mercredi 18 mai 2016

Objet de l'enquête préliminaire et pouvoir du juge

R. c. Hakim, 2012 QCCQ 7818 (CanLII)


[9]           Selon la Cour suprême du Canada, dans l'arrêt Mills:
L'enquête préliminaire vise à déterminer s'il y a des éléments de preuves admissibles qui sont suffisants pour renvoyer l'inculpé à son procès. C'est la seule fonction du juge.
[10]        C'est donc dire que le juge doit déterminer s'il y a une preuve prima facie ou, comme le soutient le juge Estey de la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Skogman, s'il y a un «soupçon de preuve» qui permet de renvoyer l'accusé à procès.
[11]        Toutefois, dans l'analyse de cette preuve, le Tribunal doit s'assurer, comme l'a dit le juge Estey dans l'arrêt Skogman, que «le but d'une enquête préliminaire est d'empêcher l'accusé de subir un procès public inutile, voire abusif, lorsque la poursuite ne possède aucun élément de preuve justifiant la continuation de l'instance.»
[12]        La poursuite ayant soumis que la preuve présentée sur les neuf (9) chefs d'accusation est une preuve directe, alors que la défense soumet qu'il s'agit d'une preuve circonstancielle, et le procureur de l'accusé, dans ses représentations, ayant en quelque sorte invité le Tribunal à évaluer la preuve, l'arrêt de la Cour suprême du Canada, dans Arcuri, apporte une réponse à cette question et un éclairage sur le pouvoir d'un juge lorsque confronté à des preuves directes et circonstancielles.
[13]        Dans cette décision, dès le premier paragraphe, la Juge en chef McLachlin, a répondu à la question concernant l'évaluation de la preuve:
Le présent pourvoi soulève la question de savoir s'il est loisible à un juge présidant l'enquête préliminaire d'«évaluer la preuve» afin de déterminer si celle-ci est suffisante pour justifier le renvoi de l'accusé à son procès. Pour les motifs qui suivent, je confirme la règle bien établie selon laquelle un juge présidant l'enquête préliminaire doit décider s'il existe suffisamment d'éléments de preuve pour permettre à un jury, ayant reçu des directives appropriées et agissant de manière raisonnable, de conclure à la culpabilité, et le corollaire selon lequel le juge doit évaluer la preuve uniquement pour déterminer si elle peut étayer les inférences que le ministère public veut que le jury fasse. Comme notre Cour l'a énoncé à maintes reprises, cette tâche n'impose pas au juge présidant l'enquête préliminaire de tirer des inférences d'après les faits ou d'apprécier la crédibilité. Le juge présidant l'enquête préliminaire doit plutôt déterminer si la preuve dans son ensemble peut raisonnablement étayer un verdict de culpabilité, tout en reconnaissant pleinement le droit du jury de faire des inférences de fait justifiables et d'apprécier la crédibilité.
[14]        Plus loin, elle ajoute ceci:
… Par conséquent, le juge doit évaluer la preuve, en ce sens qu'il doit déterminer si celle-ci est raisonnablement susceptible d'étayer les inférences que le ministère public veut que le jury fasse. Cette évaluation est cependant limitée. Le juge ne se demande pas si, personnellement, il aurait conclu à la culpabilité de l'accusé. De même, le juge ne tire aucune inférence de fait, pas plus qu'il apprécie la crédibilité. Le juge se demande uniquement si la preuve, si elle était crue, peut raisonnablement étayer une inférence de culpabilité.
[15]        Concernant la preuve directe et la preuve circonstancielle, la juge McLachlin mentionne ce qui suit:
… Lorsque le ministère public présente une preuve directe à l'égard de tous les éléments de l'infraction, il y a lieu de procéder à l'instruction de l'affaire, peu importe l'existence de la preuve de la défense, puisque par définition la seule conclusion à laquelle il faut arriver concerne la véracité de la preuve. Cependant, lorsque la preuve présentée par le ministère public est constituée d'éléments de preuve circonstancielle ou en contient, le juge doit procéder à une évaluation limitée afin de déterminer si, dans l'ensemble de la preuve (c.-à-d. qui comprend la preuve de la défense ), un jury équitable ayant reçu des directives appropriées pourrait raisonnablement arriver à un verdict de culpabilité.
[16]        Un résumé du rôle du juge se retrouve dans le Traité général du droit de la preuve et de procédure pénale des auteurs Béliveau et Vauclair.
1851 – En effet, il faut bien admettre que le rôle du juge de paix présidant l'enquête préliminaire est aujourd'hui plutôt limité: il ne vise qu'à examiner l'existence d'une preuve prima facie d'une infraction. Si cette preuve existe, le juge de paix  n'a d'autre choix que de renvoyer l'accusé à procès.
1873 – Le critère de décision est la présence d'une preuve prima facie de l'infraction, c'est-à-dire l'existence d'une preuve qui, soumise à un jury raisonnablement bien instruit en droit ou au juge du procès, permettrait de rendre un verdict de culpabilité. Aussi, afin d'évaluer la suffisance de la preuve, le juge doit donc se limiter à constater l'existence d'éléments de preuve relatifs à tous les éléments essentiels de l'infraction, sans toutefois  évaluer la crédibilité ou la fiabilité des témoins, appréciation qui relèvera plutôt du juge des faits au procès si la tenue de ce dernier est ordonnée. Comme la Cour suprême l'a mentionné dans l'arrêt Arcuri, si le ministère a présenté une preuve directe relativement à chaque élément de l'infraction, le travail du juge de paix s'arrête là en pratique, de sorte que la citation à procès sera normalement automatique, même si l'accusé a présenté une preuve disculpatoire. La seule exception viserait le cas où l'infraction fait appel à l'appréciation d'une marge de raisonnabilité du comportement de l'accusé, par exemple en matière de négligence criminelle. Le juge de paix devra déterminer si la conduite peut satisfaire au critère prescrit par le droit, sans évidemment décider si c'est le cas. À cet égard, il doit procéder à la même évaluation que le juge du procès appelé à déterminer la vraisemblance d'un moyen de défense à être soumis au jury.
[17]        À l'évidence, le pouvoir d'un juge à l'étape de l'enquête préliminaire est très limité et diffère de beaucoup de celui qu'il a lors d'un procès.
[18]        Il en est de même pour la preuve car la poursuite, au lieu de devoir faire une preuve hors de tout doute raisonnable, n'a qu'à faire une preuve prima facie de chacun des éléments de l'infraction reprochée et dont le juge n'a qu'à constater la suffisance.

Règles régissant le non-lieu

R. c. Hakim, 2013 QCCQ 15960 (CanLII)


[10]        Les auteurs Béliveau et Vauclair définissent de la façon suivante les règles du non-lieu:
La poursuite doit, avant de déclarer que sa preuve est close, avoir soumis une preuve prima facie de l'infraction, c'est-à-dire qu'il doit y avoir au dossier une preuve admissible relative à chacun des éléments de l'infraction, preuve qui est telle qu'elle permettrait à un jury correctement instruit en droit de pouvoir raisonnablement prononcer un verdict de culpabilité. En fait, le critère est le même que celui applicable pour justifier une citation à procès lors de l'enquête préliminaire. Le juge n'a donc pas, à cette étape, à évaluer la force probante de la preuve ou la crédibilité des témoins.
[11]        Dans un arrêt récent rendu le 12 novembre 2013, la Cour d'appel du Québec, bien qu'elle ait rejeté l'appel, reproche au juge d'avoir apprécié la preuve pour accorder la requête en non-lieu et rappelle le principe que l'accusé ne peut être libéré qu'en cas d'absence totale de preuve à l'appui du chef d'accusation déposé.
[12]        Le juge Grenier de la Cour supérieure, résume de la façon suivante le type de preuve nécessaire:
[15] La cour suprême du Canada a statué que toute preuve admissible, aussi minime soit-elle, doit être soumise à l'attention du jury. Ce n'est que lorsqu'il y a absence totale de preuve qu'on peut accueillir une requête pour verdict dirigé devant jury ou une requête en non-lieu, devant un juge seul, R.c.Monteleone, 1987 CanLII 16 (CSC)[1987] 2 R.C.S. 154.
[16] Dans R. c. Skogman 1984 CanLII 22 (CSC)[1984] 2 R.C.S. 93, la Cour suprême a réitéré que la plus petite preuve, sur chacun des éléments essentiels de l'infraction, est suffisante, et ce, tant pour le pourvoi à procès que pour rejeter une requête en non-lieu.

L'appréciation du caractère (trop) lointain (ou non) du risque de privation

R. c. Riesberry, [2015] 3 RCS 1167, 2015 CSC 65 (CanLII)
[20]                          Comme c’est le cas de pratiquement toutes les infractions, la fraude comporte deux éléments principaux, l’acte prohibé (l’actus reus) et l’état d’esprit requis (la mens rea). L’argumentation de M. Riesberry est axée sur l’un des deux aspects suivants de l’actus reus :
           1. . . . une supercherie, [. . .] un mensonge ou [. . .] un autre moyen dolosif, et
           2. [une] privation causée par l’acte prohibé, qui peut consister en une perte véritable ou dans le fait de mettre en péril les intérêts pécuniaires de la victime.

(R. c. Théroux1993 CanLII 134 (CSC)[1993] 2 R.C.S. 5, p. 20; R. c. Zlatic1993 CanLII 135 (CSC)[1993] 2 R.C.S. 29, p. 43)
[21]                          Le débat en l’espèce porte sur l’aspect relatif à la privation. M. Riesberry soutient qu’il n’y avait aucune preuve que sa conduite frauduleuse ait créé quelque risque de privation que ce soit ou, au demeurant, que le lien entre ce risque et ses actes est trop indirect. Il soutient que le ministère public n’a pas démontré que les personnes qui ont parié lors de cette course ont été incitées à parier en raison de sa conduite frauduleuse ou qu’elles n’auraient pas parié n’eut été sa conduite frauduleuse.
[22]                          Je ne puis accepter cet argument. Contrairement à ce que prétend M. Riesberry, il n’est pas toujours nécessaire, pour prouver la fraude, de démontrer que la présumée victime s’est fondée sur la conduite frauduleuse ou qu’elle a été incitée en raison de celle‑ci à agir à son détriment. Il faut, dans tous les cas, démontrer l’existence d’un lien de causalité suffisant entre l’acte frauduleux et le risque de privation de la victime. Dans certains cas, ce lien de causalité peut être établi en démontrant que la victime de la fraude a agi à son détriment parce qu’elle s’est fiée au comportement frauduleux de l’accusé ou que ce comportement l’a incitée à agir. Mais ce n’est pas la seule façon d’établir le lien de causalité.
[23]                          Il convient tout d’abord de bien préciser en quoi consistait le comportement frauduleux de M. Riesberry avant de passer à la question de savoir si ce comportement a créé un risque de privation. Pour les besoins d’une poursuite pour fraude, le comportement frauduleux ne se limite pas à la tromperie, par exemple par de fausses indications sur des faits. La fraude exige plutôt la preuve d’une « supercherie, [d’un] mensonge ou [d’un] autre moyen dolosif » :par. 380(1). L’expression « autre moyen dolosif » englobe « tous les autres moyens qu’on peut proprement qualifier de malhonnêtes » : R. c. Olan1978 CanLII 9 (CSC)[1978] 2 R.C.S. 1175, p. 1180. La Chambre des lords avait posé ce principe dans l’arrêt Scott c. Metropolitan Police Commissioner,[1975] A.C. 819, une décision que notre Cour a reprise à son compte dans l’arrêt Olan (p. 1181). Selon le vicomte Dilhorne dans l’arrêt Scott, la fraude peut consister à priver [traduction] « malhonnêtement une personne de quelque chose qui lui appartient ou de quelque chose à laquelle elle a, aurait ou pourrait avoir droit, n’eût été la perpétration de la fraude » : p. 839. Et comme l’a dit lord Diplock au sujet des moyens dolosifs, « il n’est pas nécessaire qu’il y ait des déclarations mensongères comme c’est le cas pour le dol au civil » : ibid., p. 841.
[24]                          Il s’ensuit que lorsque l’acte que l’on dit frauduleux ne s’apparente pas à la supercherie ou au mensonge, comme dans le cas d’une fausse indication sur les faits, la démonstration de l’existence du lien de causalité entre le comportement malhonnête et la privation ne dépend pas nécessairement de la preuve que la victime s’est fondée sur l’acte frauduleux ou que cet acte frauduleux l’a incitée à agir. C’est le cas en l’espèce.
[25]                          M. Riesberry a administré et a tenté d’administrer aux chevaux de course des substances améliorant leur performance. L’usage de ces drogues est interdit, et il est même interdit aux entraîneurs comme M. Riesberry d’avoir en leur possession dans un hippodrome des seringues pleines. Ce comportement constituait un « autre moyen dolosif » parce que, dans le milieu très réglementé dans lequel il exerçait ses activités, M. Riesberry a adopté un comportement qu’on peut « proprement qualifier de malhonnêt[e] » : Olan, p. 1180. M. Riesberry a accompli ces actes malhonnêtes dans le but d’infléchir l’issue de deux courses de chevaux sur lesquelles des membres du public avaient parié. Ses actes malhonnêtes visaient donc à se traduire par la possibilité qu’un cheval qui aurait autrement pu gagner ne gagne pas, et ils ont effectivement eu ce résultat dans un cas. Son comportement a par conséquent créé un risque de privation pour les parieurs; il a créé le risque de parier sur un cheval qui, n’eussent été les agissements malhonnêtes de M. Riesberry, aurait pu gagner, ce qui aurait permis aux personnes ayant parié sur ce cheval de remporter de l’argent. Rappelant les propos formulés par le vicomte Dilhorne dans l’arrêt Scott, les agissements malhonnêtes de M. Riesberry ont créé le risque que les parieurs soient malhonnêtement privés de ce qu’ils auraient pu obtenir, n’eût été l’acte malhonnête.
[26]                          Il existe un lien de causalité direct entre les actes malhonnêtes de M. Riesberry et le risque de privation financière des parieurs. En clair, une course truquée crée un risque de préjudice pour les intérêts économiques des parieurs. Dès lors qu’il existe un lien de causalité, l’absence d’incitation ou de confiance est sans importance. Je suis d’accord avec la Cour d’appel pour dire que c’est à tort que M. Riesberry invoque l’arrêt Vézina et Côté c. La Reine,1986 CanLII 93 (CSC)[1986] 1 R.C.S. 2. Comme cet arrêt le précise,

Excellente revue de la jurisprudence relative à la fraude

R. v. John Matthew Lauer, 2011 PECA 5 (CanLII)


THE ACT OF FRAUD (the Actus Reus)

[79]           The act of fraud is made out where:

a.                  there is a dishonest act involving deceit, falsehood or other fraudulent means assessed objectively through the eyes of a reasonable person as dishonest commercial conduct. See: R. v. Zlatic1993 CanLII 135 (SCC)[1993] 2 S.C.R. 29 at p.9;

and


b.                  deprivation caused by proof of detriment, prejudice, or risk of placing the victim’s pecuniary interests at risk, caused by the dishonest act.  See: R. v. Théroux, supra.

[80]           In instances of fraud by deceit Nightingale at p.2-24 summarized general principles applicable to fraud by way of deceit, and some examples are:

(1)           Deceit is defined as inducing a person to believe that a thing is true which is false and the person practising the deceit knows or believes to be false.

(2)           Deceit may be practised by means of an oral representation, a written representation or by conduct.

(3)           The deceit may be in relation to a matter of fact, an intention or undertaking as to future conduct.

(4)           The subsequent honouring of intention or a future undertaking does not remove culpability.

(5)           A deceit does not have to be false pretence in law.

(6)           ‘Dishonesty’ does not have to be proven in addition to proof of deceit.

(7)           The deceit must induce a state of mind, being belief in the truth of the misrepresentation.

(8)           Deceit does not have to be practised upon the victim.

(9)           There must be a causal connection between the deceit and the deprivation suffered victim.

(10)         The deceit need only be an effective cause of the deprivation suffered by the victim. It does not need to be the exclusive cause of the deprivation.

(11)         The fact that persons other than the person to whom the representation was made was induced by the accused’s misrepresentation does not remove culpability.

(12)         The failure to avoid the deception by the person to whom the  misrepresentation was made does not remove culpability.

(13)         Deceit is not a required element of the actus reus of fraud, but is  merely one of the means by which fraud may be practised.


[81]           Falsehood is defined in the Concise Oxford Dictionary as meaning something which is untrue, contrary to fact; lying, lies.  In R. v. Gupta2007 CanLII 51705 (ON SC)2007 CanLII 51705 the Court held that the conduct element of “falsehood” was established by proof of material “misrepresentations of fact.”

[82]           What constitutes “other fraudulent means” as set out in s.380 of the Criminal Code was summarized by Ms. Nightingale at pp.3-12 and 3-13.  The principles of other fraudulent means can be identified as follows:

(1)           The issue of whether conduct will be characterized as ‘other fraudulent means’ is a question of fact to be determined by the trier of fact;

(2)           Canadian courts, unlike their English counterparts, do not define the concepts of ‘dishonest’ or ‘other fraudulent means’ for the trier of fact;

(3)           The English cases, with respect to the definition of ‘dishonesty’ and the identification standard against which conduct is to be measured are no longer accepted as part of Canadian law of fraud;

(4)           As with all other elements of actus reus, an objective test is to be utilized in the determination of whether the accused’s conduct can be characterized as ‘other fraudulent means;’

(5)           Conduct will be characterized as being ‘other fraudulent means’ if a reasonable person would  consider the conduct of the accused to be dishonest.

[83]           Both the Théroux and Zlatic decisions identified different types of conduct which may be characterized as “other fraudulent means.”  They are:

a.                  the use of corporate funds for personal purposes;

b.                  the non-disclosure of material facts;

c.                  exploiting the weakness of another;

d.                  unauthorized diversion of funds; and

e.                  unauthorized arrogation of funds or property.

(See: Nightingale, supra, p.3-13.)

[84]           Deprivation or the risk of deprivation must also be shown.  The act of fraud may be made out if there was no loss to the victim provided there was a risk of loss.


THE INTENTION TO COMMIT FRAUD (the Mens Rea)

[85]           To establish the intention to commit fraud the Crown must prove that the accused knowingly undertook acts which constitute the falsehood, deceit or other fraudulent means, and the accused was aware that deprivation or risk of deprivation could result from such conduct.

[86]           In R. v. Théroux, supra, at p.8, McLachlin J., in dealing with the application of the principle of mens rea to the offence of fraud, stated as follows:

[24]         ...  The mens rea would then consist in the subjective awareness that one was undertaking a prohibited act (the deceit, falsehood or other dishonest act) which could cause deprivation in the sense of depriving another of property or putting that property at risk. If this is shown, the crime is complete. The fact that the accused ...  may have felt there was nothing wrong with what he or she was doing, provides no defence. ... the proper focus in determining the mens rea of fraud is to ask whether the accused intentionally committed the prohibited acts (deceit, falsehood, or other dishonest act) knowing or desiring the consequences proscribed by the offence (deprivation, including the risk of deprivation). ...

CONCLUSION ON THE LAW OF FRAUD

[87]           The Court, at p.11 in the Théroux case, summarizes the onus placed upon the Crown with respect to the actus reus and mens rea of fraud in the following terms:

[39]         ... To establish the actus reus of fraud, the Crown must establish beyond a reasonable doubt that the accused practised deceit, lied, or committed some other fraudulent act. Under the third head of the offence it will be necessary to show that the impugned act is one which a reasonable person would see as dishonest. Deprivation or the risk of deprivation must then be shown to have occurred as a matter of fact. To establish the mens rea of fraud the Crown must prove that the accused knowingly undertook the acts which constitute the falsehood, deceit or other fraudulent means, and that the accused was aware that deprivation could result from such conduct.

vendredi 13 mai 2016

La preuve d'identification - revue de la jurisprudence

R. v. Friesen, 2005 SKPC 68 (CanLII)



[8]        In R. v. Burke, 1996 CanLII 229 (SCC)[1996] 105 CCC (3d) 205 (S.C.C.), Lamer C.J.C. made the following comments at pp. 224-5, regarding the potential pitfalls of identification evidence:

“The cases are replete with warnings about the casual acceptance of identification evidence even when such identification is made by direct visual confrontation of the accused.  By reason of the many instances in which identification has proven erroneous, the trier of fact must be cognizant of ‘the inherent frailties of identification evidence arising from the psychological fact of the unreliability of human observation and recollection’.” Regina v. Sutton 1969 CanLII 497 (ON CA)[1970] 3 CCC 152.”

[9]        In R. v. Spatola1970 CanLII 390 (ON CA)[1970] 4 CCC 241 (Ont. C.A.) at p. 249, Laskin J.A. (as he then was) made the following observation about identification evidence:
‘Errors of recognition have a long documented history.  Identification experiments have underlined the frailty of memory and the fallibility of powers of observation.  Studies have shown the progressive assurance that builds upon an original identification that may be erroneous. . . The very question of admissibility of identification evidence in some of its aspects has caused sufficient apprehension in some jurisdictions to give pause to uncritical reliance on such evidence, when admitted, as the basis of conviction. . .”
See also R. v. Richards, [2002] O.J. No. 2830 (Ont. Sup. Court of Justice)

[10]      The case of R. v. Hibbert (2002), 2002 SCC 39 (CanLII)163 C.C.C. (3d) 129 ( SCC) bore some similarity to the present case and the difficulties encountered with identification. Justice Arbour, writing for the majority, discussed the frailty of in-court identification following a failure to identify from a photo lineup as well as the danger of allowing a witness to see a suspect under arrest or detained by the police:
“¶ 45 The evidence of identification was both direct and circumstantial. The concerns expressed by the appellant are addressed to the direct evidence and, in particular, to the alleged insufficiency of the charge with respect to the in‑court identifications.

¶ 46 As pointed out by the Court of Appeal, it is true that the trial judge addressed the frailties of the identification evidence. In the middle of a passage which highlighted several potential grounds for suspicion about the reliability of eyewitness identification, the trial judge said [2000 BCCA 144 (CanLII)219 W.A.C. 281 at pp. 289‑90]: However, you must consider the possibility that Mrs. McLeod identified the accused in court from her memory of either the photograph in the line‑up or  the television newscast instead of from her memory of the person she saw at 151 Campbell Street on October 24, 1993. You must also consider the same possibility in respect of Mrs. Baker's in court identification of the accused. I also remind you that both Mrs. McLeod and Mrs. Baker positively identified the accused for the first time when each was asked to identify him in the courtroom at the preliminary hearing and at the first trial and at this trial and the law provides that the identification of the accused for the first time in the courtroom after a failure to positively identify him from a photo line‑up is to be accorded little weight. (Emphasis added)

¶ 51 The danger of wrongful conviction arising from faulty but apparently persuasive      eyewitness identification has been well documented. Most recently the Honourable Peter deC. Cory, acting as Commissioner in the Inquiry regarding Thomas Sophonow, made recommendations regarding the conduct of live and photo line‑ups, and [page148] called for stronger warnings to the jury than were issued in the present case (Peter deC. Cory, The Inquiry Regarding Thomas Sophonow: The Investigation, Prosecution and Consideration of Entitlement to Compensation (2001) ("Sophonow Inquiry"), at pp. 31‑34).
¶ 52 While it is unnecessary to consider these recommendations in detail, I share the concern expressed by the Commissioner and, in this particular case, I think it would have been prudent to emphasize for the benefit of the jury the very weak link between the confidence level of a witness and the accuracy of that witness (Sophonow Inquiry, at p. 28). Moreover, here it should also have been stressed that the impact of Mrs. McLeod having seen the appellant arrested by the police as her alleged assailant could not be undone. Nor could she be expected to divorce her previous recollection of her assailant from the mental image that she formed after having seen the appellant on television.”

[11]      The Hibbert decision referred with approval to the recommendations of the former Mr. Justice Cory of the SCC in the Sophonow Inquiry regarding identification. Those recommendations regarding live and photo line-up identification are reproduced below, with emphasis added in italics:
“The Inquiry Regarding Thomas Sophonow
The Investigation, Prosecution and Consideration of Entitlement to Compensation
Recommendations
. . .
EYEWITNESS IDENTIFICATION
Live line‑up
The third officer who is present with the prospective eyewitness should have no knowledge of the case or whether the suspect is contained in the line‑up.
The officer in the room should advise the witness that he does not know if the suspect is in the line‑up or, if he is, who he is. The officer should emphasize to the witness that the suspect may not be in the line‑up.
All proceedings in the witness room while the line‑up is being watched should be recorded, preferably by videotape but, if not, by audiotape.
All statements of the witness on reviewing the line‑up must be both noted and recorded verbatim and signed by the witness.
When the line‑up is completed, the witness should be escorted from the police premises. This will eliminate any possibility of contamination of that witness by other officers, particularly those involved in the investigation of the crime itself.
The fillers in the line‑up should match as closely as possible the descriptions given by the eyewitnesses at the time of the event. It is only if that is impossible, that the fillers should resemble the suspect as closely as possible.

At the conclusion of the line‑up, if there has been any identification, there should be a question posed to the witness as to the degree of certainty of identification. The question and answer must be both noted and recorded verbatim and signed by the witness. It is important to have this report on record before there is any possibility of contamination or reinforcement of the witness.
The line‑up should contain a minimum of 10 persons. The greater the number of persons in the line‑up, the less likelihood there is of a wrong identification.
. . .
Photo pack line‑up     
The photo pack should contain at least 10 subjects.     
The photos should resemble as closely as possible the eyewitnesses' description. If that is not possible, the photos should be as close as possible to the suspect.  
Everything should be recorded on video or audiotape from the time that the officer meets the witness, before the photographs are shown through until the completion of the interview. Once again, it is essential that an officer who does not know who the suspect is and who is not involved in the investigation conducts the photo pack line‑up.
Before the showing of the photo pack, the officer conducting the line‑up should confirm that he does not know who the suspect is or whether his photo is contained in the line‑up. In addition, before showing the photo pack to a witness, the officer should advise the witness that it is just as important to clear the innocent as it is to identify the suspect. The photo pack should be presented by the officer to each witness separately.
The photo pack must be presented sequentially and not as a package.        
In addition to the videotape, if possible, or, as a minimum alternative, the audiotape, there should be a form provided for setting out in writing and for signature the comments of both the officer conducting the line‑up and the witness. All comments of each witness must be noted and recorded verbatim and signed by the witness.     
Police officers should not speak to eyewitnesses after the line‑ups regarding their identification or their inability to identify anyone. This can only cast suspicion on any identification made and raise concerns that it was reinforced.          
It was suggested that, because of the importance of eyewitness evidence and the high risk of contaminating it, a police force other than the one conducting the investigation of the crime should conduct the interviews and the line‑ups with the eyewitnesses. Ideal as that procedure might be, I think that it would unduly complicate the investigation, add to its cost and increase the time required. At some point, there must be a reasonable degree of trust placed in the police. The interviews of eyewitnesses and the line‑up may be conducted by the same force as that investigating the crime, provided that the officers dealing with the eyewitnesses are not involved in the investigation of the crime and do not know the suspect or whether his photo forms part of the line‑up. If this were done and the other recommendations complied with, that would provide adequate protection of the process.”


[12]      I found an article in the Alan D. Gold Collection of Criminal Law Articles, ADGN/99‑1595, helpful in understanding the importance of sequential photo lineups and how they should be conducted. It is entitled: Useful Advice on Photo Line‑Ups October 4, 1999 "Research And Valid Photo‑Lineups: Recommendations From 130 Years Of Memory Research," by Larry Gist, J.D. and Curtis E. Wills, Ed.D., Reprinted in "Mouthpiece", vol. 12, no. 4, July/August 1999, New York State Association of Criminal Defence Lawyers from "The Voice" by permission of the Texas Association of Criminal Defense Lawyers.
. . .
“Sequential (One at a Time) Procedures
False identifications may be the result of the relative judgment (all at once) process. When this "one at a time" procedure is compared to simultaneous (all at once) procedures, the sequential procedure is superior. Trial scientists found that the traditional procedure (viewing all photos at once) permits the relative judgment process to reduce accuracy. In the sequential procedure, each photo is examined individually and the witness decides whether or not that person is the culprit, before viewing subsequent photos. This superior absolute judgment process increases accuracy.
. . .
Sequential (One at A Time) Presentations
In a sequential (one at a time) procedure, an eyewitness views the photos individually and makes a decision (that the photo is/is not the perpetrator) before viewing the next lineup photo. Compared to the usual simultaneous procedure, it is clear that the sequential procedure produces a lower rate of false identifications in perpetrator‑absent photo‑lineups. Therefore the fifth recommendation, if added, would be that the photo‑lineup would be sequentially rather than simultaneously (all at once) presented. . .” 

[13]      In a further article posted in the Alan D. Gold Collection of Criminal Law Articles, ADGN/RP‑196, entitled, Eyewitness Identification Evidence: Emerging Issues, by Justice Casey Hill of the Ontario Superior Court of Justice, dated December 2004, the validity and procedure for sequential line-ups were discussed:

“SEQUENTIAL LINE‑UPS

¶ 12      The traditional line‑up approach of police authorities has been to simultaneously show an eyewitness a suspect and foils or distractors. For example, an eyewitness might be asked to view a lay‑out of 12 photographs.

¶ 13      In sequential line‑up procedure, on the other hand, the witness is shown one photo at a time and has no idea how many images he or she will be shown where no positive identification is made.


¶ 14      Because of a witness' desire to make an identification and the natural belief that the person responsible for the crime will be in a photo array, eyewitnesses examining a simultaneous line‑up have been shown to engage in relative or comparative judgment strategies ‑ comparing the photos in pursuit of identification of the individual who looks most like the witness' imprinted memory. [See Note 11 below]

[14]      Justice Hill, provided in a note the procedure taught in the Ontario Police College which calls for individual photographs being viewed one at a time and only once:
“Note 14: The Ontario Police College teaches the use of sequential photo line‑ups. See "Best Practice Recommendations For Eyewitness Procedures: New Ideas for the Oldest Way to Solve a Case", note 10 supra, at pp. 9‑11. The Inquiry Regarding Thomas Sophonow at note 9 supra recommended as to photo pack line‑ups that "The photo pack must be presented sequentially and not as a package". The National Institute of Justice, U.S. Department of Justice, Eyewitness Evidence: A Guide for Law Enforcement 9 (1999) (C. "Conducting the Identification Procedure ‑ Sequential Photo Lineup") (online at http://www.ojp.usdoj.gov/nij/pubs‑sum/178240.htm) and the New Jersey Guidelines for Preparing and Conducting Photo and Live Lineup Identification (promulgated by N.J. Dept. of Public Law and Safety, Office of the Attorney General, April 18, 2001) are virtually identical with the latter document providing:       

Sequential Photo Lineup: When presenting a sequential photo lineup, the lineup administrator or investigator should:
...
2. Provide the following additional viewing instructions to the witness:
a.   Individual photographs will be viewed one at a time.
b.   The photos are in random order.
c.   Take as much time as needed in making a decision about each photo before moving to the next one.
d.   All photos will be shown, even if an identification is made prior to viewing all photos; or the procedure will be stopped at the point of an identification (consistent with jurisdictional/departmental procedures).            
3. Confirm that the witness understands the nature of the sequential procedure.
4. Present each photo to the witness separately, in a previously determined order, removing those previously shown.
5. Avoid saying anything to the witness that may influence the witness' selection.            
6. If an identification is made, avoid reporting to the witness any information regarding the individual he or she has selected prior to obtaining the witness' statement of certainty.”

L'ouï-dire est permis en matière de remise en liberté

R. c. Rivest, 1996 CanLII 6580 (QC CA)



Le requérant reproche au premier juge d'avoir donné une valeur excessive aux éléments négatifs le concernant, éléments négatifs qui se dégageaient du témoignage à base de ouï-dire du policier enquêteur Lussier, et de la transcription de l'enregistrement de la conversation. 


Il est vrai que le témoignage du policier quant au mode de vie du prévenu était largement basé de ouï-dire, mais cela est permis en matière de remise en liberté.  De surcroît, il a été très longuement interrogé et contre-interrogé:  la transcription de son témoignage compte plus de 200 pages.

Best practices in Charter motions

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Tiré de : http://bccla.org/wp-content/uploads/2014/02/Best-Practices-in-Charter-Motions-%E2%80%93-Mr.-Justice-Cullen.pdf

La fiabilité de la parade d'identification

R. v. Bird, 2010 SKPC 170 (CanLII)


[29]           In R. v. Friesen, Judge Whelan referred to the recommendations of former Mr. Justice Cory of the Supreme Court of Canada in the Sophonow Inquiry [The Inquiry Regarding Thomas Sophonow: The Investigation, Prosecution and Consideration of Entitlement to Compensation (2001)]. The recommendations from the Sophonow Inquiry regarding photo line-up identification are as follows:

Photo pack line-up
The photo pack should contain at least 10 subjects.
The photos should resemble as closely as possible the eyewitnesses' description. If that is not possible, the photos should be as close as possible to the suspect.
Everything should be recorded on video or audiotape from the time that the officer meets the witness, before the photographs are shown through until the completion of the interview. Once again, it is essential that an officer who does not know who the suspect is and who is not involved in the investigation conducts the photo pack line-up.
Before the showing of the photo pack, the officer conducting the line-up should confirm that he does not know who the suspect is or whether his photo is contained in the line-up. In addition, before showing the photo pack to a witness, the officer should advise the witness that it is just as important to clear the innocent as it is to identify the suspect. The photo pack should be presented by the officer to each witness separately.
The photo pack must be presented sequentially and not as a package.

In addition to the videotape, if possible, or, as a minimum alternative, the audiotape, there should be a form provided for setting out in writing and for signature the comments of both the officer conducting the line-up and the witness. All comments of each witness must be noted and recorded verbatim and signed by the witness.
Police officers should not speak to eyewitnesses after the line-ups regarding their identification or their inability to identify anyone. This can only cast suspicion on any identification made and raise concerns that it was reinforced.
It was suggested that, because of the importance of eyewitness evidence and the high risk of contaminating it, a police force other than the one conducting the investigation of the crime should conduct the interviews and the line-ups with the eyewitnesses. Ideal as that procedure might be, I think that it would unduly complicate the investigation, add to its cost and increase the time required. At some point, there must be reasonable degree of trust placed in the police. The interviews of eyewitnesses and the line-up may be conducted by the same force as that investigating the crime, provided that the officers dealing with the eyewitnesses are not involved in the investigation of the crime and do not know the suspect or whether his photo forms part of the line-up. If this were done and the other recommendations complied with, that would provide adequate protection of the process.

Critère applicable à la communication de dossiers en la possession de tiers dans le cadre d’une demande de type Garofoli

Groupe de la Banque mondiale c. Wallace, 2016 CSC 15 (CanLII)
[116]                     Les intimés demandent la communication des dossiers de l’INT dans le cadre d’une demande de type Garofoli présentée en contestation des autorisations d’écoute électronique. La demande de type O’Connor concerne généralement la communication de documents qui se rapportent à des questions importantes ayant une incidence directe sur la reconnaissance de la culpabilité ou de l’innocence de l’accusé. La demande de type Garofoli a une portée plus limitée, car elle concerne la recevabilité de la preuve, à savoir les communications interceptées (Pires, par. 29‑30). Il s’agit d’une distinction importante, qu’il convient de clarifier. La demande de type O’Connor présentée dans le cadre d’une demande de type Garofoli doit être circonscrite aux questions limitées que soulève cette dernière. Les considérations de principe dans ce contexte commandent aussi une démarche restrictive.
[117]                     Le cadre d’analyse établi dans l’arrêt Garofoli permet d’apprécier le caractère abusif ou non de la fouille ou perquisition que constitue l’écoute électronique interceptant des communications privées. La fouille ou perquisition n’est pas abusive si les conditions légales préalables à la délivrance de l’autorisation d’écoute électronique ont été respectées (Garofoli, p. 1452; R. c. Duarte1990 CanLII 150 (CSC)[1990] 1 R.C.S. 30, p. 44‑46).
[118]                     En l’espèce, l’autorisation a été demandée en vertu des art. 185 et 186 du Code Criminel. Les conditions légales préalables sont simples : l’octroi de l’autorisation doit servir au mieux l’administration de la justice (Code criminel, al. 186(1)a)). Il doit donc exister des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise et que des renseignements relatifs à l’infraction seront obtenus (Duarte, p. 45). D’autres méthodes d’enquête doivent également avoir « été essayées et [avoir] échoué » ou avoir « peu de chance de succès », ou l’urgence de l’affaire doit être « telle qu’il ne serait pas pratique de mener l’enquête relative à l’infraction en n’utilisant que les autres méthodes d’enquête » (Code criminel, al. 186(1)b)).
[119]                     La demande de type Garofoli vise, non pas la question de savoir si les affirmations qui fondent la dénonciation en vue d’obtenir l’autorisation d’écoute électronique sont vraies — une question qui sera tranchée au procès —, mais celle de savoir si le déposant a « une croyance raisonnable en l’existence des motifs légaux requis » (Pires, par. 41). Ce qui importe, c’est ce que le déposant savait ou aurait dû savoir au moment où il a souscrit l’affidavit accompagnant la dénonciation. Comme le dit la Cour dans Pires, dans le contexte du droit de contre‑interroger le déposant :
                    . . . un contre‑interrogatoire qui ne fait que démontrer la fausseté de certains des renseignements sur lesquels se fonde le déposant est peu susceptible d’être utile à moins qu’il ne permette également d’étayer l’inférence que le déposant savait ou aurait dû savoir que ces renseignements étaient faux. Il ne faut pas oublier que l’autorisation d’écoute électronique constitue un outil d’enquête. [par. 41]
Il convient d’avoir ce critère étroit à l’esprit lorsqu’il s’agit d’autoriser ou non l’accusé voulant obtenir des éléments de preuve pour étayer sa demande de type Garofoli à procéder au contre‑interrogatoire. Comme nous allons l’expliquer, le même critère s’applique s’il sollicite la communication de dossiers par des tiers.
[120]                     En règle générale, il existe deux motifs de contestation d’une autorisation d’écoute électronique : le dossier dont disposait le juge qui a accordé l’autorisation ne permettait pas d’établir l’existence des conditions légales préalables, ou le dossier ne représentait pas fidèlement ce que le déposant savait ou aurait dû savoir et, s’il avait constitué un reflet fidèle, n’aurait pas justifié l’autorisation (R. c. Araujo2000 CSC 65 (CanLII)[2000] 2 R.C.S. 992, par. 50‑54; Pires, par. 41; voir également R. c. Grant1993 CanLII 68 (CSC)[1993] 3 R.C.S. 223, à propos de l’exclusion de renseignements obtenus de manière inconstitutionnelle et consignés dans les dénonciations en vue d’obtenir le mandat). En l’espèce, la contestation repose sur le deuxième motif (parfois appelée contestation au fond).
[121]                     Étant donné que la contestation au fond porte sur ce que le déposant savait ou aurait dû savoir au moment où il a souscrit l’affidavit, la fidélité de ce dernier est déterminée à la lumière de la croyance raisonnable du déposant au moment pertinent. Le juge Smart de la Cour suprême de la Colombie‑Britannique a résumé ainsi l’analyse relative à une contestation au fond d’une dénonciation en vue d’obtenir un mandat de perquisition :
                    [traduction]
                    Si le requérant démontre que le déposant savait ou aurait dû savoir la preuve fausse, inexacte ou trompeuse, cette preuve doit être retranchée de la [dénonciation] lorsqu’il s’agit de statuer sur la légalité du mandat. De même, si la défense démontre l’existence d’une autre preuve connue du déposant ou que ce dernier aurait dû connaître et inclure dans la [dénonciation] pour assurer une communication entière, impartiale et sincère, cette preuve peut être ajoutée lorsqu’il s’agit de statuer sur la légalité du mandat.
                    (R. c. Sipes2009 BCSC 612 (CanLII), par. 41 (CanLII))
[122]                     Les commentaires du juge Smart peuvent s’appliquer à une demande de type Garofoli (voir R. c. McKinnon2013 BCSC 2212 (CanLII), par. 12 (CanLII); voir aussi Grant, p. 251; R. c. Morelli2010 CSC 8 (CanLII)[2010] 1 R.C.S. 253, par. 40‑42). Ils vont dans le même sens que l’observation de la Cour dans Pires selon laquelle une erreur ou une omission n’est pas pertinente dans le cadre d’une demande de type Garofoli si le déposant ne pouvait pas raisonnablement en connaître l’existence (par. 41). S’il fallait évaluer l’affidavit à la lumière de la vérité ultime plutôt que de la croyance raisonnable du déposant, l’audition de la demande de type Garofoli servirait à faire le procès de chaque affirmation dans l’affidavit, ce que la Cour veut depuis longtemps éviter (Pires, par. 30; voir aussi R. c. Ebanks2009 ONCA 851 (CanLII)97 O.R. (3d) 721, par. 21).
[123]                     Il importe de souligner, pour le tribunal appelé à examiner une contestation au fond, que le déposant ne peut faire abstraction des éléments donnant à penser que d’autres agents peuvent l’induire en erreur ou omettre des renseignements importants. Toutefois, en l’absence de tels signes, il n’a pas à mener sa propre enquête (R. c. Ahmed2012 ONSC 4893[2012] O.J. no 6643 (QL), par. 47; voir Pires, par. 41).
[124]                     Ayant ces principes à l’esprit, nous n’écartons pas la possibilité qu’une personne se prévale de la procédure de type O’Connor pour obtenir des documents à l’appui d’une demande de type Garofoli, mais le critère de pertinence dans ce cas est plus restrictif que celui qui s’applique ordinairement à la première. Plus précisément, l’accusé prétendant que des documents en la possession de tiers sont pertinents pour sa demande de type Garofoli doit démontrer qu’il est raisonnablement probable que ces documents auront une valeur probante quant aux questions que soulève sa demande. Le fait que les documents soient susceptibles de démontrer des erreurs ou omissions dans l’affidavit ne suffit pas à miner l’autorisation. Ils doivent aussi permettre de démontrer que le déposant connaissait ou aurait dû connaître l’existence des erreurs ou des omissions. Si les documents dont la communication est sollicitée ne sauraient étayer cette inférence, ils ne sont pas pertinents dans le cadre de la demande de type Garofoli (Pires, par. 41).
[125]                     Ce critère, qui régit la communication de documents par des tiers, s’applique également — à juste raison — à une autre forme d’enquête préalable menée dans le cadre d’une demande de type Garofoli : le contre‑interrogatoire du déposant. Les deux formes visent des objets similaires et soulèvent des préoccupations de principe semblables. Elles doivent être traitées de la même façon.
[126]                     L’accusé qui présente une demande de type Garofoli ne peut contre‑interroger le déposant qu’avec l’autorisation du juge du procès, qui l’accorde si l’accusé démontre « qu’il existe une probabilité raisonnable que le contre‑interrogatoire du déposant apporte un témoignage probant à l’égard de la question soumise à l’appréciation du juge siégeant en révision » (Pires, par. 3; voir aussi Garofoli, p. 1465). Bref, l’accusé doit démontrer que le contre‑interrogatoire est raisonnablement susceptible de se révéler utile lorsqu’il s’agit de trancher sa demande.
[127]                     Dans l’arrêt Pires, la Cour a confirmé la constitutionnalité de l’exigence subordonnant le contre‑interrogatoire du déposant à l’autorisation judiciaire ainsi que du critère applicable, et ce, pour trois raisons. Premièrement, le critère applicable à une demande de type Garofoli circonscrit le type de questions sur lesquelles peut porter le contre‑interrogatoire (Pires, par. 40‑41). Le critère sert principalement à assurer la pertinence du contre‑interrogatoire (par. 3 et 31). Deuxièmement, le contre‑interrogatoire comporte le risque que l’identité confidentielle des informateurs soit révélée par inadvertance (par. 36). Troisièmement, le contre‑interrogatoire peut entraîner du gaspillage et des retards inutiles. Le critère « n’est rien de plus qu’un moyen de s’assurer que [. . .] l’instance demeure sur la bonne voie » (par. 31).
[128]                     Ces trois raisons s’appliquent avec autant de force à la demande de communication par des tiers. Premièrement, les questions que soulève une demande de type Garofoli sont limitées. La pertinence des renseignements demandés s’apprécie en fonction de ces questions limitées. Une conclusion quant à la fausseté d’un renseignement dans les affidavits du serg. Driscoll n’est pertinente que dans la mesure où elle étaye l’inférence qu’il le savait ou aurait dû le savoir faux.
[129]                     Deuxièmement, la communication de documents auxquels le déposant n’a pas eu accès risque de révéler l’identité confidentielle d’informateurs. Bien qu’il est plus facile de censurer des documents que le témoignage d’un déposant, la Cour a reconnu qu’il est « quasi impossible pour le tribunal de savoir quel détail peut permettre de révéler l’identité d’un indicateur anonyme » (R. c. Leipert1997 CanLII 367 (CSC)[1997] 1 R.C.S. 281, par. 28). Les tribunaux d’instance inférieure ont également reconnu qu’il est long et difficile pour la police de censurer adéquatement les notes originales des informateurs, ce qui, dans une affaire complexe, est susceptible de représenter des centaines de rapports et d’occuper plusieurs agents (Ahmed, par. 46; R. c. Croft2013 ABQB 705 (CanLII)576 A.R. 333, par. 32).
[130]                     Enfin, les demandes en vue d’obtenir la communication de volumineux dossiers par des tiers risquent de perturber les étapes préalables au procès. En l’espèce, l’ordonnance de communication pourrait viser des centaines, voire des milliers, de pages. Les demandes de divulgation massive sont une cause fréquente de retards (P. J. LeSage et M. Code, Rapport sur l’examen de la procédure relative aux affaires criminelles complexes (2008), p. 54‑66). Il en va de même des demandes de communication de dossiers par des tiers. La procédure qui consiste à obtenir, réviser et censurer les documents dans les affaires d’écoute électronique peut requérir d’importantes ressources policières (voir, à ce sujet, R. W. Hubbard, P. M. Brauti et S. K. Fenton,Wiretapping and Other Electronic Surveillance : Law and Procedure, (feuilles mobiles), vol. 2, p. 8‑12 à 8‑12.7). Ce serait la même chose pour les tiers dans le cas d’une demande de type O’Connor. Un critère de pertinence étroit est donc nécessaire pour faire obstacle aux demandes de communication « qui reposent sur la conjecture et qui sont fantaisistes, perturbatrices, mal fondées, obstructionnistes et dilatoires » (R. c. Chaplin1995 CanLII 126 (CSC),[1995] 1 R.C.S. 727, par. 32; cité par le juge en chef Lamer et le juge Sopinka, majoritaires sur ce point, dans O’Connor, par. 24).
[131]                     Les tribunaux inférieurs ont reconnu ces préoccupations, que les documents soient entre les mains de la police ou de tiers (AhmedR. c. Ali,2013 ONSC 2629 (CanLII)R. c. Alizadeh2013 ONSC 5417 (CanLII)CroftR. c. Way2014 NSSC 180 (CanLII)345 N.S.R. (2d) 258). Nous n’avons pas à examiner la portée du régime de divulgation de la preuve établi dans l’arrêt Stinchcombe dans le contexte d’une demande de type Garofoli, car nous ne sommes pas saisis de cette question. Toutefois, il est clair que les tribunaux inférieurs assimilent au contre‑interrogatoire la divulgation de la preuve par la Couronne et la communication d’autres documents. Ils ont donc appliqué le même critère de pertinence. Lorsqu’ils y ont dérogé, c’était parce que les documents demandés appartenaient au genre de renseignements qui doivent être divulgués suivant l’arrêt Stinchcombe (voir R. c. Bernath2015 BCSC 632 (CanLII), par. 78‑80 (CanLII); R. c. Edwardsen2015 BCSC 705 (CanLII)338 C.R.R. (2d) 191, par. 73‑74; R. c. Lemke2015 ABQB 444 (CanLII)). Il va sans dire que si les documents en question sont en la possession des autorités et que les règles de divulgation établies dans l’arrêt Stinchcombe s’y appliquent, ils doivent faire l’objet de la divulgation.
[132]                     Nous convenons que ces deux outils d’enquête préalable — le contre‑interrogatoire du déposant et l’ordonnance de communication de dossiers par des tiers — doivent être assujettis au même critère de pertinence. Par conséquent, pour obtenir la communication de dossiers par des tiers dans une demande de type Garofoli, l’accusé doit démontrer qu’il existe une probabilité raisonnable que les dossiers demandés auront une valeur probante quant aux questions que soulève la demande. Comme c’est le cas pour le contre‑interrogatoire d’un déposant, il doit être raisonnablement probable que les dossiers se révèlent utiles.
[133]                     Le critère de la « probabilité raisonnable » convient à une demande de type Garofoli. Il est équitable pour l’accusé, qui n’a pas à prouver au préalable la preuve sollicitée. Du même coup, il empêche les recherches à l’aveuglette et assure une utilisation efficace des ressources judiciaires. Bref, il circonscrit l’analyse aux questions pertinentes à l’égard d’une demande de type Garofoli, qui sont plus limitées que celles qui intéressent l’affaire dans son ensemble.
[134]                     Comme lorsqu’il demande la permission de contre‑interroger le déposant, l’accusé a déjà accès aux documents dont disposait le juge qui a accordé l’autorisation, y compris l’affidavit présenté en vue d’obtenir l’autorisation (Code criminel, par. 187(1.4)Pires, par. 25‑26). Ces documents sont manifestement pertinents, et l’accusé est présumé y avoir droit (Code criminel, par. 187(1.4)Pires, par. 25‑26; Ahmed, par. 30). L’accusé a également le droit de consulter le reste du dossier d’enquête selon les normes de divulgation établies dans l’arrêt Stinchcombe, sous réserve, évidemment, des exceptions énoncées dans ce dernier et dans l’arrêt McNeil. Cette divulgation devrait suffire à établir le bien‑fondé de sa demande de communication de dossiers par des tiers, si elle est effectivement fondée. Certes, l’accusé a droit à la communication des documents pertinents, or rien ne lui permet de se lancer dans une recherche à l’aveuglette. Ce droit ne s’étend pas à tous les documents se rapportant à l’affaire, peu importe qui les a en sa possession et où ils se trouvent, tout particulièrement si leur communication est demandée à l’appui d’une demande de type Garofoli.