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lundi 20 juillet 2009

Interrogation d'un suspect

La compétence en matière d'interrogation d'un suspect s'acquiert avec la formation et l'expérience. Les lignes de conduites énumérées ci-après évoquent diverses façons d'aborder cet exercice.

Préparation à l'interrogation
L'interrogation proprement dite

Préparation à l'interrogation (Interrogation d'un suspect)

1. Sélectionnez le meilleur interrogateur pour débuter.
2. Renseignez-vous sur les contraintes en matière d'admissibilité de la preuve.
3. Faites le point sur les faits connus.
4. Recueillez tous les renseignements personnels possibles concernant le sujet.
5. Établissez ce que vous voulez apprendre de la part du sujet.
6. Planifiez votre démarche.
7. Planifiez vos questions.
8. Aménagez un lieu privé pour l'interrogatoire.
9. Demandez la présence d'un second policier ou une seconde policière.

L'interrogation proprement dite (Interrogation d'un suspect)

1. Réfléchissez à votre place et à celle du sujet dans la salle.
2. Consignez avec précision le déroulement de l'interrogatoire.
* Envisagez l'emploi d'un magnétoscope ou d'un magnéHaut de la pagehone.
3. Ne proférez ni menaces, ni injures.
4. Manifestez de l'empathie.
5. Posez des questions ouvertes et évitez de poser des questions orientées.
6. Observez le suspect attentivement.
* Observez son comportement non verbal.
* Observez tout signe d'effort pour masquer un sentiment de culpabilité.
7. En cas de motifs raisonnables et probables:
* procédez à l'arrestation du suspect
* précisez le délit commis
* informez le suspect de ses droits et donnez-lui les avertissements d'usage

Tiré de:
Code de pratiques policières:
Un guide à l'intention des policiers ou policières de première ligne
L'Association canadienne des chefs de police
http://www.rcmp-learning.org/copp/frcopp/i_suspec.htm

Échantillon de sang prélevé à des fins médicales, mais remis à un agent de police

R. c. Dyment, 1988 CanLII 10 (C.S.C.)

Résumé des faits

Un médecin qui traitait l'appelant à l'hôpital après un accident de la circulation a recueilli, à des fins médicales sans le consentement de l'appelant ou sans qu'il en ait connaissance, une éprouvette de sang qui coulait. Peu de temps après, l'appelant a expliqué qu'il avait pris de la bière et des médicaments. Après avoir prélevé l'échantillon de sang, le médecin a parlé à l'agent de police qui s'était occupé de l'accident et, à la fin de leur conversation, lui a remis l'échantillon. Aucune constatation de l'agent n'indiquait que l'appelant aurait bu; il n'a pas demandé à l'appelant de fournir un échantillon de sang ni au médecin d'en prélever et il n'avait pas de mandat de perquisition.

Analyse
Une fouille ne sera pas abusive si elle est autorisée par la loi, si la loi elle‑même n'a rien d'abusif et si la fouille n'a pas été effectuée d'une manière abusive. La prise de possession de l'éprouvette contenant du sang par la police, compte tenu du fait que le médecin l'avait en sa possession, avec l'obligation de respecter le droit à la vie privée du patient, constitue une saisie au sens de l'art. 8 de la Charte. Cette saisie était illégale parce qu'elle a été effectuée sans mandat, elle n'était pas appuyée de preuve établissant sa légalité ni justifiée par l'urgence ni par une autre raison. Il n'est donc pas nécessaire de poursuivre l'analyse pour répondre à la question de savoir si la fouille était abusive

En prenant possession de l'échantillon, l'agent a porté atteinte au droit qu'avait l'intimé à ce qu'il demeure confidentiel et a ainsi procédé à une saisie au sens de l'art. 8. Les termes "fouilles, perquisitions ou saisies" doivent être lus de façon disjonctive.

L'article 8 ne vise pas uniquement à protéger la propriété, mais aussi les intérêts en matière de vie privée des particuliers contre les fouilles, les perquisitions et les saisies. La distinction entre une saisie et la simple réunion d'éléments de preuve se situe au point où il devient raisonnable de dire que l'individu n'a plus d'intérêt intime relativement à l'objet qui serait saisi. L'utilisation du corps d'une personne, sans son consentement, en vue d'obtenir des renseignements à son sujet, constitue une atteinte à une sphère de la vie privée essentielle au maintien de sa dignité humaine. Le médecin, dont la seule justification pour recueillir l'échantillon sanguin était qu'il devait servir à des fins médicales, n'avait aucunement le droit de le prélever à une autre fin ni de le donner à un étranger pour des fins autres que médicales, à moins que la loi ne l'exige, et toute loi de ce genre serait assujettie à un examen en regard de la Charte. La protection qu'accorde la Charte va jusqu'à interdire à un agent de police ou un mandataire de l'État de prendre une substance aussi personnelle que le sang à un médecin qui la détient avec l'obligation de respecter la dignité et la vie privée de cette personne.

La saisie en l'espèce était abusive. L'atteinte au droit à la vie privée n'était pas minimale en l'espèce. L'utilisation du sang d'une personne ou d'autres substances corporelles confiées à des tiers à des fins médicales à d'autres fins porte gravement atteinte à l'autonomie personnelle de l'individu. En l'espèce, la saisie viole tous les aspects de la vie privée ‑‑ spaciaux, physiques et informationnels. Bien que la nécessité d'appliquer de la loi soit importante et salutaire, il y a danger lorsque cet objectif est poursuivi avec trop de zèle. Compte tenu du danger que représente pour la vie privée individuelle la libre circulation de renseignements provenant des hôpitaux et des autres, la remise à la police d'un échantillon sanguin par le médecin qui l'a obtenu à des fins médicales ne peut être considérée que comme abusive en l'absence d'une nécessité et irrésistible pressante.

La violation de la Charte est très grave: une violation de l'intégrité physique de la personne humaine est beaucoup plus grave que celle de son bureau ou même de son domicile. La vie privée ne s'entend pas qu'au sens physique. La dignité de l'être humain est tout aussi gravement atteinte par l'utilisation de substances corporelles, recueillies par des tiers à des fins médicales, d'une manière qui ne respecte pas cette limite. La confiance que le public doit avoir dans l'administration des services médicaux serait mise à rude épreuve si l'on devait autoriser la circulation libre et informelle de renseignements, et particulièrement de substances corporelles, des hôpitaux vers la police. Il existe une procédure établie et bien connue pour obtenir ce genre de preuve lorsque l'agent a des motifs raisonnables et probables de croire qu'un crime a été commis.

dimanche 19 juillet 2009

Même si une résidence n’est rien de plus qu’une cabane ou un abri, une personne a le droit d’en jouir sans intrusion de la part de la police

Colet c. La Reine, [1981] 1 R.C.S. 2

Il est vrai que la résidence de l'appelant n'était rien de plus qu'une cabane ou un abri que la ville de Prince Rupert estimait sans doute insalubre, mais ce qu'on soulève ici, c'est le droit depuis longtemps reconnu d'un citoyen de ce pays d'être maître de sa propre maison et d'en jouir, y compris le droit de décider qui pourra et qui ne pourra pas y entrer. Le principe de common law est fermement implanté dans notre droit depuis l'arrêt Semayne en 1604 où l'on a affirmé [TRADUCTION] ««que la maison de chacun est pour lui son château et sa forteresse, tant pour se défendre contre l'injure et la violence que pour son repos». Mon collègue le juge Dickson a cité cette phrase célèbre dans l'arrêt Eccles c. Bourque dans lequel il a fait une étude approfondie de plusieurs décisions pertinentes. Il se penchait sur le cas de policiers qui étaient entrés dans une propriété privée en vue de procéder à une arrestation. Dans sa décision, il mentionne la limite de la portée de l'application générale de l'arrêt Semayne en disant, à la p. 743:

Mais il est des occasions où l'intérêt d'un particulier dans la sécurité de sa maison doit céder le pas à l'intérêt public, lorsque le grand public a un intérêt dans l'acte judiciaire à exécuter. Le criminel n'est pas à l'abri d'une arrestation dans son propre foyer ou dans celui d'un de ses amis.

Et plus loin, à la même page, il fait remarquer:

On verra donc que le large principe de base excipant du caractère sacré du foyer est sujet à l'exception que lorsque demande régulière est faite les agents du Roi peuvent briser les portes pour faire l'arrestation.

Il est évident que le juge Dickson limitait ses observations aux cas où des policiers, à la recherche d'un fugitif qu'ils estiment avoir des motifs d'arrêter, pénètrent dans la maison d'une personne contre son gré.

Dans ses motifs de jugement en l'espèce, le juge Craig a considéré que l'arrêt Eccles c. Bourque appuie la prétention qu'en toutes circonstances

[TRADUCTION] C'est une disposition adoptée dans l'intérêt public. Cet intérêt prime tout; les droits de la personne sont secondaires. Alors, le droit de saisir les objets indiqués au paragraphe doit sûrement comprendre le droit de perquisitionner pour découvrir tous ces objets.

Avec égards pour la Cour d'appel, j'estime que l'arrêt Eccles ne justifie pas cette proposition. On présume que tous les articles du Code criminel sont adoptés «dans l'intérêt public» et, à mon avis, il serait très dangereux de conclure que les droits privés d'une personne à la jouissance exclusive de sa propriété doivent être assujettis au droit des policiers d'y entrer de force chaque fois qu'ils prétendent agir en vue d'appliquer un article du Code criminel, même s'ils ne sont pas munis d'une autorisation expresse qui justifie leurs actes.

Dans l'analyse très complète de la jurisprudence que fait le juge Dickson dans son jugement, il fait remarquer que, quelles que soient les circonstances, les policiers n'ont le droit d'entrer qu'après avoir d'abord annoncé leur présence et démontré leur autorité en énonçant un motif légitime d'entrer.

*** À noter que cette décision a été rendue avant l'adoption de la charte ***

Condamnation avec sursis

La condamnation à l’emprisonnement avec sursis est un type de peine dont l’entrée en vigueur remonte à septembre 1996, avec l’adoption du projet de loi C-41. Ce type de peine, administré en règle générale par les services correctionnels provinciaux, permet à la cour d’ordonner qu’un délinquant purge sa peine dans la collectivité, s’il s’agit d’une peine d’emprisonnement de moins de deux ans, sauf lorsqu’une peine minimale est requise (comme dans le cas d’une deuxième infraction ou d’une infraction subséquente de conduite en état d’ébriété). La cour doit aussi être convaincue que cette mesure ne compromet pas la sécurité publique et qu’elle correspond à l’objectif et aux principes fondamentaux de la détermination de la peine. Outre les conditions obligatoires qu’impose le Code criminel, la cour peut ajouter toute condition qu’elle juge nécessaire pour assurer la bonne conduite du délinquant.

La surveillance du délinquant relève des autorités correctionnelles provinciales. En cas de manquement à une condition, la cour peut mettre un terme à l’ordonnance de condamnation avec sursis et ordonner que le délinquant finisse de purger en entier sa peine dans un établissement.

1) Pouvoir d’effectuer une arrestation


Les policiers ont le pouvoir d’arrêter un délinquant pour manquement à une condition d’une ordonnance de condamnation avec sursis, comme ils peuvent le faire lorsqu’un individu commet un acte criminel. Tout agent de police a le pouvoir d’arrêter un individu qui viole une condition d’une ordonnance de condamnation avec sursis ou qui a fait l’objet d’une dénonciation pour ce motif.

L’agent qui procède à l’arrestation, l’agent responsable ou un juge peuvent remettre en liberté un délinquant arrêté pour manquement à une condition d’une ordonnance de condamnation avec sursis. Le délinquant doit lui-même démontrer pourquoi il devrait être relâché.

2) Procédure à suivre en cas de violation d’une condition

La procédure à suivre en cas de manquement à une condition commence par la délivrance d’un mandat d’arrestation par un juge, l’arrestation de l’individu sans mandat ou d’autres moyens de le contraindre de comparaître, conformément à l’alinéa 742.6(1)d). Si le délinquant est déjà détenu pour d’autres motifs ou doit comparaître à une date déterminée, il peut être contraint de comparaître à une audience sur le manquement à une condition conformément à l’alinéa 742.6(1)d) du Code criminel. Dans un tel cas, on peut obtenir une ordonnance d’un juge.

Tout juge a le pouvoir de délivrer un mandat ou un télémandat d’arrestation, peu importe quelle cour a rendu l’ordonnance de condamnation à l’emprisonnement avec sursis. L’audience sur le manquement à une condition doit avoir lieu « dans les trente jours suivant soit l’arrestation du délinquant, soit le fait de l’obliger à comparaître au titre de l’alinéa 742.6(1)d), ou dans les plus brefs délais par la suite ». L’audience sur le manquement à une condition doit être tenue au lieu où ce manquement a été commis, ou au lieu où le délinquant est trouvé, arrêté ou sous garde.

La procédure relative à un manquement à une condition d’une ordonnance de condamnation avec sursis peut être entreprise dans une province autre que celle où le manquement a été commis seulement avec le consentement du procureur général de la province où le manquement a été commis, ou avec le consentement du procureur général du Canada si les procédures à l’origine de l’ordonnance de condamnation avec sursis ont été engagées par celui-ci ou en son nom.

Le Code criminel, outre qu’il autorise explicitement l’ajournement d’une audience sur le manquement, rend admissible en preuve à une audience le rapport de l’agent de surveillance du délinquant.

3) Suspension de la durée de la condamnation avec sursis

La durée d’une condamnation avec sursis est suspendue à la date de délivrance du mandat d’arrestation, à la date de l’arrestation sans mandat du délinquant ou dès qu’un juge ou un juge de paix rend une ordonnance contraignant le délinquant à comparaître pour manquement à une condition d’une ordonnance de condamnation avec sursis. Toutefois, la durée de la condamnation avec sursis reprend dès le moment où une ordonnance de maintien en incarcération est rendue contre lui conformément au paragraphe 515(6), à moins qu’il soit incarcéré pour une peine relative à une autre infraction.

Lorsqu’un délinquant est remis en liberté en vertu de l’alinéa 742.6(1)e) dans l’attente des procédures relatives au manquement, les conditions de l’ordonnance de condamnation avec sursis initiale et toute autre modification éventuelle de cette ordonnance continuent de s’appliquer (comme si elles faisaient partie de la mise en liberté provisoire par voie judiciaire). La cour peut également imposer des conditions à la mise en liberté provisoire par voie judiciaire. Tout autre manquement, occasionnel ou continu, aux conditions de l’ordonnance de condamnation avec sursis peut entraîner de nouvelles allégations de manquement en vertu de l’article 742.6. La durée de l’ordonnance de condamnation avec sursis d’un délinquant remis en liberté selon les dispositions de l’alinéa 742.6(1)e) est suspendue à compter de la date de délivrance du mandat d’arrestation, de son arrestation sans mandat ou de sa comparution selon l’alinéa 742.6(1)d), jusqu’au terme des procédures relatives au manquement à l’ordonnance.

4) Temps soustrait de la peine

Lorsqu’il est démontré qu’un délinquant a manqué à une condition d’une ordonnance de condamnation avec sursis, la cour a le pouvoir de soustraire de la peine avec sursis une partie ou la totalité du temps écoulé entre la délivrance et l’exécution du mandat, au cours duquel la peine a été suspendue, si le mandat a été exécuté dans un délai déraisonnable. De plus, même si la preuve du manquement est établie, la cour a le pouvoir, dans des circonstances exceptionnelles et dans le meilleur intérêt de la justice, de décider que la période de suspension de l’ordonnance de condamnation avec sursis doit être soustraite de la peine à purger.

Si une allégation de manquement aux conditions d’une ordonnance de condamnation avec sursis est retirée ou rejetée, si un arrêt des procédures est ordonné, ou si le délinquant justifie le manquement par un motif raisonnable, chaque jour couru à compter de la date de son arrestation sans mandat, de la délivrance d’un mandat d’arrestation ou de sa comparution au titre de l’alinéa 742.6(1)d) doit être soustrait du total de la peine. Par exemple, si un délinquant est remis en liberté dans l’attente des procédures relatives à un manquement, chaque jour passé en liberté doit être soustrait du total de la peine. De plus, la peine du délinquant qui a été incarcéré est réduite d’un jour pour chaque jour durant lequel il a été incarcéré, mais aussi d’un jour additionnel pour chaque période de deux jours durant laquelle il a été incarcéré (c’est le même principe que la réduction de peine). Par contre, si l’allégation de manquement aux conditions d’une ordonnance de condamnation avec sursis est retirée ou rejetée, si un arrêt des procédures est ordonné ou si le délinquant justifie le manquement par un motif raisonnable, mais qu’il purgeait une peine d’emprisonnement pendant la suspension de la durée de la condamnation avec sursis, le temps qu’il a passé en détention pour purger la nouvelle peine ne doit pas être soustrait de la durée de la condamnation avec sursis.

5) Incarcération à la suite d’un manquement à une condition d’une ordonnance de condamnation avec sursis


Lorsqu’il est démontré qu’un délinquant a manqué à une condition d’une ordonnance de condamnation avec sursis, la cour peut décider que celui-ci doit être incarcéré pendant une partie ou la totalité du reste de la peine à purger. Le reste de la peine doit être purgé consécutivement à toute autre peine d’emprisonnement que purge déjà le délinquant, à moins que la cour n’en décide autrement. La partie de la condamnation avec sursis purgée dans un établissement doit être fusionnée à toute autre peine d’emprisonnement que le délinquant doit purger. La durée de la condamnation avec sursis reprend lorsque le délinquant est libéré de prison au titre d’une libération conditionnelle ou d’office ou d’une réduction de peine méritée, ou à l’expiration de sa peine d’emprisonnement.

Tiré de
Le calcul des peines : Guide pour les juges, les avocats et les responsables correctionnels
http://www.securitepublique.gc.ca/res/cor/rep/2005-sntnce-hndbk-fra.aspx#Anchor-13267

samedi 18 juillet 2009

Doctrine du « plain view »

Canada (Procureur général) c. Vaillancourt, 2006 QCCQ 21215 (CanLII)

[38] La doctrine de l’objet bien en vue permet de saisir légalement, sans mandat, des éléments de preuve découverts. Trois exigences doivent être remplies pour que la saisie soit légale :

1) la présence sur les lieux est légale ;

2) la découverte des objets se fait par inadvertance,

3) les objets saisis sont de nature à prouver l’infraction reprochée.

[39] Les agents peuvent manipuler les objets pouvant découvrir le caractère illégal. Cependant, cela ne permet pas une expédition de pêche, tel que l’a précisé la juge Jackson dans l’arrêt Spindloe:

« The plain view doctrine confers a seizure power not a search power. It does not permit an exploratory search to find other evidence. »

[40] Si le Tribunal en vient à la conclusion que les exigences de l’article 489 C.cr. ou de la théorie du « plain view » ne sont pas respectées, c’est-à-dire, que les documents ont été saisis en violation de l’article 8 de la Charte canadienne des droits et libertés, il faut alors déterminer si ces éléments de preuve doivent être exclus en vertu de l’article 24(2) de la Charte et ce, selon une liste de facteurs à considérer établis par notre Cour suprême dans l’arrêt Collins

La légalité d'une arrestation - Le critère des motifs raisonnables lorsque les renseignements proviennent d'un informateur

R. c. Beaupré, 2000 CanLII 6071 (QC C.A.)

[20] Dans l'arrêt R. c. Storrey, 1990 CanLII 125 (C.S.C.), [1990] 1 R.C.S. 241, la Cour suprême a développé les critères permettant d'évaluer la légalité d'une arrestation sans mandat. Le juge Cory écrivait au sujet de l'application de l'article 450 (1), [maintenant 495(1)] du Code criminel, aux pages 250-251:

En résumé donc, le Code criminel exige que l'agent de police qui effectue une arrestation ait subjectivement des motifs raisonnables et probables d'y procéder. Ces motifs doivent en outre être objectivement justifiables, c'est-à-dire qu'une personne raisonnable se trouvant à la place de l'agent de police doit pouvoir conclure qu'il y avait effectivement des motifs raisonnables et probables de procéder à l'arrestation. Par ailleurs, la police n'a pas à démontrer davantage que l'existence de motifs raisonnables et probables. Plus précisément, elle n'est pas tenue, pour procéder à l'arrestation, d'établir une preuve suffisante à première vue pour justifier une déclaration de culpabilité.

[21] L'existence de motifs raisonnables doit se justifier au-delà des simples soupçons qu'un agent de la paix peut avoir au sujet d'une personne. (R.c. Kokesh, 1990 CanLII 55 (C.S.C.), [1990] 3 R.C.S. 3; Hunter c. Southam, 1984 CanLII 33 (C.S.C.), [1984] 2 R.C.S. 145; R. c. Bennett 1996 CanLII 6344 (QC C.A.), (1996), 108 C.C.C. (3d) 175 (C.A. Qué.)) L'agent de la paix doit croire - personnellement - qu'un crime a été commis ou est sur le point de l'être en se fondant sur des informations fiables et convaincantes sans toutefois nourrir une complète certitude relativement à l'exactitude de ces informations. Bref, le portrait factuel dont bénéficie l'agent de la paix, préalablement à son intervention, doit être sérieux et consistant.

[22] Une fois démontrée la croyance subjective du policier, la Cour doit encore se demander si les exigences relatives au critère objectif proposé dans R. c. Storrey, précité, sont remplies. La Cour doit alors déterminer si une personne raisonnable se trouvant dans la même situation que le policier aurait cru à l'existence de motifs raisonnables justifiant l'arrestation de la personne sans mandat. Dans l'arrêt R. c. Collins, 1987 CanLII 84 (C.S.C.), [1987] 1 R.C.S. 265, la Cour suprême a déterminé que le concept de «personne raisonnable» se rapportait à une personne de type moyen évoluant au sein de la société.

[24] Dans l'arrêt R.c. Debot, 1989 CanLII 13 (C.S.C.), [1989] 2 R.C.S. 1140, la juge Wilson examine le concept de raisonnabilité des motifs en regard d'une fouille policière et propose, à la page 1168, de répondre à trois questions:

Premièrement, les renseignements permettant de prévoir la perpétration d'une infraction criminelle étaient-ils convaincants ? Deuxièmement puisque ces renseignements reposaient sur un tuyau provenant d'une source extérieure à la police, cette source était-elle fiable ? Enfin, l'enquête de la police confirmait-elle ces renseignements avant que les policiers procèdent à la fouille ? Je n'affirme pas que chacune de ces questions constitue un critère distinct. Je me range plutôt à l'avis du juge Martin d'après lequel (TRADUCTION) «l'ensemble des circonstances» doit satisfaire au critère du caractère raisonnable. La valeur des renseignements sous deux aspects peut, dans une certaine mesure, compenser leur faiblesse sous le troisième.

[25] Dans l'arrêt Debot, il s'agissait d'évaluer la légalité d'une fouille sans mandat plutôt qu'une arrestation sans mandat. Toutefois, ces principes s'appliquent chaque fois qu'un agent de la paix agit sur la foi d'éléments fournis par un informateur (R. c. Plant, 1993 CanLII 70 (C.S.C.), [1993] 3 R.C.S. 281, à la p. 297).

[26] Le juge Lamer, s'exprimant au nom de la majorité dans R.c. Greffe, 1990 CanLII 143 (C.S.C.), [1990] 1 R.C.S. 755, offre un éclairage intéressant quant aux principes pouvant guider la Cour dans son évaluation de la fiabilité des renseignements obtenus par un informateur. Il détermine que l'arrêt de principe sur l'évaluation des renseignements confidentiels est celui rendu par la Cour d'appel de l'Ontario dans R. c. Debot 1986 CanLII 113 (ON C.A.), (1986), 30 C.C.C. (3d) 207 (C.A. Ont.), sous la plume du juge Martin et confirmé par la Cour suprême (R. c. Debot, précitée). Le juge Martin écrivait aux pp. 218 et 219:

[TRADUCTION] Je suis d'avis que la simple affirmation non étayée par un informateur à un agent de police ne constitue pas un motif raisonnable de procéder à une fouille sans mandat. […] Parmi les questions très pertinentes […] il y a celles de savoir si le renseignement communiqué par l'informateur comporte suffisamment de détails pour assurer qu'il s 'appuie sur quelque chose de plus que de simples rumeurs ou racontars, si l'informateur a révélé la source ou l'origine des renseignements et s'il y a des indices de fiabilité de l'informateur, comme le fait d'avoir fourni, dans le passé, des renseignements sûrs ou la confirmation d'une partie de ses renseignements par la surveillance policière.

[27] Quant à la corroboration des renseignements fournis par l'informateur, soit la troisième question formulée par la juge Wilson, dans R. c. Debot précité, le juge Proulx souligne, dans l'arrêt R. c. Bennett, précité, en s'inspirant de la jurisprudence américaine, l'importance que doivent accorder les policiers à l'existence d'éléments de corroboration extrinsèques à l'informateur et qui permettent de confirmer l'information reçue avant de procéder à l'action policière.

[34] Dans ces circonstances, qu'il s'agisse de l'appréciation in concreto ou in abstracto du caractère raisonnable des motifs, il faut conclure que les agents, subjectivement, ou une personne raisonnable, objectivement, ne pouvaient conclure qu'il y avait effectivement les motifs raisonnables de procéder à l'arrestation sans mandat pour complot en vue de l'importation de stupéfiants. Conséquemment, le juge de première instance a eu raison de conclure au caractère illégal de l'arrestation.

vendredi 17 juillet 2009

Nouveau cadre d’analyse élaboré par la CSC relativement à la détention et à l’exclusion d’éléments de preuve

R. c. Grant, 2009 CSC 32

La détention visée aux art. 9 et 10 de la Charte s’entend de la suspension du droit à la liberté d’une personne par suite d’une contrainte physique ou psychologique considérable. Il y a détention psychologique quand l’individu est légalement tenu d’obtempérer à une demande contraignante ou à une sommation, ou quand une personne raisonnable conclurait, compte tenu de la conduite de l’État, qu’elle n’a d’autre choix que d’obtempérer. En l’absence de contrainte physique ou d’obligation légale, il peut être difficile de savoir si une personne a été mise en détention ou non. Pour déterminer si une personne raisonnable placée dans la même situation conclurait qu’elle a été privée par l’État de sa liberté de choix, le tribunal peut tenir compte, notamment, des facteurs suivants :

a) les circonstances à l’origine du contact avec les policiers telles que la personne en cause a dû raisonnablement les percevoir;

b) la nature de la conduite des policiers; et

c) les caractéristiques ou la situation particulières de la personne, selon leur pertinence.

Pour répondre à la question de savoir s’il y a détention, il faut procéder à une évaluation réaliste de la totalité du contact tel qu’il s’est déroulé, et non à une analyse détaillée de chacun des mots prononcés et des gestes posés. Dans les cas où les policiers ne savent pas avec certitude si leur conduite a un effet coercitif, ils peuvent dire clairement à la personne visée qu’elle n’est pas tenue de répondre aux questions et qu’elle est libre de partir. C’est au juge du procès qu’il appartient de décider — en appliquant les principes de droit pertinents aux faits particuliers de l’espèce — si la police a franchi la limite entre une conduite qui respecte la liberté et le droit de choisir du sujet et une conduite qui porte atteinte à ces droits. S’il est vrai qu’il faut faire preuve de déférence à l’égard des conclusions de fait du juge du procès, l’application du droit aux faits constitue une question de droit. [32] [43‑44]

Une détention illégale est nécessairement arbitraire et interdite par l’art. 9. Les policiers ont reconnu au procès qu’ils n’avaient pas de motif juridique ou de soupçon raisonnable les autorisant à détenir l’accusé avant que celui‑ci fasse les déclarations incriminantes. La détention était donc arbitraire. En outre, les policiers ont omis d’informer l’accusé de son droit d’avoir recours à l’assistance d’un avocat avant l’interrogatoire qui a mené à la découverte de l’arme à feu. Le droit d’avoir recours à l’assistance d’un avocat prend naissance dès la mise en détention, que celle‑ci serve exclusivement ou non à des fins d’enquête. [11] [55] [57‑58]

Il faut clarifier les facteurs pertinents pour déterminer quand, « eu égard aux circonstances », l’utilisation d’éléments de preuve obtenus par suite d’une violation de la Charte serait « susceptible de déconsidérer l’administration de la justice ».

Le tribunal saisi d’une demande d’exclusion fondée sur le par. 24(2) doit évaluer et mettre en balance l’effet de l’utilisation des éléments de preuve sur la confiance de la société envers le système de justice en tenant compte de :

(1) la gravité de la conduite attentatoire de l’État,

(2) l’incidence de la violation sur les droits de l’accusé garantis par la Charte et

(3) l’intérêt de la société à ce que l’affaire soit jugée au fond.

Lorsqu’il se penche sur le cadre du premier volet, le tribunal examine la nature de la conduite de la police qui a porté atteinte aux droits protégés par la Charte et mené à la découverte des éléments de preuve. Plus les gestes ayant entraîné la violation de la Charte par l’État sont graves ou délibérés plus il est nécessaire que les tribunaux s’en dissocient en excluant les éléments de preuve ainsi acquis, afin de préserver la confiance du public envers le principe de la primauté du droit et de faire en sorte que l’État s’y conforme.

Le deuxième volet de l’examen impose d’évaluer la portée réelle de l’atteinte aux intérêts protégés par le droit en cause. Le risque que l’utilisation des éléments de preuve déconsidère l’administration de la justice augmente en fonction de la gravité de l’empiétement sur ces intérêts.

Dans le cadre du troisième volet, la cour se demande si la fonction de recherche de la vérité que remplit le procès criminel est mieux servie par l’utilisation ou par l’exclusion d’éléments de preuve. À ce stade, le tribunal prend en compte les facteurs telles la fiabilité des éléments de preuve et leur importance pour la preuve du ministère public. Il appartient chaque fois au juge du procès de soupeser et de mettre en balance ces questions. Lorsque le juge du procès a examiné les bons facteurs, les cours d’appel devraient faire preuve d’une retenue considérable à l’égard de la décision rendue. [71‑72] [76‑77] [79] [86] [127]

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

Le pouvoir d'amender un acte d'accusation ou une dénonciation expliqué par la Cour d'appel de l'Ontario

R. v. K.R., 2025 ONCA 330 Lien vers la décision [ 17 ]        The power to amend an indictment or information under  s. 601(2)  of the  Crim...