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samedi 30 novembre 2013

Les rubriques d’une loi peuvent, à bon droit, être prises en considération pour déterminer les intentions du législateur

R. c. Lucas, 1998 CanLII 815 (CSC), [1998] 1 RCS 439

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47                           Les rubriques d’une loi peuvent, à bon droit, être prises en considération pour déterminer les intentions du législateur (Law Society of Upper Canada c. Skapinker1984 CanLII 3 (CSC), [1984] 1 R.C.S. 357, à la p. 377; R. c. Wigglesworth1987 CanLII 41 (CSC), [1987] 2 R.C.S. 541).  En réalité, on y a eu recours pour interpréter des dispositions du Code criminel (Skoke‑Graham c. La Reine1985 CanLII 60 (CSC), [1985] 1 R.C.S. 106, aux pp. 119 à 121; R. c. Kelly1992 CanLII 62 (CSC), [1992] 2 R.C.S. 170, à la p. 189).  Le fait que l’art. 300 se trouve dans cette partie du Code peut être mis en contraste avec la disposition concernant la «diffusion de fausses nouvelles» qui, comme on l’a fait remarquer dans Zundel, précité, à la p. 763, se trouve sous la rubrique «Nuisances».  Finalement, le fait qu’il existe, sous la rubrique «Infractions contre l’ordre public», une disposition précise interdisant les duels (art. 71) confirme que l’objectif premier que le législateur poursuivait en adoptant l’art. 300 était de protéger la réputation plutôt que d’empêcher les violations de la paix.

Revue de l'état du droit par la Cour fédérale sur l’admissibilité des pièces commerciales

Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Seifert, 2006 CF 270 (CanLII)


[11]           L’argument principal du demandeur est que la majorité des documents mis à la disposition de la Cour constituent des pièces commerciales, admissibles en vertu de l’article 30 de la Loi sur la preuve au Canada, L.R.C. 1985, ch. C-5. (Les dispositions pertinentes sont reproduites à l’Annexe A.) Selon le demandeur, il s’agit de documents qui ont été établis « dans le cours ordinaire des affaires » (paragraphe 30(1)). De plus, dans les cas où l’original d’un document n’était pas disponible, le demandeur a fourni un affidavit pour expliquer pourquoi l’original ne pouvait être produit (il ne pouvait être retiré des archives publiques, par exemple), indiquer le lieu où se trouve le document, attester son authenticité et répondre de l’exactitude des copies, comme le permet le paragraphe 30(3) de la Loi sur la preuve au Canada

[12]           Le défendeur a opposé plusieurs objections au fait que le demandeur invoque l’exception relative aux pièces commerciales. J’ai rejeté cinq d’entre elles, mais j’ai examiné les autres avec attention. En premier lieu, le défendeur soutient que de nombreux documents débordent le cadre prévu par l’article 30 parce qu’ils contiennent des opinions et analyses − ils ne se résument pas à des faits consignés dans un dossier ou un tableau (comme c’était le cas dans l’arrêt Ares c. Venner1970 CanLII 5 (CSC), [1970] R.C.S. 608). Cependant, je suis convaincu que des documents qui comportent des opinions peuvent néanmoins constituer des pièces commerciales et être admissibles en vertu de l’article 30 en vue de faire foi de leur contenu (Sopinka, Lederman et Bryant, The Law of Evidence in Canada, 2e éd., Markham, Butterworths, 1999, page 229, §6.163). Naturellement, cela ne signifie nullement que je suis lié par les opinions qui peuvent être exprimées dans ces documents.

[13]           Deuxièmement, le défendeur prétend que les documents qui proviennent des ministères ou organismes gouvernementaux ne peuvent constituer des « pièces commerciales ». Toutefois, compte tenu du libellé très large de la définition du terme « affaires » qui figure au paragraphe 30(12) de la Loi sur la preuve au Canada, j’estime que les documents établis dans le cours ordinaire des affaires d’une activité gouvernementale ou d’opérations gouvernementales peuvent être considérés comme des pièces commerciales et être admissibles en vertu de l’article 30 pour faire foi de leur contenu. Le paragraphe 30(12), en effet, prévoit précisément que le terme « affaires » comprend « toute activité exercée ou opération effectuée, au Canada ou à l’étranger, par un gouvernement, par un ministère, une direction, un conseil, une commission ou un organisme d’un gouvernement, par un tribunal ou par un autre organisme ou une autre autorité exerçant une fonction gouvernementale ».

[14]           Troisièmement, le défendeur allègue que de nombreux affidavits présentés par le demandeur au soutien des documents sont irréguliers et ne respectent pas les exigences du paragraphe 30(3). Le défendeur avance, plus particulièrement, qu’il est inapproprié qu’un archiviste déclare qu’un document a été préparé dans le cours ordinaire des affaires dans le seul but de satisfaire aux exigences de l’article 30. Je conviens que l’opinion d’un archiviste sur la question de savoir si un document a été préparé « dans le cours ordinaire des affaires » ne peut tenir lieu de la décision du tribunal à cet égard pour l’application de l’article 30 de la Loi (comparer Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Fast2003 CF 1139 (CanLII), 2003 CF 1139, [2003] A.C.F. no 1428, (1re inst.) (QL), et Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Oberlander1998 CanLII 9094 (CF), [1999] 1 C.F. 88, [1998] A.C.F. no 1380 (1re inst.) (QL)). En revanche, le fait qu’un archiviste ait émis une opinion sur le sujet ne rend pas pour autant son affidavit inadmissible ni dépourvu de pertinence pour ce qui est des autres questions.

[15]           Quatrièmement, le défendeur est d’avis qu’aucun document ne peut être admis aux termes de l’article 30 si le déclarant est décédé. Suivant le sous-alinéa 30(10)a)(iv), une pièce reproduisant une déclaration faite par une personne qui n’est pas habile et contraignable à témoigner dans la procédure judiciaire ne peut être admise à titre de pièce commerciale. Cette disposition précise aussi qu’une pièce reproduisant une déclaration faite par une personne qui, si elle était vivante et saine d’esprit, ne serait pas habile et contraignable à témoigner dans la procédure judiciaire, ne peut non plus être admise à titre de preuve commerciale. On me demande de conclure que cette règle interdit l’admission de documents établis par des personnes désormais décédées et qui, dès lors, ne sont pas contraignables comme témoins dans la présente instance. Telle n’est pas mon interprétation de cette disposition. Celle-ci, à mon avis, dispose simplement que l’exception relative aux pièces commerciales énoncée au paragraphe 30(1)ne peut être invoquée pour présenter la preuve d’une personne qui, qu’elle soit vivante ou décédée, ne pourrait pas témoigner dans la procédure (voir R. c. Heilman, [1983] M.J. no 390, (1983), 22 Man. R. (2d) 173 (Cour de comté.)).

[16]           Cinquièmement, le défendeur prétend que tous les documents relatifs aux politiques et aux pratiques entourant la sélection des candidats à l’immigration au Canada après la Deuxième Guerre mondiale sont inadmissibles du fait que, par définition, ils se rapportent à une investigation ou à une enquête, à la préparation ou à la prestation de conseils juridiques ou ont été établis en vue d’une procédure judiciaire et qu’en conséquence, ils sont visés par les exceptions décrites aux sous‑alinéas 30(1)a)(i) et (ii) à la règle relative aux pièces commerciales. Je ne crois pas que tous les documents qui se rapportent à la sélection des immigrants soient, par définition, visés par ces exceptions à la règle; cependant, je me suis penché sur la question de savoir si certains documents pouvaient être inadmissibles pour ce motif (voir par exemple R. c. Palma 2000 CanLII 22806 (ON SC), (2000), 149 C.C.C. (3d) 169 (C.S.J. Ont.)).

[17]           De manière générale, je conviens avec le défendeur que de nombreux documents du demandeur ne peuvent être considérés comme des pièces commerciales. Notamment, les documents énonçant des politiques, les mémoires et les lettres personnelles ne m’apparaissent pas faire partie des documents admissibles à titre de pièces commerciales en application de l’article 30 de la Loi sur la preuve au Canada. Par ailleurs, les diverses exceptions formulées au paragraphe 30(10) de la Loi n’interdisent pas l’admission en preuve de documents qui ne sont pas des pièces commerciales.

vendredi 29 novembre 2013

La notion de préjudice reliée au concept de fiabilité (ouï-dire)

R. v. L.B., 1997 CanLII 3187 (ON CA)

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If the proposed evidence does not discredit the accused, it is admissible unless it triggers the application of some other exclusionary rule of evidence. Where the other conduct is sufficiently discreditable that it may prejudice the trier of fact against the accused, the similar fact evidence rule applies and the probative value of the evidence of the prior discreditable conduct must outweigh its prejudicial effect before it will be admitted.

Prejudice, in this context, does not mean that the evidence might increase the chances of conviction, but rather that the evidence might be improperly used by the trier of fact. It is the unfair, not the unfortunate, effect of the evidence which is to be guarded against.

In assessing the probative value of the proposed evidence, consideration should be given to such matters as: the strength of the evidence; the extent to which the proposed evidence supports the inference sought to be made from it (a factor which will often correspond to the degree of similarity between the prior misconduct and the conduct forming the subject-matter of the charge); and the extent to which the matters it tends to prove are at issue in the proceedings.

In assessing the prejudicial effect of the proposed evidence, consideration should be given to such matters as: how discreditable it is; the extent to which it may support an inference of guilt based solely on bad character; the extent to which it may confuse issues; and the accused's ability to respond to it.

jeudi 14 novembre 2013

L'immunité contre les poursuites

Commission de réforme du droit du Canada
L'immunité contre les poursuites
Document de travail 64 (1992)
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https://ia601207.us.archive.org/4/items/limmunitecontrepo00lawr/limmunitecontrepo00lawr.pdf
https://archive.org/details/limmunitecontrepo00lawr

vendredi 25 octobre 2013

L’ordonnance d’interdiction de conduite doit débuter au moment de l’imposition de la peine

Bouchard c. R., 2007 QCCA 1836 (CanLII)

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[4]               Toutefois, il y a lieu d’intervenir à l’égard de l’ordonnance d’interdiction de conduite qui doit débuter au moment de l’imposition de la peine (R. v. Laycock)

jeudi 24 octobre 2013

Le principe qui s'applique en matière d'appel sur la détermination d'une peine est connu: une cour d'appel doit faire preuve d'une grande déférence envers la décision du juge d'instance

Bilodeau c. R., 2013 QCCA 980 (CanLII)


[37] Le principe qui s'applique en matière d'appel sur la détermination d'une peine est connu. Une cour d'appel doit faire preuve d'une grande déférence envers la décision du juge d'instance.
[38] Sauf erreur de principe, omission de prendre en considération un facteur pertinent ou insistance trop grande sur les facteurs appropriés, il n'y a lieu de modifier la peine que si la Cour est convaincue qu'elle n'est manifestement pas indiquée, c'est-à-dire si elle conclut que la peine est nettement déraisonnable.
[39] Dans le cas où il respecte les principes et objectifs en matière de détermination de la peine, même le prononcé d'une peine qui déroge à la fourchette établie ne justifie pas une cour d'appel de s'immiscer dans le rôle du juge de première instance.
[40] Cela dit, aux termes de l'article 718 C.cr., il est acquis que le processus de détermination de la peine se veut un exercice de pondération entre divers facteurs et principes, qui varient de la dénonciation, la dissuasion et la nécessité d'isolement à la réinsertion sociale et la conscientisation liée au tort causé. Pour être juste, la peine doit être proportionnelle à la gravité de l'infraction et au degré de responsabilité du délinquant (article 718.1 C.cr.). Le processus commande aussi de considérer la gravité objective du crime en modulant la peine selon les facteurs aggravants ou atténuants existants, en fonction du principe d'harmonisation des peines (art. 718.2 C.cr.).

Détermination de la peine concernant les infractions de conduite causant la mort - interdiction de conduire - fourchette des peines proposée

Bilodeau c. R., 2013 QCCA 980 (CanLII)


[41] Dans l'arrêt Paré c. R., le juge Doyon rappelle que l'estimation de la durée adéquate de l'interdiction de conduire fait partie du processus de détermination de la peine. Il faut, à cet égard, tenir compte des facteurs et principes applicables, dont les facteurs aggravants et atténuants pertinents.
[42] En matière de conduite dangereuse, la dénonciation et la dissuasion sont des objectifs pénologiques régulièrement soulevés et appliqués. Le juge Rochon le rappelle en des termes clairs dans l'arrêt Ferland c. La Reine :
[29] Il est exact que le juge de première instance a estimé important d'insister sur le caractère dissuasif et exemplaire de la peine, dans le but de marquer la désapprobation de la société à l'égard de ceux qui commettent de telles infractions et dans le but de dissuader quiconque de les commettre.
[30] Son insistance sur cet objectif particulier ne constitue pas, en l'espèce, une erreur révisable.
[43] Toutefois, malgré la justesse de ces objectifs pénologiques, la peine doit demeurer proportionnelle et l'accusé doit la mériter. Ainsi, on ne peut favoriser indûment l'objectif de dissuasion générale au détriment de l'imposition d'une peine qui soit proportionnelle à la responsabilité du délinquant. Comme le souligne le juge Doyon dans l'arrêt Paré, c'est alors une question d'équilibre :
[62] En somme, la dissuasion générale, la dénonciation, l'exemplarité et même la punition doivent être prises en compte. Ce serait contraire aux vœux du législateur de ne pas le faire. Je dis simplement qu'il faut rechercher un juste équilibre et que le résultat consistera erronément à punir un crime, plutôt qu'un délinquant, si l'exercice est limité à ces considérations. Or, l'individualisation des peines est un objectif qui ne peut être ignoré, comme le souligne le juge LeBel dans R. c. Nasogaluak, précité, au paragr. 43 […]
[44] Ici, il se dégage du jugement entrepris que la juge a priorisé les objectifs de dénonciation, de dissuasion et de réprobation, pour employer ses mots, « à l'encontre des jeunes conducteurs téméraires, irresponsables et purement égoïstes » (paragr. [112]). Elle a voulu envoyer un message à ces derniers, qui, selon ses mots encore, « ne se préoccupent aucunement de la sécurité d'autrui », message qui « doit être clair et non équivoque et réprimé sévèrement » (paragr. [115]). Dans cette foulée, la juge a retenu ce qu'elle qualifie de « facteurs aggravants prédominants » pour imposer la peine choisie (paragr. [116]), tout en ajoutant que la « [considération] à long terme [de] la sécurité du public » (paragr. [117]) militait pour une interdiction de conduire d'une période de sept ans.
[46] De même, en insistant sur ce qu'elle qualifie de « facteurs aggravants prédominants », la juge retient en définitive comme facteurs aggravants certains éléments constitutifs de l'infraction qui sont déjà considérés dans le facteur aggravant de la gravité objective du crime. En sont, par exemple, les circonstances menant à l'impact fatal, la témérité et l'immaturité de l'appelant dans sa conduite du véhicule et le refus de lâcher prise dans la course effrénée pour rattraper l'autre véhicule.
[47] Toujours dans l'arrêt Paré, le juge Doyon rappelle que, en matière de conduite dangereuse, les circonstances aggravantes sont importantes. Toutefois, pour reprendre ses propos, si « la perpétration des infractions mérite d'être punie sévèrement, il faut se garder d'insister indûment sur certaines circonstances qui font déjà partie de l'infraction et qui justifient justement une peine sévère ».
[50] Ces interdictions de conduire minimales augmentent en cas de récidive. Bref, la conduite dangereuse à l'occasion d'une course de rue comporte déjà en soi des peines sévères fondées sur un objectif de dissuasion et d'exemplarité.
[53] Cela a d'autant plus d'importance ici que, à mon avis, la juge omet parallèlement de prendre en considération toute la mesure d'un facteur atténuant pertinent, soit la reconnaissance par l'appelant de sa responsabilité dans la mort de ses deux amis et, surtout, l'expression particulièrement sentie de ses remords sincères.
[54] Sur ce point, je note que l'appelant a choisi, de son propre chef, d'exprimer ses excuses aux familles des victimes lors des funérailles de ces dernières; cela nécessite un certain courage et une bonne dose d'humilité. Je retiens aussi qu'il garde une photo de ses amis devant son lit pour s'en rappeler quotidiennement. Je souligne enfin qu'il porte des tatouages sur son corps en leur mémoire.
[55] Avec égards pour son analyse par ailleurs fort bien articulée, en accordant une importance exagérée à l'objectif de dissuasion générale sans s'assurer que l'interdiction de conduire imposée soit proportionnelle à la situation de l'appelant, en insistant indûment comme elle le fait sur des facteurs aggravants de même nature et en considérant de façon incomplète un facteur atténuant très pertinent, la juge commet selon moi des erreurs déterminantes qui justifient l'intervention de la Cour. Compte tenu de ces erreurs, j'estime que, sous cet aspect de l'interdiction de conduire de sept ans, la peine est non indiquée et déraisonnable.
[56] Une nouvelle analyse correctement pondérée des facteurs aggravants et atténuants applicables me convainc en effet que, de ce point de vue, la peine imposée s'écarte de façon marquée des peines généralement établies pour un crime similaire. Il y a lieu de réduire par conséquent la durée de l'interdiction de conduire décrétée.
[57] Sous ce rapport, en plus de la gravité objective des crimes qui va de soi ici, les facteurs aggravants propres à l'appelant incluent selon moi :
- les décès de deux jeunes personnes;
- les séquelles importantes et les douleurs immenses subies par les familles des victimes;
- la grande vitesse de l'appelant sur une longue distance, avec un véhicule automobile en piètre état semble-t-il;
- les infractions précédentes au Code de la sécurité routière, soit quatre infractions toutes liées à la vitesse.
[60] À mon avis, la pondération de ces facteurs aggravants et atténuants ne permet pas de conclure, comme la juge l'a fait, au caractère prédominant des facteurs aggravants. Malgré cela, en appel, l'appelant ne remet pas en question la peine d'incarcération de trois ans imposée par la juge. Il a de fait commencé à la purger. Quoique cette peine se situe à l'échelon supérieur de celles généralement imposées pour ce genre d'infraction, notamment pour un accusé non criminalisé, l'appelant concède qu'elle se situe dans la fourchette applicable.
[62] Un tour d'horizon des arrêts récents de la Cour en la matière montre que l'interdiction de conduire imposée à des délinquants similaires ayant commis des crimes similaires se situe généralement entre trois et cinq ans.
[63] Dans R. c. Roy, la Cour confirme la peine imposée en première instance à la suite d'une course de rue planifiée entre deux amis. L'accusé, qui détenait un permis probatoire, avait consommé de l'alcool. La victime a rapidement gagné la course. À son retour vers la municipalité d'où ils étaient partis, la victime, suivie de l'accusé, a fait une manœuvre dans un virage et heurté un poteau. Elle est décédée sur le coup. La victime était le principal responsable de son accident. L'accusé, un jeune homme sans antécédents, dans une relation amoureuse stable et avec un emploi stable, a écopé de 90 jours de prison discontinus, avec trois ans de probation et une interdiction de conduire de trois ans.
[64] Dans R. c. Perry, une affaire de conduite dangereuse causant la mort dans le cadre d'une course de rue en motocyclette, la peine imposée était une peine avec sursis de deux ans moins un jour, avec une interdiction de conduire subséquente de un an. La Cour infirme la peine en partie seulement et substitue à la peine avec sursis une peine de 23 mois ferme d'emprisonnement. La période d'interdiction de conduire n'est pas remise en question en appel. Le jeune homme impliqué détenait une longue liste de facteurs aggravants : son permis était suspendu lors de la course, il avait un passager alors que cela lui était interdit, il avait de nombreuses infractions antérieures d'excès de vitesse et la course a entraîné une mort et des lésions chez deux autres personnes. Il n'avait cependant pas d'antécédents judiciaires, poursuivait des études au cégep et était propriétaire de sa propre entreprise de lavage de vitres.
[65] Par ailleurs, dans Fournier c. R., un dossier de conduite dangereuse causant la mort, la Cour infirme la peine de détention de trois ans et l'interdiction de conduire de trois ans pour la remplacer par une détention de 18 mois et une interdiction de conduire de deux ans. On a ainsi voulu éviter le pénitencier au jeune homme impliqué, favorisant sa réhabilitation, et ce, puisqu'il acceptait les conséquences de ses gestes et les regrettait sincèrement.
[66] Dans Paré c. R., une affaire de conduite avec facultés affaiblies et de conduite dangereuse causant la mort, la Cour infirme les peines d'emprisonnement concurrentes de cinq et trois ans et les interdictions de conduire de dix et huit ans imposées par le premier juge. Elle y substitue des peines réduites de prison de trois ans et trente mois et des interdictions de conduire de six et cinq ans. L'accusé n'a pas d'antécédents judiciaires, bénéficie d'un rapport présentenciel favorable, a un bon dossier de conduite, accepte la responsabilité de ses gestes, témoigne d'empathie envers la famille de la victime et exprime des remords sincères.
[67] Dans R. c. Fortinun autre dossier de conduite dangereuse causant la mort, la Cour confirme une peine de deux ans d'emprisonnement avec interdiction de conduire un véhicule moteur et révocation du permis de conduire pour trois ans. Le premier juge avait insisté sur l'importance de la dissuasion et de l'exemplarité à cause, entre autres, de la haute vitesse de l'appelant (215 km/h).
[68] Dans R. c. Montuori, l'accusé avait écopé de six mois d'emprisonnement et d'une probation de deux ans assortie d'une ordonnance lui interdisant de conduire un véhicule pour une durée de cinq ans à la suite d'une accusation de conduite dangereuse causant des lésions corporelles. En appel de la durée de l'interdiction de conduire, la Cour conclut qu'une période d'interdiction de cinq ans était justifiée puisque le délinquant avait un permis probatoire au moment de l'incident, qu'il circulait à une vitesse de 216 km/h dans une zone de 100 km/h et qu'il a tenté de fuir les policiers pour éviter son arrestation. Même si la durée de l'interdiction pouvait sembler longue, elle se devait de refléter la dissuasion générale et l'exemplarité nécessaires se rattachant aux circonstances de la commission de l'infraction.
[69] Dans Ferland c. R., la Cour confirme une peine pour conduite dangereuse causant la mort et conduite dangereuse causant des lésions de 3½ ans de détention et de trois ans d'interdiction de conduire. La peine était justifiée par la vitesse (160 km/h) dans des conditions de pluie intense, alors que l'accusé avait 32 ans et une condamnation antérieure pour conduite avec facultés affaiblies.
[70] Il y a quelques années, avant les amendements de 2006 j'en conviens, dans Olivier c. R., un cas de négligence criminelle ayant causé la mort de deux personnes à l'occasion d'une course de rue spontanée, la Cour maintient la peine d'emprisonnement de trois ans accompagnée d'une interdiction de conduire de cinq ans. Pour justifier une peine sévère, on a retenu les infractions antérieures de comportement dangereux sur la route, dont leur similitude et proximité avec la conduite reprochée.
[71] Je note de ces arrêts prononcés au cours des dernières années que, dans aucun cas, la période d'interdiction de conduire ne dépasse cinq ans lorsqu'il s'agit de conduite dangereuse causant la mort. En outre, dans tous ces cas, il est difficile de savoir s'il y a eu une longue période d'interdiction préalable au verdict et à la peine comme dans la situation de l'appelant.
[72] Il est vrai que, dans son exposé, le ministère public relève quelques arrêts rendus en Ontario et au Manitoba où les interdictions de conduire ont été de dix ans ou d'environ sept ans dans des cas de conduite dangereuse causant la mort.
[73] Cependant, d'une part, je note que ces exemples se démarquent de la jurisprudence de la Cour sur la question. D'autre part, je constate que, dans plusieurs de ces décisions, la longue période d'interdiction de conduire est consécutive à une peine d'emprisonnement plus courte que celle imposée ici par la juge.

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

Le pouvoir d'amender un acte d'accusation ou une dénonciation expliqué par la Cour d'appel de l'Ontario

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