lundi 21 septembre 2009

La jurisprudence sur le crime d’incendiat

R. c. Legault, 2006 QCCQ 6899 (CanLII)

[45] La peine doit toujours être individualisée. Certes, en l’espèce, le montant des dommages est extrêmement important, plus d’un million et demi de dollars. Il s’agit certainement d’un élément à considérer, mais il n’est pas le seul. Dans certains cas, un feu peut être commis sans que toutes les conséquences aient été mesurées. Quelquefois, il pourra pratiquement être associé à un accident. Dans d’autres cas, il sera le fruit d’une personne dépressive qui est aux prises avec un stress inhabituel ou une déroute financière. Il peut aussi s’agir de vengeance, voire d’actes de terrorisme ou de crimes haineux. Dans certains dossiers, le Tribunal considérera le danger de l’incendie eu égard à des vies humaines. Les peines sont donc distinctes selon les circonstances propres à chaque accusé. En l’espèce, il s’agit d’un feu qui a été mis délibérément, de façon préméditée, à un établissement de grande valeur destiné aux loisirs du grand public aux fins de maquiller un crime. Il ne se trouvait cependant personne sur les lieux.

[46] Dans l’affaire Jerkovic c. R., la Cour d’appel maintient une peine d’emprisonnement de neuf mois pour un individu ayant mis le feu à un immeuble et ayant ainsi causé des dommages de 200 000 $.

[47] Dans l’affaire Chouinard c. R., la Cour d’appel impose une peine équivalant à seize mois d’emprisonnement pour une personne de 28 ans souffrant de troubles psychiatriques ayant mis le feu dans un contexte de tentative de suicide.

[48] Dans l’affaire R. c. Robert, la Cour supérieure impose dix-huit mois d’emprisonnement à un individu ayant agi comme un exécutant dans l’incendie criminel d’un commerce.

[49] Dans l’affaire Hardy c. R., la Cour d’appel impose une peine d’emprisonnement de dix-huit mois pour un individu ayant incendié un camp de pêche d’une valeur de plus de 500 000 $ alors qu’il était en état d’ivresse. La Cour d’appel considère alors qu’il s’agit d’une peine légère pour ce type de crime. L’un des juges est même d’avis qu’il s’agit d’un crime qui aurait requis une peine de cinq ans d’emprisonnement ou plus. Il est cependant d’avis de considérer l’état d’intoxication de l’accusé et le délai de quatre ans écoulé depuis les événements.

[50] Dans l’affaire R. c. Paulin Plamondon, l’accusé est trouvé coupable de complot pour incendie criminel et incendie criminel avec intention de frauder. Le crime concerne une auberge dont l’accusé était propriétaire. Devant les difficultés financières que connaissait l’exploitation de son commerce, l’accusé avait contracté une assurance incendie et accepté la proposition d’un ancien associé de le rémunérer pour la somme de 5 000 $ pour qu’il incendie son auberge. La Cour considère alors le niveau de préméditation, l’objectif de fraude pour un montant de 825 000 $, la rétribution d’un complice, le déboursement d’une somme de 265 392 $ de l’assureur au créancier hypothécaire, la perte d’emplois qu’a engendrée le feu du commerce et le danger potentiel que représente ce genre de crime pour la sécurité et la vie d’autrui. L’accusé était âgé de 55 ans et n’était pas criminalisé, sauf des antécédents judiciaires non significatifs et lointains. Il s’agissait d’un homme d’affaires fort apprécié dans son milieu, impliqué socialement. Le Tribunal est alors d’avis qu’une peine de deux ans moins un jour à purger au sein de la collectivité avec assignation à domicile pour un an, moyennant notamment l’accomplissement de 240 heures de travaux communautaires et le versement de 15 000 $ à différents organismes, contribuerait à atteindre les objectifs de dissuasion nécessaires.

[51] Dans l’affaire R. c. Sévigny et al., après une discussion d’une durée de trois mois, les accusés avaient reçu une commande de mettre le feu à un restaurant moyennant la somme de 15 000 $. Ceux-ci y avaient mis le feu à l’aide de produits accélérants et avaient ainsi causé des dégâts de 5 000 000 $, sans compter le travail de 150 pompiers et du tiers de tous les appareils à incendie de la Ville de Montréal. Il y avait eu un risque important de pertes de vie humaine. Le but de l’incendie était de mettre fin au bail, puisque l’autre copropriétaire avait trouvé un endroit plus économique. L’accusé Sévigny n’était pas criminalisé. Il travaillait régulièrement et était apprécié de ses employeurs. Il éprouvait des problèmes de santé. Les procureurs recommandaient une peine conjointe de deux ans moins un jour, mais ne s’entendaient pas quant à savoir si elle devait être purgée au sein de la communauté. La Cour est alors d’avis que le critère de dénonciation ne peut être satisfait par un emprisonnement avec sursis et condamne les accusés à purger deux ans moins un jour d’emprisonnement dans une institution carcérale.

[52] Dans l’affaire R. c. Massicotte, la Cour d’appel impose une peine de deux ans moins un jour de prison à un individu ayant plaidé coupable à des accusations d’incendie criminel, de fraude et de vol. L’accusé avait notamment volé 3 000 $ à son employeur, un vendeur de meubles, et, pour masquer le vol, avait mis le feu à l’édifice abritant le magasin, causant ainsi tout près de 1 000 000 $ de dommages. L’accusé était âgé de 38 ans et sans antécédents judiciaires.

[53] Dans l’affaire Verreault c. R., la Cour d’appel maintient la peine de trois ans imposée à un jeune homme pour des accusations d’incendie criminel, de complot et de fraude. L’incendie avait été allumé avec préméditation. Il avait causé d’importants dommages matériels et des conséquences graves chez les voisins et les pompiers. L’incendie avait, par ailleurs, mis en péril des vies humaines. La Cour d’appel tient alors compte du jeune âge de l’appelant et de son absence d’antécédents judiciaires.

[54] Dans l’affaire R. c. Boudreault, la Cour d’appel impose une peine de trois ans à un individu souffrant de troubles mentaux ayant plaidé coupable à l’accusation d’incendie criminel. L’accusé était considéré potentiellement dangereux, étant incapable de contrôler ses pulsions et émotions. Il avait de nombreux antécédents judiciaires et un urgent besoin de soins psychiatriques dans un milieu spécialisé.

[55] Dans l’affaire R. c. Villeneuve, la Cour d’appel maintient une peine équivalant à 42 mois pour un individu âgé de 58 ans ayant menacé d’incendier et incendié la maison familiale afin d’éviter de la partager avec son épouse. Le locataire qui y vivait était présent. Il avait cependant pu sortir à temps. L’accusé était sans antécédents judiciaires et avait, par la suite, abordé une démarche de réflexion par rapport à son crime et aussi pris des démarches pour indemniser partiellement sa conjointe. La Cour considère alors le fait que les gestes ont été posés dans le contexte d’une profonde désorganisation suite à la rupture du couple, laquelle désorganisation a même conduit l’accusé à des tentatives de suicide.

[56] Dans l’affaire R. c. Gadoury, la Cour d’appel double la peine initialement imposée de deux ans pour la fixer à quatre ans pour un accusé ayant été reconnu coupable d’avoir allumé l’incendie criminel d’une maison mobile qui était habitée. La Cour d’appel insiste sur les conséquences très graves pour les personnes qui se trouvaient dans la maison au moment de l’incendie et sur la nécessité d’atteindre les objectifs de dénonciation.

[57] Dans l’affaire Tiermersma c. R., la Cour d’appel impose une peine équivalente de cinq ans d’emprisonnement à une accusée de 37 ans, sans antécédents judiciaires, qui, après une discussion orageuse avec son amie, s’était rendue à l’église où elle travaillait depuis onze ans et y avait mis le feu après avoir ouvert les valves d’un poêle à gaz. Dix heures plus tard, elle y était retournée afin d’avertir le gardien et sa famille qui habitaient sur place du danger qu’ils couraient. Elle avait appelé les pompiers, s’était présentée au poste de police pour y faire une déclaration. Deux pompiers étaient morts en combattant l’incendie.

[58] Dans l’affaire Samson c. R., la Cour d’appel maintient deux peines équivalant à sept et cinq ans à être purgées de façon concurrente à une peine d’emprisonnement à perpétuité pour le meurtre au premier degré de l’épouse de l’accusé. L’accusé avait incendié la résidence familiale pour éviter de la partager dans un contexte de dispute familiale. Il avait aussi mis le feu au centre d’hébergement pour femmes où se trouvait la victime, sans se soucier des conséquences de son acte. La Cour d’appel émet le point de vue que les peines ne sont pas déraisonnables vu la gravité des crimes, leur planification et le caractère aggravant des circonstances de leur commission. La Cour d’appel insiste aussi sur le facteur dissuasion.

[59] Dans l’affaire Beauchamp c. R., la Cour d’appel impose une peine de sept ans d’emprisonnement à un individu âgé de 29 ans, sans antécédents judiciaires, marié, père d’un enfant et bachelier en sociologie, qui, alors qu’il travaillait comme pompier volontaire, a allumé quatorze incendies. Les dommages matériels étaient estimés à plus de 1 500 000 $. Le Cour d’appel considérait le besoin de thérapie à long terme pour les problèmes de comportement de l’accusé, la longue période de commission des infractions, des importants dommages aux propriétés et la nécessité de la protection de la société.

[60] Dans l’affaire R. c. Charron, la Cour d’appel rend une peine équivalant à huit ans et demi de prison, dont sept ans pour incendiat, pour un jeune individu ayant reconnu sa culpabilité sur des chefs d’accusation d’incendie criminel causant des lésions corporelles à une adolescente, des voies de fait causant des lésions corporelles à un jeune homme ainsi qu’à un agent de la paix et des menaces de mort ou des lésions corporelles. Au moment où le crime d’incendiat a été commis, l’accusé était sous probation. Il avait mis le feu à une résidence privée tout en sachant que quelqu’un s’y trouvait. Son comportement était caractérisé par de la violence. Il avait commis le crime, alors qu’il était sous le coup d’une promesse faite pour recouvrer sa liberté. L’accusé s’était muni d’un bidon d’essence et d’une fusée éclairante. Une adolescente avait subi de graves brûlures sur son corps. La Cour d’appel est alors d’avis que trop d’importance a été portée par le tribunal de première instance au jeune âge de l’accusé.

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