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vendredi 7 janvier 2011

Revue des principes juridiques applicables à l'absolution par le juge Valmont Beaulieu

R. c. Dumoulin, 2010 QCCQ 2991 (CanLII)

[204] Premièrement, comme l'a décidé la Cour d'appel d'Ontario, dans l'arrêt La Reine c. McInnes, 1973, 13 C.C.C., deuxième édition, page 741, c'est de permettre aux tribunaux, lorsque les circonstances s'y prêtent, de rendre une décision qui évite la constitution d'un casier judiciaire et, tel qu'exprimé par la Cour d'appel de Colombie-Britannique dans l'affaire La Reine c. Fallofield, 1973, 13 C.C.C., deuxième édition, page 450, que ce casier judiciaire pourrait compromettre sérieusement les projets d'avenir de l'accusé.

[205] En second lieu, le Tribunal résume ainsi bien humblement les règles qui se dégagent de l'enseignement des tribunaux de juridiction d'appel au sujet de cet article 730 C.cr.

1. L'article 730 ne doit pas être considéré comme une mesure exceptionnelle, sinon il serait vidé de tout sens qu'a voulu y donner le législateur, tel que l'écrivait le regretté honorable juge Amédée Monette de la Cour d'appel du Québec, dans l'arrêt La Reine c. Cyr.

2. Il serait à l'encontre de l'administration de la justice si les tribunaux accordaient d'une manière routinière les demandes en vertu de l'article 730. Le Tribunal souligne qu'il n'est pas rare qu'un agent de la paix obtienne une absolution conditionnelle ou inconditionnelle. Chaque cas est un cas d'espèce. Par contre, il ne faudrait pas en venir à ce que les agents de la paix prennent pour acquis qu'ils obtiendront automatiquement une réponse positive par les tribunaux, car les personnes bien informées y verraient, avec raison, un privilège accordé par les tribunaux envers ces derniers.

3. L'exemplarité est un facteur qu'il faut considérer et tenir compte. Mais cela ne doit pas faire obstacle à une application judicieuse de cet article, car le principe de l'individualisation de la peine y trouve toujours son application. De plus, le Tribunal doit prononcer une peine qui est proportionnelle au crime commis.

4. Cette disposition ne vise pas uniquement les contraventions triviales et techniques.

5. L'absolution ne constitue pas une alternative à la probation ou au sursis de sentence.

6. L'absolution est accordée lorsque son refus résulterait à une disparité injuste entre l'acte lui-même et l'effet qu'aurait une condamnation sur l'avenir du délinquant. Ainsi s'exprimait la Cour d'appel du Québec dans l'affaire Abouabdellah c. La Reine, du 8 mai 1996 en page 5 :

« la règle d'or en la matière est qu'un justiciable ne doit pas dans les faits subir un châtiment qui n'a aucune mesure avec sa faute. »

7. Cette absolution doit respecter les objectifs de l'article 718 C.cr.

8. L'octroi de cette absolution ne doit pas nuire à l'intérêt public.

[207] Monsieur le juge Pierre Béliveau définit ainsi ces mots dans l'affaire Rozon c. La Reine, dossier 750-36-000087-993, aux paragraphes 41 et 42, il écrit :

« 41. Quant à la notion d’intérêt public, elle doit prendre en cause l’objectif de la dissuasion générale, la gravité de l’infraction, son incidence dans la communauté, l’attitude du public à son égard et la confiance de ce dernier dans le système judiciaire (R. c. Elsharawy, par. 3). Cela étant, il faut se rappeler que dans l’arrêt R. c. Meneses, (1976) 25 C.C.C. (2d) 115, la Cour d’appel de l’Ontario a précisé que l’arrestation et la comparution d’un délinquant peuvent constituer une mesure de dissuasion efficace à l’égard de personnes qui ne sont pas criminalisées, lesquelles sont justement celles qui sont candidates à une absolution.

42. Dans ce même arrêt, la Cour d’appel de l’Ontario a indiqué que l’intérêt public comporte également le fait que l’accusé ait la possibilité de devenir une personne utile dans la communauté et qu’elle puisse assurer sa subsistance et celle de sa famille. […] »

[208] Afin de prononcer une peine juste et équitable envers la société, la victime et l'accusé, le Tribunal doit faire appel à un public bien informé sur les faits et sur le droit, tel que qualifié par monsieur le juge Béliveau :

« 69. Par ailleurs, il faut se demander si le public pourrait perdre confiance dans la crédibilité du système judiciaire si l’appelant devait être absous. À cet égard, le critère doit s’apprécier, non pas en se référant à la personne qui se renseigne à même cette partie de la couverture médiatique que la substitut de la procureure générale a qualifiée de «particulièrement foireuse», ou que d’aucuns désignent comme la «presse de caniveau», mais en déterminant ce que penserait la personne raisonnable et renseignée [par analogie, voir R. c. Lamothe, 1990 CanLII 3479 (QC C.A.), [1990] R.J.Q. 973, 981 (C.A.); R. c. Auclair, [1997] R.J.Q. 2210, par. 158-170 (C.S.)].

70. En fait, une justice indépendante ne saurait être rendue en se guidant sur ce que peut penser cette partie de l’opinion publique influencée par les médias qui cherchent à exploiter le sensationnalisme. Par analogie, on pourrait rappeler que lors de ses directives préliminaires aux membres du jury, le juge qui préside leur dit toujours de rendre leur décision en se fondant uniquement sur la preuve, et sans se demander si elle plaira ou sera populaire. Agir autrement discréditerait l’administration de la justice. »

[210] En effet, dans les dossiers reprochant des infractions en matière de violence conjugale, les critères de dénonciation et de dissuasion doivent primer.

[211] La Cour d'appel dans l'arrêt R. c. Gendron écrit :

« Cependant, si la réhabilitation demeure un facteur important dans la détermination de la peine, elle ne doit pas, surtout dans un contexte de violence conjugale, prévaloir démesurément sur les facteurs de dissuasion et d'exemplarité de la sentence. Madame la juge Wilson dans R. c. Lavallée, 1990 CanLII 95 (C.S.C.), [1990] 1 R.C.S. 852, à la page 872 a rappelé « qu'il est difficile d'exagérer la gravité, voire la tragédie, de la violence domestique. L'attention accrue portée à ce phénomène par les médias au cours des dernières années a fait ressortir aussi bien son caractère généralisé que ses conséquences terribles pour les femmes de toutes les conditions sociales.»

[212] Même s'ils datent d'un certain temps, ces propos sont toujours d'actualité.

[213] De ceux-ci, le Tribunal conclut qu'il se doit aussi de tenir compte de la réhabilitation de l'accusé même en cette matière comme le dit clairement la Cour. Il faut donc y retenir que ce critère ne doit pas prévaloir démesurément sur les deux autres facteurs. Le Tribunal doit donc analyser ces trois facteurs avec pondération.

[214] Au surplus, même si l'accusé n'était pas dans l'exercice de ses fonctions lorsqu'il a commis les infractions, le Tribunal doit nécessairement tenir compte de sa profession de policier.

[215] Le public général a le droit que les agents de la paix soient des personnes ayant des comportements exemplaires dans leurs vies privées puisqu'ils appliquent les lois dans l'exercice de leurs fonctions et peuvent agir en leur qualité d'agents de la paix même lorsqu'ils sont à l'extérieur de leurs horaires de travail.

[216] À ce sujet, le Tribunal fait siens les propos de son collègue monsieur le juge Aubin:

« [60] […] Le travail de policier ou d'agent de la paix constitue par le fait même un poste de responsabilité. La société s'attend à ce que le titulaire ait une conduite exemplaire en tout temps, étant tenu d'appliquer la loi et de la faire respecter. Il doit assumer son travail de façon digne, sans abuser indûment de ses droits. »

[217] Le Tribunal ajoute à cet énoncé l'enseignement de la Cour d'appel de la Nouvelle-Écosse, R. c. Cusack, 1978 41 CCC (2d) 289, qui possède encore son autorité même en 2010 :

« The commission of offences by police officers has been considered on numerous occaions by the Courts and the unanimous finding has been that their sentence should be more severe than that of an ordinary person who commits the same crime because of the position of public trust which the held at the time of the offence and their knowledge of the consequences of its perpetration. »

[218] Malgré l'ensemble de ces décisions, il ne faut pas en conclure pour autant qu'un agent de la paix ne puisse bénéficier d'une absolution. Le législateur, à cette disposition, n'a pas exclu aucune catégorie de personnes et il n'appartient pas aux tribunaux de le faire.

[219] En cette matière, comme lors du prononcé de toute absolution, chaque cas devient un cas d'espèce et le Tribunal a toujours le devoir d'individualiser la peine.

jeudi 6 janvier 2011

La définition de la crédibilité par la Cour suprême

White v. The King, [1947] S.C.R. 268

It is a matter in which so many human characteristics, both the strong and the weak, must be taken into consideration. The general integrity and intelligence of the witness, his powers to observe, his capacity to remember and his accuracy in statement are important. It is also important to determine whether he is honestly endeavouring to tell the truth, whether he is sincere and frank or whether he is biassed, reticent and evasive. All these questions and others may be answered from the observation of the witness’ general conduct and demeanour in determining the question of credibility.

mercredi 5 janvier 2011

Ce qu'est la possession personnelle ou imputée au sens du droit criminel

R. c. Fortin, 2010 QCCQ 8814 (CanLII)

[29] Dans un arrêt récent de la Cour suprême, R. c. Morelli, le juge Fish précise :

« [15] Pour l'application du Code criminel, la « possession » définie au par. 4(3) s'entend de la possession personnelle, de la possession imputée et de la possession commune. Seules les deux premières de ces trois formes de possession fautive sont pertinentes en l'espèce. Nul ne conteste que la connaissance et le contrôle constituent des éléments essentiels de ces deux types d'infraction. »

[30] Au paragraphe 16 on y lit :

« [16] Dans le cas d'une allégation de possession personnelle, le critère de la connaissance est formé des deux éléments suivants : l'accusé doit savoir qu'il a la garde physique de la chose donnée et il doit connaître la nature de cette dernière. Il faut en outre que ces deux éléments soient conjugués à un acte de contrôle (qui ne procède pas d'un devoir civique) : Beaver c. The Queen, 1957 CanLII 14 (S.C.C.), [1957] R.C.S. 531, p. 541-542.

[31] C'est le paragraphe 17 de cet arrêt qui est pertinent dans le dossier que l'on traite et qui précise :

« [17] Il y a possession imputée lorsque l'accusé n'a pas la garde physique de l'objet en question, mais qu'il l'a « en la possession ou garde réelle d'une autre personne » ou « en un lieu qui lui appartient ou non ou qu'[il] occupe ou non, pour son propre usage ou avantage ou celui d'une autre personne » (Code criminel, al. 4(3)a)). Il y a donc possession imputée quand l'accusé : (1) a connaissance de la nature de l'objet, (2) met ou garde volontairement l'objet dans un lieu donné, que ce lieu lui appartienne ou non, et (3) a l'intention d'avoir l'objet dans ce lieu pour son « propre usage ou avantage » ou celui d'une autre personne. »

[32] Cela étant, la poursuite doit prouver :

1- que l'accusé exerçait un certain contrôle

2- sur une substance dont il connaissait la nature

[33] Dans la cause R. c. Fisher, les trois juges de la Cour d'appel de la Colombie-Britannique confirment la culpabilité de l'accusé en précisant que la possession imputée ou la possession conjointe n'exige pas la manipulation physique. Pour la possession imputée, la poursuite doit établir que l'accusé connaissait la présence d'une drogue et qu'il avait une certaine mesure de contrôle sur celle-ci.

mardi 4 janvier 2011

Les perquisitions informatiques

Nous vous reproduisons la conclusion d'une chronique de Francis BRABANT concernant les perquisitions informatiques

Lien vers le document

Le domaine des perquisitions informatiques est relativement récent et se diversifie en fonction de l’évolution rapide des nouveaux moyens et possibilités de communication électronique et de traitement de l’information. Bien que des éclaircissements législatifs soient souhaitables en matière de communication par courriel, les principes traditionnels régissant les perquisitions, saisies et surveillance sont habituellement suffisamment souples pour s’appliquer à ces développements. Il importe toutefois de bien déterminer les aspects technologiques d’une situation ou d’une intervention avant d’en faire l’analyse sur le plan juridique. La jurisprudence canadienne spécifique aux perquisitions informatiques est encore embryonnaire, et il est à prévoir qu’elle s’inspirera des précédents d’autres pays de droit commun, dans la mesure où leurs principes directeurs sont similaires.

Tiré de Revue du Barreau: volume 62 numéro 2 / Auteur : Francis Brabant
www.barreau.qc.ca/pdf/publications/revue/2002-tome-62-2-p431.pdf
http://collections.banq.qc.ca/ark:/52327/bs62219

jeudi 23 décembre 2010

Le test énoncé par les juges de la majorité dans l'arrêt Cuerrier comporte deux composantes : l'importance du risque et la gravité du préjudice

D.C. c. R., 2010 QCCA 2289 (CanLII)

[102] Un arrêt récent de la Cour d'appel du Manitoba, R. v. Mabior, 2010 MBCA 93 (CanLII), [2010] M.J. No. 308, 2010 MBCA 93, va en ce sens. La juge Steel écrit les motifs unanimes de la Cour. Elle rappelle que le test énoncé par les juges de la majorité dans l'arrêt Cuerrier est un compromis et qu'il implique un certain degré d'incertitude d'autant que les résultats de son application sont appelés à varier dans le temps en fonction des progrès de la médecine.

[103] Le test comporte deux composantes : l'importance du risque, la gravité du préjudice.

[104] À partir de quel niveau le risque est-il assez « important » et le préjudice assez « grave » pour qu'une conduite soit qualifiée de criminelle?

[105] Dans le cas du VIH, la gravité du préjudice ne fait pas de doute. L'infection au VIH demeure une infection grave, « potentiellement mortelle », selon les propos du Dr Routy, et ce, malgré les progrès fulgurants de la médecine au cours des dernières décennies. L'infection au VIH est irréversible, du moins selon les données actuelles de la médecine. Les médicaments mis au point pour la combattre sont efficaces, mais ils comportent des effets secondaires importants et le défi demeure toujours celui de rechercher le point d'équilibre entre le contrôle du virus et la tolérance du patient.

[106] Dans l'arrêt Mabior, la juge Steel écrit, au paragraphe 64 :

64 Nonetheless, I do not think it can be disputed that being infected with HIV subjects an individual to serious bodily harm. Although no longer necessarily fatal if treated medically, HIV is an infection that cannot be cured at this time and is a lifelong, chronic infection. For those who become infected, it is a life-altering disease, both physically and emotionally. Individuals must take medications every day, and the condition is potentially lethal if they do not have access to treatment or fail to take the medications. Even with treatment, HIV infection can still lead to devastating illnesses. Moreover, the emotional and psychological impact of dealing with such a disease is, no doubt, overwhelming. In their factums, both the accused and the intervener acknowledged that acquiring HIV constitutes serious bodily harm.

[107] C'est également mon avis.

[108] L'importance du risque est une question plus délicate à résoudre. À partir de quel niveau peut-on dire d'un risque qu'il est « important » ? 1 sur 50 000, 1 sur 10 000, 1 sur 1 000, 1 sur 100, 1 sur 10, … L'absence totale de risque n'est certes pas le test que l'arrêt Cuerrier invite les juges à appliquer.

[109] L'argument voulant que, vu la gravité du préjudice associé à une infection au VIH, tout risque de transmission soit « important » ne saurait tenir sans dénaturer le test.

[110] Il doit y avoir un risque important de transmission du virus pour que le défaut par une personne porteuse du VIH d'en informer son partenaire soit sanctionné par le droit criminel.

[111] Dans l'arrêt Mabior, la juge Steel écrit, aux paragraphes 68 et 69 :

68 I agree that the nature of the harm can affect the determination of what is considered to be a significant risk. As the magnitude of the harm goes up, the threshold of probability that will be considered significant goes down. However, to have required a complete elimination of risk rather than a significant risk was an error in law.

69 So one must determine what constitutes a "significant risk" of transmission in any particular case. (…)

[112] Je suis d'accord. Chaque cas doit être jugé en fonction des circonstances qui lui sont propres.

[113] Toujours dans l'arrêt Mabior, la juge Steel écrit à ce sujet, au paragraphe 113 :

113 Consequently, no comprehensive statement can be made about the impact of low viral loads on the question of risk. Each case will depend on the facts regarding the particular accused, and each case will depend on the state of the medical evidence at the time and the manner in which it is presented in that particular case.

[114] Ici encore, je suis d'accord.

[115] En l'espèce, selon la preuve au dossier, la charge virale était indétectable, et l'est demeurée, pendant toute la période visée par les deux chefs d'accusation, soit de juin à août 2000. Le risque de transmission du VIH était alors de 1 sur 10 000 advenant une relation sexuelle non protégée. Sans être nul, le risque était, selon la Dre Klein, « très faible, très minime » ou, selon le Dr Routy, « très, très faible ».

[116] Il faut se rappeler aussi qu'en l'espèce il n'y a qu'une seule relation sexuelle non protégée avant que le plaignant soit informé de la séropositivité de l'appelante.

[117] Dans ce contexte, j'estime que le fait pour l'appelante de ne pas avoir dévoilé qu'elle était porteuse du VIH n'a pas eu pour effet d'exposer le plaignant à « un risque important de préjudice grave » au sens de l'arrêt Cuerrier.

[118] Les mots utilisés par les deux experts pour quantifier le risque, soit « très faible », « très minime », « très, très faible », sont incompatibles avec l'existence de quelque risque important que ce soit.

[119] Avec égards pour le juge de première instance, j'estime donc que le ministère public n'a pas établi que le consentement du plaignant à une relation sexuelle non protégée, avant qu'il soit informé de la séropositivité de l'appelante, avait été vicié par la fraude

[120] Il n'y a donc pas eu d'agression sexuelle ni, par conséquent, de voies de fait graves.

[121] Dans l'arrêt Mabior, la juge Steel conclut ses motifs en disant comprendre que, pour les plaignantes, tout risque d'être infectées est un risque de trop et qu'elles auraient bien voulu en être informées avant de consentir aux relations sexuelles. Elle ajoute que ce point de vue est partagé par plusieurs, ne serait-ce que d'un point de vue éthique ou moral, mais que, pour l'instant, tel n'est pas le test que les juges doivent appliquer. Comme le test a été conçu à une époque où la lutte contre le VIH ne faisait que commencer, la juge Steel fait allusion à la possibilité que la Cour suprême veuille revoir le test du « risque important de préjudice grave » afin de dissiper l'incertitude qui lui est inhérente. Je joins ma voix à la sienne, ajoutant que l'initiative de revoir toute la question du risque de transmission de maladies infectieuses graves, dans le contexte du droit pénal canadien, devrait peut-être revenir au législateur vu ses nombreuses ramifications sociales, éthiques et morales

Les éléments essentiels de la fraude en matière de relation sexuelle

D.C. c. R., 2010 QCCA 2289 (CanLII)

[77] Comme ces enseignements sont à la base même de l'analyse qui suit, je crois nécessaire de rappeler ce que la Cour suprême du Canada écrivait dans l'arrêt Cuerrier concernant les éléments essentiels de la fraude en matière de relation sexuelle, soit la malhonnêteté et la privation (ou le risque de privation).

[78] Concernant la malhonnêteté, « [les] actes de l'accusé doivent être appréciés objectivement afin d'établir s'ils seraient considérés comme malhonnêtes par une personne raisonnable. L'acte malhonnête est soit une supercherie délibérée concernant la séropositivité, soit la non-divulgation de cet état de santé » (paragr. 126). « L'obligation de divulguer augmentera avec les risques que comportent les rapports sexuels (…). La nature et l'étendue de l'obligation de divulguer, s'il en est, devront toujours être examinées en fonction des faits en présence » (paragr. 127).

[79] Concernant la privation sous forme de préjudice réel ou, simplement, de risque de préjudice, « [un] préjudice ou risque de préjudice insignifiant ne satisfera pas toutefois à cette condition dans les cas d'agression sexuelle où l'activité aurait été consensuelle si le consentement n'avait pas été obtenu pour fraude » (paragr. 128). « (…) le ministère public devra établir que l'acte malhonnête (…) a eu pour effet d'exposer la personne consentante à un risque important de lésions corporelles graves (…) » (paragr. 128). « L'existence d'une fraude ne devrait vicier le consentement que s'il y a un risque important de préjudice grave » (paragr. 135). « L'expression « risque important de préjudice grave » doit être appliquée aux faits de chaque cas pour décider si le consentement donné dans les circonstances était vicié (…). Cette expression devrait être interprétée en fonction de la gravité des conséquences d'une déclaration de culpabilité d'agression sexuelle et de manière à éviter la banalisation de l'infraction (…) » (paragr. 139).

[86] Selon l'arrêt Cuerrier, un préjudice ou un risque de préjudice insignifiant (par exemple, celui d'attraper un rhume) ne permettrait pas de conclure à l'existence d'une fraude viciant le consentement même si l'un des partenaires avait caché à l'autre son mauvais état de santé. La malhonnêteté doit avoir pour conséquence d'exposer l'autre à « un risque important de préjudice grave ». Le juge Cory poursuit son raisonnement en suggérant que l'utilisation prudente du condom pourrait (« might ») amener un juge à conclure que le risque est à ce point réduit qu'il n'atteint plus le seuil exigeant de la personne séropositive qu'elle dévoile son état de santé avant d'avoir des relations sexuelles.

[87] Selon les enseignements de la Cour suprême, il y a donc définitivement un lien entre le risque que la situation présente et l'obligation pour la personne malade d'informer son partenaire de son état de santé.

[101] La position du ministère public n'est pas dénuée de sens, bien au contraire, mais tel n'est pas l'état du droit au Canada depuis l'arrêt Cuerrier. L'existence d'une fraude ne viciera le consentement, en matière de relations sexuelles, que s'il y a « un risque important de préjudice grave », une expression qui doit être interprétée en ayant toujours à l'esprit la gravité des conséquences d'une déclaration de culpabilité d'agression sexuelle et de manière à éviter la banalisation de l'infraction.

samedi 11 décembre 2010

Revue jurisprudentielle par la juge Céline Lacerte-Lamontagne des décisions canadiennes en matière de possession, distribution et production de pornographie juvénile

R. c. Landreville, 2005 CanLII 60182 (QC C.Q.)

• R c Lonergan (2005) Carswell 120 ( Alta. Prov. Ct) , 8 mois et probation pour possession de 300 images d'enfants entre 8 et 13 ans, l'accusé était sans antécédent judiciaire.

• R c Larocque (2004) Carswell Alta 889 (Alta. Prov.Ct) 18 mois et probation de 3 ans pour un individu avec un antécédent de fraude qui a distribué: 1000 images et 250 vidéos clip.

• R c Batshaw (2004) 186 C.C.C. 3d 473 (Man C.A.) pour possession de 80 à 100 images, un individu sans antécédent judiciaire a reçu un emprisonnement de 15 mois à servir dans la collectivité.

• R c Kasam (2004) Carswell Ont 3265 (Ont .C.J.) 12 mois avec sursis pour un jeune homme de 25 ans sans antécédent judiciaire qui a eu en sa possession 3200 images et produit 600 images.

• R c Tremblay (2004) Carswell Que 10085 ( C.Q.) Emprisonnement de 2 ans avec sursis et probation pour possession et distribution de 2100 photos et 2200 vidéos. L'individu était âgé de 32 ans et n'avait aucun antécédent judiciaire.

• R c Currie 2003 CanLII 33601 (MB P.C.), (2004) 188 Man R. (2d) 7 (Man Prov. Ct) 2 ans et probation pour un individu avec des antécédents judiciaires et qui a eu en sa possession pour des fins de distribution 4500 images..

• R. c. A.J.D., (2003) N.B.J. Nº 297 (Q.B. N.-B); distribution et possession de pornographie juvénile; 200 photographies: 20 mois d'emprisonnement avec sursis suivi d'une probation de trois ans.

• R. c. McCrady, (2003) A.J. Nº 506 (P.C. Alta); agression sexuelle et possession de pornographie juvénile: 12 mois consécutifs à l'infraction d'agression sexuelle pour l'infraction de possession de pornographie juvénile suivie d'une probation de deux ans.

• R. c. Jiggins, (2003) A.J. Nº 462 (P.C. Alta); 414 images qui ne contiennent pas toutes de la pornographie juvénile: 13 mois d'emprisonnement avec sursis.

• R. c. Green, (2003) O.J. Nº 1314 (C.J. Ont.); 150 images de pornographie juvénile et 500 images d'enfants nus: 12 mois d'emprisonnement avec sursis.

• R. c. E.O., (2003) O.J. Nº 563 (C.A. Ont.): 18 mois d'emprisonnement ferme suivi d'une probation de trois ans.

• R. c. Geller, (2003) O.J. Nº 357 (S.C. Ont.); 101 photographies: absolution inconditionnelle.

• R c Mario Lévesque, (200-01-62820-018) (Que C. Q.) 5 décembre 2003, Dans cette cause, le juge fait une revue détaillée des sentences imposées en la matière. Il a imposé une sentence de 15 mois avec sursis pour possession de 426 fichiers de pornographie juvénile pour un individu sans antécédent judiciaire.

• R c Green (2003) O.J. 1314 (C.J.Ont) 12 mois d’emprisonnement avec sursis pour possession de 150 images de pornographie juvénile et 500 images d’enfants nus.

• R. c. Woroby, 2003 MBCA 41 (CanLII), (2003) 174 C.C.C. (3d) 128 (C.A. Man.); environ 258 images: l'amende est réduite de 10 000$ à 3 500$, la probation demeure à trois ans, et ce, aux mêmes conditions que le juge de première instance excepté les troisième et quatrième conditions.

• R. c. North, 2002 ABCA 134 (CanLII), (2002) 165 C.C.C. (3d) 393 (C.A. Alta); environ 2 000 photographies et 100 vidéos: confirme l'emprisonnement avec sursis de 12 mois suivi d'une période de probation de deux ans, mais puisque l'appelant a déjà servi 10 mois de probation, l'emprisonnement avec sursis sera suivi de 14 mois de probation.

• R. c. Weber, (2003) O.J. Nº 3306 (C.A. Ont.); trois accusations de distribution de pornographie juvénile et une de possession de pornographie juvénile: 14 mois d'emprisonnement avec suivi d'une probation de trois ans.

• R. c. Jordan, (2002) A.J. Nº 1096 (P.C. Alta); 13 photographies: trois mois d'emprisonnement avec suivi assorti de nombreuses conditions.

• R. c. Fawthrop, 2002 CanLII 45004 (ON C.A.), (2002) 166 C.C.C. (3d) 97 (C.A. Ont.); 35 images et des histoires; possession de pornographie juvénile et agression sexuelle: emprisonnement avec sursis de deux ans moins un jour suivi d'une probation de trois ans sur chacune des infractions ; permets l'appel sur l'infraction possession de pornographie juvénile et l'acquitte sur cette infraction; la peine déjà imposée demeure adéquate.

• R. c. Parise, (2002) O.J. Nº 2513 (C.J. Ont.); environ 1 500 images, cinq vidéos: six mois d'emprisonnement avec sursis assorti de conditions suivies d'une probation de 18 mois.

• R. c. Fox, (2002) O.J. Nº 3548 (C.J. Ont.); 45 vidéos, 21 disques compacts, six cartables de photographies: suite aux quatre mois d'emprisonnement déjà purgé, huit mois d'emprisonnement ferme assorti d'une probation de trois ans avec des conditions.

• R. c. Lucas, B.E. 2002BE-653 (C.Q.); une vingtaine de films et 1 683 photographies; emprisonnement avec sursis de six mois et obligation de suivre une thérapie, interdiction d'utiliser un ordinateur et obligation d'exécuter 80 heures de travaux communautaires, sera suivie d'une probation de trois ans demandant à l'accusé de s'abstenir de naviguer sur internet.

• R. c. Lévesque, J.E. 2002-1224 (C.A.Q.); accusation de contacts sexuels et de possession de pornographie juvénile. La période de probation de 18 mois est portée à deux ans et y sont ajoutées les conditions suivantes: interdiction pour l'intimé d'entrer en communication avec ses victimes et obligation de consulter un psychologue ou un sexologue et de suivre le traitement qui lui sera recommandé.

• R. c. Chassé, J.E. 2002-1491 (C.Q.); plus d'un millier d'images: emprisonnement ferme de cinq mois suivi d'une probation de 24 mois, ordonne de faire des démarches pour suivre une thérapie et interdit de se trouver seul avec des enfants de moins de 14 ans en absence d'adultes; interdit durant les six premiers mois de sa probation d'être client de pourvoyeur de services internet et lui impose de permettre à l'agent de probation d'effectuer des vérifications à ce sujet.

• R. c. Bauer, (2002) O.J. Nº 1135 (C.S. Ont.); 26 chefs d'accusation de production, distribution et possession de photographies sur internet: emprisonnement de deux ans et deux mois.

• R. c. Schan, (2002) O.J. Nº 600 (C.A. Ont.); images provenant d'internet, plaidoyer de culpabilité, coopère avec les policiers, accusé a pris des mesures pour régler son problème, mariage a échoué de même que sa relation avec ses enfants, dépression et tentative de suicide: emprisonnement de 18 mois à être purgé dans la collectivité.

• R. c. Lévesque, J.E. 2002-217 (C.S.); publications obscènes, plaidoyer de culpabilité, absence d'antécédents judiciaires, risque de récidive, détention préventive: sursis de la peine, probation de 18 mois et interdiction de se trouver en présence d'enfants de moins de 16 ans.

• R. c. Cohen, (2001) O.J. Nº 1606 (C.A. Ont.); distribution et possession, support familial, a dû déménager et changer d'emploi deux fois, plus de deux semaines de détention préventive: emprisonnement de 14 mois à être purgé dans la collectivité.

• R c R.W. (2001)O.J. 2810 (Ont. Sup. Ct.) 2 ans consécutifs pour possession de matériel pornographique (100 photos) et à 4 ans pour agression sexuelle. L'accusé visionnait le matériel en présence d'enfants. Un rapport psychiatrique concluait que l'accusé était pédophile.

• R c Mario Lévesque, (200-01-62820-018) (C.Q.) 5 décembre 2003, Dans cette cause, le juge fait une revue détaillée des sentences imposées en la matière. Il a imposé une sentence de 15 mois avec sursis pour possession de 426 fichiers de pornographie juvénile pour un individu sans antécédent judiciaire.

• R. c. Steadman, (2001) A.J. Nº 1563 (B.R. Alta); 1 500 images provenant d'internet, accusé en probation au moment des infractions, risques de récidives : emprisonnement de 10 mois et probation de trois ans.

• R. c. Yaworski, (2000) O.J. Nº 2613 (C.A. Ont.); possession et distribution à grande échelle, absence d'antécédents judiciaires, âgé de 20 ans, plaidoyer de culpabilité, mais limite son implication en mettant le blâme sur d'autres: emprisonnement de 12 mois.

• R. c. Turcotte, (2000) A.J. Nº 1402 (C.P. Alta); 59 images provenant d'internet, absence d'antécédents judiciaires: emprisonnement de 12 mois à être purgé dans la collectivité et interdiction de se trouver en présence d'enfants de moins de 16 ans.

• R c Patterson (2000) O.J. 736 (C.J. Ont.) possession de plusieurs milliers de photographies et de vidéos: 90 jours avec sursis

• Protection de la jeunesse – 1160, J.E. 2000-1891(C.Q.); 11 images provenant d'internet expédiées par la suite à huit adresses différentes de courrier électronique, infraction commise en une nuit, âgé de 19 ans, antécédents dont un d'agression sexuelle: neuf mois d'emprisonnement à être purgé dans la collectivité.

• Blondin c. La Reine, J.E. 2000-2229(C.A.); médecin, prise de photographies d'une patiente de huit ans, abus de confiance: emprisonnement de 12 mois.

• R. c. Evans (1999) 42 W.C.B. (2d) 376 (C.J. Ont.); 8 000 images provenant d'internet dans son ordinateur de travail, distribution de certaines images à deux personnes, pédophile, perte d'emploi, séparé de son épouse, plaidoyer de culpabilité, a recherché un traitement, absence d'antécédents judiciaires: emprisonnement de quatre mois et probation de trois ans.

• R. c. Lee, (1998) N.W.T.J. Nº 137 (C.S.T.N.-O.): trois chefs d'accusation de possession de films et un chef d'accusation de production, absence d'antécédents judiciaires, âgé de 60 ans, 13 mois de détention préventive: emprisonnement de six mois.

• R. c. Rideout, (1998) A.J. Nº 199 (C.P. Alta); nombreuses images provenant d'internet, en libération conditionnelle au moment des délits, antécédents en matière d'agression sexuelle, emploi dans le domaine informatique (pas de saisie de l'ordinateur): emprisonnement de trois ans.

• R. c. Daniels, (1997) N.J. Nº 242 (C.S.T.-N.); importation et possession d'images provenant d'internet sans en garder de copies, absence d'antécédents judiciaires, carrière en péril à titre de psychologue pour enfants: emprisonnement consécutif de 15 jours sur chacun des deux chefs d'accusation à être purgé dans la collectivité et une probation d'un an.

• R. c. Ritchie, (1997) O.J. Nº 5564 (C.J. Ont.); 1 350 images et 670 articles provenant d'internet, plaidoyer de culpabilité, bon candidat pour la réhabilitation: emprisonnement de 15 mois, saisie de l'ordinateur et du matériel pornographique, interdiction d'accéder à internet et de se trouver dans un endroit fréquenté par des enfants ou de travailler avec des enfants.

• R. c. Lisk, (1997) O.J. Nº 6150 (C.J. Ont.); possession de 111 images et distribution à grande échelle, plaidoyer de culpabilité, remords, coopération avec les policiers: emprisonnement de trois mois et une probation de deux ans.

• R. c. Dabaté, reflex, (1997) R.J.Q. 247 (C.Q.); plaidoyer de culpabilité, antécédents, pédophile primaire et exhibitionniste: emprisonnement de neuf mois et une probation de trois ans.

• R. c. Caza, (1996) B.C.J. Nº 2066 (C.A.C.-B.); possession de photographies et de publications, antécédents en semblable matière, risques de récidives, absence de remords: emprisonnement d'un an.

• R. c. Camil Girard, (1996) 150-01-000575-960, 10 juillet 1996, appel rejeté, 200-10-000334-966, 5 novembre 1996: peine d'emprisonnement de six mois sur le chef de possession de pornographie juvénile.

• R. c. Stroempl, 1995 CanLII 2283 (ON C.A.), (1995) 105 C.C.C. (3d) 187 (C.A. Ont.); plaidoyer de culpabilité, absence d'antécédents, collectionneur de matériel de pornographie juvénile, accusé âgé de 67 ans: emprisonnement de 10 mois.

• R. c. Jewell and Gramlick, 1995 CanLII 1897 (ON C.A.), (1995) 100 C.C.C. (3d) 270 (C.A. Ont.); production de cassettes vidéo, plaidoyer de culpabilité: emprisonnement d'un an.

• R. c. Pecciarich, (1995) O.J. Nº 2238 (C.J. Ont.); possession et distribution d'images et de textes provenant d'internet, âgé de 20 ans, absence d'antécédents judiciaires: sursis de la peine, probation de deux ans (traitement) et 150 heures de travaux communautaires, interdiction de se trouver dans des endroits fréquentés par des enfants.

• R. c. J.R.C., (1994) O.J. Nº 3951 (C.J. Ont.); photos de ses neveux, pédophile, plaidoyer de culpabilité, peu de chance de récidive: emprisonnement de 90 jours et probation de deux ans.

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

Le pouvoir d'amender un acte d'accusation ou une dénonciation expliqué par la Cour d'appel de l'Ontario

R. v. K.R., 2025 ONCA 330 Lien vers la décision [ 17 ]        The power to amend an indictment or information under  s. 601(2)  of the  Crim...