lundi 21 septembre 2009

La jurisprudence sur les sentences pour vol qualifié

R. c. Legault, 2006 QCCQ 6899 (CanLII)

[22] Dans l’examen de la jurisprudence, il y a lieu cependant de faire des distinctions, puisque la loi n’a pas toujours requis un minimum de quatre ans lorsque le vol qualifié était commis avec l’usage d’une arme à feu. Ce n’est que pour les crimes commis après le 1er janvier 1996 que le minimum de quatre ans est prévu.[2] De plus, il y a toujours lieu de se rappeler la nécessité de distinguer les vols qualifiés commis avec l’utilisation d’une arme à feu et les autres types de vol qualifié.

[23] Dans l’affaire Fournier c. R., la Cour d’appel confirme une peine de six mois d’emprisonnement pour un vol qualifié et complot. L’accusée et sa complice avaient attaqué un facteur en utilisant un linge imbibé d’éther qu’elles lui avaient placé sous le nez. Elles lui avaient subtilisé des chèques pour un montant d’environ 40 000 $ provenant de son sac de courrier. Le Tribunal considère alors le traumatisme psychologique subi par la victime, le fait que l’accusée ne fait preuve d’aucun remord et qu’elle n’a aucun antécédent judiciaire.

[24] Dans l’affaire R. c. Gagnon, la Cour d’appel, tout en précisant qu’il s’agit d’un cas d’espèce d’un individu ayant d’importants problèmes de dépendance aux drogues et des problèmes psychologiques, confirme une sentence de neuf mois d’emprisonnement pour un vol qualifié d’une somme d’argent de 300 $, alors qu’il avait en sa possession une imitation d’arme, un revolver, et était déguisé d’une cagoule. L’accusé avait des antécédents judiciaires et était sous le coup d’une ordonnance de probation au moment où il a commis les infractions reprochées. La Cour d’appel reconnaît que, dans le contexte d’infractions aussi graves, la peine imposée en première instance est très clémente, mais la maintient en raison des circonstances tout à fait exceptionnelles reliées à l’accusé.

[25] Dans l’affaire R. c. Callender, la Cour d’appel prononce une peine équivalant à dix-sept mois de prison relativement à un individu qui, avec son complice, avait planifié un vol dans un marché de fruits et légumes ouvert pendant la nuit. Les deux complices avaient asséné un coup au gardien de 60 ans ainsi qu’un coup de couteau dans le dos. Les voleurs s’étaient emparés d’une cinquantaine de dollars. Le rapport préalable à la peine était négatif. L’accusé ne témoignait d’aucune compassion à l’égard de la victime et il y avait une faible possibilité de réhabilitation. La Cour estime alors que le crime est odieux, commis sans compassion et de sang froid. Elle signale l’importance de tenir compte suffisamment des critères d’exemplarité de dissuasion et de protection de la société.

[26] Dans Dasilma c. R., la Cour d’appel modifie une peine de 36 mois à 18 mois d’emprisonnement pour complot et vol qualifié, de façon à tenir compte de la globalité de la sentence de l’accusé, soit une peine de 30 mois, ainsi que de la parité de la sentence avec le complice. Dans cette affaire, l’accusé faisait aussi l’objet d’accusations de possession et d’usage d’un fusil tronçonné lors du vol qualifié, ainsi que de complot. Cependant, le législateur ne prévoyait pas alors la peine minimale de quatre ans pour l’usage d’une arme lors d’un vol qualifié.

[27] Dans l’affaire Godmaire c. R., la Cour d’appel prononce une peine d’emprisonnement de 18 mois à être purgée au sein de la collectivité pour un individu âgé de 25 ans ayant plaidé coupable relativement à sept infractions attribuables à sa toxicomanie, comprenant des crimes d’introduction par effraction et de vol qualifié commis sur les conseils d’un criminel lui faisant miroiter un gain monétaire important. Il avait suivi une cure de désintoxication d’une durée de 13 mois en réclusion complète et la Cour d’appel signale l’importance que sa réhabilitation soit considérée.

[28] Dans Karagiannakis c. R., la Cour d’appel prononce une peine d’emprisonnement avec sursis de deux ans moins un jour, soit en respectant la suggestion commune. La Cour d’appel tient compte de la peine du complice et de la réintégration sociale de l’accusé.

[29] Dans les affaires Gilbert c. R., Grenon c. R. et R. c. Désilets, les Cours d’appel et supérieure condamnent les accusés à des peines de deux ans ou de deux ans moins un jour en regard de vols qualifiés.

[30] Dans l’affaire Gilbert c. R., l’accusé a plaidé coupable relativement à des événements d’octobre 1994 comprenant un déguisement, une séquestration de trois personnes présentes dans le restaurant et un vol qualifié de 986 $. L’accusé n’avait qu’un antécédent d’introduction par effraction remontant à douze ans auparavant. Le rapport préalable à la peine était favorable et l’individu mobilisable.

[31] Dans l’affaire Steeve Grenon c. R., l’accusé âgé de 18 ans, toxicomane, s’était introduit par effraction, avec deux complices mineurs, dans le but éventuel d’assouvir son assuétude aux stupéfiants. Il était d’ailleurs sous l’effet de la cocaïne lors de la commission de ce crime. Un des assaillants avait frappé la victime avec la crosse d’une arme à feu et lui avait causé des blessures à la tête et sur le corps. L’accusé, lui-même muni d’un petit couteau, avait infligé une blessure au bras de la victime. Leur larcin leur avait rapporté environ 2 500 $ chacun. L’accusé n’avait aucun antécédent judiciaire relié à des infractions impliquant de la violence. L’historique de l’accusé était marqué par des lacunes affectives profondes. En raison des nombreux facteurs d’atténuation et du jeune âge de l’accusé, la Cour d’appel prononce alors une peine de deux ans moins un jour et une probation de trois ans. Évidemment, à cette époque, la peine minimale prévue à l’article 344a) n’existait pas.

[32] Dans l’affaire R. c. Désilets, l’accusé, âgé de 28 ans, s’était introduit, avec un complice, dans un dépanneur et avait sommé la caissière de lui donner l’argent. Le complice lui aurait lancé des drapeaux au visage. L’accusé avait de nombreux antécédents dont deux de vols qualifiés lui ayant valu deux ans de pénitencier préalablement.

[33] Dans l’affaire R. c. Martel, la Cour d’appel prononce une peine de 30 mois pour un individu ayant plaidé coupable à deux chefs d’accusation de vol qualifié et à deux chefs lui reprochant de s’être cagoulé à ces fins. Le rapport préalable à la peine indiquait que la criminalité de l’accusé était récurrente. Il avait des antécédents judiciaires et la gradation des peines avait peu d’effet dissuasif à son égard. De plus, il avait de la difficulté à respecter ses engagements et ses périodes d’abstinence d’alcool ou de stupéfiants étaient de trop courtes durées.

[34] Dans les affaires R. c. Hutchison, Lafond c. R., R. c. Baril et R. c. Thériault la Cour d’appel maintient ou prononce des peines de trois ans en regard de vols qualifiés. Dans l’affaire R. c. Hutchison, l’accusé avait commis 19 vols qualifiés à l’intérieur d’une période de deux mois, alors qu’il était muni d’un petit couteau de type « exacto » dont il s’était servi pour couper les fils téléphoniques. L’accusé avait sombré dans la déchéance de la drogue et en était venu à développer cette criminalité. Dans l’affaire R. c. Baril, la Cour d’appel augmente une peine de 18 à 36 mois pour un vol qualifié commis dans un climat de violence verbale et physique incroyable. Les complices s’étaient attaqués à une victime totalement inconnue. L’accusé était armé d’un fusil tronçonné. La victime avait été rouée de coups. Dans cette affaire, malgré l’important nombre d’infractions, il n’y avait eu ni séquestration, ni déguisement, ni arme chargée. Par ailleurs, les rapports présentés à la Cour étaient favorables à la réhabilitation. L’accusé reconnaissait ses gestes ainsi que le fait que son mode de vie était inacceptable. Dans l’affaire Lafond c. R., l’accusé, âgé de 47 ans, a plaidé coupable à trois vols qualifiés et un déguisement. Il avait dérobé des sommes de 324 $, 770 $ et 3 193,64 $. La dernière fois, il s’était déguisé. Il avait, par ailleurs, changé son comportement social et manifesté un désir de se réhabiliter. Dans l’affaire R. c. Thériault, la Cour d’appel maintient une peine de deux ans pour un vol qualifié. Elle y ajoute un an successif pour la participation à un gang. Bien que la Cour d’appel estime la peine clémente, elle ne la considère pas manifestement inappropriée en regard de sa situation personnelle, et ce, malgré que ses complices aient reçu des peines largement supérieures.

[35] Par ailleurs, dans l’affaire Beaupré c. R., la Cour d’appel prononce une peine globale de quatre ans, soit trois ans pour vol qualifié et un an consécutif pour l’usage d’une arme à feu. L’accusé avait commis un vol qualifié de 4 500 $ dans un restaurant, y avait séquestré sept employés, s’était déguisé et avait utilisé une arme à feu tronçonnée. À l’époque, le minimum à imposer était d’un an plutôt que de quatre ans. La Cour d’appel rappelle alors le principe suivant :

Les principes de détermination de la peine élaborés par les tribunaux, en regard d’infractions s’apparentant à la séquence délictuelle qui fait l’objet du présent pourvoi, révèlent que des peines d’emprisonnement excédant quatre années se rattachent, habituellement, à la coexistence de certains facteurs d’aggravation : condamnations antérieures pour des infractions similaires, violence lors de la commission des infractions (autre que la violence inhérente), arme chargée, commission des infractions pendant le cours d’une ordonnance de probation, adjonction de jeunes contrevenants, planification élaborée et réalisation de sang froid, absence de remords, réhabilitation douteuse. La conjugaison de ces facteurs marginalise les infractions vers un pôle extrême où la violence, la répétition délinquante et le mépris des institutions et des personnes viennent affermir la menace que représente le contrevenant pour la société.

[36] Dans cette affaire, la Cour d’appel fait une revue très intéressante de la jurisprudence. Il apparaît très clairement que le degré de violence utilisé est un facteur très important. La Cour d’appel insiste aussi sur le principe de la parité des sentences en tenant compte des circonstances spécifiques à chacun. Aussi, la loi ne prévoyait pas alors un minimum de quatre ans pour l’usage d’une arme à feu pour les crimes commis avant le 1er janvier 1996.

[37] Dans l’affaire Verdi-Douglas c. R., la Cour d’appel impose une peine équivalant à quatre ans d’emprisonnement à un accusé âgé de 19 ans, sans antécédents judiciaires, faisant face aux accusations d’enlèvement, de séquestration, de vol qualifié et de complot.

[38] Dans l’affaire Packwood c. R., la Cour d’appel réduit une peine de sept à quatre ans. L’accusé avait commis un vol dans le métro de Montréal et assailli sa victime en lui causant de légères blessures. Il avait douze accusations de vols qualifiés, à titre de condamnations judiciaires antérieures, au cours des treize dernières années.

[39] Dans l’affaire R. c. Binette, la Cour d’appel condamne un individu de 20 ans à quatre ans d’emprisonnement pour un vol qualifié, alors que l’accusé était muni d’un couteau, qu’il avait séquestré quatre personnes et commis une agression sexuelle sur l’une d’elle.

[40] Dans l’affaire R. c. Sohet, un individu est condamné à l’équivalent de 54 mois d’emprisonnement suite à un vol qualifié et une séquestration alors qu’il avait utilisé une fausse arme à feu. Cependant, dans cette affaire, l’accusé avait déjà été condamné pour vol à main armée et avait obtenu une peine de sept mois.

[41] Dans l’affaire R. c. Devost, l’accusé est trouvé coupable d’une tentative de vol qualifié dans une caisse populaire. Il s’était introduit dans une institution financière en déclarant qu’il s’agissait d’un hold-up. Il écope d’une peine de 54 mois, mais il a 58 antécédents judiciaires de vols et est sous le coup d’une libération conditionnelle au moment de la commission de l’infraction. Il vit du crime depuis environ quinze ans.

[42] Par ailleurs, outre les peines comprenant l’imposition d’un minimum de quatre ans par l’usage d’une arme à feu, celles qui vont au-delà de quatre ans paraissent toutes être considérablement distinctes du présent dossier, soit par les antécédents, par le degré de violence, le type d’arme utilisée ou le nombre de victimes.

[43] Aussi, la Cour d’appel, dans l’affaire R. c. Bernard, rappelle que l'article 344, contrairement à l'article 85, n'oblige pas le juge à imposer des peines consécutives dans le cas de vols qualifiés distincts. L'opportunité d'imposer des peines consécutives dans ce cas doit donc être examinée en vertu de l'article 718.3(4) et le juge doit se garder d'imposer une peine qui s'avère globalement excessive.

[44] Dans l’affaire R. c. Wust, la Cour suprême précise que le tribunal qui procède à la détermination de la peine peut accorder une réduction pour la période de détention préalable à la peine en vertu de l'article 719(3), malgré la peine minimale de quatre ans prévue à l'art. 344a).

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