R. c. Kelly, [1992] 2 RCS 170, 1992 CanLII 62 (CSC)
L'importance du mandat
Avant d'examiner l'objet de l'art. 426, je tiens à faire ressortir l'importance du mandat dans la société contemporaine. Celle‑ci ne pourrait tout simplement pas fonctionner en l'absence de mandataires ou d'agents. Il existe une multitude de rapports commettant‑agent. Mentionnons notamment qu'il est difficile de vendre une maison ou un immeuble commercial sans un agent immobilier ou encore de s'assurer sans consulter un agent d'assurance. Les agents de voyages organisent les vacances, et les courtiers agissent à titre d'agents dans le cadre d'opérations financières fort complexes et difficiles. Les avocats agissent également à titre d'agents pour le compte de leurs clients.
De plus en plus, les conseillers financiers agissent à titre d'agents pour leurs clients. Très souvent, les gens d'affaires et les professionnels qui ont un revenu élevé sont trop accaparés par leur travail pour bien organiser leurs affaires financières. Ils font alors appel aux services de conseillers financiers. Le rapport commettant‑agent est presque toujours fondé sur la divulgation de renseignements confidentiels par le commettant à l'agent. Ce rapport repose sur la confiance que le commettant peut avoir dans les conseils et les services que l'agent lui fournit.
La nature du mandat
Dans The Law of Agency (5e éd. 1983), Fridman propose, à la p. 9, la définition suivante du mandat:
[TRADUCTION] Le mandat est le rapport qui existe entre deux personnes dont l'une, l'agent, est en droit considérée comme la représentante de l'autre, lecommettant, si bien que cet agent peut, par la conclusion de contrats ou l'aliénation de biens, influer sur la situation juridique du commettant à l'égard de tierces parties. [En italique dans l'original.]
Le commettant doit pouvoir faire confiance à l'agent car ce dernier peut influer sur sa situation juridique. C'est peut‑être là l'élément central du rapport. Essentiellement, l'agent vise à atteindre les mêmes résultats que ceux qu'aurait atteints le commettant s'il avait agi pour son compte. L'agent peut exercer une si grande influence sur les affaires du commettant et il possède un si grand pouvoir d'agir pour le compte de ce dernier qu'il doit, cela va de soi, agir en tout temps au mieux des intérêts du commettant.
Les fonctions d'un agent
L'agent doit exécuter les fonctions qu'il s'est engagé à remplir. Dans l'exercice de ses fonctions, l'agent doit avant tout agir au mieux des intérêts du commettant. Toutefois, pour y arriver, l'agent ne doit pas excéder le mandat que lui a confié le commettant.
Dans le contexte des affaires de "commissions secrètes", les fonctions essentielles de l'agent découlent de la nature fiduciaire du mandat. Le rapport de confiance est axé sur le commettant, et l'agent ne doit pas laisser ses intérêts personnels entrer en conflit avec ses obligations envers celui‑ci. Il y a conflit d'intérêts quand l'agent doit choisir entre son intérêt personnel et son obligation envers le commettant. Selon Fridman, op. cit., à la p. 153:
[TRADUCTION] Si l'agent se trouve dans une situation où son intérêt personnel peut influer sur l'exécution de son obligation envers le commettant, il est tenu de faire une divulgation complète de toutes les circonstances pertinentes, pour que le commettant puisse, en pleine connaissance, décider s'il consent à l'acte de l'agent.
Les tribunaux ont adopté une ligne de conduite stricte, cherchant non seulement à interdire les véritables actes frauduleux commis par un agent à l'endroit de son commettant, mais aussi à empêcher que les agents ne se trouvent pas dans une situation qui invite à la corruption. On trouve dans Bowstead on Agency (14e éd. 1976) plusieurs exemples où l'agent a un intérêt personnel et doit, par conséquent, faire une divulgation complète (à la p. 130):
[TRADUCTION] . . . un agent ne peut acheter le bien de son commettant ni vendre son bien à ce dernier parce que dans un tel cas il y aurait conflit entre son intérêt et son obligation. L'agent ne peut recevoir une commission des deux parties à une opération; il ne peut réaliser de profits secrets en exploitant sa situation ou le bien de son commettant; il ne peut retirer un bénéfice pour lui‑même de rapports avec une tierce partie qui sont en contravention de ses rapports avec son principal et il ne peut faire concurrence à son commettant.
Le mandat est extrêmement important pour le fonctionnement de notre société. Ce rapport est fondé sur la confiance et il est de nature fiduciaire. Il est essentiel d'en préserver l'intégrité.
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