lundi 9 mai 2016

La communication de la preuve - revue des principes applicables par la Cour d'appel du Québec

Bolduc c. R., 2016 QCCA 91 (CanLII)


[18]        Les deux premiers moyens font référence à l’obligation de communication de la preuve. L’arrêt-phare en la matière, Stinchcombe, consacre cette obligation :
Dans l'affaire R. v. C. (M.H.) (1988), 1988 CanLII 3283 (BC CA), 46 C.C.C. (3d) 142 (C.A.C.‑B.), à la p. 155, le juge en chef McEachern, ayant passé en revue la jurisprudence, fait ce que je considère, en toute déférence, comme un énoncé juste de la règle de droit applicable. Il dit que [TRADUCTION] « le ministère public a l'obligation générale de divulguer tout ce qu'il envisage d'utiliser au procès, et particulièrement tous les éléments de preuve qui peuvent aider l'accusé, même si le ministère public n'envisage pas de les présenter ». Ce passage a été cité et approuvé par le juge McLachlin dans les motifs qu'elle a rédigés au nom de notre Cour (1991 CanLII 94 (CSC), [1991] 1 R.C.S. 763). Elle a ajouté: « Notre Cour a déjà dit que le ministère public a l'obligation en common law de divulguer à la défense tous les éléments de preuve substantielle, favorables ou non à l'accusé » (à la p. 774).
[Je souligne]
[19]        Lcommunication de la preuve par la poursuite est une obligation constitutionnelle qui découle du droit de l’accusé à une défense pleine et entière garanti par les articles 7 et 11d) de la Charte canadienne des droits et libertés.
[20]        La Cour suprême souligne la large portée de cette obligation dans Chaplin :
Notre Cour a clairement établi que le ministère public a l'obligation générale de divulguer tous renseignements, inculpatoires ou disculpatoires, sauf s'il s'agit d'une preuve qui échappe au contrôle de la poursuite, qui est manifestement sans pertinence ou qui fait l'objet d'un privilège […]
[Je souligne]
[21]        Cette exigence s’impose à la poursuite en tout temps et vaut pour tous les renseignements complémentaires recueillis postérieurement à la communication initiale dès leur réception.
[22]        En contrepartie, la Cour suprême rappelle dans Stinchcombe que :
Quand l’avocat de l’accusé prend connaissance d’une omission du ministère public de respecter son obligation de divulguer, celui-ci doit, dès que possible, signaler cette omission au juge du procès. L’observation de cette règle permettra au juge du procès de remédier, autant que faire se peut, à tout préjudice causé à l’accusé et d’éviter ainsi un nouveau procès. [...] L’omission de l’avocat de la défense de ce faire constituera un facteur important à retenir pour déterminer, lors d’un appel, s’il y a lieu d’ordonner la tenue d’un nouveau procès.
[23]        Que l’omission ait ou non été soulevée en défense, il faut en appel « se demander si l’omission a porté atteinte au droit de présenter une défense pleine et entière », étant entendu que « la réponse tient à la nature des renseignements non divulgués et à la question de savoir s’ils auraient pu influer sur l’issue du litige ».
1.            La poursuite a-t-elle failli à son obligation de divulgation [de communication], rendant ainsi le procès inéquitable?
[24]        D’entrée de jeu, il importe de préciser que l’appelant soulève, pour l’essentiel, la tardiveté de la communication d’une série d’éléments de preuve et non l’absence de communication. La négligence de la poursuite de communiquer ces informations en temps utile l’aurait privé de son droit à une défense pleine et entière. Au sujet de la tardiveté, les auteurs Béliveau et Vauclair écrivent :
Le seul délai pour communiquer la preuve ne constituant pas en soi une violation des droits de l’accusé, il ne confère pas de ce fait le droit à une réparation. Ce délai peut toutefois avoir un effet sur l’intégrité ou l’équité du procès lorsque l’accusé se plaint alors d’une communication tardive.
[25]        Or, bien que l’appelant se soit plaint à plusieurs reprises de la communication tardive de la preuve, il n’a en aucun moment demandé un ajournement, un nouveau procès ou l’arrêt des procédures. Cela permet d’inférer qu’il était satisfaisait des mesures prises par le juge en première instance. Or, manifestement, il les considère maintenant insuffisantes. Revoyons ces plaintes.

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