dimanche 4 mars 2018

Les obligations que l'alinéa 10 b) de la Charte impose aux policiers

R. c. Dozois, 1996 CanLII 5986 (QC CA)

Lien vers la décision

La Cour Suprême a souligné, à maintes reprises, que l'alinéa 10 b) de la Charte impose aux policiers des obligations non seulement pour informer une personne arrêtée de ses droits mais aussi quant à la mise en application ou l'exercice de ces droits.  Nous sommes ici concernés par ce second volet de la règle.

                             Ainsi, lorsqu'une personne arrêtée a exprimé le désir d'exercer son droit à l'assistance d'un avocat, après en avoir été dûment informée, deux obligations incombent à l'État: (1) fournir une possibilité raisonnable à la personne arrêtée d'exercer son droit et (2) surseoir à l'enquête ou s'abstenir de prendre d'autres mesures jusqu'à ce que la personne ait eu cette possibilité raisonnable.  C'est ce qui a été réitéré dans R. c. Prosper1994 CanLII 65 (CSC),[1994] 3 R.C.S. 236.

                             Comme on l'a noté dans cet arrêt, ce qui constitue une possibilité raisonnable dépendra du cas d'espèce.

                             Avec respect pour l'opinion contraire, j'estime qu'en l'espèce les policiers n'ont pas respecté ces obligations.  Comme la Cour Suprême l'a affirmé dans R. c. Ross1989 CanLII 134 (CSC)[1989] 1 R.C.S. 3, il ne suffit pas nécessairement qu'un premier appel téléphonique ait été fait mais sans succès pour conclure que la possibilité raisonnable de rejoindre un avocat a été de fait accordée.  Il importe cependant que la personne arrêtée fasse preuve de diligence raisonnable dans l'exercice de ses droits (R. c. Tremblay1987 CanLII 28 (CSC)[1987] 2 R.C.S. 435).

                             La personne arrêtée ne jouit pas d'un droit absolu à l'avocat de son choix et elle doit agir promptement pour en consulter un autre au besoin.

                             Je peux difficilement comprendre l'empressement des policiers, après le premier appel téléphonique, à procéder au premier prélèvement, alors qu'ils avaient amplement le temps pour ce faire; je comprends encore moins cet empressement quand après avoir obtenu ce premier échantillon, ils croient eux-mêmes nécessaire de remettre à l'appelant un bottin téléphonique des avocats avant de le sommer de fournir un second prélèvement.  Cette attitude me convainc qu'ils ont tenté de compléter les modalités de leur obligation première, après le premier prélèvement.  Comme l'a écrit le juge Lamer (avant qu'il ne devienne Juge en Chef) dans l'arrêt Ross, supra:

Néanmoins, l'accusé ou le détenu a le droit de choisir son avocat et ce n'est que si l'avocat choisi ne peut être disponible dans un délai raisonnable qu'on doit s'attendre à l'assistance d'un avocat en appelant un autre avocat.



                             L'intimé invoque la renonciation de l'appelant à l'exercice de ses droits, mais il faut préciser à quel moment cette renonciation a eu lieu.  De fait, c'est après le premier test et une dernière tentative infructueuse de trouver le numéro de téléphone de la résidence de son avocat que l'appelant a alors déclaré qu'il attendra son retour à sa résidence pour communiquer avec son avocat.  C'est donc après le premier prélèvement que l'on doit considérer la renonciation.

                             Je ne peux donc suivre le juge de la Cour supérieure quand il s'exprime comme suit:


La règle, il faudra quand même qu'un jour qu'on la comprenne, existe dans un premier but pour permettre à un citoyen d'avoir recours immédiatement à un avocat afin de savoir quels sont ses droits et ses obligations au poste de police, compte tenu des motifs de sa présence à cet endroit.  Mais si l'obtention de (inaudible) s'avère impossible sans que ce soit le résultat d'un quelconque comportement policier, c'est regrettable à dire mais la terre continuera de tourner.  Et c'est ce qui est arrivé dans la cause en litige.


                             En résumé, j'en conclus que d'une part on n'a pas offert à l'appelant une possibilité raisonnable de rejoindre son avocat et, d'autre part, on devait attendre qu'il ait eu cette possibilité raisonnable pour procéder au prélèvement du premier échantillon:  son droit à l'avocat a donc été enfreint et se pose dès lors la question de l'exclusion de la preuve obtenue suite au prélèvement du premier échantillon.  Je fais ici abstraction du second prélèvement et des autres éléments de preuve obtenus à la suite de sa renonciation.

Aucun commentaire:

Publier un commentaire

Le processus que doit suivre un juge lors de la détermination de la peine face à un accusé non citoyen canadien

R. c. Kabasele, 2023 ONCA 252 Lien vers la décision [ 31 ]        En raison des arts. 36 et 64 de la  Loi sur l’immigration et la protection...