Colet c. La Reine, [1981] 1 R.C.S. 2
Il est vrai que la résidence de l'appelant n'était rien de plus qu'une cabane ou un abri que la ville de Prince Rupert estimait sans doute insalubre, mais ce qu'on soulève ici, c'est le droit depuis longtemps reconnu d'un citoyen de ce pays d'être maître de sa propre maison et d'en jouir, y compris le droit de décider qui pourra et qui ne pourra pas y entrer. Le principe de common law est fermement implanté dans notre droit depuis l'arrêt Semayne en 1604 où l'on a affirmé [TRADUCTION] ««que la maison de chacun est pour lui son château et sa forteresse, tant pour se défendre contre l'injure et la violence que pour son repos». Mon collègue le juge Dickson a cité cette phrase célèbre dans l'arrêt Eccles c. Bourque dans lequel il a fait une étude approfondie de plusieurs décisions pertinentes. Il se penchait sur le cas de policiers qui étaient entrés dans une propriété privée en vue de procéder à une arrestation. Dans sa décision, il mentionne la limite de la portée de l'application générale de l'arrêt Semayne en disant, à la p. 743:
Mais il est des occasions où l'intérêt d'un particulier dans la sécurité de sa maison doit céder le pas à l'intérêt public, lorsque le grand public a un intérêt dans l'acte judiciaire à exécuter. Le criminel n'est pas à l'abri d'une arrestation dans son propre foyer ou dans celui d'un de ses amis.
Et plus loin, à la même page, il fait remarquer:
On verra donc que le large principe de base excipant du caractère sacré du foyer est sujet à l'exception que lorsque demande régulière est faite les agents du Roi peuvent briser les portes pour faire l'arrestation.
Il est évident que le juge Dickson limitait ses observations aux cas où des policiers, à la recherche d'un fugitif qu'ils estiment avoir des motifs d'arrêter, pénètrent dans la maison d'une personne contre son gré.
Dans ses motifs de jugement en l'espèce, le juge Craig a considéré que l'arrêt Eccles c. Bourque appuie la prétention qu'en toutes circonstances
[TRADUCTION] C'est une disposition adoptée dans l'intérêt public. Cet intérêt prime tout; les droits de la personne sont secondaires. Alors, le droit de saisir les objets indiqués au paragraphe doit sûrement comprendre le droit de perquisitionner pour découvrir tous ces objets.
Avec égards pour la Cour d'appel, j'estime que l'arrêt Eccles ne justifie pas cette proposition. On présume que tous les articles du Code criminel sont adoptés «dans l'intérêt public» et, à mon avis, il serait très dangereux de conclure que les droits privés d'une personne à la jouissance exclusive de sa propriété doivent être assujettis au droit des policiers d'y entrer de force chaque fois qu'ils prétendent agir en vue d'appliquer un article du Code criminel, même s'ils ne sont pas munis d'une autorisation expresse qui justifie leurs actes.
Dans l'analyse très complète de la jurisprudence que fait le juge Dickson dans son jugement, il fait remarquer que, quelles que soient les circonstances, les policiers n'ont le droit d'entrer qu'après avoir d'abord annoncé leur présence et démontré leur autorité en énonçant un motif légitime d'entrer.
*** À noter que cette décision a été rendue avant l'adoption de la charte ***
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