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samedi 2 décembre 2023

Comment traiter la destruction par l'État d'un élément de preuve

Côté c. R., 2023 QCCA 1095

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[13]      Dans ces conditions, le test pour prononcer un arrêt des procédures fondé sur une allégation d’abus de procédure n’est pas satisfait. L’arrêt Babos[5], rendu par la majorité de la Cour suprême, résume ainsi le test applicable :

[32] Le test servant à déterminer si l’arrêt des procédures se justifie est le même pour les deux catégories et comporte trois exigences :

(1) Il doit y avoir une atteinte au droit de l’accusé à un procès équitable ou à l’intégrité du système de justice qui « sera révélé[e], perpétué[e] ou aggravé[e] par le déroulement du procès ou par son issue »;

(2) Il ne doit y avoir aucune autre réparation susceptible de corriger l’atteinte;

(3) S’il subsiste une incertitude quant à l’opportunité de l’arrêt des procédures à l’issue des deux premières étapes, le tribunal doit mettre en balance les intérêts militant en faveur de cet arrêt, comme le fait de dénoncer la conduite répréhensible et de préserver l’intégrité du système de justice, d’une part, et « l’intérêt que représente pour la société un jugement définitif statuant sur le fond » […].[6]

[Références omises]

[14]      L’appelant est d’avis que la conduite des policiers, tout comme celle de l’intimé, l’auraient privé de son droit à une défense pleine et entière, portant ainsi atteinte à l’équité du procès et à l’intégrité du système judiciaire.

[15]      Or, le remède exceptionnel qu’est l’arrêt des procédures ne peut être prononcé que lorsque « "forcer le prévenu à subir son procès violerait les principes de justice fondamentaux qui soustendent le sens du francjeu et de la décence qu’a la société" ou lorsqu’il s’agit d’une procédure "oppressive ou vexatoire" »[7]. La situation de l’appelant n’atteint pas ce niveau.

[16]      Le droit à une enquête parfaite n’est pas enchâssé dans la constitution, pas plus que ne l’est le droit d’un accusé de diriger une enquête dont il est le suspect[8]. Les policiers doivent se livrer à une enquête sérieuse afin de rassembler tous les éléments de preuve pertinents, ce qui est la condition préalable à la prise d’une décision éclairée sur l’opportunité de porter des accusations[9]. Ils doivent également prendre des notes après l’enquête et conserver les éléments recueillis[10]. Néanmoins, toute perte, destruction ou lacune à cet égard n’entraîne pas automatiquement un arrêt des procédures. Les circonstances d’un cas d’espèce sont de la plus haute importance et il faut évaluer le comportement des agents de l’État à l’aune de celles-ci[11].

[17]      Les lacunes constatées en l’espèce ne font pas état d’un cas manifeste d’abus de procédure[12]. Il n’y a d’ailleurs aucune preuve démontrant la mauvaise foi des forces de l’ordre, bien que cette démonstration ne soit pas toujours nécessaire.

Le devoir de conservation incombant à l'État en lien avec l'obligation de communication de la preuve

R. c. Delisle, 2023 QCCA 1096

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[104]   Par ailleurs, la Cour suprême n’a pas manqué de souligner que « [l]e droit à la divulgation serait vide de sens si le ministère public n’était pas tenu de conserver des éléments de preuve qu’on sait pertinents »[53].

[105]   Et bien entendu, puisque rien n’est parfait, il arrivera que des éléments, qui par ailleurs doivent être communiqués, se perdent[54]. La perfection n’est pas exigée. La perte d’un élément de preuve peut s’expliquer de nombreuses façons, dont la destruction programmée, l’erreur ou la négligence inacceptable de l’État. Un défaut de divulguer une preuve qui doit l’être contrevient à l’article 7 de la Charte et peut même, dans certains cas, constituer un abus de procédure.

[106]   L’abus de procédure découle « d’une conduite d’une autorité gouvernementale qui viole les principes fondamentaux qui soustendent le sens du francjeu et de la décence de la société »[55]. La destruction d’un élément de preuve avec l’intention de contrecarrer l’obligation de communication de la preuve tombe certainement dans ce cadre. Toutefois, « d’autres dérogations graves à l’obligation qu’a le ministère public de conserver les éléments qui doivent être produits peuvent également constituer un abus de procédure, même s’il n’est pas établi que des éléments de preuve ont été détruits de propos délibéré pour faire obstacle à leur divulgation »[56] et, ajoute la Cour, la négligence inacceptable dans la conservation de la preuve peut parfois suffire.

[107]   Détruire un élément recueilli pendant l’enquête sans s’interroger sur l’obligation constitutionnelle d’une communication subséquente est un abus de procédure et contrevient au droit à une défense pleine et entière[57].

[108]   Par définition, le devoir de communication de la preuve étant très large, il vise des renseignements qui ne sont pas nécessairement déterminants dans un litige[58]. Lorsqu’il y a eu la perte ou la destruction de la preuve, la partie qui s’en plaint doit démontrer la possibilité raisonnable d’une atteinte à son droit à une défense pleine et entière[59].

[109]   L’État peut donc affirmer que la preuve perdue est manifestement non pertinente ou encore offrir une explication afin de convaincre un juge que la perte de cette preuve n’entraîne aucune violation à l’obligation de la divulguer ou ne constitue pas un abus de procédure.

[110]   Par ailleurs, même en l’absence d’un abus de procédure, un accusé peut néanmoins établir, dans une situation extraordinaire, que la disparition d’un élément de preuve à ce point important cause un préjudice concret à son droit de présenter une défense pleine et entière[60].

[111]   Si la preuve perdue devait être divulguée, le ministère public a le fardeau de démontrer que l’État a pris les mesures raisonnables qui s’imposaient pour conserver la preuve. À cet égard, on doit tenir compte de la pertinence de l’élément ou du renseignement perdu au moment de sa disparition. L’État n’a pas l’obligation de tout conserver dans l’attente que cela devienne un jour pertinent pour un dossier donné[61]. On comprend aisément que plus l’élément est pertinent, « plus le degré de diligence attendu [de l’État] pour conserver cette preuve est élevé»[62].

Il est erronée de dire au juge des faits d'appliquer la norme de preuve hors de tout doute raisonnable à des éléments de preuve individuels

R. c. Morin, 1988 CanLII 8 (CSC)

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23.                     L'appelant ne conteste pas que constitue une directive erronée que de dire au jury d'appliquer la norme de preuve hors de tout doute raisonnable à des éléments de preuve individuels. Il y a une jurisprudence abondante en ce sens: Stewart c. La Reine1976 CanLII 202 (CSC), [1977] 2 R.C.S. 748, aux pp. 759 et 761; R. v. Bouvier (1984), 1984 CanLII 3453 (ON CA), 11 C.C.C. (3d) 257 (C.A. Ont.), à la p. 265, conf. 1985 CanLII 17 (CSC), [1985] 2 R.C.S. 485.

La norme de preuve hors de tout doute raisonnable ne s’applique qu’à l’égard du verdict final de culpabilité et non aux éléments ou aux catégories de preuve considérés individuellement

R. c. Ménard, 1998 CanLII 790 (CSC)

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23.                     Cet argument est dénué de fondement.  Notre Cour a entendu, en même temps que le présent pourvoi, le pourvoi interjeté dans l’affaire White et l’a rejeté.  Les motifs de notre Cour dans l’arrêt White, qui sont rendus en même temps que la présente décision, confirment que la norme de preuve hors de tout doute raisonnable ne s’applique qu’à l’égard du verdict final de culpabilité ou de non‑culpabilité, et non aux éléments ou aux catégories de preuve considérés individuellement:  voir R. c. Morin1988 CanLII 8 (CSC), [1988] 2 R.C.S. 345.  (...)

La simple présence sur les lieux ne suffit pas comme preuve de participation à une infraction criminelle

R. c. Simon, 2022 QCCQ 6181 

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[360]     Il est bien ancré en droit que la simple présence d’un accusé – sans plus – dans un endroit où sont trouvés des stupéfiants n’engendrera pas une condamnation[354]. Comme l’a rappelé avec justesse le juge Watt dans le récent arrêt R. v. Lights, lorsque des objets sont découverts dans des locaux occupés par l’accusé, aucune présomption de connaissance ou de contrôle ne découle de la preuve d’occupation. En bref, la présence ne crée pas une présomption factuelle ou juridique de possession[355].

[361]     Ceci dit, dans le plus récent arrêt R. v. Faudar, la Cour d’appel de l’Ontario[356] a précisé que sans créer de présomption, l’occupation d’un local, jumelé à une preuve de connaissance, peut étayer une inférence de contrôle[357]. Chaque cas est un cas d’espèce.

[362]     En l’espèce, dans la mesure où aucun témoin policier n’a vu Simon avec les stupéfiants dans les mains, la thèse de la Couronne repose sur une preuve circonstancielle. Il n’y a eu aucune preuve directe reliant l’accusé aux stupéfiants ni une preuve de transaction en flagrant délit.

[363]     Le ministère public invite le Tribunal à inférer de la preuve circonstancielle que Simon avait la possession volontaire, personnelle ou conjointe avec les autres suspects, des stupéfiants saisis dans l’appartement et ce, dans le but de participer à l’infraction de trafic.

[364]     Les principes régissant l’analyse d’une preuve circonstancielle ont été énoncés par la Cour suprême dans l’arrêt R. c. Villaroman[358]. Lorsque la preuve de la poursuite est largement ou uniquement circonstancielle, le Tribunal doit se demander si la culpabilité de l’accusé est la seule inférence raisonnable qu’il peut tirer de la preuve dans son ensemble, considérée logiquement et à la lumière de l’expérience humaine et du bon sens[359].

[365]     En analysant la preuve circonstancielle, le Tribunal doit soigneusement éviter de « combler des vides » inconsciemment, de suppléer aux lacunes dans la preuve ou de tirer des conclusions hâtives injustifiées pour accorder les faits avec l’inférence que la Couronne l’invite à tirer[360].

[366]     Le juge des faits doit exclure toute autre inférence « raisonnable » potentielle[361]. Dans l’arrêt R. c. Dubourg, la Cour d’appel a averti qu’il ne faut pas donner une portée exagérée à cette notion. Par exemple, d’autres inférences disculpatoires peuvent être « rationnelles » sur le plan logique, sans pour autant être « raisonnables » après une évaluation de l’ensemble de la preuve, ce qui comprend l’absence de preuve. De plus, la « seule inférence raisonnable » n’implique aucunement que cette inférence soit la seule possible dans le même sens qu’une preuve hors de tout doute raisonnable n’équivaut pas à une preuve hors de tout doute possible[362]. Le droit n’exige pas que la preuve circonstancielle exclut totalement toutes les autres inférences imaginables[363]. Foncièrement, le juge n’est pas tenu de laisser son bon sens au vestiaire[364]. Le ministère public n'a pas le fardeau de réfuter toute conjecture ou hypothèse qui serait compatible à l’innocence de l’accusé.



jeudi 30 novembre 2023

La résistance visée à l’al. 129a) est une résistance physique active

Martin c. R, 2021 NBCA 53

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[7]     L’appelant soutient que la résistance visée à l’al. 129a) est une résistance physique active. La Cour d’appel de l’Ontario abonde dans ce sens dans l’arrêt R. c. Kennedy2016 ONCA 879[2016] O.J. No. 6105 (QL) :

 

[TRADUCTION]

Pour que l’on puisse prouver l’accusation d’avoir résisté à l’arrestation, les actes de l’accusé doivent constituer une « résistance active » et non une « résistance passive ». Dans R. c. Alaimo (1974), 1974 CanLII 1552 (ON CJ), 27 C.C.C. (2d) 491 (C.J. Ont.), le tribunal a conclu, sur le fondement de plusieurs définitions tirées de dictionnaires, que l’infraction exige une altercation physique directe entre le sujet et la police et l’exercice d’au moins un degré minimal de force. Le Black’s Law Dictionary indique que le mot [TRADUCTION] « décrit à juste titre une opposition par une action directe et des moyens ressortissant presque à l’usage de la force ».

 

Dans R. c. Stortini (1978), 1978 CanLII 2552 (ON CJ), 42 C.C.C. (2d) 214 (C.J. Ont.), l’accusé avait été informé qu’il était en état d’arrestation par suite d’un mandat non exécuté. Il a refusé d’accompagner les policiers. En conséquence, les policiers ont soulevé l’accusé en le prenant sous les bras et l’ont transporté au véhicule de police. Il n’a pas exercé de force physique directe à l’endroit des policiers. Le juge du procès a dit ce qui suit :

 

[TRADUCTION]

 

[L]e mot « résiste » décrit plus exactement des actes d’opposition aux efforts du policier qui se manifestent par une activité physique directe de la part de l’accusé. Il doit être démontré que celui-ci a exercé une certaine mesure de force. Autrement dit, la conduite de l’accusé doit comprendre davantage que ce que l’on qualifiait autrefois de résistance passive, c’est-à-dire une résistance sans une certaine mesure de force ou de violence, quelque minime soit-elle, avant que l’on puisse dire que l’accusé a commis l’infraction d’avoir résisté. Sans une telle résistance positive, sa conduite peut fort bien constituer une entrave au policier, mais, à mon avis, elle ne constitue pas une résistance au sens de la disposition législative.

 

De même, dans R. c. Bentley[2003] J.Q. n16091 (C.S.), l’accusé n’a pas réagi lorsqu’on lui a demandé de retirer les clés du contact de sa voiture et de sortir du véhicule. Après avoir répété la demande, et n’obtenant aucune réponse, le policier a enlevé l’accusé de son véhicule de force. Pendant qu’on le sortait de sa voiture, l’accusé a placé ses mains fermement sur le volant pour indiquer qu’il n’avait aucunement l’intention de quitter la voiture. Au par. 33, le tribunal a interprété les termes « résistance passive » comme étant [TRADUCTION] « l’absence de toute résistance physique » et a conclu qu’une résistance passive ne constituait pas une résistance pour l’application de l’art. 129 du Code criminel. Le tribunal a toutefois conclu que les actes de l’accusé ne constituaient pas une résistance passive, puisqu’il [TRADUCTION] « a utilisé une force physique pour empêcher qu’on l’enlève de sa voiture » : par. 51. En fin de compte, l’accusé a été acquitté, puisqu’il avait été accusé d’entrave et non de résistance.

 

Dans R. c. Marcocchio2002 NSPC 7, 213 N.S.R. (2d) 86, au par. 113, le tribunal est arrivé à une conclusion semblable :

 

[TRADUCTION]

 

Des actes de résistance physique positive équivalant à ce que l’on appelle « l’utilisation de force » de la part d’un accusé envers un agent de police dans l’exécution de ses fonctions constituent le genre de résistance visé par l’art. 129 du Code criminel. Par contre, l’on considère habituellement que la conduite que l’on qualifie souvent de « résistance passive », c’est-à-dire une résistance sans utilisation de force, ne tombe pas sous le coup de l’art. 129 et n’est pas passible de sanctions pénales.

 

Dans R. c. M.L.M.2007 ABCA 283, 52 M.V.R. (5th) 52, l’accusé a été détenu par des agents de police alors qu’il était assis dans sa voiture. Il n’a pas obtempéré à des ordres de placer ses mains sur le tableau de bord et a plutôt démarré la voiture, a mis celle-ci en marche arrière et a appuyé sur l’accélérateur. L’appelant a soutenu que, bien que sa conduite équivalût à un manque de coopération, elle ne constituait pas de la résistance, parce qu’il n’y a pas eu affrontement physique direct avec les policiers. En rejetant l’appel, le tribunal a conclu, au par. 9, que les actes de l’accusé constituaient davantage qu’une résistance passive et constituaient une [TRADUCTION] « utilisation active de force » à l’endroit d’un agent de la paix.

 

À mon avis, l’infraction de résister à un agent de la paix exige davantage que le manque de coopération; il faut une résistance physique active. […] [par. 31 à 36]

 

[8]                                                               Je fais miennes ces conclusions interprétatives.

mardi 28 novembre 2023

La défense de la croyance sincère mais erronée

Lafrance c. R., 2017 QCCA 1642

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[81]        Il est vrai que la défense d’erreur n’a pas à être alléguée spécifiquement par l’accusé et que le fait, pour un accusé, de soulever la question du consentement équivaut à plaider une croyance sincère au consentement[38]. L’accusé a droit à ce que la Cour examine tous les moyens de défense auxquels les faits donnent ouverture.

[82]        Cela dit, la défense ne sera considérée que si elle possède un air de vraisemblance[39]. Dans l’arrêt R. c. Davis, le juge en chef Lamer écrivait à ce sujet :

[81]      Avant que la défense puisse être examinée, il faut qu'il y ait suffisamment d'éléments de preuve pour pouvoir convaincre un juge des faits raisonnable (1) que le plaignant n'a pas consenti aux attouchements sexuels, et (2) que l'accusé a néanmoins cru sincèrement, mais erronément qu'il était consentant: voir R. c. Osolin1993 CanLII 54 (CSC), [1993] 4 R.C.S. 595, à la p. 648, le juge McLachlin. En d'autres termes, compte tenu de la preuve, il doit être possible pour un juge des faits raisonnable de conclure que l'actus reus est établi, mais que la mens rea ne l'est pas. Dans ces circonstances, on dit que la défense a une certaine «vraisemblance» et le juge des faits, qu'il s'agisse d'un juge ou d'un jury, doit l'examiner. Par contre, lorsque la défense n'a aucune vraisemblance, il ne faut pas en tenir compte puisque aucun juge des faits raisonnable ne pourrait prononcer un verdict d'acquittement sur ce fondement: voir R. c. Park1995 CanLII 104 (CSC), [1995] 2 R.C.S. 836, au par. 11.[40]

[Soulignement dans l’original]

[83]        Dans cette même affaire, la Cour suprême a pris le soin de préciser qu’il ne suffit pas pour l’accusé d’alléguer l’erreur pour conférer à la défense un air de vraisemblance[41]. Dans Ewanchuk, le juge Major notait aussi que « les affaires qui soulèvent un véritable malentendu entre les parties à une rencontre sexuelle ne sont pas fréquentes »[42]. Dans Davis, le juge Lamer était d’ailleurs du même avis et il précisait en outre que « l’agression sexuelle n’est pas un crime qui survient généralement par accident ». Il écrivait :

[84] […] Dans la plupart des cas, la question qui se posera sera celle du «consentement ou de l'absence de consentement», et il n'y aura qu'une alternative. Soit le plaignant a consenti, auquel cas il n'y a pas d'actus reus. Soit le plaignant n'a pas consenti et l'accusé avait une connaissance subjective de ce fait. Dans ce cas, l'actus reus est établi et la mens rea s'ensuit simplement.

[85]      Par exemple, supposons que le plaignant et l'accusé relatent des faits diamétralement opposés. Le plaignant allègue avoir été victime d'une agression sexuelle brutale et y avoir résisté vigoureusement tandis que l'accusé affirme qu'il s'agissait de rapports sexuels consensuels. Supposons en outre qu'il est impossible de combiner les éléments de preuve pour créer une troisième version des faits suivant laquelle l'accusé a cru sincèrement mais erronément que le plaignant avait donné son consentement. Dans de telles circonstances, il s'agit essentiellement au procès d'une simple question de crédibilité. Si on croit le plaignant, l'actus reus est établi et la mens rea s'ensuit simplement. Si on croit l'accusé, ou s'il y a un doute raisonnable quant à la version des faits du plaignant, il n'y a pas d'actus reus. Il n'y a pas de troisième possibilité, savoir une croyance sincère mais erronée au consentement, même si l'accusé affirme que le plaignant a consenti: Park, précité aux par. 25 et 26.[43]

[Soulignement ajouté]

[84]        En fait, la défense de la croyance sincère mais erronée ne peut être soulevée que s’il existe une certaine ambiguïté dans le rapport entre l’accusé et la plaignante, comme le soulignait la juge McLachlin dans l’arrêt R. c. Esau :

[63] […] Non seulement il doit y avoir une preuve d'absence de consentement et de croyance au consentement, mais il doit aussi y avoir une preuve susceptible d'expliquer comment l'accusé a pu se méprendre sur l'absence de consentement du plaignant et croire sincèrement qu'il consentait. Autrement, ce moyen de défense ne peut pas être valablement soulevé. Bref, il doit y avoir une preuve d'une situation d'ambiguïté dans laquelle l'accusé aurait sincèrement pu comprendre à tort que le plaignant consentait à l'activité sexuelle en question.[44] 

[85]        Bien que dissidente dans cette affaire, le principe qu’elle évoquait était cité avec approbation par la Cour suprême dans Davis[45], un arrêt unanime rendu la même année. Ce principe est également repris par l’auteure Julie Desrosiers dans son ouvrage L’Agression sexuelle en droit canadien[46].

[86]        Ainsi, le simple fait pour l’accusé de croire que le silence, la passivité ou le comportement ambigu de la plaignante valent consentement de sa part ne constitue pas un moyen de défense[47].

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

Ce qu'est la déclaration d'un accusé à haut risque

Lebel c. R., 2024 QCCA 1666  Lien vers la décision [ 4 ]           L’appelant se pourvoit contre un jugement de la Cour supérieure qui le dé...