vendredi 13 mars 2009

La règle des confessions contemporaine / L’oppression

R. c. Oickle, [2000] 2 R.C.S. 3, 2000 CSC 38

b) L’oppression
58 Il est clair que l’existence d’un climat d’oppression est susceptible de produire de fausses confessions. Si les policiers créent des conditions suffisamment désagréables, il n’y a rien d’étonnant à ce que le suspect fasse une fausse confession induite par stress pour échapper à ces conditions. Par ailleurs, un climat oppressif pourrait ébranler la volonté du suspect au point de l’amener à douter de sa propre mémoire, à croire les accusations incessantes des policiers et à faire une confession induite.

59 L’arrêt récent de la Cour d’appel de l’Ontario R. c. Hoilett (1999), 136 C.C.C. (3d) 449, est un exemple frappant d’une situation oppressive. L’accusé, qui était inculpé d’agression sexuelle, avait été arrêté à 23 h 25 pendant qu’il était sous l’effet du crack et de l’alcool. Après avoir passé deux heures dans une cellule, deux agents lui ont retiré ses vêtements aux fins d’analyses médico-légales. On l’a laissé nu dans une cellule froide ne contenant qu’une couchette de métal où il pouvait s’asseoir. Cette couchette était si froide qu’il devait se tenir debout. Une heure et demie plus tard, on lui a fourni des vêtements légers — mais pas de sous‑vêtements — de même que des souliers qui ne lui faisaient pas. Peu de temps après, vers 3 h, on a réveillé l’accusé afin de l’interroger. Ce dernier s’est endormi au moins cinq fois pendant l’interrogatoire. Il a vainement demandé des vêtements plus chauds et un mouchoir pour s’essuyer le nez. Quoiqu’il ait reconnu qu’il savait qu’il n’était pas tenu de dire quoi que ce soit et que les agents ne lui avaient pas explicitement fait de menaces ni de promesses, il espérait qu’en parlant aux policiers ceux-ci lui donneraient des vêtements chauds et mettraient fin à l’interrogatoire.

60 Dans ces circonstances, il n’est pas étonnant que la Cour d’appel ait conclu que la déclaration n’avait pas été volontaire. Dans des conditions inhumaines, on peut difficilement s’étonner qu’un suspect fasse une confession dans le seul but d’échapper à ces conditions. Une telle confession n’est pas volontaire. (...) Sans vouloir énumérer tous les facteurs susceptibles de créer un climat d’oppression, mentionnons le fait de priver le suspect de nourriture, de vêtements, d’eau, de sommeil ou de soins médicaux, de lui refuser l’accès à un avocat et de l’interroger de façon excessivement agressive pendant une période prolongée.

61 Une dernière source possible de conditions oppressives est l’utilisation, par les policiers, d’éléments de preuve inexistants. Comme il est ressorti de l’analyse qui a été faite des fausses confessions plus tôt, ce stratagème est très dangereux: voir Ofshe & Leo (1997a), loc. cit., aux pp. 1040 et 1041; Ofshe & Leo (1997), loc. cit., à la p. 202. L’utilisation de faux éléments de preuve est souvent un moyen crucial de convaincre le suspect que ses protestations d’innocence, même si elles sont vraies, sont futiles. Je ne veux d’aucune façon laisser entendre que le seul fait de mettre le suspect en présence d’éléments de preuve inadmissibles, ou même fabriqués, constitue nécessairement une raison d’écarter une déclaration. Cependant, lorsqu’elle s’ajoute à d’autres facteurs, cette considération est certes pertinente pour déterminer, dans le cadre d’un voir‑dire, si la confession était volontaire.

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