R. c. Olan et al., 1978 CanLII 9 (CSC)
Il ressort de l'arrêt Cox et Paton que la preuve de la supercherie n'est pas essentielle pour pouvoir prononcer une condamnation en vertu du par. 338(1). Quand on allègue que les administrateurs ont fraudé leur compagnie, la supercherie ne constitue pas un élément essentiel de l'infraction. Les mots «autres moyens dolosifs» au par. 338(1) couvrent les moyens qui ne sont ni des mensonges ni des supercheries; ils comprennent tous les autres moyens qu'on peut proprement qualifier de malhonnêtes.
Les tribunaux ont de bonnes raisons d'hésiter à définir de façon exhaustive le mot «frauder» (frustrer), mais on peut sans crainte dire que deux éléments sont essentiels: la «malhonnêteté» et la «privation». L'utilisation des biens d'une compagnie à des fins personnelles plutôt qu'à l'avantage de celle-ci peut constituer un acte malhonnête si l'on accuse des administrateurs de fraude. On établit la privation si l'on prouve un dommage, un préjudice ou un risque de préjudice; il n'est pas essentiel que la fraude mène à une perte pécuniaire réelle.
D'après les faits, le jury pouvait conclure qu'il y avait une nette disproportion dans l'échange du portefeuille de Langley contre le prêt. La Cour d'appel a commis une erreur en examinant, relativement à chaque accusé, l'applicabilité et la portée des principes de droits énoncés dans l'arrêt Cox et Paton c. La Reine et en décidant qu'il n'y avait aucune preuve de fraude à soumettre au jury.
Les tribunaux ont de bonnes raisons d'hésiter à définir de façon exhaustive le mot «frauder» (frustrer), mais on peut sans crainte dire que, selon la jurisprudence, deux éléments sont essentiels: la «malhonnêteté» et la «privation». Pour avoir gain de cause, le ministère public doit donc prouver la privation malhonnête.
L'utilisation des biens d'une compagnie à des fins personnelles plutôt qu'à l'avantage de celle-ci peut constituer un acte malhonnête si l'on accuse ses administrateurs de fraude. L'arrêt Cox et Paton appuie ce principe.
On établit la privation si l'on prouve que les intérêts pécuniaires de la victime ont subi un dommage ou un préjudice ou qu'il y a risque de préjudice à leur égard. Il n'est pas essentiel que la fraude mène à une perte pécuniaire réelle. L'extrait suivant, tiré de l'arrêt de la Cour d'appel d'Angleterre,R. v. Allsop, décrit bien, à mon avis, l'état du droit sur le rôle de la perte pécuniaire dans la fraude (aux pp. 31 et 32):
[TRADUCTION] En général, un fraudeur veut avant tout se procurer un avantage. Le tort causé à sa victime est secondaire et incident. Il n'est «intentionnel» que parce qu'il fait partie du résultat prévu de la fraude. Si la supercherie met en péril les intérêts pécuniaires de la personne induite en erreur, cela suffit pour constituer une fraude, même s'il n'en résulte aucune perte réelle et même si le fraudeur n'a pas eu l'intention de causer une perte réelle.
A notre avis, rien dans les motifs de lord Diplock [dans Scott] ne suggère une opinion différente. La «perte pécuniaire» peut être éphémère et temporaire ou éventuelle sans être réelle, mais même une simple menace de préjudice financier, pendant qu'elle existe, peut être évaluée monétairement…
Des intérêts mis en péril ont moins de valeur en termes monétaires que des intérêts protégés et en sécurité. Quiconque a l'intention d'inciter par une supercherie une autre personne à agir de manière à compromettre ses intérêts pécuniaires se rend coupable de fraude même s'il ne prévoit, ni ne veut que l'autre subisse finalement une perte réelle.
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