R. c. Carosella, [1997] 1 R.C.S. 80
Résumé des faits
En 1992, la plaignante s’est rendue à un centre d’aide aux victimes d’agression sexuelle afin d’obtenir des conseils sur la façon de porter plainte contre l’accusé pour des agressions sexuelles qui, prétendait-elle, étaient survenues en 1964, lorsqu’elle était une élève à l’école où enseignait l’accusé. Le centre reçoit des fonds gouvernementaux, conformément aux conditions d’une entente exhaustive en vertu de laquelle il doit notamment établir des liens étroits avec des organismes du domaine de la justice et protéger la sécurité et la confidentialité des documents qui sont sous son contrôle et qui ne doivent pas être divulgués sauf lorsque la loi l’exige. La plaignante s’est entretenue pendant une heure et quarante‑cinq minutes environ avec une travailleuse sociale. Celle‑ci a pris des notes durant l’entretien et a avisé la plaignante que tout ce qu’elle disait pourrait être requis en cour par voie de subpoena.
Lors de sa production, le dossier ne contenait pas les notes de l’entretien de la plaignante. Un voir‑dire a permis de découvrir que les notes avaient été détruites en avril 1994 conformément à la politique du centre de déchiqueter les dossiers ayant donné lieu à une intervention policière avant de recevoir signification d’une assignation relativement à des poursuites criminelles. La travailleuse sociale qui avait mené l’entretien et par la suite déchiqueté les notes ne se souvenait pas de la teneur des notes détruites.
Analyse
L’accusé qui allègue la violation de son droit de présenter une défense pleine et entière par suite de la non‑divulgation ou de la non‑production d’éléments de preuve n’est pas tenu de prouver qu’il a été lésé dans sa défense. L’ampleur du préjudice subi par un accusé n’est pas une question qui doit être prise en considération pour déterminer s’il y a eu violation d’un droit fondamental garanti par la Charte. La mesure dans laquelle la violation de la Charte a causé préjudice à l’accusé n’est examinée, dans le cadre de l’analyse fondée sur la Charte, qu’à l’étape concernant la réparation.
Le fondement de l’obligation du ministère public de produire les documents susceptibles d’avoir un effet sur le déroulement de la défense est que l’omission de le faire porterait atteinte au droit constitutionnel de l’accusé de présenter une défense pleine et entière. Le droit à la communication de documents qui satisfont au critère préliminaire établi dans Stinchcombe est l’un des éléments du droit de présenter une défense pleine et entière qui est lui un principe de justice fondamentale visé à l’art. 7 de la Charte. Le fait de manquer à cette obligation constitue une atteinte aux droits constitutionnels de l’accusé, sans qu’il soit nécessaire de prouver l’existence d’un préjudice additionnel. La violation de ce principe de justice fondamentale est préjudiciable en soi.
Il est sans importance que le droit à la communication ne soit pas mentionné expressément comme étant un élément des principes de justice fondamentale. Les éléments constitutifs d’un droit ne peuvent être séparés du droit lui‑même. L’obligation de prouver un préjudice additionnel ou concret concerne la réparation qui doit être déterminée en application du par. 24(1) de la Charte. Il s’ensuit que, si les documents qui ont été détruits satisfont au critère préliminaire de divulgation ou de production, il y a eu violation des droits garantis à l’accusé par la Charte, sans qu’il soit nécessaire de prouver l’existence d’un préjudice additionnel.
La présence de l’un ou de l’autre des deux facteurs suivants justifie l’exercice du pouvoir discrétionnaire pour accorder l’arrêt des procédures: aucune autre réparation ne corrigerait le préjudice causé à la capacité de l’accusé de présenter une défense pleine et entière, et la continuation de la poursuite causerait à l'intégrité du système judiciaire un préjudice irréparable.
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