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dimanche 4 mars 2018

Quelle signification doit-on donner à la notion de transport dans la définition de trafic de l’article 2 de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances?

R. c. Amyot, 2016 QCCQ 12597 (CanLII)

Lien vers la décision


[10]                 Une controverse jurisprudentielle existe. D’une part, de nombreux jugements interprètent la notion de transport comme exigeant que celui-ci soit fait dans le but de distribuer la drogue à d’autres. D’autre part, la Cour d’appel du Québec écrit que transport veut dire le simple fait de transporter.
[11]                 L’article 2 de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances prévoit la définition de trafic :

« trafic Relativement à une substance inscrite à l’une ou l’autre des annexes I à IV, toute opération de vente — y compris la vente d’une autorisation visant son obtention —, d’administration, de don, de cession, de transport, d’expédition ou de livraison portant sur une telle substance — ou toute offre d’effectuer l’une de ces opérations — qui sort du cadre réglementaire. (traffic) »
« traffic means, in respect of a substance included in any of Schedules I to IV,
           (a) to sell, administer, give, transfer, transport, send or deliver the substance,
           (b) to sell an authorization to obtain the substance, or
           (c) to offer to do anything mentioned in paragraph (a) or (b),
otherwise than under the authority of the regulations. (trafic) »

 La notion de transport selon les auteurs et la jurisprudence
Mise en situation
[12]                 Les auteurs de l’ouvrage Drug Offences in Canada résument le débat :
« Most of the actions defined as trafficking under the Controlled Drugs and Substances Act necessarily contemplate a transaction involving two or more persons. Activities such as “selling”, “giving”, “administering”, “transferring”, “sending” and “delivering” clearly imply something more extensive than a use which is only consistent with the participant’s own purposes.
On the other hand, the term “transport” is capable of at least two interpretations: first, a simple carrying of a drug from one place to another for the sole purpose of changing its location and with a view to personal consumption; second, a carrying of the drug with a view to its distribution to other persons.” (MacFarlane, Frater, Michaelson, #5.40.120) »
L’interprétation exigeant que le transport de la drogue soit effectué dans le but de la distribuer à quelqu’un d’autre
[13]                 Dans R. c. Harrington, (R. c. McDonald [1964] 1 C.C.C. 189, 195 (C.A.C-B), la Cour d’appel de la Colombie-Britannique a adopté l’interprétation suivante du mot transport qui se retrouvait dans la Loi sur les stupéfiants. Le juge Bird écrivait :
« In the definition of “traffic”, s. 2 of the Act, the word “transport” is associated with the words “manufacture, sell, give, administer, send, deliver and distribute”. Six, if not all of these words, imply something more extensive than a use for the actor's own purposes. When one uses the word “sell”, “give”, “administer”, “send”, “deliver” or “distribute”, he does not contemplate a transaction involving one person alone, but a transaction involving two or more persons.
These considerations impel me to the view that the word “transport” in the definition of “traffic” is not meant in the sense of mere conveying or carrying or moving from one place to another, but in the sense of doing so to promote the distribution of the narcotic to another. In my opinion, there must be something more extensive than mere conveying, or carrying or moving incidental to one’s own use of the drug to warrant a conviction under s. 4(1) [now s. 5(1) of the Controlled Drugs and Substances Act] for trafficking .”. R. v. Macdonald) (B.C.C.A.). »
[14]                 Cette décision a été suivie par de nombreuses cours, à de nombreuses reprises, que ce soit tant sous l’ancienne Loi sur les stupéfiants que la Loi réglementant certaines drogues et autres substances. (sous l’ancienne loi : R. c. Barron (1977), 38 C.R.N.S. 375.(C.A.Alta); R. c. Turcotte(1981)  22 C.R. (3d) 46 (C.S.P.); R. c. Binkley (1982)  1982 CanLII 2588 (SK CA)69 C.C.C. (2d) 169, (C.A. Sask.)R. c. Keel, 1986 CarswellNfld 48, (Nfld.S.C.T.D.) sous la nouvelle loi United States c. Roseneau, 2009 BCSC 805 (CanLII)R. c. Klostergaard2006 CarswellAlta 2440 (Alta Q.B.)Unites States c. Trotter2013 BCSC 1985 (CanLII), par. 44; R. c. Lavallée2014 SKPC 166 (CanLII)In re United States of America2015 BCSC 604 (CanLII), par. 68.)
[15]                 Des applications récentes de cette interprétation l’illustrent. Dans R. c. Giles2016 BCSC 1800 (CanLII), le juge Ross de la Cour suprême de la Colombie-Britannique écrivait ceci après avoir revu la question :
« 523    Thus, the word "transport" in the context of s. 2(1) of the Controlled Drugs and Substances Act requires something more than mere movement from place to place. It requires the movement to be in the context of distribution to others. Movement incidental to personal use is not sufficient. »
[16]                 Dans R. c. Dickey2015 BCSC 191 (CanLII), par. 130. le juge Greyell écrit : « Transporting has been interpreted to mean « to promote the distribution of the narcotic to another : R. v. Harrington and Scosky, [1964] 1. C.C.C. 189 at p. 195 (B.C.C.A.); R. v. Binkley(1982), 1982 CanLII 2588 (SK CA)69 C.C.C. (2d) 169 (Sask. C.A.)R. v. Gardiner, (1987), 35 C.C.C. (3d) 461 (Ont. C.A.)R. v. Taylor,(1974), 17 C.C.C. (2d) 36 (B.C.C.A.). »
L’interprétation du mot transport comme étant le simple transport d’un endroit à un autre
[17]                 En vertu de la Loi sur les aliments et drogues dans R. c. Pottie(1981), 1981 CanLII 1925 (ON CA)64 C.C.C. (2d) 119, (C.S.N.S.D.A.), au paragraphe 17, la Cour écrit :
« 17.   I have considered the authorities relied upon by the appellant's counsel, and have concluded that in each case the Court decided that the words "transport" and "deliver" should not be given their literal meaning. With the greatest respect, I do not agree with this interpretation. Where words in a statute appear clear and unambiguous, the ordinary and literal meaning should be adopted. I respectfully prefer the reasoning of McFarlane, J.A., in Regina v. O'Connor, supra, and would accordingly dismiss this ground of appeal. »
[18]                 En vertu de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, la Cour d’appel du Québec dans R. c. Grenier2012 QCCA 166 (CanLII) s’est penchée incidemment sur la question. L’accusé Grenier a été déclaré coupable d’avoir trafiqué de la drogue. Il avait incité sa conjointe à lui apporter de la drogue lors d’une visite au pénitencier.
[19]                 Dans ce contexte d’un transport d’une drogue dans le but de la distribuer à une autre personne, la Cour d’appel a écrit ceci :
« Il est exact, par ailleurs, que le cannabis n’a pas été livré à l’appelant. Toutefois, le simple fait de transporter des stupéfiants constitue un trafic selon la définition de ce terme au paragraphe 2(1) de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances. » [par. 30]
Le parallèle : les articles 84 et 100 du Code criminel : la possession en vue de trafic d’armes et la définition de cession
[20]                 Le paragraphe 100(1) C.cr. prévoit :
« 100. (1)  POSSESSION EN VUE D’EN FAIRE LE TRAFIC D’ARMES - Commet une infraction quiconque a en sa possession une arme à feu, une arme prohibée, une arme à autorisation restreinte, un dispositif prohibé, des munitions ou des munitions prohibées en vue de les céder, même sans contrepartie, ou d’offrir de les céder, sachant qu’il n’y est pas autorisé en vertu de la Loi sur les armes à feu, de toute autre loi fédérale ou de leurs règlements. »
[21]                 La définition de « cession » inclut le mot transport et se lit comme suit :
« Vente, fourniture, échange, don, prêt, envoi, location, transport, expédition, distribution ou livraison » [nous soulignons]
[22]                 Dans ce contexte, la Cour suprême dans Grant2009 CSC 32 (CanLII), a interprété le mot transport. Grant était accusé de possession en vue de faire le trafic d’armes (par. 100(1) C.cr.). À l’instar de l’accusé dans le présent dossier, Grant avait avoué « qu’il allait « [TRADUCTION] « porter » le revolver plus loin « sur la rue ». Cela « supposait le déplacement de l’arme d’un endroit à un autre et suffisait donc à établir les éléments de l’infraction décrite au par. 100(1). » (par. 142)
[23]                 La Cour suprême a rejeté l’interprétation voulant que le simple transport équivaille à une cession. Elle a acquitté Grant de ce chef d’accusation. Au nom de la majorité, la juge en chef McLachlin et la juge Charron écrivent :
« [144]      Nous souscrivons à l’argument de M. Grant selon lequel, dans l’esprit du législateur, le par. 100(1) ne visait pas le simple déplacement d’une arme à feu d’un endroit à un autre.  Premièrement, la règle d’interprétation législative dite des « mots associés » établit que « lorsqu’au moins deux mots reliés par la conjonction “et” ou “ou” ont une fonction logique et grammaticale analogue dans une disposition, ils doivent être interprétés à la lumière de leurs caractéristiques communes » : McDiarmid Lumber Ltd. c. Première Nation de God’s Lake2006 CSC 58 (CanLII)[2006] 2 R.C.S. 846, par. 30, la juge en chef McLachlin.  Voir aussi R. Sullivan, Sullivan on the Construction of Statutes (5e éd. 2008), p. 227‑231.  Voici encore le libellé de la définition de « cession » à l’art. 84 : « Vente, fourniture, échange, don, prêt, envoi, location, transport, expédition, distribution ou livraison. »  Dans cette énumération, il n’y a que le mot « transport » qui puisse vraisemblablement viser le déplacement d’une chose d’un lieu à un autre sans qu’elle change de mains.  L’élément commun à tous les autres termes est la notion de marché, indicative d’un sens plus restreint que celui qui est donné par le dictionnaire pour le mot « transport ». »

[24]                 Plus loin, elles écrivent :
« Autrement dit, il appert de ces mots que l’intention du législateur n’était pas de criminaliser le simple déplacement des armes à feu, mais plutôt leur transport pour des fins impliquant d’autres personnes.  En outre, la criminalisation de l’« offre » de cession, au par. 100(1), laisse entendre que la « cession » participe de la nature d’un marché. » [par. 145]

L’interprétation retenue et pourquoi
[30]                 Avec égards pour l’opinion contraire, le Tribunal conclut que le passage : «…le simple fait de transporter des stupéfiants constitue un trafic selon la définition de ce terme au paragraphe 2(1) de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances. »  de l’arrêt Grenier ne fait pas autorité.
[31]                 Tout d’abord, la Cour d’appel du Québec n’avait pas à traiter de la question, l’interprétation de la loi n’était pas en litige.
[32]                 La Cour d’appel n’avait pas à décider de la question puisque la preuve indiquait que la complice apportait de la drogue à l’intérieur des murs de la prison à l’initiative de l’accusé. Le transport de la drogue était dans le but de la distribuer à une autre personne.
[33]                 La Cour d’appel ne cite aucun jugement qui adopte la position contraire.
[34]                 Avec égards, le passage peut être qualifié d’obiter. Il n’était pas nécessaire pour décider du sort de l’appel d’interpréter le mot transport. (Deglman c. Guaranty Trust Co. of Canada and Constantineau1954 CanLII 2 (SCC)[1954] R.C.S. 725, 733)
[35]                 Le principe fondamental de l’interprétation des lois veut qu’un mot sans ambiguïté s’interprète selon son sens ordinaire. L’auteur Driedger résumait ainsi :
« Today there is only one principle or approach [to statutory interpretation], namely, the words of an Act are to be read in their entire context and in their grammatical and ordinary sense harmoniously with the scheme of the Act, the object of the Act, and the intention of Parliament.1 »E.A. Driedger, The Construction of Statutes, 2d ed. (Toronto: Butterworths, 1983) at 87 »
[36]                 La Cour suprême a repris ce principe à plusieurs reprises. (R. c. Ahmad2011 SCC 6 (CanLII), par. 28; Re Rizzo & Rizzo Shoes Ltd.1998 CanLII 837 (CSC)[1998] 1 R.C.S. 27, par. 21 (C.S.C.)
[37]                 Commençons par le sens ordinaire des mots. Selon le dictionnaire, le mot transport peut vouloir dire plusieurs choses. En français,Le Petit Robert, 1995, p. 2297 donne les définitions suivantes : « Cession (d’un droit, d’une créance) ou fait de porter pour faire parvenir en un autre lieu; manière de déplacer ou de faire parvenir par un procédé particulier ».
[38]                 En anglais, selon le dictionnaire Collinswww.collinsdictionary.com, la définition du mot « transport » est : « to carry or cause to go from one place to another, esp over some distance ».
[39]                 Conformément à la définition française, le mot transport est susceptible de plusieurs interprétations. La cession d’un droit ou d’une créance implique une autre personne tandis que le fait de porter pour faire parvenir en un autre lieu ou « to carry or cause to go from one place to another » n’implique pas nécessairement une autre personne.
[40]                 Le principe d’interprétation voulant que lorsque deux mots sont reliés par la conjonction « et » ou « ou », ils doivent être interprétés à la lumière de leurs caractéristiques communes est pertinent en l’espèce. (Grant, précité, par. 144).
[41]                 La définition de trafic à l’article 2 prévoit les actions suivantes :
« toute opération de vente — y compris la vente d’une autorisation visant son obtention —, d’administration, de don, de cession, de transport, d’expédition ou de livraison portant sur une telle substance — ou toute offre d’effectuer l’une de ces opérations. »
[42]                 La vente, l’administration, le don et la cession impliquent tous une autre personne. Le transport, l’expédition et la livraison pourraient ne pas impliquer une autre personne selon un sens donné, mais pourraient également impliquer cette autre personne.
[43]                 À l’instar de la définition de « cession » à l’article 84 C.cr., l’offre d’effectuer ces actions fait partie de la définition de trafic, ce qui laisse entendre que le trafic participe de la nature d’un marché et donc implique une autre personne (par analogie, Grant, précité, par. 145.)
[44]                 Adopter l’interprétation voulant que le simple transport équivaille à un trafic mène à des situations qui selon le Tribunal ne sont pas conformes à l’esprit des dispositions. Cette interprétation transforme les possessions physiques dites simples de drogue en possession en vue de trafic et trafic.
[45]                 Illustrons à l’aide d’exemples.
[46]                 L’acheteur d’une petite quantité de marihuana qui la transporte à sa résidence pour la fumer pourrait être déclaré coupable de possession, possession en vue de trafic et trafic.
[47]                 Le possesseur d’une drogue qui décide de prendre une petite quantité de cocaïne qu’il avait auparavant cachée dans le tiroir de la commode de sa chambre à coucher pour la transporter dans le salon afin de la consommer pourrait être déclaré coupable de possession, possession en vue de trafic et trafic.
[48]                 Un acheteur qui met la roche de crack achetée dans ses poches de pantalon et se dirige 100 mètres plus loin pour la fumer pourrait être déclaré coupable de possession, possession en vue de trafic et de trafic.
[49]                 Dans ces trois exemples, dont les quantités sont minimes, la possession a pour but la consommation personnelle, mais l’effet de l’interprétation du transport comme simple transport, transforme une possession de drogue en infractions beaucoup plus graves.
[50]                 Le Tribunal ne peut conclure que telle était l’intention du législateur. La Loi sur l’interprétation commande une interprétation d’un texte de loi de la façon la plus équitable et compatible avec la réalisation de l’objet. (art. 12)  Avec égards, il serait inéquitable de transformer le simple possesseur en trafiquant.
[51]                 À ce sujet, il est à propos de citer la juge L’Heureux-Dubé, au nom de la majorité de la Cour suprême, qui citait avec approbation les propos du juge Seaton :
« […] la définition de trafic de manière à ce qu’elle comprenne une conduite que des gens sensés ne qualifieraient pas de trafic est préjudiciable et devrait être évité »; voir aussi Bruce A. MacFarlane, Robert J. Frater et Chantal Proulx, Drug Offences in Canada (3e éd. 1996 (feuilles mobiles)), à la p. 5-22; R. c. Lauze (1980), 17 C.R. (3d) 90, par. 6-7 (C.A. Qué.), le juge Monet. »
(R. c. Greyeyes1997 CanLII 313 (CSC)[1997] 2 R.C.S. 825, par. 5 qui cite R. c. Eccleston[1974] 5 W.W.R. 14124 C.C.C. (2d) 564, 568) ».
[52]                 À l’instar des infractions sur les armes à feu, les peines prévues pour les possessions en vue de trafic et trafic sont beaucoup plus sévères que celles prévues pour les possessions dites simples et prévoient même dans certains cas une peine d’emprisonnement à perpétuité ou une peine d’emprisonnement minimale. (Voir l’alinéa 5(3)(a) LRCDAS, Grant, par. 147)
[53]                 Encore une fois, il est à propos de citer les commentaires de la juge L’Heureux-Dubé dans Greyeyes qui même si le contexte est différent s’applique en l’espèce :
« Il ne faudrait pas oublier que l’infraction de trafic est prise très au sérieux tant par les tribunaux que par le public, et qu’une telle déclaration de culpabilité entraîne un grave stigmate social.  Il va sans dire que le mépris public pour un individu étiqueté comme «trafiquant» est très grand.  De plus, les peines imposées pour ces infractions tendent à être très sévères.  J’hésite à approuver une approche qui encourage à prononcer des déclarations de culpabilité dans des cas où l’aide a été accordée seulement à l’acheteur. » [par. 6] »
[54]                 Pour toutes ces raisons et avec égards pour l’opinion contraire, le Tribunal ne peut conclure que le seul fait de transporter sa propre drogue pour sa consommation personnelle est un trafic au sens de la loi.  Le Tribunal retient que l’expression transport implique la preuve hors de tout doute raisonnable d’un transport de drogue dans le but de la distribuer à d’autres.

samedi 17 février 2018

Comment apprécier des paroles à savoir si celles-ci constituent des menaces

Dallaire c. R., 2013 QCCA 83 (CanLII)

Lien vers la décision

[55]        Dans son témoignage, la plaignante explique que l'appelant est devenu furieux quand il a appris qu'elle l'avait trompé.   En plus de l'insulter et de l'empêcher de sortir de la maison, il a dit :  « C'est qui, lui [Furtif]?   C'est quoi, ça?  Je vais le tuer, je vais le battre.   C'est qui, Furtif?   C'est qui Untel?   Pourquoi tu m'as fait ça?   Je le savais.   T'es une pourrie, une pute, une salope, je le savais. »
[56]        L'appelant plaide l'absence de valeur probante de ces paroles rapportées par la plaignante.   Il soutient qu'elles ne peuvent pas constituer objectivement des menaces puisqu'elles ont été prononcées de façon irréfléchie, sous le coup de la colère.
[57]        Qu'en est-il?
[58]        L'article 264.1 C.cr. vise à assurer une protection contre la crainte et l'intimidation; il importe donc peu que la menace soit mise à exécution ou non[.
[59]        L'actus reus de cette infraction consiste à proférer des menaces de mort ou de blessures graves.
[60]        La mens rea de l'infraction, c'est « l'intention de faire en sorte que les paroles prononcées ou les mots écrits soient perçus comme une menace de causer la mort ou des blessures graves, c'est-à-dire comme visant à intimider ou à être pris au sérieux ». Il n'est pas nécessaire que la victime visée soit au courant de la menace; cela ne constitue pas un élément essentiel de l'infraction. Quant à l'identité de la victime, elle n'a pas nécessairement à être identifiée, mais il suffit qu'elle soit identifiable.
[61]        Dans l'arrêt Clemente, la Cour suprême explique qu'il faut tenir compte des circonstances dans lesquelles les paroles s'inscrivent, de la manière dont elles ont été prononcées et de la personne à qui elles étaient destinées.
[62]        En l'espèce, le juge de première instance a conclu que les paroles prononcées à l'endroit de « Furtif » constituaient des menaces.
[63]        Il est vrai que ces paroles pouvaient avoir pour objectif d'extérioriser la frustration plutôt qu'à intimider ou à être prises au sérieux.  Cependant, si l'on considère l'ensemble de la conversation rapportée par la plaignante, qui comprenait également des insultes et des injures à son égard, ainsi que le fait que l'accusé tentait à ce moment de l'empêcher de quitter sa maison, je comprends le juge d'avoir conclu que ces paroles constituaient des menaces.  Il n'y a donc pas lieu d'intervenir sur cette question.  Il n'y a pas d'erreur.

Comment apprécier l’intention de provoquer la peur en regard de l'infraction prévue à 423.1 Ccr?

R. v. Bergeron, 2015 BCCA 177 (CanLII)

Lien vers la décision

[23]        In order to determine what the natural and probable consequences of Mr. Bergeron’s act would be, it was necessary for the trial judge to view the circumstances objectively.  All the judge was saying in para. 47 was that it was a natural and probable consequence of an act of revenge that the victim’s behaviour would likely be affected by it in the future.  The judge did not stop his analysis there.  He went on, in para. 48, to draw the inference that Mr. Bergeron did intend to impede Mr. Schmeisser in the performance of his duties.  In doing so, he considered the circumstances of the attack, including Mr. Bergeron’s anger.  The judge found that Mr. Bergeron had the required subjective intent, and he did not err in doing so.

[24]        Mr. Bergeron relies on the Treleaven decision, and says the trial judge incorrectly chose not to follow it on the same basis as he chose not to follow Cluney and Noble.  In Treleaven, it was alleged that Mr. Treleaven and another accused assaulted a witness in order to discourage the witness from testifying in an upcoming trial.  The assault took place in a washroom during a party, and Mr. Treleaven testified he was feeling ill, went in the washroom, and pushed the complainant out of the way so that he could throw up.
[25]        After dismissing the bulk of Mr. Treleaven’s evidence, Mr. Justice Shaw referred to the decisions in Cluney and Noble, in which the trial judges appeared to equate purpose or motive with intent.  He then referred to the holding in Armstrong that the words “in order to impede” in s. 423.1 were equivalent to the phrase “with intent to [impede]”.  Mr. Justice Shaw then expressed the view that CluneyNoble and Armstrong were consistent, and that they all stood for the proposition that the Crown must prove beyond a reasonable doubt that, among other things, the accused “provoked a state of fear in order to, that is, with the intent to impede [the justice system participant] in the performance of his duties”.  He concluded the Crown had not proven beyond a reasonable doubt that the accused provoked a state of fear in the witness in order to, or with the intent to, impede the witness in the performance of his duties as a justice system participant because a rational inference could be drawn from the evidence that the accused attacked the witness because he was angry the witness had informed on their mutual friend.
[26]        What the trial judge in the present case said about these cases was as follows:
[34]            In my view, the case of R. v. Armstrongsupra, adopts a different approach from that taken by the courts in TreleavenCluney, and Noble.  In Armstrongsupra, the court relies on Chartrandsupra, to distinguish between the purpose or motive underlying an act, on the one hand, and the intent, on the other.  In each of CluneyTreleaven, and Noble, the courts appear to require proof beyond a reasonable doubt of the underlying purpose of the impugned conduct rather than the accompanying intent.
[27]        I agree with the trial judge that, similar to the judges in Cluney and Noble, Shaw J. in Treleaven did focus on the underlying purpose of the attack rather than on determining the intent of the accused.  Although Shaw J. used the words “with the intent to” and referred to foreseeable consequences when dealing with the required intent to provoke fear, his conclusion that there existed a rational inference other than that the accused intended to impede the witness in the performance of his duties was expressed in terms of the purpose or motive (i.e., “because he was angry”), not in terms of the accused foreseeing the consequences of his actions.
[28]        Mr. Bergeron maintains that, similar to Treleaven, there was another rational inference other than that he foresaw his actions were certain or substantially certain to impede Mr. Schmeisser in the performance of his duties.  The judge found his underlying purpose was to take out his anger on a justice system participant, and Mr. Bergeron says the other rational inference is that his rage at the time clouded his foresight.  However, he did not testify at trial to that effect, and it is my view the judge is entitled to deference with respect to the inference he drew, after considering Mr. Bergeron’s anger, that he nevertheless foresaw the consequence that Mr. Schmeisser would be substantially certain to be impeded in the performance of his duties.

Les éléments constitutifs de l'infraction d'intimidation d'une personne associée au système judiciaire de façon répétée, dans l’intention de provoquer chez elle la peur en vue de lui nuire dans l'exercice de ses attributions

Trottier c. R., 2013 QCCA 760 (CanLII)


[4]           Pour déterminer si l'appelant a commis l'infraction, l'intimée devait établir qu'il a suivi une personne associée au système judiciaire de façon répétée, et ce, dans le but de provoquer la peur et de nuire à l'exercice de ses attributions. La preuve présentée lors du procès était essentiellement testimoniale et contradictoire. Le juge a trouvé les explications de l'appelant invraisemblables et la preuve en défense n'a soulevé aucun doute raisonnable. Le juge a par ailleurs conclu que l'intimée s'était acquittée de son fardeau d'établir la culpabilité de l'appelant hors de tout doute raisonnable.
[5]           Sur la question d'avoir suivi de façon répétée la victime, le policier Éric Savoie, la preuve révèle plusieurs événements impliquant l'appelant. Il s'est arrêté à 5 reprises devant la maison où habite le policier Savoie. Le juge ne fait d'ailleurs pas erreur en mentionnant qu'elle est située dans un secteur cul-de-sac. En effet, on ne peut traverser ce quartier résidentiel pour atteindre un autre quartier. Pour visiter ses amis à cet endroit, l'appelant n'avait pas à se rendre près de la résidence du policier Savoie. On ne retrouve aucun chemin menant à l'extérieur du quartier dans ce secteur. Quant à la portée de chiots que l'appelant souhaitait retrouver, son témoignage à cet égard est peu crédible. Il croyait pouvoir les repérer sans savoir dans quelle résidence ils se trouvaient. Le juge n'a pas retenu les explications données par l'appelant et sa conjointe sur les raisons de leur présence à plusieurs reprises en face de la résidence du policier Savoie. Il a considéré que l'intimée avait établi l'actus reus de l'infraction.
[6]           La Cour est d'avis que le juge n'a pas commis d'erreur révisable sur cette question.
[7]           Quant à l'intention spécifique de provoquer la peur en vue de nuire à l'exercice des attributions du policier Savoie, le juge a considéré qu'elle a été démontrée.  Il ressort de la preuve que le policier Savoie a enquêté, à partir de novembre 2011, dans des dossiers concernant l'appelant. Ces dossiers se sont terminés par des acquittements le 6 juin 2011 et le 6 janvier 2012. Le juge a retenu que le policier Savoie a eu peur de l'appelant. Il le connaissait. Son désarroi a d'ailleurs été constaté par un collègue. À une autre occasion, il a confié son téléphone portable à sa conjointe avant de se diriger vers la voiture de l'appelant et il lui a demandé d'appeler le 911 au besoin.
[8]           Le juge n'a donc pas commis d'erreur non plus à cet égard.

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

Revue de l'infraction de devoir de fournir les choses nécessaires à l’existence

R. v. Peterson, 2005 CanLII 37972 (ON CA) Lien vers la décision [ 34 ]           Section 215(1)(c) differs from section s. 215(1)(a), which ...