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Il faut bien comprendre que nous sommes ici non pas sur requête en jugement déclaratoire visant à faire trancher entre plusieurs interprétations possibles de ces textes. Nous ne sommes pas ici, non plus en matière civile où le fardeau de la preuve serait celui de la simple prépondérance. Nous sommes ici en matière criminelle où la Couronne doit faire preuve de tous et chacun des éléments constitutifs de l'infraction et où ce fardeau est beaucoup plus onéreux parce qu'il doit être déchargé au-delà du doute raisonnable. Toute ambiguïté d'interprétation donnant naissance à une croyance raisonnable d'une interprétation légitime doit donc bénéficier à l'accusé.
En outre, et il convient peut-être de le rappeler ici, le procès criminel n'est pas le forum approprié pour faire interpréter une loi civile ou un contrat. Comme l'écrivait mon collègue monsieur le juge Claude Vallerand dans Syndicat démocratique des salariés de la Scierie Leduc c. Daishowa Inc. [1991] R.J.Q. 2677:
Bref, le moins qu'on puisse dire, c'est que la plainte pénale n'est pas un moyen acceptable d'obtenir l'interprétation judiciaire d'un texte de loi ambigu.
(p. 2483)
Les arrêts R. c. Théroux 1993 CanLII 134 (CSC), [1993] 2 R.C.S. 5 et R. c. Zlatic 1993 CanLII 135 (CSC), [1993] 2 R.C.S. 29, se référant à l'arrêt R. c. Olan 1978 CanLII 9 (CSC), [1978] 2 R.C.S. 1175, ont énoncé les principes suivants relativement aux qualités composantes de l'élément matériel de l'infraction de fraude criminelle:
Étant donné que la mens rea d'une infraction est liée à son actus reus, il est utile d'entamer l'analyse par l'étude de l'actus reus de l'infraction de fraude. Au sujet de l'actus reus de cette infraction, le juge Dickson (plus tard Juge en chef) a énoncé les principes suivants dans l'arrêt Olan:
(i) l'infraction compte deux éléments: l'acte malhonnête et une privation;
(ii) l'acte malhonnête est établi par la preuve d'une supercherie, d'un mensonge ou d'un «autre moyen dolosif»;
(iii) l'élément de privation est établi si l'on prouve qu'en raison de l'acte malhonnête, les intérêts pécuniaires de la victime ont subi un dommage ou un préjudice ou qu'il y a risque de préjudice à leur égard.
(R. c. Théroux précité p. 15)
Quant à l'élément moral de cette infraction, ces mêmes arrêts ont clairement indiqué que la preuve de la Couronne devait établir de la part de l'accusé la connaissance subjective de l'acte prohibé et la connaissance subjective que cet acte pouvait causer une privation à autrui.
Comme l'écrivait mon collègue M. le juge Louis LeBel dans R. c. Champagne, J.E. 87-1200:
Il faut donc dégager, au départ, un élément intentionnel portant sur une conduite ou des attitudes malhonnêtes. Le texte même de l'article 338(1) C.cr., comme le constate la Cour suprême, exige la preuve d'une intention bien déterminée, spécifique, celle de tromper, d'induire en erreur par des moyens que l'on sait ou que l'on doit connaître comme malhonnêtes.
Si on applique ces règles bien connues à l'espèce, et je dis ceci en toute déférence pour l'opinion contraire du juge de première instance, il m'apparaît que l'interprétation (fut-elle erronée) que l'appelant a donnée aux textes ci-haut mentionnés ne saurait être qualifiée par une personne raisonnable d'acte malhonnête en soi. La preuve révèle, au contraire, que loin de soupçonner que tel puisse avoir été le cas, l'appelant croyait sincèrement et honnêtement que, travaillant en groupe, et partageant avec d'autres les tâches d'examen et de diagnostic, il pouvait, sans violer les textes, attribuer l'honoraire non pas exclusivement au praticien qui avait interprété les épreuves et dicté le rapport final, mais à l'un de ceux assigné à l'une des tâches reliée à cet examen.
En outre, et même si j'arrivais à la conclusion que le critère de répartition des honoraires professionnels pouvait constituer un acte malhonnête (ce que je ne crois pas), l'interprétation que l'appelant a donnée à la loi pouvait être justifiée dans les circonstances. Il suffit de relire attentivement les textes précités pour s'en convaincre.
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