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samedi 1 février 2025

Principes applicables aux mandats, de leur émission à la révision

R. c. Brown, 2021 ONCA 119

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[31]   Le juge qui délivre un mandat de fouille et de perquisition doit avoir des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise. Les renseignements à l’appui du mandat doivent soulever une probabilité raisonnable de découvrir des éléments de preuve du crime à l’endroit de la perquisition proposée : R. v. MacDonald2012 ONCA 244, au par. 6R. v. Herta2018 ONCA 927143 O.R. (3d) 721au par. 20, citant l’arrêt Hunter c. Southam Inc.1984 CanLII 33 (CSC)[1984] 2 R.C.S. 45, aux p. 167‑68.

[32]   L’arrêt Debot confirme que lorsque la dénonciation est fondée principalement sur les renseignements obtenus de l’informateur, le juge qui autorise la délivrance du mandat doit se poser trois questions, soit celles de savoir si les renseignements concernant le crime étaient convaincants, si la source des renseignements était crédible et si les renseignements ont été corroborés par la police avant la présentation de la demande de mandat de perquisition. Ce ne sont pas là des questions étanches. La faiblesse de l’un des facteurs peut être compensée par la force des autres. C’est plutôt « l’ensemble des circonstances » qui doit satisfaire à la norme de la probabilité raisonnable : arrêt Debot, à la p. 1168; arrêt MacDonald, aux par. 6‑7.

b)         Le critère applicable au fondement du mandat

[33]  Un mandat est présumé valide : R. v. Sadikov2014 ONCA 72305 C.C.C. (3d) 421, au par. 83R. c. Pires; R. c. Lising2005 CSC 66[2005] 3 R.C.S. 343, au par. 30. Il incombe à la partie qui conteste la délivrance d’un mandat de prouver que celui‑ci n’a pas été délivré valablement.

[34]  Le juge du procès a énoncé correctement le critère applicable au fondement du mandat. Le tribunal de révision ne peut tenir une nouvelle audience à l’égard de la demande de mandat ni substituer son opinion à celle du juge qui en a autorisé la délivrance. Comme l’a souligné le juge Sopinka dans l’arrêt Garofoli, à la p. 1452, « Si, compte tenu du dossier dont disposait le juge qui a accordé l’autorisation et complété lors de la révision, le juge siégeant en révision conclut que le juge qui a accordé l’autorisation pouvait le faire, il ne devrait pas intervenir » (non souligné dans l’original). Voir également les arrêts R. c. Araujo2000 CSC 65[2000] 2 R.C.S. 992, au par. 51R. v. Reid2016 ONCA 524132 O.R. (3d) 26, au par. 73, autorisation d’appel refusée, [2016] C.S.C.R. no 432.

c)         La sixième étape de la procédure établie dans l’arrêt Garofoli

[35]  Dans l’arrêt R. v. Crevier2015 ONCA 619330 C.C.C. (3d) 305, le juge Rouleau, de la Cour d’appel de l’Ontario, a donné une description détaillée de la procédure à la sixième étape établie dans l’arrêt Garofoli. Cette procédure doit être suivie lorsque l’accusé conteste un mandat de perquisition délivré sur le fondement de renseignements fournis par un informateur. Afin de protéger l’identité de celui‑ci, les renseignements fournis par l’informateur sont expurgés de la dénonciation avant que celle‑ci soit communiquée à l’accusé. Par suite de cette mesure, la dénonciation ne sera peut‑être plus suffisante pour appuyer l’autorisation du mandat. La sixième étape de la procédure permet au ministère public de se fonder sur la dénonciation non caviardée pour défendre la validité du mandat. Dans ce contexte, la sixième étape de la procédure vise à alléger les tensions sous‑jacentes entre le devoir du tribunal de protéger les communications confidentielles des informateurs et agents de police et le droit constitutionnel de l’accusé de présenter une défense pleine et entière.

[36]  Lorsque la sixième étape de la procédure est invoquée, le juge du procès fournit à l’avocat de la défense un résumé des parties expurgées de la dénonciation : arrêt Garofoli, à la p. 1461. Le résumé est habituellement rédigé par l’avocat du ministère public, puis approuvé par le juge avant d’être remis à l’avocat de la défense.

[37]  Un résumé demeure un résumé : [traduction] « De par sa nature, un résumé est général et non détaillé. Ses caractéristiques prédominantes sont la concision et la brièveté » : arrêt Reid (2016), au par. 88. Cependant, le résumé doit fournir à l’accusé suffisamment de renseignements pour lui permettre de préparer une contestation tant de la validité apparente que de la validité quant au fond de la dénonciation et pour vérifier si le déposant a fait une divulgation franche et complète en ce qui a trait à la fiabilité de l’informateur et des renseignements qu’il a fournis : arrêt Crevier, au par. 83. Les renseignements en question comporteraient également de l’information liée aux trois facteurs énoncés dans l’arrêt Debot, soit les questions de savoir si l’informateur est crédible et si les renseignements sont convaincants et corroborés : arrêt Crevier, au par. 84.

[38]  Pour déterminer s’il y a lieu ou non de confirmer la validité d’un mandat, le juge du procès peut examiner la dénonciation non caviardée, mais uniquement s’il est convaincu que l’accusé connaît suffisamment bien la nature des renseignements expurgés pour pouvoir préparer une contestation au moyen d’arguments ou d’éléments de preuve. En d’autres mots, [traduction] « le résumé judiciaire des renseignements expurgés fourni à l’accusé ainsi que la dénonciation caviardée doivent être suffisamment étoffés pour permettre à l’accuser d’exercer son droit de présenter une défense pleine et entière. Ce n’est que lorsque cette condition est remplie que la sixième étape de la procédure peut être utilisée » : arrêt Crevier, au par. 43.

[39]  Une fois qu’elle a reçu le résumé judiciaire, la défense peut, à l’aide de la preuve découlant de la divulgation du ministère public, de l’enquête préliminaire ou d’autres sources, comme le contre‑interrogatoire de l’auteur de la dénonciation, tenter de convaincre le juge du procès que la dénonciation non caviardée ne peut justifier la délivrance du mandat.

d)         La norme de contrôle applicable dans les demandes de type Garofoli

[40]  La décision du juge du procès à l’égard d’une demande de type Garofoli commande la déférence. Les juridictions supérieures ne devraient pas modifier cette décision en l’absence d’une erreur de droit, d’une interprétation erronée de la preuve ou d’une omission de prendre en compte un élément de preuve pertinent : R. v. Reid2017 ONCA 430, au par. 8.

L’arrêt Sault Ste-Marie : l’erreur de fait et la diligence raisonnable

Céré c. Directeur des poursuites criminelles et pénales, 2024 QCCA 344 

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[65]      Dans l’arrêt Sault Ste-Marie, le juge Dickson décrit le fardeau qui incombe au poursuivant d’établir la commission de l’actus reus hors de tout raisonnable, les raisons qui justifient l’imposition d’un fardeau au défendeur et les caractéristiques de la diligence raisonnable :

A mon avis, l’approche correcte serait de relever le ministère public de la charge de prouver la mens rea, compte tenu de l’arrêt Pierce Fisheries et de l’impossibilité virtuelle dans la plupart des cas d’infractions réglementaires de prouver l’intention coupable. Normalement, seul l’accusé sait ce qu’il a fait pour empêcher l’infraction et l’on peut à bon droit s’attendre à ce qu’il rapporte la preuve de la diligence raisonnable. Ceci est particulièrement vrai quand on allègue, par exemple, que la pollution a été causée par les activités d’une compagnie importante et complexe. De même, il n’y a aucun mal à rejeter la responsabilité absolue et à admettre la défense de diligence raisonnable.

Selon cette thèse, il n’incombe pas à la poursuite de prouver la négligence. Par contre, il est loisible au défendeur de prouver qu’il a pris toutes les précautions nécessaires. Cela incombe au défendeur, car généralement lui seul aura les moyens de preuve. Ceci ne semble pas injuste, vu que l’alternative est la responsabilité absolue qui refuse à l’accusé toute défense. Alors que la poursuite doit prouver au-delà de tout doute raisonnable que le défendeur a commis l’acte prohibé, le défendeur doit seulement établir, selon la prépondérance des probabilités, la défense de diligence raisonnable[22].

[Les soulignements et les caractères gras sont ajoutés]

[66]      Le juge Dickson décrit le pourtour de la défense de diligence raisonnable de la manière qui suit :

Les infractions dans lesquelles il n’est pas nécessaire que la poursuite prouve l’existence de la mens rea; l’accomplissement de l’acte comporte une présomption d’infraction, laissant à l’accusé la possibilité d’écarter sa responsabilité en prouvant qu’il a pris toutes les précautions nécessaires. Ceci comporte l’examen de ce qu’une personne raisonnable aurait fait dans les circonstances. La défense sera recevable si l’accusé croyait pour des motifs raisonnables à un état de faits inexistant qui, s’il avait existé, aurait rendu l’acte ou l’omission innocent, ou si l’accusé a pris toutes les précautions raisonnables pour éviter l’événement en question[23].

[Le soulignement est ajouté]

[67]      Depuis l’arrêt Sault Ste-Marie, il est donc acquis que le poursuivant doit établir la preuve de l’actus reus d’une infraction réglementaire hors de tout doute raisonnable[24] et que, par conséquent, il doit réfuter hors de tout doute raisonnable tout moyen de défense qui conteste l’existence de l’actus reus.

[68]       À l’égard de ce dernier élément, soit l’obligation du poursuivant de réfuter hors de tout doute raisonnable tout moyen de défense concernant l’actus reus d’une infraction réglementaire, je suis pleinement conscient que la dernière phrase du paragraphe 8 de l’arrêt récent Directeur des poursuites criminelles et pénales c. Dafinei[25] peut être source de confusion.

[69]      La structure de la phrase telle que rédigée peut donner l’impression erronée que, dans ce résumé[26], la Cour adopte un nouveau principe de droit qui exige que tous les moyens de défense concernant l’actus reus d’une infraction réglementaire soient établis par le défendeur selon la prépondérance de preuve. Or, une telle proposition s’avère évidemment contraire aux principes établis. Puisqu’il est acquis que le poursuivant doit établir l’actus reus d’une infraction réglementaire hors de tout doute raisonnable, notamment son caractère volontaire[27], il doit aussi réfuter hors de tout doute raisonnable tout moyen de défense qui soulève un doute quant à l’existence de l’actus reus d’une telle infraction[28].

[70]      Il existe deux moyens de défense pouvant être invoqués à l’égard des infractions de responsabilité stricte : 1) l’erreur de fait qui consiste à se demander si le défendeur croyait pour des motifs raisonnables à un état de faits inexistant qui, s’il avait existé, aurait rendu l’acte ou l’omission innocent; 2) la diligence raisonnable qui requiert de se demander si le défendeur a pris toutes les précautions raisonnables pour éviter l’événement en question. Ces deux moyens n’ont jamais été remis en question[29].

[71]      Au cœur de la défense de diligence raisonnable et du fardeau qui incombe au défendeur de l’établir réside la reconnaissance qu’il est le seul qui « sait ce qu’il a fait pour empêcher l’infraction et [que] l’on peut à bon droit s’attendre à ce qu’il rapporte la preuve de la diligence raisonnable »[30]. Comme l’écrit la Cour dans l’arrêt Commission de la santé et de la sécurité du travail c. Coffrages CCC ltée, le défendeur « est le mieux placé pour faire cette preuve et exposer sa prétention dans toutes ses nuances »[31].

[72]      L’assujettissement d’une personne qui pratique une activité réglementée à ces obligations se justifie en raison de son acceptation des conditions afférentes à cette activité. Il est en effet raisonnable de « présumer que les personnes assujetties à la réglementation, lorsqu’elles se lancent dans un secteur assujetti à l’obtention de permis, connaissent et ont accepté les modalités pertinentes du domaine d’activité réglementé, et qu’elles doivent donc être tenues responsables de toute violation de ces modalités »[32].

[73]      Dans l’arrêt Wholesale Travel Group[33], cité subséquemment par le juge La Forest dans l’arrêt Fitzpatrick de la Cour suprême[34], le juge Cory formule deux observations décisives au sujet du concept de l’acceptation des conditions, soit le choix du défendeur de se livrer à une activité réglementée et le contrôle dont il dispose pour éviter la commission d’une infraction réglementaire :

Le concept de l’acceptation des conditions repose sur la théorie que ceux qui choisissent de se livrer à des activités réglementées ont, en agissant ainsi, établi un rapport de responsabilité à l’égard du public en général et doivent assumer les conséquences de cette responsabilité. C’est pourquoi on devrait considérer, dit-on, que ceux qui se livrent à une activité réglementée ont accepté, dans le cadre de la conduite responsable qu’ils doivent assumer en raison de leur participation au domaine réglementé, certaines conditions applicables aux personnes qui agissent dans la sphère réglementée. La plus importante de ces conditions est l’engagement de la personne assujettie à la réglementation de faire preuve dans sa conduite d’un minimum de diligence.

La théorie de l’acceptation des conditions repose non seulement sur l’idée que la personne a choisi consciemment d’exercer une activité réglementée, mais aussi sur le concept du contrôle. Selon ce concept, les personnes qui se lancent dans un domaine réglementé sont les mieux placées pour contrôler le préjudice qui peut en découler et elles devraient donc en être tenues responsables.

[…]

La personne assujettie à une réglementation est autorisée à exercer une activité qui peut éventuellement causer un préjudice au public.  Cette autorisation lui est accordée à condition qu’elle accepte, pour exercer ses activités dans le domaine réglementé, de faire preuve de diligence raisonnable afin d’éviter que le préjudice proscrit ne se produise. En conséquence de sa décision d’exercer une activité dans un domaine qu’elle sait être réglementé, la personne est censée savoir et avoir accepté que l’une des conditions préalables à l’autorisation d’exercer l’activité réglementée est le respect d’une certaine norme objective de conduite[35].

[Les soulignements sont ajoutés]

[74]      En demandant et en obtenant la délivrance d’un permis de chasse, l’appelant devait « souscrire aux modalités qui s’y rattachent »[36] avec comme obligation corollaire de prendre toutes les précautions raisonnables pour éviter la commission de l’infraction, y compris, celle de s’assurer, qu’à cette fin, il connaisse tous les faits pertinents.

[75]      L’omission de l’appelant de se conformer à cette obligation influencera d’une manière décisive l’évaluation de l’erreur de fait qu’il allègue avoir commise. Cette omission aura également une incidence sur la question de savoir s’il a fait preuve de diligence raisonnable, un aspect que j’examinerai en raison des points de convergence entre l’erreur de fait et la diligence raisonnable. Je reviendrai sur cet aspect plus loin.

La mens rea de l'infraction de conduite avec les capacités affaiblies

R. c. Geoffroy, 2004 CanLII 209 (QC CA),

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[14]           Le juge Ritchie écrit, pour la majorité de la Cour suprême dans l’arrêt King:

The existence of mens rea as an essential ingredient of an offence and the method of proving the existence of that ingredient are two different things, and I am of opinion that when it has been proved that a driver was driving a motor vehicle while his ability to do so was impaired by alcohol or a drug, then a rebuttable presumption arises that his condition was voluntarily induced and that he is guilty of the offence created by s. 223 and must be convicted unless other evidence is adduced which raises a reasonable doubt as to whether he was, through no fault of his own, disabled when he undertook to drive and drove, from being able to appreciate and know that he was or might become impaired.

If the driver's lack of appreciation when he undertook to drive was induced by voluntary consumption of alcohol or of a drug which he knew or had any reasonable ground for believing might cause him to be impaired, then he cannot, of course, avoid the consequences of the impairment which results by saying that he did not intend to get into such a condition but if the impairment has been brought about without any act of his own will, then, in my view, the offence created by s. 223 cannot be said to have been committed.

(…)

(…)  That is to say, that a man who becomes impaired as the result of taking a drug on medical advice without knowing its effect cannot escape liability if he became aware of his impaired condition before he started to drive his car just as a man who did not appreciate his impaired condition when he started to drive cannot escape liability on the ground that his lack of appreciation was brought about by voluntary consumption of liquor or drug.

(pp. 763 et 764)

[15]           Ces principes demeurent valables et continuent de faire autorité.  Que retenir de cet enseignement ?

[16]           D’abord que la mens rea, un élément essentiel de l’infraction reprochée, est présumée lorsqu’une personne conduit une automobile alors que ses facultés sont affaiblies à cause de la consommation d’alcool ou d’une drogue.  Cette situation est censée résulter d’actes accomplis volontairement.

[17]           Ensuite que la culpabilité peut être écartée, si une preuve soulève un doute raisonnable sur la capacité qu’avait cette personne, au moment où elle a décidé de conduire, de réaliser le caractère sérieux et inadéquat de son état sans une faute de sa part.  Ainsi, un accusé pourra soulever, par exemple, qu’il ignorait que la prise d’un médicament pouvait altérer ses facultés.  Après l’avoir ingéré, il serait trop tard.  N’étant plus en mesure de réaliser l’affaiblissement de ses facultés et le caractère sérieux de son état, il conduirait alors une automobile sans intention coupable.

[18]           Il va de soi que si l'incapacité prouvée découle de la consommation volontaire d’alcool ou d’une drogue que l’on savait ou devait savoir susceptible de produire cet effet, la personne fautive ne pourra se disculper en disant qu’elle ne voulait pas aller si loin.

[19]           Ne peut donc être reconnue coupable la personne qui soulève un doute raisonnable sur son intention coupable.  Cependant, cette personne who becomes impaired as the result of taking a drug on medical advice without knowing its effect cannot escape liability if he became aware of his impaired condition before he started to drive his car (motifs du juge Ritchie, précité).  De fait, King ne savait pas, en quittant le cabinet du dentiste, que l'injection de penthotal pouvait encore avoir des effets.

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

Celui qui propose d'acheter une arme à feu ou de la drogue ne peut pas être reconnu coupable de trafic de cette chose

R. v. Bienvenue, 2016 ONCA 865 Lien vers la décision [ 5 ]           In  Greyeyes v. The Queen  (1997),  1997 CanLII 313 (SCC) , 116 C.C.C. ...