R. c. Dumoulin, 2010 QCCQ 2991 (CanLII)
[204] Premièrement, comme l'a décidé la Cour d'appel d'Ontario, dans l'arrêt La Reine c. McInnes, 1973, 13 C.C.C., deuxième édition, page 741, c'est de permettre aux tribunaux, lorsque les circonstances s'y prêtent, de rendre une décision qui évite la constitution d'un casier judiciaire et, tel qu'exprimé par la Cour d'appel de Colombie-Britannique dans l'affaire La Reine c. Fallofield, 1973, 13 C.C.C., deuxième édition, page 450, que ce casier judiciaire pourrait compromettre sérieusement les projets d'avenir de l'accusé.
[205] En second lieu, le Tribunal résume ainsi bien humblement les règles qui se dégagent de l'enseignement des tribunaux de juridiction d'appel au sujet de cet article 730 C.cr.
1. L'article 730 ne doit pas être considéré comme une mesure exceptionnelle, sinon il serait vidé de tout sens qu'a voulu y donner le législateur, tel que l'écrivait le regretté honorable juge Amédée Monette de la Cour d'appel du Québec, dans l'arrêt La Reine c. Cyr.
2. Il serait à l'encontre de l'administration de la justice si les tribunaux accordaient d'une manière routinière les demandes en vertu de l'article 730. Le Tribunal souligne qu'il n'est pas rare qu'un agent de la paix obtienne une absolution conditionnelle ou inconditionnelle. Chaque cas est un cas d'espèce. Par contre, il ne faudrait pas en venir à ce que les agents de la paix prennent pour acquis qu'ils obtiendront automatiquement une réponse positive par les tribunaux, car les personnes bien informées y verraient, avec raison, un privilège accordé par les tribunaux envers ces derniers.
3. L'exemplarité est un facteur qu'il faut considérer et tenir compte. Mais cela ne doit pas faire obstacle à une application judicieuse de cet article, car le principe de l'individualisation de la peine y trouve toujours son application. De plus, le Tribunal doit prononcer une peine qui est proportionnelle au crime commis.
4. Cette disposition ne vise pas uniquement les contraventions triviales et techniques.
5. L'absolution ne constitue pas une alternative à la probation ou au sursis de sentence.
6. L'absolution est accordée lorsque son refus résulterait à une disparité injuste entre l'acte lui-même et l'effet qu'aurait une condamnation sur l'avenir du délinquant. Ainsi s'exprimait la Cour d'appel du Québec dans l'affaire Abouabdellah c. La Reine, du 8 mai 1996 en page 5 :
« la règle d'or en la matière est qu'un justiciable ne doit pas dans les faits subir un châtiment qui n'a aucune mesure avec sa faute. »
7. Cette absolution doit respecter les objectifs de l'article 718 C.cr.
8. L'octroi de cette absolution ne doit pas nuire à l'intérêt public.
[207] Monsieur le juge Pierre Béliveau définit ainsi ces mots dans l'affaire Rozon c. La Reine, dossier 750-36-000087-993, aux paragraphes 41 et 42, il écrit :
« 41. Quant à la notion d’intérêt public, elle doit prendre en cause l’objectif de la dissuasion générale, la gravité de l’infraction, son incidence dans la communauté, l’attitude du public à son égard et la confiance de ce dernier dans le système judiciaire (R. c. Elsharawy, par. 3). Cela étant, il faut se rappeler que dans l’arrêt R. c. Meneses, (1976) 25 C.C.C. (2d) 115, la Cour d’appel de l’Ontario a précisé que l’arrestation et la comparution d’un délinquant peuvent constituer une mesure de dissuasion efficace à l’égard de personnes qui ne sont pas criminalisées, lesquelles sont justement celles qui sont candidates à une absolution.
42. Dans ce même arrêt, la Cour d’appel de l’Ontario a indiqué que l’intérêt public comporte également le fait que l’accusé ait la possibilité de devenir une personne utile dans la communauté et qu’elle puisse assurer sa subsistance et celle de sa famille. […] »
[208] Afin de prononcer une peine juste et équitable envers la société, la victime et l'accusé, le Tribunal doit faire appel à un public bien informé sur les faits et sur le droit, tel que qualifié par monsieur le juge Béliveau :
« 69. Par ailleurs, il faut se demander si le public pourrait perdre confiance dans la crédibilité du système judiciaire si l’appelant devait être absous. À cet égard, le critère doit s’apprécier, non pas en se référant à la personne qui se renseigne à même cette partie de la couverture médiatique que la substitut de la procureure générale a qualifiée de «particulièrement foireuse», ou que d’aucuns désignent comme la «presse de caniveau», mais en déterminant ce que penserait la personne raisonnable et renseignée [par analogie, voir R. c. Lamothe, 1990 CanLII 3479 (QC C.A.), [1990] R.J.Q. 973, 981 (C.A.); R. c. Auclair, [1997] R.J.Q. 2210, par. 158-170 (C.S.)].
70. En fait, une justice indépendante ne saurait être rendue en se guidant sur ce que peut penser cette partie de l’opinion publique influencée par les médias qui cherchent à exploiter le sensationnalisme. Par analogie, on pourrait rappeler que lors de ses directives préliminaires aux membres du jury, le juge qui préside leur dit toujours de rendre leur décision en se fondant uniquement sur la preuve, et sans se demander si elle plaira ou sera populaire. Agir autrement discréditerait l’administration de la justice. »
[210] En effet, dans les dossiers reprochant des infractions en matière de violence conjugale, les critères de dénonciation et de dissuasion doivent primer.
[211] La Cour d'appel dans l'arrêt R. c. Gendron écrit :
« Cependant, si la réhabilitation demeure un facteur important dans la détermination de la peine, elle ne doit pas, surtout dans un contexte de violence conjugale, prévaloir démesurément sur les facteurs de dissuasion et d'exemplarité de la sentence. Madame la juge Wilson dans R. c. Lavallée, 1990 CanLII 95 (C.S.C.), [1990] 1 R.C.S. 852, à la page 872 a rappelé « qu'il est difficile d'exagérer la gravité, voire la tragédie, de la violence domestique. L'attention accrue portée à ce phénomène par les médias au cours des dernières années a fait ressortir aussi bien son caractère généralisé que ses conséquences terribles pour les femmes de toutes les conditions sociales.»
[212] Même s'ils datent d'un certain temps, ces propos sont toujours d'actualité.
[213] De ceux-ci, le Tribunal conclut qu'il se doit aussi de tenir compte de la réhabilitation de l'accusé même en cette matière comme le dit clairement la Cour. Il faut donc y retenir que ce critère ne doit pas prévaloir démesurément sur les deux autres facteurs. Le Tribunal doit donc analyser ces trois facteurs avec pondération.
[214] Au surplus, même si l'accusé n'était pas dans l'exercice de ses fonctions lorsqu'il a commis les infractions, le Tribunal doit nécessairement tenir compte de sa profession de policier.
[215] Le public général a le droit que les agents de la paix soient des personnes ayant des comportements exemplaires dans leurs vies privées puisqu'ils appliquent les lois dans l'exercice de leurs fonctions et peuvent agir en leur qualité d'agents de la paix même lorsqu'ils sont à l'extérieur de leurs horaires de travail.
[216] À ce sujet, le Tribunal fait siens les propos de son collègue monsieur le juge Aubin:
« [60] […] Le travail de policier ou d'agent de la paix constitue par le fait même un poste de responsabilité. La société s'attend à ce que le titulaire ait une conduite exemplaire en tout temps, étant tenu d'appliquer la loi et de la faire respecter. Il doit assumer son travail de façon digne, sans abuser indûment de ses droits. »
[217] Le Tribunal ajoute à cet énoncé l'enseignement de la Cour d'appel de la Nouvelle-Écosse, R. c. Cusack, 1978 41 CCC (2d) 289, qui possède encore son autorité même en 2010 :
« The commission of offences by police officers has been considered on numerous occaions by the Courts and the unanimous finding has been that their sentence should be more severe than that of an ordinary person who commits the same crime because of the position of public trust which the held at the time of the offence and their knowledge of the consequences of its perpetration. »
[218] Malgré l'ensemble de ces décisions, il ne faut pas en conclure pour autant qu'un agent de la paix ne puisse bénéficier d'une absolution. Le législateur, à cette disposition, n'a pas exclu aucune catégorie de personnes et il n'appartient pas aux tribunaux de le faire.
[219] En cette matière, comme lors du prononcé de toute absolution, chaque cas devient un cas d'espèce et le Tribunal a toujours le devoir d'individualiser la peine.
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