: see R. v. Oliver, [1977] 5 W.W.R. 344 (B.C.C.A.).[

[29] Therefore, I agree with the trial judge that, notwithstanding the appellant's personal challenges and triumphs, and despite his reputation in his community and his past good works, the fact that he is a lawyer who has used his professional capacity to facilitate the crimes for which he has been convicted is a significant aggravating factor.

[109] Il va s'en dire que le rôle du comptable agréé envers l'intégrité du système fiscal est certainement similaire à celui de l'avocat envers l'administration de la justice.

[110] Même s'il est reconnu selon le principe du Duc de Westminster qu'un contribuable peut organiser ses affaires de manière à payer le moins d'impôts[41], la complicité d'un comptable pour frauder les autorités fiscales au profit d'une organisation criminelle est d'un tout autre ordre.

[111] Dans ces circonstances, la distinction proposée par M. Perrier, selon laquelle il n'aurait pas utilisé son titre de comptable agréé et son statut professionnel lors de la commission des infractions, doit être rejetée. Les infractions ont été clairement commises lors de l'exercice de sa profession de comptable. Cela justifie certainement une peine sévère afin de dénoncer ce comportement et de manifester la réprobation appropriée quant aux gestes posés.

dimanche 12 mai 2013

La présentation d'un acte d'accusation directe & le refus de consentir à une ré-option de la part de la Couronne

R. c. Paradis, 2007 QCCS 671 (CanLII)

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[19]            La présentation d'un acte d'accusation directe requiert un procès par jury sauf ré-option avec le consentement écrit de la Couronne (article 565(2)):  R. vs Tapaquon (Cour suprême) (1993) 87 C.C.C.(3) page 1:
«Section 574 is the provision which authorizes the prosecutor to prefer an indictment in the ordinary course of events.  Under this section no special consent is required.  This can be contrasted with s.577 which provides for the preferring of "direct" indictments.  Section 566 unequivocally states that s.577 does not apply to judge alone proceedings…» (page 18)
[20]            R. vs Jones (Ont.C.A.) (1997) 113 C.C.C.(3) page 225:
«…The trial of charges set out in a direct indictment will be before a jury regardless of the accused's election, unless the Crown agrees to a non-jury trial:  Criminal Code ss.565(2)566(3).» (page 232)
[21]            J'estime aussi qu'avec le consentement des parties, le procès pourrait se tenir devant un juge seul de la Cour supérieure, selon l'article 473.
[22]            Tel que déjà mentionné, le simple refus de consentir à une ré-option de la part de la Couronne, même non motivé, n'est pas abusif.  Il faut démontrer de façon prépondérante qu'il s'agit d'un exercice capricieux, inapproprié d'un pouvoir discrétionnaire.
[23]            Ainsi que je le mentionnais à l'audience, j'estime que la Couronne avait raison de ne pas consentir.  Il s'agit d'une affaire où le verdict de douze citoyens sera certainement plus socialement acceptable que s'il s'agissait de la décision d'un juge unique.
[24]            Toutefois, le fait demeure que l'accusé est justifié de se plaindre des vacillements de la poursuite dans l'élaboration finale de sa théorie de la fraude.  Il est vrai que la Couronne est tenue de prouver les ingrédients de l'offense et non pas sa théorie:  R. vs Groot (Ont.C.A.) (1998) 129 C.C.C.(3) page 293, paragraphe 15 (permission d'appel à la Cour suprême refusée 131 C.C.C.(3) page vi).
[25]            Toutefois, l'attitude de la poursuite ne peut changer au gré des informations que l'accusé lui révèle dans l'espoir de déjudiciariser les accusations formulées contre lui:  R. vs Hogg (Ont.C.A.) (2000) 148 C.C.C.(3) page 86:
«…The Crown cannot attempt to discredit the defence by having a totally different theory of culpability thrown into the mix at the last moment.  If it was not prepared to stand or fall on the complainant's version of what took place in the car that evening, then it should have attempted to build its case from the outset on drug dependency and vitiated consent.» (par. 21)
[26]            Comment remédier à cette situation?  Tout d'abord, il faut écarter toute suggestion d'ordonner un arrêt des procédures pour les raisons invoquées par le juge LeBel dans R. vs Regan (Cour suprême) (2002) 161 C.C.C.(3) page 97, paragraphes 53 et suivants.  Les inconvénients subis par l'accusé ne sont pas tels que seul l'arrêt des procédures s'avère être un remède adéquat.
[27]            En effet, il existe une autre façon d'atténuer sinon effacer complètement les inconvénients causés par les changements survenus dans la thèse de la poursuite.  Je m'inspire, par analogie, du remède proposé par monsieur le juge Doherty au sujet de la destruction d'une importante pièce à conviction, le véhicule automobile, lors d'une accusation d'ivresse au volant ayant causé des lésions corporelles où l'accusé affirmait ne pas être le conducteur:  R. vs Bero (Ont.C.A.) 151 C.C.C.(3) page 545:
«The Charter has not diminished defence counsel's forensic arsenal.  The defence is still entitled to demonstrate inadequacies or failures in an investigation and to link those failures to the Crown's obligation to prove its case beyond a reasonable doubt.  In this case, the trial judge prohibited that line of defence.» (par. 58)
«…If a witness testified that had forensic testing been done, it could have revealed that traces of blood and that the location of that blood could have been important in determining the identity of a driver, those are "facts" which are in evidence.  Those facts could support a defence submission that in the absence of such evidence the jury should not be satisfied that the Crown had proved the driver's identity beyond a reasonable doubt.» (par. 64)
«Where the failure to preserve evidence results in a breach of an accused's s.7 rights and where the defence has exercised reasonable diligence in attempting to preserve the evidence, I think the trial judge should also instruct the jury that the Crown was under an obligation to preserve the evidence and failed to do so, and that the defence cannot be faulted for not gaining access to the evidence before it was destroyed.  These instructions would place the burden for the loss of evidence on the Crown, where it belongs.  These instructions may also help the jury assess the overall reliability of the investigative process which produced the evidence relied on by the Crown, and help the jury decide the significance, if any, of the absence of evidence that may have been available had the prosecution preserved all relevant evidence.» (par. 67)
[28]            Dans la présente affaire, l'accusé peut, s'il le juge opportun, informer les jurés des changements survenus dans la théorie de la poursuite et les zones grises qui persistent quant au montant exact de la fraude qu'on lui reproche.
[29]            En définitive, comme ce doit être toujours le cas, les directives finales seront influencées par la preuve présentée au procès

L'évaluation de la suffisance de la preuve par le juge de paix lors de l'enquête préliminaire

R. c. Allard, 2008 QCCS 2972 (CanLII)

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[10]            Quel est le rôle de la Cour supérieure quant à son intervention et quels sont les critères permettant à cette Cour d'intervenir?
[11]            Dans une décision de la Cour Suprême, soit R. c. Skogman, il fut retenu ce qui suit :
[…]
En définitive, le certiorari, ou ce qu'on appelle maintenant l'examen judiciaire, permet dans une large mesure d'obtenir qu'une cour supérieure contrôle la façon dont les tribunaux établis en vertu d'une loi exercent leur compétence; dans ce contexte, il s'agit de « compétence » au sens restreint ou strict. En l'absence d'une clause privative, la cour peut également procéder à la révision lorsqu'il y a erreur de droit manifeste à la lecture du dossier.
[…] Il est toutefois clair que les cours peuvent encore, par voie de certiorari, contrôler le fonctionnement du tribunal devant lequel se déroule l'enquête préliminaire, mais seulement lorsqu'on reproche à ce tribunal d'avoir outrepassé la compétence qui lui a été attribuée par la loi ou d'avoir violé les principes de justice naturelle, ce qui, d'après la jurisprudence, équivaut à un abus de compétence (voir l'arrêt Forsythe c. La Reine, 1980 CanLII 15 (CSC), [1980] 2 R.C.S., 268). Soulignons en outre qu'un tel contrôle par voie de certiorarine permet pas à la cour supérieure d'examiner le fonctionnement du tribunal établi en vertu d'une loi afin d'attaquer une décision rendue par ce tribunal dans l'exercice de la compétence qui lui est conférée, pour le motif qu'il a commis une erreur de droit en rendant cette décision ou qu'il est arrivé à une conclusion différente de celle qu'elle aurait pu tirer elle-même.
[12]            Dans ce même arrêt, on fait référence à la description de l'enquête préliminaire au Canada donnée par G. Arthur Martin, c.r.:
[TRADUCTION] L'enquête préliminaire comporte deux aspects. Son objet principal, évidemment, est de déterminer s'il existe suffisamment d'éléments de preuve pour justifier le renvoi de l'accusé à son procès. Ce faisant, le magistrat qui préside à l'enquête préliminaire ne se prononce pas sur la culpabilité de l'accusé. Son rôle consiste à déterminer s'il y a des éléments de preuve suffisants pour amener un homme prudent à croire que l'accusé est probablement coupable. Il s'ensuit que la question de l'existence d'un doute raisonnable ne se pose pas à ce stade des procédures.
[…]
Du point de vue de l'avocat de la défense, l'enquête préliminaire revêt un autre aspect. Elle lui fournit l'occasion de déterminer à la fois la nature et le poids des éléments de preuve recueillis contre son client et, en cela, elle peut se comparer à un interrogatoire préalable.
(G. Arthur Martin, c.r.: «Preliminary Hearings», Special Lectures of the Law Society of Upper Canada, 1955, à la p.1.
[13]            Dans la cause St-Laurent c. Hétu:
Il ne me paraît pas inutile de préciser que l'expression qu'emploie le juge Estey dans la version originale de son opinion est : « a scintilla of evidence ». Je tire donc la conclusion que la plus petite preuve, sur chaque élément essentiel de l'accusation, est suffisante pour mettre la citation à procès à l'abri du recours en certiorari, parce que le juge a alors exercé, au stade de l'enquête préliminaire, la compétence qui était la sienne en appréciant la suffisance de la preuve.
[14]            Dans l'arrêt R. c. Arcuri2001 CSC 54 (CanLII), [2001] 2 R.C.S. 828, 2001 CSC 54 :
22.               Le critère demeure inchangé qu’il s’agisse d’une preuve directe ou circonstancielle :  voir Mezzo c. La Reine,1986 CanLII 16 (CSC), [1986] 1 R.C.S. 802, p. 842‑843;  Monteleone, précité, p. 161.  La nature de la tâche qui incombe au juge varie cependant selon le type de preuve présenté par le ministère public.  Lorsque les arguments du ministère public sont fondés entièrement sur une preuve directe, la tâche du juge est claire.  Par définition, la seule conclusion à laquelle il faut arriver dans une affaire comme l’espèce, concerne la véracité de la preuve : voir Watt’s Manual of Criminal Evidence (1998), §8.0 ([TRADUCTION] « [l]a preuve directe est celle qui, si elle était crue, tranche la question en litige »); McCormick on Evidence(5e éd. 1999), p. 641; J. Sopinka, S. N. Lederman et A. W. Bryant, The Law of Evidence in Canada (2e éd. 1999), §2.74 (la preuve directe s’entend de la déposition d’un témoin quant au [TRADUCTION] « fait précis qui est au cœur du litige »). Il incombe au jury de dire s’il convient d’accorder foi à la preuve et jusqu’à quel point il faut le faire : voir Shephard, précité, p. 1086‑1087.  Donc, si le juge est d’avis que le ministère public a présenté une preuve directe à l’égard de tous les éléments de l’infraction reprochée, son travail s’arrête là.  Si une preuve directe est produite à l’égard de tous les éléments de l’infraction, l’accusé doit être renvoyé à procès.
23.               La tâche qui incombe au juge devient un peu plus compliquée lorsque le ministère public ne produit pas une preuve directe à l’égard de tous les éléments de l’infraction.  Il s’agit alors de savoir si les autres éléments de l’infraction — soit les éléments à l’égard desquels le ministère public n’a pas présenté de preuve directe — peuvent raisonnablement être inférés de la preuve circonstancielle.  Pour répondre à cette question, le juge doit nécessairement procéder à une évaluation limitée de la preuve, car la preuve circonstancielle est, par définition, caractérisée par un écart inférentiel entre la preuve et les faits à être démontrés — c’est-à-dire un écart inférentiel qui va au‑delà de la question de savoir si la preuve est digne de foi :  voir Watt’s Manual of Criminal Evidenceop. cit., §9.01 (la preuve circonstancielle s’entend de [TRADUCTION] « tout élément de preuve, qu’il soit de nature testimoniale ou matérielle, autre que le témoignage d’un témoin oculaire d'un fait important.  Il s’agit de tout fait dont l’existence peut permettre au juge des faits d’inférer l’existence d’un fait en cause »); McCormick on Evidenceop. cit., p. 641‑642 ([TRADUCTION] « la preuve circonstancielle [. . .] peut être de nature testimoniale, mais même si les circonstances décrites sont tenues pour vraies, il faut que le raisonnement soit plus poussé afin qu’il puisse mener à la conclusion souhaitée »).  Par conséquent, le juge doit évaluer la preuve, en ce sens qu’il doit déterminer si celle-ci est raisonnablement susceptible d’étayer les inférences que le ministère public veut que le jury fasse.  Cette évaluation est cependant limitée.  Le juge ne se demande pas si, personnellement, il aurait conclu à la culpabilité de l’accusé.  De même, le juge ne tire aucune inférence de fait, pas plus qu’il apprécie la crédibilité.  Le juge se demande uniquement si la preuve, si elle était crue, peut raisonnablement étayer une inférence de culpabilité.
[15]            Dans l'arrêt R. c. Deschamplain2004 CSC 76 (CanLII), 2004 CSC 76, [2004] 3 R.C.S. 601 :
34.               La jurisprudence canadienne établit maintenant clairement que le juge du procès est tenu non pas d’exposer en détail les motifs de sa décision, mais plutôt d’expliquer sa compréhension de l’affaire, de manière à ce que les parties sachent que l’affaire qu’ils ont plaidée est celle qui a été tranchée : voir l’arrêt Sheppard, précité.  De même, le juge qui préside une enquête préliminaire n’est pas obligé d’expliquer en détail ses motifs.  Il doit toutefois démontrer qu’il a respecté son obligation légale et impérative d’examiner l’ensemble de la preuve.  Il va sans dire que, s’il s’était agi d’un procès au lieu d’une enquête préliminaire, l’acquittement de l’accusé pour les raisons que la juge Serré a données à l’appui de sa décision de ne pas le renvoyer à son procès serait probablement maintenu.  Cependant, parce qu’il est tenu d’examiner l’ensemble de la preuve, le juge de l’enquête préliminaire doit indiquer clairement qu’il a satisfait à cette obligation.  À mon avis, les motifs en cause dans la présente affaire ne respectent pas cette exigence.
[16]            Dans la cause R. c. Munoz, de la Cour supérieure de l'Ontario, 38 C.R. (6th) 376, le juge Ducharme retient :
[25]      The process of inference drawing was described by Doherty J.A. in R. v. Morrissey  1995 CanLII 3498 (ON CA), (1995), 97 C.C.C. (3d) 193 (Ont. C.A.) at p. 209 as follows:

A trier of fact may draw factual inferences from the evidence. The inferences must, however, be ones which can be reasonably and logically drawn from a fact or group of facts established by the evidence.  An inference which does not flow logically and reasonably from established facts cannot be made and is condemned as conjecture and speculation.   As Chipman J.A. put it inR. v. White 1994 CanLII 4004 (NS CA), (1994), 89 C.C.C. (3d) 336 at p.351, 28 C.R. (4th) 160, 3 M.V.R. (3d) 283 (N.S.C.A.):

These cases establish that there is a distinction between conjecture and speculation on the one hand and rational conclusions from the whole of the evidence on the other. [Emphasis added]

The highlighted sentence suggests that there are two ways in which inference drawing can become impermissible speculation and I will discuss each in turn.
[26]      The first step in inference drawing is that the primary facts, i.e. the facts that are said to provide the basis for the inference, must be established by the evidence. If the primary facts are not established, then any inferences purportedly drawn from them will be the product of impermissible speculation.   The decision of Lord Wright in Caswell v. Powell Duffryn Associated Collieries Ltd., [1940] A.C. 152 (H.L.) at 169-70 is often cited as authority for this long-standing principle:
The Court therefore is left to inference or circumstantial evidence. Inference must be carefully distinguished from conjecture or speculation. There can be no inference unless there are objective facts from which to infer the other facts which it is sought to establish. In some cases the other facts can be inferred with as much practical certainty as if they had been actually observed. In other cases the inference does not go beyond reasonable probability. But if there are no positive proved facts from which the inference can be made, the method of inference fails and what is left is mere speculation or conjecture. [Emphasis added]
[17]            Dans la décision La Reine c. Dubois, le juge V. Beaulieu fait le tour de la question sur l'application de l'article 548 1(a) et 1(b) du Code criminel et réfère à de nombreuses jurisprudences soumises par Me Sneider, procureur de Dubois de l'expression "suffisance de preuve". Entre autres, les commentaires du juge Fish de la Cour Suprême du Canada :
[22]      L'Honorable juge Morris Fish de la Cour Suprême du Canada, alors qu'il était membre du Barreau, avait publié un article intitulé "Committal for trial, some evidence is not sufficient". Malgré la date de parution, cet enseignement est toujours d'actualité, il rappelle que:
                        "Insufficiency is the operative standard. It is likewise apparent that the justice must evaluate the evidence."1
Plus loin, il insiste pour rappeler que "some evidence" n'est pas synonyme de "sufficient evidence".
[soulignement du Tribunal]
[23]      L'auteur Salany rappelle:
                        " In discharging this duty, the justice should remember that it is not his function to determine the guilt or innocence of the accused. There must however be more than a more possibility of suspicion that the accused is guilty.
[24]      Quant à l'Honorable Juge Ewaschuck, dans son traité Criminal Pleading in Canada, précise que:
            "que le juge à l'enquête préliminaire fait une erreur de juridiction s'il ne considère pas l'ensemble de toute la preuve."
[25]      Dans leur traité de procédure pénale, les auteurs Béliveau et autres rappellent que le juge, lors de son évaluation afin de décider si la preuve est suffisante ou non, ne peut évaluer la crédibilité d'un témoin car s'il le fait, il usurperait ainsi la prérogative du jury.
[26]      L'honorable juge Jean-Guy Bollard, dans son ouvrage Manuel de preuve pénale, traite ainsi du test de la suffisance de preuve:
"Quel est le test auquel la preuve est assujettie pour éviter un verdict dirigé d'acquittement ou une décision de non-lieu au procès ou encore, pour justifier la citation à procès à la suite d'une enquête préliminaire, puisqu'il est le même?"
La question soulevée dans R. c. Charemsky où le juge Bastarache, porte-parole de la majorité écrivait:
"Pour qu'il y ait des éléments de preuve aux vues desquelles un jury raisonnablement ayant reçu des directives appropriées pourrait conclure à la culpabilité pour chaque élément essentiel de la définition du crime reproché.
Ainsi dans des poursuites pour meurtre, le Ministère public doit présenter des éléments de preuve sur les questions de l'identité, du lieu de causalité, du décès de la victime et de l'état d'esprit requis. Si le Ministère ne présente aucune preuve pour s'acquitter du fardeau qui lui incombe relativement à l'une ou l'autre de ces questions, le juge du procès devait imposer un verdict d'acquittement."

vendredi 10 mai 2013

Détermination de la peine relativement à un crime d'intimidation d'une personne associée au système judiciaire

Anglehart c. R., 2012 QCCA 771 (CanLII)

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[20] Ces menaces méritent-elles de priver l'appelant de sa liberté pendant 4 ans? De l'avis de la Cour, assurément pas. Non seulement la peine est trop sévère, mais elle est nettement excessive eu égard aux événements survenus.

[21] Quant à la jurisprudence sur laquelle s'appuie le juge, il importe tout d'abord de préciser que le jugement de la Cour supérieure dans R. c. Bédard, qui a imposé une peine d'emprisonnement d'une durée de 60 mois, a fait l'objet d'une demande de permission d'appeler devant notre cour qui n'a pas encore été entendue. Il s'agit donc là d'un précédent qui ne peut servir pour l'instant à établir la fourchette des peines applicables pour le crime prévu à l'article 423.1 C.cr. Les faits, de plus, sont fort différents dans la mesure où l'accusé a fait preuve d'un acharnement verbal envers la victime et qu'il a refusé de reconnaître ses torts.

[22] Dans R. c. Charrette que cite également le juge et où les circonstances s'apparentent au présent dossier, le juge de la Cour supérieure a condamné l'accusé à une « peine exemplaire » de 18 mois.

[23] Dans R. c. Y.S. où, lors de l'enquête préliminaire, l'accusé a menacé l'avocate du ministère public et deux policières présentes à titre de témoins, le juge a condamné l'accusé à une peine de 24 mois d'incarcération.

[24] Le jugement rendu par la Cour du Québec dans R. c. Dubé est également pertinent. L'accusé, alors qu'il s'apprêtait à entendre le prononcé de sa peine, devient agité. Il injurie le personnel, le menace, se débat, tente de s'enfuir. Il s'en prend également verbalement au représentant du ministère public et à un agent lors de son transport au centre de détention. En 2007, il a été condamné à 30 mois d'emprisonnement pour des infractions similaires. La peine imposée par le juge fut alors de 36 mois.

[25] À l'inverse, dans l'affaire R. c. Hodgky, l'accusé n'a été soumis qu'à une ordonnance de probation d'une durée de 3 ans alors qu'il a menacé à plusieurs reprises une juge de la Cour supérieure dans différents contextes.

[26] Deux autres jugements provenant d'ailleurs au Canada méritent également d'être retenus. Dans le premier, l'affaire R. c. Daye, la Cour d'appel du Nouveau-Brunswick confirme la peine d'incarcération de 9 mois prononcée en première instance, l'accusé ayant fait allusion devant des policiers à une saisie récente lors de laquelle quatre agents de la GRC avaient été tués, laissant entendre par là que c'est ce qui allait se produire.

[27] Enfin, dans l'affaire R. c. Lamarche, le juge a imposé une peine d'emprisonnement de 2 mois à un détenu autochtone au lourd casier judiciaire qui avait proféré des menaces à l'endroit d'agents correctionnels.

[28] L'examen de la jurisprudence révèle donc que le crime d'intimidation d'une personne associée au système judiciaire n'entraîne pas nécessairement une peine d'emprisonnement et que lorsque c'est le cas, celle-ci ne dépasse généralement pas 36 mois.

[29] En imposant une peine de 48 mois à l'appelant, le juge de première instance s'est donc écarté de la fourchette établie. Ceci, en soi, n'est pas fatal, mais nécessite que la peine respecte néanmoins les principes et objectifs applicables à la détermination de celle-ci. C'est ce qui ressort de l'extrait suivant de l'arrêt de la Cour suprême dans R. c. Nasogaluak :

[44] Le vaste pouvoir discrétionnaire conféré aux juges chargés de la détermination de la peine comporte toutefois des limites. Il est en partie circonscrit par les décisions qui ont établi, dans certaines circonstances, des fourchettes générales de peines applicables à certaines infractions, en vue de favoriser, conformément au principe de parité consacré par le Code, la cohérence des peines infligées aux délinquants. Il faut cependant garder à l’esprit que, bien que les tribunaux doivent en tenir compte, ces fourchettes représentent tout au plus des lignes directrices et non des règles absolues. Un juge peut donc prononcer une sanction qui déroge à la fourchette établie, pour autant qu’elle respecte les principes et objectifs de détermination de la peine. Une telle sanction n’est donc pas nécessairement inappropriée, mais elle doit tenir compte de toutes les circonstances liées à la perpétration de l’infraction et à la situation du délinquant, ainsi que des besoins de la collectivité au sein de laquelle l’infraction a été commise

La différence entre l'informateur / source & l'agent civil d'infiltration

R. v. B., G., et al., 2000 CanLII 16820 (ON CA)

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[10]    In general terms, the distinction between an informer and an agent is that an informer merely furnishes information to the police and an agent acts on the direction of the police and goes “into the field” to participate in the illegal transaction in some way. The identity of an informer is protected by a strong privilege and, accordingly, is not disclosable, subject to the innocence at stake exception. The identity of an agent is disclosable.

Le droit applicable aux délais pré-inculpatoires

Huot c. R., 2011 QCCQ 6860 (CanLII)

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[42] C’est dans la décision de Kalanj, qu’on a demandé à la Cour suprême de se prononcer sur la question de savoir à quel moment l’accusé devient inculpé au sens de l’article 11 de la Charte. Le juge McIntyre avec ses collègues, les juges La Forest et L’Heureux-Dubé, concluent qu’il y a inculpation au moment du dépôt de la dénonciation. De plus, le juge McIntyre déclare ce qui suit, quant à l’application des articles 7 à 13 de la Charte :

« Le texte de la Charte de même que son régime et son économie étayent cette interprétation. L'article 11 est l'un des huit articles figurant sous la rubrique "Garanties juridiques". L'article 7 garantit le "droit [général] à la vie, à liberté et à la sécurité de sa personne" en plus d'affirmer qu'il ne peut être porté atteinte à ce droit qu'en conformité avec les principes de justice fondamentale". Cet article s'applique à toutes les étapes du processus d'enquête et du processus judiciaire. Les articles 8 et 9 garantissent des droits particulièrement importants à l'étape de l'enquête, c'est-à-dire celle antérieure à l'accusation, tout comme le fait l'art. 10 qui a trait aux droits que possède une personne en cas d'arrestation. L'article 11 porte sur une étape ultérieure des procédures, savoir l'initiation de procédures judiciaires par voie d'accusation. Les articles12 et 13 ont trait à des questions ultérieures au procès alors que l'art. 14 traite de questions liées au déroulement du procès lui-même ».
[43] Ainsi, selon Kalanj, l’article 7 de la Charte s’applique à toutes les étapes du processus d’enquête et du processus judiciaire.

[44] Le juge McIntyre ajoute ce qui suit quant aux périodes du processus judiciaire couvertes par les articles 7 et 11 b).

« […] L’objet de l'al. 11b) est clair. Il vise le délai écoulé entre le dépôt de l'accusation et la fin du procès et il prévoit qu'une personne inculpée sera promptement jugée.

La durée du délai antérieur à la dénonciation ou de l'enquête est totalement imprévisible. Il n'est pas facile de faire une évaluation raisonnable de ce qu'est un délai raisonnable. Les circonstances diffèrent d'un cas à l'autre et beaucoup de renseignements recueillis au cours d'une enquête doivent, en raison de leur nature même, demeurer confidentiels. Le tribunal sera rarement, sinon jamais, en mesure de prescrire de manière réaliste un délai pour enquêter sur une infraction donnée. Il est remarquable que, sous réserve de quelques exceptions restreintes prévues dans les lois, le droit n'a jamais reconnu de délai de prescription pour l'initiation de procédures criminelles. Cependant, quand l'enquête révèle des éléments de preuve qui justifieraient le dépôt d'une dénonciation, il devient alors possible pour la première fois d'évaluer quel serait le délai raisonnable dans lequel la question devrait être tranchée à l'issue d'un procès. C'est pour ce motif que l'application de l'art. 11 se limite à la période postérieure au dépôt de la dénonciation. Avant le dépôt de l'accusation, les droits de l'accusé sont protégés par le droit en général et garantis par les art. 7, 8, 9 et 10 de la Charte. » Ce sont nos soulignés.

[45] Le juge Richard Laflamme dans la décision de Alain Roy c. La Reine, traite des principes applicables pour l’analyse des délais pré-inculpatoires et post-inculpatoires. Dans cette cause, le juge Laflamme était saisi d’une requête en exclusion de la preuve basée sur les articles 7 et 11 b) de la Charte. L’accusé alléguait l’abus de procédures.

[46] Le juge Laflamme résume aux paragraphes 16 et suivants de son jugement, le droit applicable aux délais pré-inculpatoires.

« [16] La Cour d'appel a récemment réitéré ces principes dans l'arrêt Papatie où elle ajoute :

La Cour suprême a établi que lorsqu'un accusé invoque les articles 7 et 11 b) de la Charte, à l'étape du délai pré-inculpatoire, il a le fardeau de démontrer qu'il a subi un préjudice réel relativement à l'équité de son procès ou à son droit à une défense pleine et entière. L'équité du procès n'est pas automatiquement compromise par un long délai avant le dépôt de l'acte d'accusation².

[17] Dans cette affaire la Cour d'appel a conclu à l'absence de préjudice portant atteinte à l'équité du procès malgré un délai pré-inculpatoire de 22 mois.

[18] Dans R. c. Lepage, la Cour d'appel rappelle que l'accusé doit établir le préjudice réel dû à ce délai.

[19] La Cour suprême dans R. c. L. (W.K.)4 a déterminé que ce n'est pas la durée du délai qui importe, mais plutôt l'effet de ce délai sur l'équité du procès. Mettre fin aux procédures simplement en raison du temps écoulé équivaudrait à imposer une prescription de création judiciaire. Pour apprécier l'équité d'un procès, le juge d'instance doit évaluer les considérations et les circonstances propres à l'espèce.

[20] Quant au retard à poursuivre, le juge Stevenson précise ce qui suit :

Le retard à accuser et à poursuivre une personne ne peut, en l'absence d'autres facteurs, justifier l'arrêt des procédures au motif qu'elles constitueraient un abus de procédure selon la common law. Dans l'arrêt Rourke c. La Reine, 1977 CanLII 191 (CSC), [1978] 1 R.C.S. 1021, le juge en chef Laskin (avec l'accord de la majorité sur ce point) a dit ce qui suit, aux pp. 1040 et 1041:

En l'absence de toute prétention que le retard mis à arrêter l'accusé avait quelque but caché, les tribunaux ne sont pas en mesure de dire à la police qu'elle n'a pas enquêté avec assez de diligence et ensuite, comme sanction, de suspendre les procédures quand la poursuite est engagée. Le délai qui s'écoule entre la perpétration d'une infraction et la mise en accusation d'un prévenu à la suite de son arrestation ne peut pas être contrôlé par les tribunaux en imposant des normes strictes aux enquêtes. Preuves et témoins peuvent disparaître à brève comme à longue échéance; de même, on peut avoir à rechercher le prévenu plus ou moins longtemps. Sous réserve des contrôles prescrits par le Code criminel, les poursuites engagées longtemps après la perpétration alléguée d'une infraction doivent suivre leur cours et être traitées par les tribunaux selon la preuve fournie, preuve dont le bien fondé et la crédibilité doivent être évalués par les juges. La Cour peut demander une explication sur tout retard fâcheux de la poursuite et être ainsi en mesure d'évaluer le poids de certains éléments de la preuve. »

[47] En résumé, l’accusé a le fardeau de démontrer qu’il a subi un préjudice réel relativement à l’équité de son procès ou à son droit à une défense pleine et entière. Le préjudice doit être dû au délai, et ce n’est pas la durée de ce délai qui prime mais son effet sur l’équité du procès.

L'équité du procès n'est pas automatiquement compromise par un long délai avant le dépôt de l'acte d'accusation

Roy c. R., 2009 QCCQ 5111 (CanLII)

Lien vers la décision

[16] La Cour d'appel a récemment réitéré ces principes dans l'arrêt Papatie où elle ajoute :

La Cour suprême a établi que lorsqu'un accusé invoque les articles 7 et 11b) de la Charte, à l'étape du délai pré-inculpatoire, il a le fardeau de démontrer qu'il a subi un préjudice réel relativement à l'équité de son procès ou à son droit à une défense pleine et entière. L'équité du procès n'est pas automatiquement compromise par un long délai avant le dépôt de l'acte d'accusation.

[17] Dans cette affaire la Cour d'appel a conclu à l'absence de préjudice portant atteinte à l'équité du procès malgré un délai pré-inculpatoire de 22 mois.

[18] Dans R. c. Lepage, la Cour d'appel rappelle que l'accusé doit établir le préjudice réel dû à ce délai.

[19] La Cour suprême dans R. c. L. (W.K.) a déterminé que ce n'est pas la durée du délai qui importe, mais plutôt l'effet de ce délai sur l'équité du procès. Mettre fin aux procédures simplement en raison du temps écoulé équivaudrait à imposer une prescription de création judiciaire. Pour apprécier l'équité d'un procès, le juge d'instance doit évaluer les considérations et les circonstances propres à l'espèce.

[20] Quant au retard à poursuivre, le juge Stevenson précise ce qui suit :

Le retard à accuser et à poursuivre une personne ne peut, en l'absence d'autres facteurs, justifier l'arrêt des procédures au motif qu'elles constitueraient un abus de procédure selon la common law. Dans l'arrêt Rourke c. La Reine, 1977 CanLII 191 (CSC), [1978] 1 R.C.S. 1021, le juge en chef Laskin (avec l'accord de la majorité sur ce point) a dit ce qui suit, aux pp. 1040 et 1041:

En l'absence de toute prétention que le retard mis à arrêter l'accusé avait quelque but caché, les tribunaux ne sont pas en mesure de dire à la police qu'elle n'a pas enquêté avec assez de diligence et ensuite, comme sanction, de suspendre les procédures quand la poursuite est engagée. Le délai qui s'écoule entre la perpétration d'une infraction et la mise en accusation d'un prévenu à la suite de son arrestation ne peut pas être contrôlé par les tribunaux en imposant des normes strictes aux enquêtes. Preuves et témoins peuvent disparaître à brève comme à longue échéance; de même, on peut avoir à rechercher le prévenu plus ou moins longtemps. Sous réserve des contrôles prescrits par le Code criminel, les poursuites engagées longtemps après la perpétration alléguée d'une infraction doivent suivre leur cours et être traitées par les tribunaux selon la preuve fournie, preuve dont le bien‑fondé et la crédibilité doivent être évalués par les juges. La Cour peut demander une explication sur tout retard fâcheux de la poursuite et être ainsi en mesure d'évaluer le poids de certains éléments de la preuve.

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