dimanche 18 novembre 2018

Les dossiers d’envergure posent des défis particuliers au niveau de la communication de la preuve.

Catania c. R., 2016 QCCQ 5324 (CanLII)

Lien vers la décision

[42]            D’après les pièces, tableaux et schémas produits lors de l’audition, il ne fait aucun doute qu’un certain volume de renseignements a été communiqué peu avant l’ouverture du procès et même après que ne s’amorce l’audition des requêtes préliminaires.  De l’ensemble des circonstances, le Tribunal retient que certains items auraient dû être divulgués antérieurement et que les requérants ont démontré le caractère tardif de la divulgation de certains renseignements pertinents.
[43]            Il est vrai que les dossiers d’envergure posent des défis particuliers au niveau de la communication de la preuve.  Dans les affaires d’envergure, le volume de renseignements sujets à divulgation, la durée et nature des enquêtes, le nombre d’accusés, le risque de ramification avec des enquêtes connexes et le nombre de policiers et procureurs impliqués sont autant de facteurs qui rendent cette tâche plus complexe.
[44]            En dépit de ce fait, il demeure très clair que la lourdeur de la tâche n’en diminuera jamais l’importance.  Dans les dossiers d’envergure, les autorités doivent s’assurer que tous les mécanismes nécessaires sont en place pour que soit respectée l’obligation de communiquer la preuve en temps opportun.  Cela implique notamment de s’assurer diligemment que tout ce qui est sujet à divulgation a bel et bien été transmis.
[45]            Cela étant dit, dans le cas qui nous concerne, le Tribunal conclut qu’aucune inconduite délibérée de la part du ministère public n’a été démontrée par les requérants.  Rien dans la preuve ne permet de conclure à une quelconque mauvaise foi non plus qu’à une tentative de procéder à un procès par embuscade.  Une analyse approfondie du processus de divulgation en place révèle que c’est en temps opportun, à la suite de la comparution initiale des requérants, que la majeure partie de la preuve a été remise.
[46]            Il a également été établi que tout au long des procédures, les avocats du ministère public ont répondu avec diligence aux demandes complémentaires formulées par les requérants.  De manière générale, leurs réponses étaient précises et transmises promptement.
[52]            Dans Guité c. La Reine, une affaire qui comporte certaines similarités avec le cas qui nous concerne, la Cour d’appel a donné raison au juge de première instance qui avait refusé la divulgation de renseignements ayant trait à des contrats ne faisant pas l’objet des accusations auxquelles l’accusé devait répondre.  Avant le procès, la défense avait sollicité « toutes les déclarations et tous les éléments de preuve provenant de l'enquête sur le programme des commandites ».  En confirmant la décision du juge de première instance, la Cour d’appel énonce ce qui suit aux paragraphes 50 à 52 :
 [50]  Comme l'obligation de divulgation de la preuve se limite à remettre à la défense les renseignements pertinents au dossier en cours, la poursuite n'avait pas l'obligation de remettre tous les éléments de l'enquête relatifs aux travaux de la commission Gomery.
[51]  Ici, la demande des avocats de la défense était fort vaste, allant bien au-delà des contrats concernés par l'accusation. Le fait que l'appelant ait agi dans plusieurs autres contrats à titre de représentant des Travaux publics ne saurait nécessiter que tous les dossiers révisés par la GRC et la SQ lui soient remis.
[52]  De plus, tous les contrats ne sont pas pertinents aux accusations auxquelles faisait face l'appelant. Il faut souligner que plus de 1 000 contrats ont été octroyés dans le cadre du programme de commandites, et ce, avec plusieurs agences de publicité autre que celle ici en cause.
[53]            Plus loin, au paragraphe 55, la Cour d’appel ajoute :
[55]  Il est vrai que le processus d'octroi des contrats est, à plusieurs égards, similaire d'un dossier à l'autre, mais les parties aux contrats n'étaient pas les mêmes, sauf pour l'appelant en sa qualité de directeur général aux Travaux publics.  Il ne faut pas perdre de vue que le but de [la] divulgation de la preuve est de faire en sorte qu'un accusé connaisse la preuve qui sera présentée contre lui pour qu'il soit en mesure de bien préparer sa défense : R. c. Stinchcombe1991 CanLII 45 (CSC)[1991] 3 R.C.S. 326.
[54]            Il va de soi que le concept de pertinence dépendra toujours du contexte propre à chaque affaire et des circonstances particulières de chaque poursuite.  Il est également clair que le fait que la divulgation ait été refusée dans l’arrêt Guité n’emportera pas nécessairement le même résultat pour le présent dossier.
[55]            Cela étant dit, tenant compte de la preuve présentée à l’audition, rien ne démontre que la position du ministère public de résister à la divulgation de certains renseignements émanant d’enquêtes connexes constitue en l’espèce un abus de procédure ou porte atteinte aux droits des requérants.
[56]            Il n’y avait rien d’inapproprié à ce que le ministère public fasse valoir ses motifs d’opposition aux requérants en les invitant à s’adresser au juge du procès en cas de litige sur cette question.  Cette position est en parfaite conformité avec l’état du droit.  Elle ne saurait en conséquence être qualifiée d’inconduite.

Aucun commentaire:

Publier un commentaire

Le processus que doit suivre un juge lors de la détermination de la peine face à un accusé non citoyen canadien

R. c. Kabasele, 2023 ONCA 252 Lien vers la décision [ 31 ]        En raison des arts. 36 et 64 de la  Loi sur l’immigration et la protection...