jeudi 23 décembre 2010

Les éléments essentiels de la fraude en matière de relation sexuelle

D.C. c. R., 2010 QCCA 2289 (CanLII)

[77] Comme ces enseignements sont à la base même de l'analyse qui suit, je crois nécessaire de rappeler ce que la Cour suprême du Canada écrivait dans l'arrêt Cuerrier concernant les éléments essentiels de la fraude en matière de relation sexuelle, soit la malhonnêteté et la privation (ou le risque de privation).

[78] Concernant la malhonnêteté, « [les] actes de l'accusé doivent être appréciés objectivement afin d'établir s'ils seraient considérés comme malhonnêtes par une personne raisonnable. L'acte malhonnête est soit une supercherie délibérée concernant la séropositivité, soit la non-divulgation de cet état de santé » (paragr. 126). « L'obligation de divulguer augmentera avec les risques que comportent les rapports sexuels (…). La nature et l'étendue de l'obligation de divulguer, s'il en est, devront toujours être examinées en fonction des faits en présence » (paragr. 127).

[79] Concernant la privation sous forme de préjudice réel ou, simplement, de risque de préjudice, « [un] préjudice ou risque de préjudice insignifiant ne satisfera pas toutefois à cette condition dans les cas d'agression sexuelle où l'activité aurait été consensuelle si le consentement n'avait pas été obtenu pour fraude » (paragr. 128). « (…) le ministère public devra établir que l'acte malhonnête (…) a eu pour effet d'exposer la personne consentante à un risque important de lésions corporelles graves (…) » (paragr. 128). « L'existence d'une fraude ne devrait vicier le consentement que s'il y a un risque important de préjudice grave » (paragr. 135). « L'expression « risque important de préjudice grave » doit être appliquée aux faits de chaque cas pour décider si le consentement donné dans les circonstances était vicié (…). Cette expression devrait être interprétée en fonction de la gravité des conséquences d'une déclaration de culpabilité d'agression sexuelle et de manière à éviter la banalisation de l'infraction (…) » (paragr. 139).

[86] Selon l'arrêt Cuerrier, un préjudice ou un risque de préjudice insignifiant (par exemple, celui d'attraper un rhume) ne permettrait pas de conclure à l'existence d'une fraude viciant le consentement même si l'un des partenaires avait caché à l'autre son mauvais état de santé. La malhonnêteté doit avoir pour conséquence d'exposer l'autre à « un risque important de préjudice grave ». Le juge Cory poursuit son raisonnement en suggérant que l'utilisation prudente du condom pourrait (« might ») amener un juge à conclure que le risque est à ce point réduit qu'il n'atteint plus le seuil exigeant de la personne séropositive qu'elle dévoile son état de santé avant d'avoir des relations sexuelles.

[87] Selon les enseignements de la Cour suprême, il y a donc définitivement un lien entre le risque que la situation présente et l'obligation pour la personne malade d'informer son partenaire de son état de santé.

[101] La position du ministère public n'est pas dénuée de sens, bien au contraire, mais tel n'est pas l'état du droit au Canada depuis l'arrêt Cuerrier. L'existence d'une fraude ne viciera le consentement, en matière de relations sexuelles, que s'il y a « un risque important de préjudice grave », une expression qui doit être interprétée en ayant toujours à l'esprit la gravité des conséquences d'une déclaration de culpabilité d'agression sexuelle et de manière à éviter la banalisation de l'infraction.

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