R. c. Kelly, [1992] 2 RCS 170, 1992 CanLII 62 (CSC)
Quelle est alors l'étendue de la divulgation attendue d'un agent? En d'autres termes, jusqu'à quel point le ministère public doit‑il prouver la non‑divulgation s'il veut établir la culpabilité d'un agent en vertu de l'art. 426? Dans l'arrêt Kelly, la Cour d'appel de la Colombie‑Britannique, à la majorité, a conclu que la divulgation [TRADUCTION] "doit être appropriée et complète en ce sens que le commettant doit être expressément informé de l'existence des commissions ou elle doit être tellement limpide que le commettant ne pourrait nier qu'il aurait dû être au courant" (p. 160). Dans l'arrêt R. c. Arnold (1991),1991 CanLII 2547 (NS CA), 65 C.C.C. (3d) 171, la Section d'appel de la Cour suprême de la Nouvelle‑Écosse a accepté cette norme. Ces tribunaux ont conclu que l'agent doit faire une divulgation complète, franche et impartiale. Par contre, le juge Hutcheon, dissident dans l'arrêt Kelly, mentionne en obiter qu'une norme de "divulgation complète, franche et impartiale" est trop exigeante du point de vue du droit pénal et qu'une [TRADUCTION] "divulgation partielle pourrait être suffisante".
De nouveau, l'examen de l'objet de l'art. 426 peut nous aider à déterminer la norme requise de divulgation. L'interdiction des commissions secrètes repose sur le principe de la protection des commettants vulnérables et de la préservation de l'intégrité du mandat. En exigeant de l'agent qu'il divulgue la réception d'une commission, on contribue à l'atteinte de l'objectif de l'article. En fait, la divulgation de l'existence d'une commission est essentielle pour attirer l'attention du commettant sur les risques de conflits d'intérêts. En cas de non‑divulgation, le commettant n'a aucun moyen de savoir si l'agent agit réellement au mieux des intérêts qu'il représente et il ne peut déterminer s'il devrait accepter les conseils de l'agent.
Pour atteindre l'objet de l'article, on doit exiger de l'agent qu'il divulgue d'une façon appropriée et en temps opportun l'existence d'une commission. Une divulgation générale et vague du fait que l'agent reçoit des commissions ne permet pas d'atteindre cet objectif. L'agent doit divulguer la nature du bénéfice reçu, son montant calculé le mieux possible ainsi que sa source. Il se peut que l'agent ne soit pas en mesure de déterminer avec exactitude le montant de la commission qu'il recevra. Il suffira qu'il déploie des efforts raisonnables pour attirer l'attention du commettant sur le montant approximatif et la source de la commission à recevoir. De toute évidence, le commettant sera influencé par le montant du bénéfice reçu par l'agent. Plus le bénéfice de l'agent sera élevé, plus le conflit d'intérêts sera important et, toute proportion gardée, plus le risque sera grand pour le commettant. La divulgation doit être faite en temps opportun en ce sens que le commettant doit être informé de l'existence du bénéfice dès que possible. Certes, la divulgation doit être faite au moment où la récompense risque d'influencer l'agent relativement aux affaires du commettant. En conséquence, il est essentiel que l'agent divulgue clairement au commettant d'une façon aussi diligente que possible la source et le montant, exact ou approximatif, du bénéfice.
Le rapport découlant du mandat ne sera protégé que dans le cas où la divulgation est à la fois appropriée et faite en temps opportun. Muni de ces renseignements, le commettant pourra alors déterminer s'il doit se fier aux conseils de l'agent et dans quelle mesure. Il serait préférable que cette divulgation soit faite par écrit.
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