lundi 4 septembre 2023

L’utilisation faite de la trousse médico-légale et son contenu lors du contre-interrogatoire

Atma c. R., 2023 QCCS 1132

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[40]   Lors du contre-interrogatoire, l’appelant a été confronté avec des réponses qu’elle a données à l’infirmière qui a procédé à compléter la trousse médico-légale. Cette Cour discutera plus en détail de ses réponses et du témoignage de l’infirmière au moment d’analyser le quatrième motif d’appel.

[67]   On reproche au juge d’avoir bonifié ses conclusions sur la sincérité/ crédibilité de la plaignante en écoutant l’enregistrement de son témoignage :

L’écoute de l’enregistrement d’ASH (la plaignante) permet également de percevoir dans son ton de voix les conséquences que le comportement de l’accusé a pu avoir sur sa personne. Elle semble sincère lorsqu’elle relate les événements…[5]

[68]   On reproche au juge d’avoir conclu que les contradictions soulevées ne portaient que sur la « … séquence des événements ou certains détails périphériques »[6]. On fait référence, notamment, à des contradictions :

   quant au dévoilement de l’agression;

   le témoignage quant à la présence d’une photo sur Instagram;

   sur la présence d’un tampon vaginal; et

   les paroles prononcées pour mettre fin aux activités sexuelles.

[69]   L’appelant argumente que l’utilisation faite de la trousse médico-légale et son contenu constituait une erreur de droit. Alors qu’il déclare que cette preuve n’avait pas de valeur probante, il s’en sert pour bonifier la crédibilité de la plaignante.

[75]   Les contradictions sur les sujets décrits au paragraphe 68 du présent jugement étaient reliées à « … la séquence des événements ou certains détails périphériques ». La position du juge que, pris individuellement ou ensemble, ils n’affectaient pas la conclusion sur la crédibilité ou la fiabilité de la plaignante, ne constituait pas une erreur de droit.

[76]   Reste le traitement de la trousse médico-légale et de son contenu. Selon la Cour, ce point est le plus important avancé par l’appelant.

[77]   Commençons avec la production en preuve du rapport médico-légal (pièce D-1). L’intimé a contesté la production en argumentant que le rapport contenant du ouï-dire et devait faire l’objet d’un voir-dire Khelawon pour déterminer la nécessité de son admission et sa fiabilité. Quoi que le juge ait admis le document, le fondement juridique n’était pas clair.

[78]   Le rapport D-1 contenait des réponses ou observations de la plaignante notées par l’infirmière pour les fins de la préparation de la trousse médico-légale. La plaignante a été contre-interrogée sur ses réponses et observations contenues dans le document. À maintes reprises, elle a dit qu’elle ne se souvenait pas de ses réponses ou que les réponses notées étaient erronées. En tel cas, l’appelant, durant la présentation de la défense, avait le droit de produire la déclaration antérieure incompatible en vertu de l’art. 11 de la Loi sur la preuve.[7]

[79]   L’infirmière a témoigné que la trousse médico-légale (« le rapport », la « pièce D-1 ») a été rédigé par elle lors de la rencontre avec la victime. Une fois complété, l’infirmière consulte la médecin de garde qui termine l’examen. Ensemble, elles décident s’il y aura des suites basées sur les réponses de la victime. Elle n’a aucun souvenir de sa rencontre avec la plaignante dans le présent dossier.

[108]   Qu’en est-il de la conclusion du juge que le rapport D-1 n’avait pas de valeur probante comme facteur pour évaluer la crédibilité et la fiabilité du témoignage de la plaignante? Cette Cour est d’avis que cette conclusion était erronée. Avec égards, non seulement elle était erronée, mais il s’agissait d’une erreur de droit qui était manifeste et dominante dans l’appréciation de la crédibilité et la fiabilité de la plaignante.

[109]   L’absence de souvenir du cas de la plaignante par l’infirmière n’avait pas l’importance accordée par le juge. Il était clair que le rapport concernait la plaignante. Son nom, date de naissance et initiales se trouvaient sur la première page. Pour l’infirmière, il s’agissait d’un cas particulier qui a fait en sorte qu’elle a senti la nécessité d’inscrire des notes en bas de la page 2 du rapport. Si elle ne se souvenait pas du cas, elle a maintenu, tout au long de son témoignage, qu’elle avait posé toutes les questions prévues dans le rapport et que la plaignante a seulement parlé d’attouchements sur les parties génitales par-dessus ses vêtements. La décision de l’infirmière et de la médecin de ne pas procéder à des prélèvements ou à la prise de tests confirmait que la plaignante n’avait jamais parlé d’un contact d’une partie de son corps avec une partie du corps de son agresseur.

[110]   La référence au ouï-dire par le juge du procès comme facteur qui diminue la force probante du rapport est difficile à comprendre. Le rapport n’a jamais été produit pour faire preuve de son contenu. Le rapport a été produit pour faire preuve d’une déclaration antérieure incompatible de la plaignante lorsque comparé avec son témoignage.

[111]   Le fait que le mot à mot de la plaignante n’était pas reproduit dans le rapport n’avait pas l’importance accordée par le juge. Le genre de questions posées en fonction du rapport laissait peu de place à de l’interprétation.

[112]   Si on avait accordé la force probante à sa juste valeur au rapport, il aurait fallu que le juge analyse l’explication fournie par la plaignante pour comprendre les contradictions majeures avec son témoignage. Est-ce que c’était croyable que la plaignante, lors de sa rencontre avec l’infirmière et la médecin, aurait décidé d’elle-même quels sujets étaient importants – échange de fluides et pénétration – et, en conséquence, n’a pas cru que c’était important de répondre correctement à une question aussi simple que : « Est-ce que la bouche de ton agresseur a touché ta peau? »

[113]   Avec égards, sans cette analyse, la considération de la crédibilité et de la fiabilité du témoignage de la plaignante a été faussé. La Cour retient ce motif d’appel.

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