S.C. c. R., 2007 QCCQ 10386 (CanLII)
[5] Les requérants soutiennent que l'obligation de s'enregistrer constitue une peine et qu’en conséquence, l’article 11 de la Charte s’applique.
[6] L’article 11i) de la Charte énonce que l’inculpé a droit « de bénéficier de la peine la moins sévère lorsque la peine qui sanctionne l’infraction dont il est déclaré coupable est modifiée entre le moment de la perpétration de l’infraction et celui de la sentence ».
[7] Certaines ordonnances accessoires peuvent constituer une peine. Par exemple, l’ordonnance d’interdiction de posséder des armes à feu ou l’ordonnance de purger la moitié de la peine d’emprisonnement. Cependant, toutes les ordonnances accessoires ne sont pas assimilées à des peines.
[8] Dans R. c. Rodgers, la Cour suprême décide que l’ordonnance de prélèvement d’échantillons d’ADN ne constitue pas une peine au sens de 11i) de la Charte. Quant à la définition de la peine, elle précise:
Cela ne signifie pas que la « peine » à laquelle renvoient les al. 11h) et i) englobe nécessairement toute conséquence pouvant découler du fait d'être déclaré coupable d'une infraction criminelle, que cette conséquence survienne ou non au moment de la détermination de la peine.
[…]
En règle générale, il me semble que la conséquence constitue une peine lorsqu'elle fait partie des sanctions dont est passible un accusé pour une infraction donnée et qu'elle est conforme à l'objectif et aux principes de la détermination de la peine.
[9] Dans R. c. Cross, la Cour d’appel de Nouvelle-Écosse conclut que l’article 490.012 C. cr. ne constitue pas une peine au sens de la Charte. Le but de la loi n’est pas de punir le délinquant mais de protéger la société en constituant une banque de renseignements sur les déplacements des personnes ciblées par la loi.
[10] Dans R. c. Berthelette, la Cour d’appel du Québec opine dans le même sens. En l'espèce, les avocats des requérants invitent le Tribunal à considérer cet arrêt avec prudence considérant son énoncé laconique et le fait qu’il s’agit d’une entente intervenue entre la poursuite et la défense.
[11] Pourtant, la Cour d’appel se prononce clairement sur cette question:
Considérant l'arrêt de la Cour d'appel de la Nouvelle-Écosse dans la cause de R. c. Cross, 198 C.C.C. (3d) 395;
Considérant l'arrêt majoritaire La Reine c. Rodgers, 2006 CSC 15 (CanLII), 2006 CSC 15 du 27 avril 2006, qui est applicable par analogie;
DÉCLARE que l'article 490.012 du Code criminel ne fait pas partie de la peine, et ne contrevient pas à l'article 11 de la Charte Canadienne.
[12] L’obligation de s’enregistrer prévue aux articles 490.019 et suivants du Code criminel intervient bien longtemps après le prononcé de la peine. Bien qu'il puisse y avoir certains inconvénients à l’obligation de s’enregistrer, cela n’en fait pas une peine pour autant. La loi n’a pas pour but de punir mais plutôt de permettre aux services de police d’avoir accès à des renseignements à jour et fiables sur les délinquants sexuels.
[13] Considérant ce qui précède, le Tribunal conclut que les articles 490.019 à 490.022 C. cr. ne font pas partie de la peine et ne contreviennent pas à l’article 11 de la Charte.
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vendredi 23 avril 2010
L'état du droit sur la question d'une demande de retrait de plaidoyer de culpabilité
R. c. Hébert, 2009 QCCQ 16250 (CanLII)
[54] La Cour d'appel du Québec, dans l'affaire Raymond c. R., fut saisie d'une demande de retrait de plaidoyer de culpabilité. Elle analyse ainsi l'état du droit sur cette question :
[74] Il est acquis qu’une personne, qui a plaidé coupable aux infractions qui lui étaient reprochées en première instance, peut interjeter appel de sa déclaration de culpabilité, dans la mesure où elle invoque des motifs valables justifiant le retrait de son plaidoyer.
[75] L’invalidité du plaidoyer de culpabilité qu’a présenté un accusé peut constituer un tel motif. Le paragraphe 1.1 de l’article 606 C.cr. codifie les conditions de validité d’un plaidoyer de culpabilité :
(a) le prévenu fait volontairement le plaidoyer;
(b) le prévenu comprend qu’il admet les éléments essentiels de l’infraction;
(c) le prévenu comprend la nature et les conséquences de sa décision; et
(d) le prévenu sait que le tribunal n’est lié par aucun accord conclu entre lui et le poursuivant.
[76] En d’autres termes, pour qu’il soit considéré comme valide, le plaidoyer « doit être libre, non équivoque et fondé sur une information adéquate quant à la nature des accusations portées contre le prévenu et aux conséquences du plaidoyer de culpabilité pour celui-ci ».
[55] Dans cette affaire, la Cour d'appel rappelle que c'est au requérant de démontrer que le plaidoyer qu'il a offert est invalide.
[56] Dans l'affaire R. c. Nersysyan, la Cour d'appel énonce ce qui suit :
[6] Le requérant a le fardeau de démontrer les motifs sérieux et valables justifiant la radiation de son plaidoyer de culpabilité. Le facteur primordial à considérer est le déni de justice. Dans ce contexte, il incombe à l’appelant d’établir qu’il avait des moyens de défense valables et non futiles à présenter. Il ne suffit pas de spéculer sur l’issue du procès qui a été évité. Or, dans le présent cas, l’appelant se contente d’une dénégation générale des actes qu’on lui reproche.
[7] Par ailleurs, l’insatisfaction subséquente devant la « manière dont les choses ont tourné » ou devant la peine infligée ne suffit pas pour obtenir la radiation du plaidoyer lorsque celui-ci demeure un geste éclairé et volontaire quant à l’ensemble des circonstances entourant les infractions reprochées et le procès lui-même.
[57] Par ailleurs, dans l'affaire Carignan c. R., la Cour d'appel, sur la question du retrait de plaidoyer de culpabilité, rappelle les éléments suivants :
[34] En enregistrant un plaidoyer de culpabilité, un accusé renonce à plusieurs droits garantis par la Charte. Dans R. c. Richard, le juge La Forest rappelle ce principe en faisant siens les propos du juge Laskin (il n'était pas encore juge en chef) dans Adgey c. R. :
Un plaidoyer de culpabilité comporte en soi l'aveu que le requérant qui l'offre a commis le crime imputé, de même qu'un consentement à ce qu'une déclaration de culpabilité soit inscrite sans procès d'aucune sorte. Le requérant, par un tel plaidoyer, délie le ministère public de l'obligation de prouver la culpabilité au-delà d'un doute raisonnable, abandonne son privilège de ne pouvoir être contraint à témoigner et son droit de rester muet, et renonce à son droit de faire une réponse et défense complète à l'encontre d'une accusation.
[35] C'est pourquoi « un plaidoyer, écrit le juge Baudouin, parce qu'il entraîne pour le requérant des conséquences, doit revêtir certaines qualités. Il doit être libre, volontaire, clair et informé ». Il est l'affaire du requérant et l'avocat ne peut forcer son client par des promesses ou des menaces à admettre une faute qu'il ne veut pas confesser ou qu'il n'a pas commise. Il faut néanmoins faire preuve de prudence car la frontière entre l'opinion juridique et la contrainte peut parfois être difficile à tracer.
[36] Le fardeau de la démonstration qu'un aveu de culpabilité fut illégalement donné et devrait être retiré appartient au requérant et il sera plus lourd s'il était représenté par avocat.
[37] En somme, c'est sur la base d'un examen de l'ensemble du dossier et des circonstances qu'un juge déterminera si le plaidoyer est non équivoque, volontaire et surtout informé. Au regard de ce dernier critère, Clayton C. Ruby écrit :
Where counsel’s assessment of the likelihood of success was flawed, for example, following counsel’s advice to plead guilty because there was no valid defence is a factor militating in favour of permission to change a plea as being invalid.
[54] La Cour d'appel du Québec, dans l'affaire Raymond c. R., fut saisie d'une demande de retrait de plaidoyer de culpabilité. Elle analyse ainsi l'état du droit sur cette question :
[74] Il est acquis qu’une personne, qui a plaidé coupable aux infractions qui lui étaient reprochées en première instance, peut interjeter appel de sa déclaration de culpabilité, dans la mesure où elle invoque des motifs valables justifiant le retrait de son plaidoyer.
[75] L’invalidité du plaidoyer de culpabilité qu’a présenté un accusé peut constituer un tel motif. Le paragraphe 1.1 de l’article 606 C.cr. codifie les conditions de validité d’un plaidoyer de culpabilité :
(a) le prévenu fait volontairement le plaidoyer;
(b) le prévenu comprend qu’il admet les éléments essentiels de l’infraction;
(c) le prévenu comprend la nature et les conséquences de sa décision; et
(d) le prévenu sait que le tribunal n’est lié par aucun accord conclu entre lui et le poursuivant.
[76] En d’autres termes, pour qu’il soit considéré comme valide, le plaidoyer « doit être libre, non équivoque et fondé sur une information adéquate quant à la nature des accusations portées contre le prévenu et aux conséquences du plaidoyer de culpabilité pour celui-ci ».
[55] Dans cette affaire, la Cour d'appel rappelle que c'est au requérant de démontrer que le plaidoyer qu'il a offert est invalide.
[56] Dans l'affaire R. c. Nersysyan, la Cour d'appel énonce ce qui suit :
[6] Le requérant a le fardeau de démontrer les motifs sérieux et valables justifiant la radiation de son plaidoyer de culpabilité. Le facteur primordial à considérer est le déni de justice. Dans ce contexte, il incombe à l’appelant d’établir qu’il avait des moyens de défense valables et non futiles à présenter. Il ne suffit pas de spéculer sur l’issue du procès qui a été évité. Or, dans le présent cas, l’appelant se contente d’une dénégation générale des actes qu’on lui reproche.
[7] Par ailleurs, l’insatisfaction subséquente devant la « manière dont les choses ont tourné » ou devant la peine infligée ne suffit pas pour obtenir la radiation du plaidoyer lorsque celui-ci demeure un geste éclairé et volontaire quant à l’ensemble des circonstances entourant les infractions reprochées et le procès lui-même.
[57] Par ailleurs, dans l'affaire Carignan c. R., la Cour d'appel, sur la question du retrait de plaidoyer de culpabilité, rappelle les éléments suivants :
[34] En enregistrant un plaidoyer de culpabilité, un accusé renonce à plusieurs droits garantis par la Charte. Dans R. c. Richard, le juge La Forest rappelle ce principe en faisant siens les propos du juge Laskin (il n'était pas encore juge en chef) dans Adgey c. R. :
Un plaidoyer de culpabilité comporte en soi l'aveu que le requérant qui l'offre a commis le crime imputé, de même qu'un consentement à ce qu'une déclaration de culpabilité soit inscrite sans procès d'aucune sorte. Le requérant, par un tel plaidoyer, délie le ministère public de l'obligation de prouver la culpabilité au-delà d'un doute raisonnable, abandonne son privilège de ne pouvoir être contraint à témoigner et son droit de rester muet, et renonce à son droit de faire une réponse et défense complète à l'encontre d'une accusation.
[35] C'est pourquoi « un plaidoyer, écrit le juge Baudouin, parce qu'il entraîne pour le requérant des conséquences, doit revêtir certaines qualités. Il doit être libre, volontaire, clair et informé ». Il est l'affaire du requérant et l'avocat ne peut forcer son client par des promesses ou des menaces à admettre une faute qu'il ne veut pas confesser ou qu'il n'a pas commise. Il faut néanmoins faire preuve de prudence car la frontière entre l'opinion juridique et la contrainte peut parfois être difficile à tracer.
[36] Le fardeau de la démonstration qu'un aveu de culpabilité fut illégalement donné et devrait être retiré appartient au requérant et il sera plus lourd s'il était représenté par avocat.
[37] En somme, c'est sur la base d'un examen de l'ensemble du dossier et des circonstances qu'un juge déterminera si le plaidoyer est non équivoque, volontaire et surtout informé. Au regard de ce dernier critère, Clayton C. Ruby écrit :
Where counsel’s assessment of the likelihood of success was flawed, for example, following counsel’s advice to plead guilty because there was no valid defence is a factor militating in favour of permission to change a plea as being invalid.
mercredi 21 avril 2010
Tableau de peines infligées pour une tentative de meurtre commise dans un contexte conjugal
Roy c. R., 2010 QCCA 16 (CanLII)
[73] Il peut être intéressant de brosser un tableau de peines infligées pour une tentative de meurtre commise dans un contexte conjugal afin de voir si la peine imposée à l'appelant se situe à l'intérieur de l'éventail des peines généralement imposées.
1) Des peines de plus courte durée (sept ans et moins)
[74] Dans R. c. Boutin (1993), 57 Q.A.C. 43 (C.A. Qué.), les faits peuvent se résumer ainsi : après l’annonce du divorce, l’accusé a vécu un épisode dépressif durant lequel il s’est nourri presque exclusivement de bières et a peu dormi. Il a prémédité son crime, puisqu’il a annoncé à son beau-frère son intention trois jours avant de passer à l’acte et il a usé d’un stratagème pour que sa conjointe vienne le rejoindre au domicile conjugal qu’elle avait quitté. Il l’a alors poignardée. Leur fille de 16 ans est intervenue physiquement et elle a réussi à le désarmer. L’accusé a plaidé coupable, il a exprimé des regrets et il a participé à des thérapies en centre de détention. Il a été toutefois mis en preuve que, lors de la relation conjugale, l’appelant était excessivement jaloux et se livrait à de la violence psychologique à l’endroit de la victime. Les séquelles pour la victime et l’adolescente sont nombreuses et importantes. Le juge de première instance a imposé neuf ans d’emprisonnement, mais la Cour d’appel a réduit la peine à cinq ans, vu la possibilité de réhabilitation.
[75] Dans R. c. Rousselle, AZ-91031139 (C.Q. crim. & pén.), une peine d’emprisonnement de 4 ans a été imposée à un accusé qui, après avoir obtenu un congé spécial du centre de détention, n'a pas réintégré l’établissement, s’est rendu dans sa famille au Nouveau-Brunswick afin de récupérer une arme de chasse semi-automatique dans le but de tuer son ex-conjointe et ensuite de s’enlever la vie. Il se rend à l’endroit où elle travaille à Montréal, mais, constatant que le chargeur de son arme est endommagé et craignant de blesser des tiers, il décide d’aller à la résidence de son ex-conjointe. Il s’y cache toute la nuit et au moment où la victime quitte les lieux avec son père pour aller travailler, il s’avance vers le véhicule et il fait feu. Il rate toutefois sa cible et il est maîtrisé. Personne n'est blessé. Le juge a imposé quatre ans d’emprisonnement après avoir noté la présence d'antécédents judiciaires, tous reliés à des épisodes de violence à l'endroit de la même victime après qu’elle eut mis un terme à leur relation, l’absence de problème de santé mentale, le plaidoyer de culpabilité, la possibilité de réhabilitation et l’absence de blessures à la suite de la tentative de meurtre.
[76] Dans R. c. Beaulieu, AZ-50235551 (C.Q. crim. & pén.), une peine de cinq ans d'emprisonnement a été imposée à l’accusé qui avait tenté de tuer son ex-conjointe avec une arme à feu et qui avait également utilisé une arme lors de sa tentative de causer des lésions corporelles à l’homme qui se trouvait avec elle. Après qu’elle eut mis un terme à leur relation, l’accusé a avisé son ex-conjointe qu’il allait la tuer. Il s’est présenté chez elle un soir, est entré dans la chambre à coucher et il a fait feu en sa direction (mais a raté la cible) et il a ensuite pointé l’arme en direction de l’homme qui s’y trouvait. Une altercation s’en est suivie et il a finalement infligé des lésions corporelles à ce dernier. Lorsqu’il a été retrouvé par les policiers, l’accusé avait fait une tentative de suicide qui lui a laissé une sérieuse blessure au visage. Le juge a imposé la peine en retenant comme élément significatif la tentative de suicide et le plaidoyer de culpabilité de même que la présence de nombreuses condamnations et l’absence de remords.
[77] Dans R. c. A.Y., [2007] J.Q. n° 609 (C.Q.), le juge impose une peine équivalant à six ans d’emprisonnement (en tenant compte de la détention provisoire) à un accusé non criminalisé qui a poignardé sa conjointe à sept reprises et leur enfant de quinze mois à deux reprises, et ce, sans raison apparente. Le juge considère comme facteurs atténuants l’absence de condamnation antérieure, les regrets (dont la sincérité est toutefois douteuse) et le fait que l'accusé n’était pas dans un état normal lors de la perpétration du crime (bien qu’il ne soit pas question de problèmes de santé mentale). Pour ce qui est des facteurs aggravants, le juge retient le contexte conjugal, la violence envers un enfant, l’abus de confiance, l’utilisation d’une arme, l’acharnement, son inquiétude quant au risque de récidive et les séquelles subies par les victimes.
[78] Dans R. c. Gauthier, [2000] J.Q. n° 885 (C.A.), la Cour a accueilli l’appel de la poursuivante contre une peine d’emprisonnement dans la collectivité de deux ans moins un jour imposée à un contrevenant qui avait tenté de tuer son épouse à l’occasion d’une procédure de divorce se tenant au palais de justice de Montréal. Il faut souligner que l’accusé avait attaqué au couteau un avocat et qu’il avait blessé deux agents de la paix lors de cet événement. Il avait également menacé de se suicider. Les séquelles subies par les victimes sont quelques cicatrices et un sentiment de peur. L’accusé était dépressif et le risque de récidive était faible. Vu l’endroit où les infractions ont été commises et leur nature, la Cour intervient, estimant qu’une peine d’emprisonnement totalisant quatre ans était appropriée.
[79] On constate donc que, au Québec, des peines variant entre quatre et six ans d'emprisonnement ont souvent été infligées pour des tentatives de meurtre commises dans des circonstances qui, tout en étant sérieuses, ont toutefois un niveau de gravité inférieur à celui du présent dossier. La situation est analogue dans les autres provinces[3], quoique des peines de sept ans ont aussi été imposées, notamment dans R. v. Sugar, [1982] B.C.J. No 1270 (B.C.C.A.), R. v. Stedingh, [1983] N.S.J. No 393 (N.S.C.A.), R. v. Fitzpratick, [1991] B.C.J. No 3586 (B.C.C.A.), R. v. Glen, [1983] O.J. No 179 (Ont.C.A.) et R. v. Chown, [1977] N.B.J. No 173 (N.B.C.A.). Je signale que, dans cette dernière affaire, l'accusé a frappé son épouse à 17 reprises avec son couteau et l'a abandonnée à son sort avec la lame enfoncée dans le cou. Son épouse voulait divorcer.
2) Des peines de durée intermédiaire (huit à quatorze ans)
[80] En 1996, la Cour d’appel de l’Ontario a entendu conjointement deux appels d'accusés qui avaient tous deux tenté de tuer leurs épouses. Il s'agit de R. v. Edwards; R. v. Levo 1996 CanLII 1522 (ON C.A.), (1996), 88 O.A.C. 217. Il convient d’examiner les faits de chaque affaire.
[81] Dans R. v. Edwards, l’accusé avait vécu en union de fait avec la victime pendant quelques mois et celle-ci avait mis fin à la relation après qu’il l’eut agressée physiquement à plusieurs occasions. La relation a toutefois continué. La victime a invité l’accusé à venir célébrer avec elle et son fils de sept ans la fête de Noël. Vers la fin de la soirée, l’accusé a fait des avances à la victime, mais elle a refusé. Il a alors quitté les lieux, prétextant devoir aller chercher un autre cadeau, mais il est plutôt revenu avec un pistolet et il a fait feu en sa direction à quatre reprises, l’atteignant à la tête et à la poitrine. L’accusé était âgé de 40 ans, avait un problème psychiatrique et avait vécu une enfance difficile. Il a plaidé coupable et exprimait des remords. La Cour d'appel a confirmé une peine de 11 ans d’emprisonnement.
[82] Dans R. v. Levo, l’accusé était marié avec la victime depuis 1971 et ils ont eu deux enfants. La relation battait de l’aile et la victime a indiqué à l’accusé qu’elle voulait se séparer. En mai 1992, après avoir consommé de l’alcool, l’accusé est allé à une fête à laquelle assistait la victime. Il l'a invitée à danser, mais elle a refusé tout en acceptant l'invitation d'un autre homme avec qui l’accusé soupçonnait qu'elle entretenait une liaison. Il a alors fait feu sur la victime, l'atteignant au cou, et ce, devant leurs deux enfants. À titre de facteurs aggravants, le juge de première instance a retenu que les enfants souffraient de séquelles psychologiques importantes et a souligné que la victime était paralysée à partir du cou. En revanche, l’accusé avait plaidé coupable, il souffrait d’alcoolisme chronique, avait un problème de personnalité et les probabilités de réhabilitation étaient favorables. L’accusé était âgé de 50 ans. La Cour d’appel a maintenu la peine d’emprisonnement de 12 ans.
[83] Dans R. v. Cormier, 1999 CanLII 13118 (NB C.A.), [1999] N.B.J. No 83, 140 C.C.C. (3d) 87 (N.B.C.A.), une peine de neuf ans, avec obligation d'en purger la moitié avant l'admissibilité à la libération conditionnelle, a été imposée à un accusé qui a tranché la gorge de son ex-amie de cœur, l'a traînée dans la rue et a continué à l'agresser en la poursuivant alors qu'elle tentait de s'enfuir.
[84] Dans R. v. Young, 2004 MBCA 69 (CanLII), 2004 MBCA 69, la Cour d'appel du Manitoba souligne qu’une peine d’emprisonnement de huit à dix ans est appropriée pour un contrevenant qui a tenté de commettre le meurtre de son ex-conjointe avec un couteau, de manière très brutale et violente, alors qu’il souffrait de bipolarité.
[85] Récemment, dans R. v. Al-Rabie, [2009] N.S.J. No 220, la Cour d’appel de la Nouvelle-Écosse a refusé d’accorder une demande de permission d’appeler hors délai présentée par l’accusé. Celui-ci avait tenté de tuer son épouse en l’étouffant et en la jetant dans les escaliers. Il a plaidé coupable et le juge d'instance a imposé une peine de huit ans d’emprisonnement, laquelle se situe, de l’avis de la Cour d'appel, dans la fourchette habituelle pour ce genre d’infraction (la Cour a alors appliqué l’arrêt Bryan, cité plus loin).
[86] Dans R. v. Quance, 2000 CanLII 5741 (ON C.A.), [2000] O.J. No 2243, 146 C.C.C. (3d) 153 (Ont.C.A.), l'accusé a imbibé d'essence son ex-épouse et l'ami de cœur de cette dernière avant de mettre le feu, ce qui a entraîné des douleurs atroces et des séquelles permanentes. La peine fut de 14 ans d'emprisonnement.
[87] Dans R. v. Brown, 2001 NFCA 8 (CanLII), (2001), 152 C.C.C. (3d) 26 (N.L. C.A.), la Cour d'appel a réduit la peine d'emprisonnement à perpétuité à une peine de 14 ans malgré la violence de l'attaque, que certains pourraient qualifier d'extrême. L'accusé a frappé son ex-amie à 22 reprises avec un couteau, lors d'une agression préméditée, et lui a causé des blessures à la tête, au visage et à l'abdomen qui ont entraîné de graves séquelles permanentes. La Cour a mentionné que l'emprisonnement à perpétuité est généralement limité aux cas de violence extrême ou encore lorsque le délinquant a des antécédents de violence, manifeste peu de remords et a un potentiel élevé de récidive.
[88] Enfin, je mentionne, à titre d'exemples, certaines décisions récentes de tribunaux canadiens : R. v. Ruso, 2007 CarswellOnt 4528 (Ont. S.C.J.); R. v. McDonald, 2007 CarswellOnt 6241 (Ont. S.C.J.); R. v. G. (K.), 2007 CarswellOnt 546 (Ont. S.C.J.); R. v. Cuthbert, 2007 BCCA 585 (CanLII), 54 C.R. (6th) 99, 2007 BCCA 585 (B.C. C.A.), tels que résumés dans Nadin-Davis and Sproule, Canadian Sentencing Digest, Toronto, Thomson Carswell, 2008, aux p. 74.1 à 74.4 :
R. v. Ruso
The accused, a 57-year-old first offender, pleaded guilty to the attempted murder of his wife of 34 years. He was convinced that the victim was seeing another man and insisted that she provide him with the man's name and telephone number. When she refused, he struck her in the neck with an axe. While she was bleeding and unconscious on the floor, he attempted to cave her head in with a hammer, striking her three or four times in the face and head area. He left her for dead and reported the "murder". The victim suffered serious, permanent and disfiguring injuries. Before the offence, the victim had left the family home in fear for her life after being threatened by the accused. She had smuggled out the accused's shotgun and taken it to the local police station. She was attacked when she returned to the home, against the advice of the police, to feed her physically challenged daughter. At the time of the offence, the accused was suffering from severe depression and anxiety and had taken a .5 milligram dose of Xanax, which acted as a disinhibitor. He waived the preliminary hearing and spent 29 months in pre-trial custody. The aggravating factors included the domestic nature of the offence, the prior threats, the brutality and cold-bloodedness of the offence itself, the use of two separate weapons the extent of the victim's injuries and the devastating emotional impact upon the victim. McMahon J. found that the appropriate sentence was 10 years' imprisonment. The accused was given 58 months' credit for pre-trial custody and was sentenced to an additional 5 years and 2 months' imprisonment.
R. v. McDonald
The accused pleaded guilty to one count of attempting to murder C, the woman with whom he had lived for ten years, and one count of attempting to murder C's 31-year-old daughter, who was living with the couple at the time. The accused was depressed and suicidal and decided to kill the two women and then kill himself. Using the claw end of a carpenter's hammer, he struck the sleeping daughter four to six times in the head and face, then went to C's bedroom and struck her about the head. She woke up and tried to fight back, and then fled the house and called 911. The daughter was in a coma and on life support for three days. She was permanently disfigured and suffered permanent cognitive impairment. C had a fractured skull and was permanently disfigured but did not lose any cognitive ability. The accused had significant gambling debts at the time of the offence, his mother's health was deterioration, and his relationship with C was poor. He was unable to explain why he tried to kill her daughter. He was not suffering from any mental illness and was not under the influence of drugs or alcohol at the time of the offence. The accused was 42 years old at the time of the offences and had no criminal record. He was steadily employed and was well regarded by his employer. He was an active volunteer in his church. He expressed genuine remorse. While the accused and C had been occupying separate bedrooms for some years, the relationship was domestic. That was an aggravating factor. McMahon J. gave the accused credit on a 2:1 basis for 1 year's pre-trial custody and sentenced him to an additional 9 years' imprisonment on each count, concurrent.
R. v. G. (K.)
The accused pleaded guilty after a preliminary inquiry to the attempted murder of his wife S and uttering death threats to his sister-in-law R. He and S were separated at the time of the offences, and the accused believed that S was seeing another man. S, accompanied by the couple's two young children, picked up the accused to go grocery shopping. The accused told S to pull into a parking lot, where they started arguing. The accused struck S about the face with great force. S got out of the car, and the accused knocked her down with the car and accelerated over her, trapping her in the undercarriage. She was dragged for 82 feet before she was thrown clear. The accused left her in the parking lot, put the children in a taxi, abandoned the car and ran away. He later called 911 and told the operator that he had a machine gun and intended to use it to kill S's family, including R. S's injuries were extensive and life-threatening. She had numerous surgeries, and faced a lifetime of medical interventions. The accused was from Guyana and did not have legal status in Canada. He had a criminal record in the United States which included convictions for attempted robbery in the first degree, burglary in the second degree and possession of a controlled substance. Kiteley J. sentenced the accused to 14 years' imprisonment for attempted murder, less a credit of 28 months for pre-trial custody, and to 9 months consecutive for uttering a death threat.
R. v. Cuthbert
The accused was convicted after a jury trial of the attempted murder of his ex-wife C, discharging a firearm with the intent to wound C's common law husband D, and possession of a sawed-off shotgun for a purpose dangerous to the public peace. The offences took place in the context of a dispute over custody of the daughter of the accused and C, who had been raised by the accused for most of her life. When he was served with legal papers with a covering letter from C informing him that their daughter would not be returning to live with him until he had dealt with his anger, he purchased a shotgun, sawed off the barrel, and drove to C's residence. He forced his way in and threatened C. D intervened and was shot, suffering severe injuries. The accused tried to fire the shotgun at C, but was unable to rechamber a fresh round. The accused was 46 years old at the time of sentencing. He had a degree in electronics and had been steadily employer throughout his adult life. He had no criminal record. The trial judge found that the appropriate global sentence was 12 years' imprisonment. He gave the accused 2 years credit for pre-trial custody and sentenced him to an additional 10 years' imprisonment for discharging a firearm, 10 years concurrent for attempted murder and 3 years concurrent for possession of a weapon for a purpose dangerous to the public peace. On appeal by the accused, the Court of Appeal (Finch C.J.B.C.; Levine and Lowry JJ.A. concurring) affirmed the sentence. The offences were not the result of momentary inattention or an error in judgment. The jury concluded beyond a reasonable doubt that he was not suffering from any mental incapacity at the time of the offences. Rather, he was motivated by hatred of C. The sentence was required to reflect both the gravity of the offences and the accused's degree of responsibility.
[89] Des peines allant de huit à quatorze ans d'emprisonnement paraissent donc appropriées dans des cas où la violence est particulièrement brutale, malgré la présence de facteurs atténuants et même en l'absence de condamnations antérieures. Je note que plusieurs de ces affaires s'apparentent au présent appel et certaines paraissent même plus graves.
3) Des peines d'emprisonnement de plus longue durée (quinze ans et plus)
[90] Les jugements cités par le juge de première instance (Tan, Mesgun, Zavala-Juarez et Lieug) permettent de voir que les peines dépassant 15 ans d’emprisonnement sont réservées à des affaires où des circonstances aggravantes particulières sont présentes, comme : la violence répétée avant l'agression, les menaces antérieures, le harcèlement répétitif, le caractère planifié, prémédité et orchestré de l'agression, la brutalité extrême, l'absence de remords, une agression que l'accusé fait intentionnellement durer, une tentative de camouflage, la perpétration d’infractions connexes (telles l’agression sexuelle, la séquestration et l'introduction par effraction) ou le risque élevé de récidive, des facteurs qui, outre la brutalité de l'agression et une certaine forme de préméditation, sont ici inexistants. D'autres décisions confirment ce point de vue.
[91] Ainsi, dans R. v. Bryan, [2008] NSCA 119, la Cour d'appel de la Nouvelle-Écosse a confirmé une peine de 15 ans d’emprisonnement imposée à un contrevenant qui avait tenté de tuer son épouse enceinte de 4 mois en la frappant 15 fois avec une épée. Il s’agissait d’un individu non criminalisé qui souffrait d’un trouble narcissique de la personnalité. Il avait inscrit dans son journal intime son désir de tuer sa conjointe et l’enfant qu’elle portait et de s’enlever la vie ensuite. C’est un voisin, témoin de l’attaque, qui a alerté les secours. La victime a perdu son enfant, a souffert de plusieurs incapacités et a subi 14 interventions chirurgicales. Elle requérait ensuite une assistance permanente. L'accusé a plaidé coupable. La Cour d'appel estime que la peine appropriée pour une tentative de meurtre à l’égard d’un conjoint peut varier entre 8 ans d'emprisonnement et la perpétuité. Dans ce cas, elle conclut que le juge d’instance n’a pas commis d’erreur en accordant peu de poids à l’absence de condamnation antérieure et au plaidoyer de culpabilité à la première occasion. De plus, le juge d’instance était justifié de faire primer les objectifs de dénonciation et de dissuasion. L'appel a été rejeté.
[92] Dans R. v. Nippard reflex, (1993), 83 C.C.C. (3d) 410 (N.L.C.A.), l'emprisonnement à perpétuité a été imposé dans les circonstances suivantes. L'accusé a attaqué son épouse et un homme qui l'accompagnait et qu'il croyait être son amant. Il a frappé celui-ci d'un coup de couteau à l'estomac et s'en est ensuite pris à son épouse en la retenant d'une main et en la frappant de l'autre avec son arme à 33 reprises au visage, au dos, sur les bras, à l'abdomen et au thorax, tout en lui disant qu'il la tuerait. L'accusé avait une longue histoire de comportement de violence et d'humiliation envers son épouse, particulièrement durant les 5 années précédant l'agression. Ses antécédents judiciaires étaient récents (au cours de l'année de l'agression) et étaient tous reliés à son épouse : à deux reprises, menaces de mort envers celle-ci; pointer une arme à feu en sa direction; non-respect d'une ordonnance de probation en la menaçant. Deux psychiatres ont témoigné que l'accusé souffrait de jalousie paranoïde, qui pouvait le rendre extrêmement violent, et qu'il n'existait pas de traitement pour ce trouble de la personnalité. Disant craindre pour la sécurité de la victime et du public en général, la Cour d'appel cite alors avec approbation la Cour d'appel de l'Ontario dans R. v. Hill (1974), 15 C.C.C. (2d) 145, aux p. 147-148 :
When an accused has been convicted of a serious crime in itself calling for a substantial sentence and when he suffers from some mental or personality disorder rendering him a danger to the community but not subjecting him to confinement in a mental institution and when it is uncertain when, if ever, the accused will be cured of his affliction, in my opinion the appropriate sentence is one of life. Such a sentence, in such circumstances, amounts to an indefinite sentence under which the parole board can release him to the community when it is satisfied, upon adequate psychiatric examination, it is in the interest of the accused and of the community for him to return to society.
[93] Dans Sentencing, précité à la note 3, l'auteur Clayton C. Ruby fait état, à la p. 794, paragr. 23.120, de R. v. Hurley, jugement inédit du 8 mai 1995 (Cour de l'Ontario, division générale), dans lequel l'emprisonnement à perpétuité a été infligé à un accusé qui a, brutalement et de manière dégradante, attaqué son amie après l'avoir violentée de façon répétée durant une période de plusieurs mois avant l'attaque.
[73] Il peut être intéressant de brosser un tableau de peines infligées pour une tentative de meurtre commise dans un contexte conjugal afin de voir si la peine imposée à l'appelant se situe à l'intérieur de l'éventail des peines généralement imposées.
1) Des peines de plus courte durée (sept ans et moins)
[74] Dans R. c. Boutin (1993), 57 Q.A.C. 43 (C.A. Qué.), les faits peuvent se résumer ainsi : après l’annonce du divorce, l’accusé a vécu un épisode dépressif durant lequel il s’est nourri presque exclusivement de bières et a peu dormi. Il a prémédité son crime, puisqu’il a annoncé à son beau-frère son intention trois jours avant de passer à l’acte et il a usé d’un stratagème pour que sa conjointe vienne le rejoindre au domicile conjugal qu’elle avait quitté. Il l’a alors poignardée. Leur fille de 16 ans est intervenue physiquement et elle a réussi à le désarmer. L’accusé a plaidé coupable, il a exprimé des regrets et il a participé à des thérapies en centre de détention. Il a été toutefois mis en preuve que, lors de la relation conjugale, l’appelant était excessivement jaloux et se livrait à de la violence psychologique à l’endroit de la victime. Les séquelles pour la victime et l’adolescente sont nombreuses et importantes. Le juge de première instance a imposé neuf ans d’emprisonnement, mais la Cour d’appel a réduit la peine à cinq ans, vu la possibilité de réhabilitation.
[75] Dans R. c. Rousselle, AZ-91031139 (C.Q. crim. & pén.), une peine d’emprisonnement de 4 ans a été imposée à un accusé qui, après avoir obtenu un congé spécial du centre de détention, n'a pas réintégré l’établissement, s’est rendu dans sa famille au Nouveau-Brunswick afin de récupérer une arme de chasse semi-automatique dans le but de tuer son ex-conjointe et ensuite de s’enlever la vie. Il se rend à l’endroit où elle travaille à Montréal, mais, constatant que le chargeur de son arme est endommagé et craignant de blesser des tiers, il décide d’aller à la résidence de son ex-conjointe. Il s’y cache toute la nuit et au moment où la victime quitte les lieux avec son père pour aller travailler, il s’avance vers le véhicule et il fait feu. Il rate toutefois sa cible et il est maîtrisé. Personne n'est blessé. Le juge a imposé quatre ans d’emprisonnement après avoir noté la présence d'antécédents judiciaires, tous reliés à des épisodes de violence à l'endroit de la même victime après qu’elle eut mis un terme à leur relation, l’absence de problème de santé mentale, le plaidoyer de culpabilité, la possibilité de réhabilitation et l’absence de blessures à la suite de la tentative de meurtre.
[76] Dans R. c. Beaulieu, AZ-50235551 (C.Q. crim. & pén.), une peine de cinq ans d'emprisonnement a été imposée à l’accusé qui avait tenté de tuer son ex-conjointe avec une arme à feu et qui avait également utilisé une arme lors de sa tentative de causer des lésions corporelles à l’homme qui se trouvait avec elle. Après qu’elle eut mis un terme à leur relation, l’accusé a avisé son ex-conjointe qu’il allait la tuer. Il s’est présenté chez elle un soir, est entré dans la chambre à coucher et il a fait feu en sa direction (mais a raté la cible) et il a ensuite pointé l’arme en direction de l’homme qui s’y trouvait. Une altercation s’en est suivie et il a finalement infligé des lésions corporelles à ce dernier. Lorsqu’il a été retrouvé par les policiers, l’accusé avait fait une tentative de suicide qui lui a laissé une sérieuse blessure au visage. Le juge a imposé la peine en retenant comme élément significatif la tentative de suicide et le plaidoyer de culpabilité de même que la présence de nombreuses condamnations et l’absence de remords.
[77] Dans R. c. A.Y., [2007] J.Q. n° 609 (C.Q.), le juge impose une peine équivalant à six ans d’emprisonnement (en tenant compte de la détention provisoire) à un accusé non criminalisé qui a poignardé sa conjointe à sept reprises et leur enfant de quinze mois à deux reprises, et ce, sans raison apparente. Le juge considère comme facteurs atténuants l’absence de condamnation antérieure, les regrets (dont la sincérité est toutefois douteuse) et le fait que l'accusé n’était pas dans un état normal lors de la perpétration du crime (bien qu’il ne soit pas question de problèmes de santé mentale). Pour ce qui est des facteurs aggravants, le juge retient le contexte conjugal, la violence envers un enfant, l’abus de confiance, l’utilisation d’une arme, l’acharnement, son inquiétude quant au risque de récidive et les séquelles subies par les victimes.
[78] Dans R. c. Gauthier, [2000] J.Q. n° 885 (C.A.), la Cour a accueilli l’appel de la poursuivante contre une peine d’emprisonnement dans la collectivité de deux ans moins un jour imposée à un contrevenant qui avait tenté de tuer son épouse à l’occasion d’une procédure de divorce se tenant au palais de justice de Montréal. Il faut souligner que l’accusé avait attaqué au couteau un avocat et qu’il avait blessé deux agents de la paix lors de cet événement. Il avait également menacé de se suicider. Les séquelles subies par les victimes sont quelques cicatrices et un sentiment de peur. L’accusé était dépressif et le risque de récidive était faible. Vu l’endroit où les infractions ont été commises et leur nature, la Cour intervient, estimant qu’une peine d’emprisonnement totalisant quatre ans était appropriée.
[79] On constate donc que, au Québec, des peines variant entre quatre et six ans d'emprisonnement ont souvent été infligées pour des tentatives de meurtre commises dans des circonstances qui, tout en étant sérieuses, ont toutefois un niveau de gravité inférieur à celui du présent dossier. La situation est analogue dans les autres provinces[3], quoique des peines de sept ans ont aussi été imposées, notamment dans R. v. Sugar, [1982] B.C.J. No 1270 (B.C.C.A.), R. v. Stedingh, [1983] N.S.J. No 393 (N.S.C.A.), R. v. Fitzpratick, [1991] B.C.J. No 3586 (B.C.C.A.), R. v. Glen, [1983] O.J. No 179 (Ont.C.A.) et R. v. Chown, [1977] N.B.J. No 173 (N.B.C.A.). Je signale que, dans cette dernière affaire, l'accusé a frappé son épouse à 17 reprises avec son couteau et l'a abandonnée à son sort avec la lame enfoncée dans le cou. Son épouse voulait divorcer.
2) Des peines de durée intermédiaire (huit à quatorze ans)
[80] En 1996, la Cour d’appel de l’Ontario a entendu conjointement deux appels d'accusés qui avaient tous deux tenté de tuer leurs épouses. Il s'agit de R. v. Edwards; R. v. Levo 1996 CanLII 1522 (ON C.A.), (1996), 88 O.A.C. 217. Il convient d’examiner les faits de chaque affaire.
[81] Dans R. v. Edwards, l’accusé avait vécu en union de fait avec la victime pendant quelques mois et celle-ci avait mis fin à la relation après qu’il l’eut agressée physiquement à plusieurs occasions. La relation a toutefois continué. La victime a invité l’accusé à venir célébrer avec elle et son fils de sept ans la fête de Noël. Vers la fin de la soirée, l’accusé a fait des avances à la victime, mais elle a refusé. Il a alors quitté les lieux, prétextant devoir aller chercher un autre cadeau, mais il est plutôt revenu avec un pistolet et il a fait feu en sa direction à quatre reprises, l’atteignant à la tête et à la poitrine. L’accusé était âgé de 40 ans, avait un problème psychiatrique et avait vécu une enfance difficile. Il a plaidé coupable et exprimait des remords. La Cour d'appel a confirmé une peine de 11 ans d’emprisonnement.
[82] Dans R. v. Levo, l’accusé était marié avec la victime depuis 1971 et ils ont eu deux enfants. La relation battait de l’aile et la victime a indiqué à l’accusé qu’elle voulait se séparer. En mai 1992, après avoir consommé de l’alcool, l’accusé est allé à une fête à laquelle assistait la victime. Il l'a invitée à danser, mais elle a refusé tout en acceptant l'invitation d'un autre homme avec qui l’accusé soupçonnait qu'elle entretenait une liaison. Il a alors fait feu sur la victime, l'atteignant au cou, et ce, devant leurs deux enfants. À titre de facteurs aggravants, le juge de première instance a retenu que les enfants souffraient de séquelles psychologiques importantes et a souligné que la victime était paralysée à partir du cou. En revanche, l’accusé avait plaidé coupable, il souffrait d’alcoolisme chronique, avait un problème de personnalité et les probabilités de réhabilitation étaient favorables. L’accusé était âgé de 50 ans. La Cour d’appel a maintenu la peine d’emprisonnement de 12 ans.
[83] Dans R. v. Cormier, 1999 CanLII 13118 (NB C.A.), [1999] N.B.J. No 83, 140 C.C.C. (3d) 87 (N.B.C.A.), une peine de neuf ans, avec obligation d'en purger la moitié avant l'admissibilité à la libération conditionnelle, a été imposée à un accusé qui a tranché la gorge de son ex-amie de cœur, l'a traînée dans la rue et a continué à l'agresser en la poursuivant alors qu'elle tentait de s'enfuir.
[84] Dans R. v. Young, 2004 MBCA 69 (CanLII), 2004 MBCA 69, la Cour d'appel du Manitoba souligne qu’une peine d’emprisonnement de huit à dix ans est appropriée pour un contrevenant qui a tenté de commettre le meurtre de son ex-conjointe avec un couteau, de manière très brutale et violente, alors qu’il souffrait de bipolarité.
[85] Récemment, dans R. v. Al-Rabie, [2009] N.S.J. No 220, la Cour d’appel de la Nouvelle-Écosse a refusé d’accorder une demande de permission d’appeler hors délai présentée par l’accusé. Celui-ci avait tenté de tuer son épouse en l’étouffant et en la jetant dans les escaliers. Il a plaidé coupable et le juge d'instance a imposé une peine de huit ans d’emprisonnement, laquelle se situe, de l’avis de la Cour d'appel, dans la fourchette habituelle pour ce genre d’infraction (la Cour a alors appliqué l’arrêt Bryan, cité plus loin).
[86] Dans R. v. Quance, 2000 CanLII 5741 (ON C.A.), [2000] O.J. No 2243, 146 C.C.C. (3d) 153 (Ont.C.A.), l'accusé a imbibé d'essence son ex-épouse et l'ami de cœur de cette dernière avant de mettre le feu, ce qui a entraîné des douleurs atroces et des séquelles permanentes. La peine fut de 14 ans d'emprisonnement.
[87] Dans R. v. Brown, 2001 NFCA 8 (CanLII), (2001), 152 C.C.C. (3d) 26 (N.L. C.A.), la Cour d'appel a réduit la peine d'emprisonnement à perpétuité à une peine de 14 ans malgré la violence de l'attaque, que certains pourraient qualifier d'extrême. L'accusé a frappé son ex-amie à 22 reprises avec un couteau, lors d'une agression préméditée, et lui a causé des blessures à la tête, au visage et à l'abdomen qui ont entraîné de graves séquelles permanentes. La Cour a mentionné que l'emprisonnement à perpétuité est généralement limité aux cas de violence extrême ou encore lorsque le délinquant a des antécédents de violence, manifeste peu de remords et a un potentiel élevé de récidive.
[88] Enfin, je mentionne, à titre d'exemples, certaines décisions récentes de tribunaux canadiens : R. v. Ruso, 2007 CarswellOnt 4528 (Ont. S.C.J.); R. v. McDonald, 2007 CarswellOnt 6241 (Ont. S.C.J.); R. v. G. (K.), 2007 CarswellOnt 546 (Ont. S.C.J.); R. v. Cuthbert, 2007 BCCA 585 (CanLII), 54 C.R. (6th) 99, 2007 BCCA 585 (B.C. C.A.), tels que résumés dans Nadin-Davis and Sproule, Canadian Sentencing Digest, Toronto, Thomson Carswell, 2008, aux p. 74.1 à 74.4 :
R. v. Ruso
The accused, a 57-year-old first offender, pleaded guilty to the attempted murder of his wife of 34 years. He was convinced that the victim was seeing another man and insisted that she provide him with the man's name and telephone number. When she refused, he struck her in the neck with an axe. While she was bleeding and unconscious on the floor, he attempted to cave her head in with a hammer, striking her three or four times in the face and head area. He left her for dead and reported the "murder". The victim suffered serious, permanent and disfiguring injuries. Before the offence, the victim had left the family home in fear for her life after being threatened by the accused. She had smuggled out the accused's shotgun and taken it to the local police station. She was attacked when she returned to the home, against the advice of the police, to feed her physically challenged daughter. At the time of the offence, the accused was suffering from severe depression and anxiety and had taken a .5 milligram dose of Xanax, which acted as a disinhibitor. He waived the preliminary hearing and spent 29 months in pre-trial custody. The aggravating factors included the domestic nature of the offence, the prior threats, the brutality and cold-bloodedness of the offence itself, the use of two separate weapons the extent of the victim's injuries and the devastating emotional impact upon the victim. McMahon J. found that the appropriate sentence was 10 years' imprisonment. The accused was given 58 months' credit for pre-trial custody and was sentenced to an additional 5 years and 2 months' imprisonment.
R. v. McDonald
The accused pleaded guilty to one count of attempting to murder C, the woman with whom he had lived for ten years, and one count of attempting to murder C's 31-year-old daughter, who was living with the couple at the time. The accused was depressed and suicidal and decided to kill the two women and then kill himself. Using the claw end of a carpenter's hammer, he struck the sleeping daughter four to six times in the head and face, then went to C's bedroom and struck her about the head. She woke up and tried to fight back, and then fled the house and called 911. The daughter was in a coma and on life support for three days. She was permanently disfigured and suffered permanent cognitive impairment. C had a fractured skull and was permanently disfigured but did not lose any cognitive ability. The accused had significant gambling debts at the time of the offence, his mother's health was deterioration, and his relationship with C was poor. He was unable to explain why he tried to kill her daughter. He was not suffering from any mental illness and was not under the influence of drugs or alcohol at the time of the offence. The accused was 42 years old at the time of the offences and had no criminal record. He was steadily employed and was well regarded by his employer. He was an active volunteer in his church. He expressed genuine remorse. While the accused and C had been occupying separate bedrooms for some years, the relationship was domestic. That was an aggravating factor. McMahon J. gave the accused credit on a 2:1 basis for 1 year's pre-trial custody and sentenced him to an additional 9 years' imprisonment on each count, concurrent.
R. v. G. (K.)
The accused pleaded guilty after a preliminary inquiry to the attempted murder of his wife S and uttering death threats to his sister-in-law R. He and S were separated at the time of the offences, and the accused believed that S was seeing another man. S, accompanied by the couple's two young children, picked up the accused to go grocery shopping. The accused told S to pull into a parking lot, where they started arguing. The accused struck S about the face with great force. S got out of the car, and the accused knocked her down with the car and accelerated over her, trapping her in the undercarriage. She was dragged for 82 feet before she was thrown clear. The accused left her in the parking lot, put the children in a taxi, abandoned the car and ran away. He later called 911 and told the operator that he had a machine gun and intended to use it to kill S's family, including R. S's injuries were extensive and life-threatening. She had numerous surgeries, and faced a lifetime of medical interventions. The accused was from Guyana and did not have legal status in Canada. He had a criminal record in the United States which included convictions for attempted robbery in the first degree, burglary in the second degree and possession of a controlled substance. Kiteley J. sentenced the accused to 14 years' imprisonment for attempted murder, less a credit of 28 months for pre-trial custody, and to 9 months consecutive for uttering a death threat.
R. v. Cuthbert
The accused was convicted after a jury trial of the attempted murder of his ex-wife C, discharging a firearm with the intent to wound C's common law husband D, and possession of a sawed-off shotgun for a purpose dangerous to the public peace. The offences took place in the context of a dispute over custody of the daughter of the accused and C, who had been raised by the accused for most of her life. When he was served with legal papers with a covering letter from C informing him that their daughter would not be returning to live with him until he had dealt with his anger, he purchased a shotgun, sawed off the barrel, and drove to C's residence. He forced his way in and threatened C. D intervened and was shot, suffering severe injuries. The accused tried to fire the shotgun at C, but was unable to rechamber a fresh round. The accused was 46 years old at the time of sentencing. He had a degree in electronics and had been steadily employer throughout his adult life. He had no criminal record. The trial judge found that the appropriate global sentence was 12 years' imprisonment. He gave the accused 2 years credit for pre-trial custody and sentenced him to an additional 10 years' imprisonment for discharging a firearm, 10 years concurrent for attempted murder and 3 years concurrent for possession of a weapon for a purpose dangerous to the public peace. On appeal by the accused, the Court of Appeal (Finch C.J.B.C.; Levine and Lowry JJ.A. concurring) affirmed the sentence. The offences were not the result of momentary inattention or an error in judgment. The jury concluded beyond a reasonable doubt that he was not suffering from any mental incapacity at the time of the offences. Rather, he was motivated by hatred of C. The sentence was required to reflect both the gravity of the offences and the accused's degree of responsibility.
[89] Des peines allant de huit à quatorze ans d'emprisonnement paraissent donc appropriées dans des cas où la violence est particulièrement brutale, malgré la présence de facteurs atténuants et même en l'absence de condamnations antérieures. Je note que plusieurs de ces affaires s'apparentent au présent appel et certaines paraissent même plus graves.
3) Des peines d'emprisonnement de plus longue durée (quinze ans et plus)
[90] Les jugements cités par le juge de première instance (Tan, Mesgun, Zavala-Juarez et Lieug) permettent de voir que les peines dépassant 15 ans d’emprisonnement sont réservées à des affaires où des circonstances aggravantes particulières sont présentes, comme : la violence répétée avant l'agression, les menaces antérieures, le harcèlement répétitif, le caractère planifié, prémédité et orchestré de l'agression, la brutalité extrême, l'absence de remords, une agression que l'accusé fait intentionnellement durer, une tentative de camouflage, la perpétration d’infractions connexes (telles l’agression sexuelle, la séquestration et l'introduction par effraction) ou le risque élevé de récidive, des facteurs qui, outre la brutalité de l'agression et une certaine forme de préméditation, sont ici inexistants. D'autres décisions confirment ce point de vue.
[91] Ainsi, dans R. v. Bryan, [2008] NSCA 119, la Cour d'appel de la Nouvelle-Écosse a confirmé une peine de 15 ans d’emprisonnement imposée à un contrevenant qui avait tenté de tuer son épouse enceinte de 4 mois en la frappant 15 fois avec une épée. Il s’agissait d’un individu non criminalisé qui souffrait d’un trouble narcissique de la personnalité. Il avait inscrit dans son journal intime son désir de tuer sa conjointe et l’enfant qu’elle portait et de s’enlever la vie ensuite. C’est un voisin, témoin de l’attaque, qui a alerté les secours. La victime a perdu son enfant, a souffert de plusieurs incapacités et a subi 14 interventions chirurgicales. Elle requérait ensuite une assistance permanente. L'accusé a plaidé coupable. La Cour d'appel estime que la peine appropriée pour une tentative de meurtre à l’égard d’un conjoint peut varier entre 8 ans d'emprisonnement et la perpétuité. Dans ce cas, elle conclut que le juge d’instance n’a pas commis d’erreur en accordant peu de poids à l’absence de condamnation antérieure et au plaidoyer de culpabilité à la première occasion. De plus, le juge d’instance était justifié de faire primer les objectifs de dénonciation et de dissuasion. L'appel a été rejeté.
[92] Dans R. v. Nippard reflex, (1993), 83 C.C.C. (3d) 410 (N.L.C.A.), l'emprisonnement à perpétuité a été imposé dans les circonstances suivantes. L'accusé a attaqué son épouse et un homme qui l'accompagnait et qu'il croyait être son amant. Il a frappé celui-ci d'un coup de couteau à l'estomac et s'en est ensuite pris à son épouse en la retenant d'une main et en la frappant de l'autre avec son arme à 33 reprises au visage, au dos, sur les bras, à l'abdomen et au thorax, tout en lui disant qu'il la tuerait. L'accusé avait une longue histoire de comportement de violence et d'humiliation envers son épouse, particulièrement durant les 5 années précédant l'agression. Ses antécédents judiciaires étaient récents (au cours de l'année de l'agression) et étaient tous reliés à son épouse : à deux reprises, menaces de mort envers celle-ci; pointer une arme à feu en sa direction; non-respect d'une ordonnance de probation en la menaçant. Deux psychiatres ont témoigné que l'accusé souffrait de jalousie paranoïde, qui pouvait le rendre extrêmement violent, et qu'il n'existait pas de traitement pour ce trouble de la personnalité. Disant craindre pour la sécurité de la victime et du public en général, la Cour d'appel cite alors avec approbation la Cour d'appel de l'Ontario dans R. v. Hill (1974), 15 C.C.C. (2d) 145, aux p. 147-148 :
When an accused has been convicted of a serious crime in itself calling for a substantial sentence and when he suffers from some mental or personality disorder rendering him a danger to the community but not subjecting him to confinement in a mental institution and when it is uncertain when, if ever, the accused will be cured of his affliction, in my opinion the appropriate sentence is one of life. Such a sentence, in such circumstances, amounts to an indefinite sentence under which the parole board can release him to the community when it is satisfied, upon adequate psychiatric examination, it is in the interest of the accused and of the community for him to return to society.
[93] Dans Sentencing, précité à la note 3, l'auteur Clayton C. Ruby fait état, à la p. 794, paragr. 23.120, de R. v. Hurley, jugement inédit du 8 mai 1995 (Cour de l'Ontario, division générale), dans lequel l'emprisonnement à perpétuité a été infligé à un accusé qui a, brutalement et de manière dégradante, attaqué son amie après l'avoir violentée de façon répétée durant une période de plusieurs mois avant l'attaque.
Il n'existe aucune règle qui interdit à un policier d'adresser la parole à un citoyen et de lui poser des questions
R. c. Nikanpour, 2008 QCCQ 7958 (CanLII)
[72] L'accusé plaide que l'approche de la policière en sa direction, les paroles de salutation qu'elle lui a adressées et les questions qu'elle lui a posées, la lumière qu'elle a dirigée vers son visage et l'ordre qu'elle lui a donné de sortir du véhicule constituaient une détention arbitraire et une atteinte inacceptable au principe qui veut que l'État doive laisser les gens tranquilles.
[73] Pourtant, il n'existe aucune règle qui interdit à un policier d'adresser la parole à un citoyen et de lui poser des questions (R. c. Grafe 1987 CanLII 170 (ON C.A.), [1988] 36 CCC. (3ed) 267 ), (R. c. Kutynec reflex, [1992] 70 CCC (3ed) 289), (R. c. Cloutier, 500-01-019013-934, Cour du Québec, 14 septembre 1994), (Dries c. Ville de Saint-Lambert, 505-36-000079-956, Cour supérieure, 1 décembre 1995), (R. c. Gendron [2006] QCCS 4322).
[74] En l'espèce, le fait pour la policière de s'approcher de l'automobile de l'accusé, de le saluer, de lui demander la raison de sa présence en ces lieux et le fait d'éclairer son visage avec sa lampe de poche n'ont d'aucune façon entravé sa liberté.
[75] L'accusé était libre de répondre ou non aux questions et il pouvait toujours librement quitter volontairement les lieux.
[76] Lorsque la policière constate des signes d'affaiblissement de capacité de conduire et qu'elle manifeste ouvertement à l'accusé son inquiétude à le voir conduire, s'amorce une deuxième étape.
[77] Elle commence une enquête sur la commission possible d'une infraction criminelle.
[72] L'accusé plaide que l'approche de la policière en sa direction, les paroles de salutation qu'elle lui a adressées et les questions qu'elle lui a posées, la lumière qu'elle a dirigée vers son visage et l'ordre qu'elle lui a donné de sortir du véhicule constituaient une détention arbitraire et une atteinte inacceptable au principe qui veut que l'État doive laisser les gens tranquilles.
[73] Pourtant, il n'existe aucune règle qui interdit à un policier d'adresser la parole à un citoyen et de lui poser des questions (R. c. Grafe 1987 CanLII 170 (ON C.A.), [1988] 36 CCC. (3ed) 267 ), (R. c. Kutynec reflex, [1992] 70 CCC (3ed) 289), (R. c. Cloutier, 500-01-019013-934, Cour du Québec, 14 septembre 1994), (Dries c. Ville de Saint-Lambert, 505-36-000079-956, Cour supérieure, 1 décembre 1995), (R. c. Gendron [2006] QCCS 4322).
[74] En l'espèce, le fait pour la policière de s'approcher de l'automobile de l'accusé, de le saluer, de lui demander la raison de sa présence en ces lieux et le fait d'éclairer son visage avec sa lampe de poche n'ont d'aucune façon entravé sa liberté.
[75] L'accusé était libre de répondre ou non aux questions et il pouvait toujours librement quitter volontairement les lieux.
[76] Lorsque la policière constate des signes d'affaiblissement de capacité de conduire et qu'elle manifeste ouvertement à l'accusé son inquiétude à le voir conduire, s'amorce une deuxième étape.
[77] Elle commence une enquête sur la commission possible d'une infraction criminelle.
Comment examiner la validité apparente de la dénonciation en vue d’obtenir un mandat de perquisition
R. c. Rioux, 2007 NBPC 1 (CanLII)
[43] En l’espèce, on demande à la Cour d’examiner la validité apparente de la dénonciation en vue d’obtenir un mandat de perquisition, datée du 10 novembre 2003. Les principes fondamentaux d’une telle révision sont maintenant bien établis par la Cour suprême du Canada. Dans l’arrêt clé R. c. Garofoli, 1990 CanLII 52 (C.S.C.), [1990] 2 R.C.S. 1421, à la page 1452, la Cour décrit comme suit les obligations du juge qui siège en révision :
Le juge qui siège en révision ne substitue pas son opinion à celle du juge qui a accordé l’autorisation. Si, compte tenu du dossier dont disposait le juge qui a accordé l’autorisation et complété lors de la révision, le juge siégeant en révision conclut que le juge qui a accordé l’autorisation pouvait le faire, il ne devrait pas intervenir. Dans ce processus, la fraude, la non-divulgation, la déclaration trompeuse et les nouveaux éléments de preuve sont tous des aspects pertinents, mais au lieu d’être nécessaires à la révision leur seul effet est d’aider à décider s’il existe encore un fondement quelconque à la décision du juge qui a accordé l’autorisation.
[44] La Cour suprême a eu l’occasion de revenir sur la question dans l’arrêt R. c. Araujo, 2000 CSC 65 (CanLII), [2000] 2 R.C.S. 992, et je cite un long extrait de la décision du juge LeBel.
Tant que l’affidavit satisfait à la norme juridique applicable, il n’est pas nécessaire qu’il soit aussi long qu’À la recherche du temps perdu, aussi sémillant que le Kama Sutra ni aussi détaillé qu’un guide de réparation d’automobiles. Il doit simplement énoncer les faits de manière complète et sincère pour que le juge saisi de la demande d’autorisation puisse déterminer s’ils remplissent le critère juridique applicable et justifient l’autorisation. Idéalement, il devrait non seulement être complet et sincère, mais aussi clair et concis. Nul besoin de faire état par le menu de l’enquête policière menée jusqu’alors, depuis des mois ou même des années.
[45] Dans les arrêts R. c. Allain (S.) (1998), 205 R.N.‑B. (2e) 201, et R. c. Shalala, [2000] A.N.‑B. no 14, la Cour d’appel du Nouveau-Brunswick a eu l’occasion d’examiner en profondeur les principes que doivent appliquer à des requêtes du genre les juges qui siègent en révision. La Cour d’appel a statué que, malgré le fait que les arrêts Garofoli et Araujo ont porté sur la révision de dénonciations visant à obtenir des autorisations d’écoute électronique, les principes qui ont été élaborés en conséquence s’appliquent tout aussi bien à la révision de dénonciations visant à obtenir des mandats de perquisition.
[46] À la suite de ces deux décisions, je résumerais les principes comme suit :
1) Le mandat de perquisition et la dénonciation contestés sont présumés valides.
2) Étant donné la présomption de validité, il incombe au requérant de convaincre le juge qui siège en révision que la dénonciation visant à obtenir un mandat de perquisition n’est pas conforme aux exigences de fond établies par la loi.
3) Lorsqu’il évalue quant au fond la qualité de la dénonciation, le tribunal de révision ne doit pas s’en tenir à la preuve qui y est mentionnée. Le juge qui décerne le mandat a le droit de tirer des déductions raisonnables de la preuve présentée dans la dénonciation.
4) Dans son évaluation, le tribunal de révision doit prendre en considération la totalité de la dénonciation et en interpréter les différentes parties en contexte. Il n’y a pas lieu de soumettre la dénonciation à une analyse microscopique de chaque partie et d’en considérer des extraits sans tenir compte du contexte général.
5) Le sens des termes utilisés dans la dénonciation ne devrait pas être soumis à une interprétation excessivement stricte.
6) Le juge saisi de la révision doit déterminer s’il existait une preuve sur laquelle le juge qui a décerné le mandat, agissant de façon judiciaire, pouvait se fonder pour décerner le mandat. Le tribunal siégeant en révision ne peut pas substituer son opinion à celle du premier juge quant à la question de savoir s’il existe une preuve suffisante.
7) Le juge saisi de la révision doit retrancher toute partie de la dénonciation qui est considérée frauduleuse, délibérément trompeuse ou contenant une déclaration erronée intentionnelle.
8) Si le juge saisi de la révision conclut que des extraits de la dénonciation visant à obtenir un mandat contiennent des déclarations frauduleuses, trompeuses ou intentionnellement erronées, ces extraits blâmables doivent être retranchés du document.
9) Le juge saisi de la révision doit ensuite examiner la dénonciation expurgée et décider s’il existe toujours des motifs raisonnables de décerner le mandat de perquisition, compte tenu des suppressions. Il faut répondre à la question suivante : le mandat pourrait-il être décerné sur le fondement de la preuve qui reste?
[47] Le juge Cromwell, de la Cour d’appel de la Nouvelle-Écosse, dans l’affaire R. c. Morris, [1998] N.S.J. No. 492, a eu l’occasion de commenter les principes qui inspirent les juges siégeant en révision dans des affaires du genre. Il donne le résumé utile qui suit :
[TRADUCTION]
Il pourrait être utile de résumer les principes de révision que j’ai adoptés, dans un voir-dire sur l’article 8 auquel a donné lieu le procès, relativement à un mandat fondé sur une dénonciation qui est valide à première vue :
1. Le juge du procès doit déterminer si le juge de paix a pu décerner validement le mandat
2. En procédant à cette révision, le juge du procès peut entendre et considérer des éléments de preuves pertinents concernant l’exactitude et les motifs d’inclusion de l’information contenue dans la dénonciation visant à obtenir un mandat de perquisition.
3. Des renseignements frauduleux ou délibérément trompeurs dans la dénonciation n’invalident pas automatiquement le mandat. Toutefois, ils peuvent avoir un tel effet si le juge qui siège en révision conclut, d’après l’ensemble des circonstances, que la manière dont la police a abordé le processus d’autorisation préalable était si apte à le saper que le mandat devrait être invalidé. De plus, les renseignements frauduleux ou délibérément trompeurs devraient être retranchés pour qu’on n’en tienne pas compte.
4. En évaluant la validité du mandat, le juge du procès, en général, a le droit de tenir compte de tous les éléments de preuve concernant l’existence effective de motifs raisonnables dont la police était visiblement au courant lorsque le mandat a été sollicité. Toutefois, de tels éléments de preuve ne peuvent être utilisés s’ils ont été obtenus par des moyens anticonstitutionnels ou (je suis porté à le croire) pour amplifier des renseignements frauduleux ou délibérément trompeurs de la dénonciation visant à obtenir un mandat.
[43] En l’espèce, on demande à la Cour d’examiner la validité apparente de la dénonciation en vue d’obtenir un mandat de perquisition, datée du 10 novembre 2003. Les principes fondamentaux d’une telle révision sont maintenant bien établis par la Cour suprême du Canada. Dans l’arrêt clé R. c. Garofoli, 1990 CanLII 52 (C.S.C.), [1990] 2 R.C.S. 1421, à la page 1452, la Cour décrit comme suit les obligations du juge qui siège en révision :
Le juge qui siège en révision ne substitue pas son opinion à celle du juge qui a accordé l’autorisation. Si, compte tenu du dossier dont disposait le juge qui a accordé l’autorisation et complété lors de la révision, le juge siégeant en révision conclut que le juge qui a accordé l’autorisation pouvait le faire, il ne devrait pas intervenir. Dans ce processus, la fraude, la non-divulgation, la déclaration trompeuse et les nouveaux éléments de preuve sont tous des aspects pertinents, mais au lieu d’être nécessaires à la révision leur seul effet est d’aider à décider s’il existe encore un fondement quelconque à la décision du juge qui a accordé l’autorisation.
[44] La Cour suprême a eu l’occasion de revenir sur la question dans l’arrêt R. c. Araujo, 2000 CSC 65 (CanLII), [2000] 2 R.C.S. 992, et je cite un long extrait de la décision du juge LeBel.
Tant que l’affidavit satisfait à la norme juridique applicable, il n’est pas nécessaire qu’il soit aussi long qu’À la recherche du temps perdu, aussi sémillant que le Kama Sutra ni aussi détaillé qu’un guide de réparation d’automobiles. Il doit simplement énoncer les faits de manière complète et sincère pour que le juge saisi de la demande d’autorisation puisse déterminer s’ils remplissent le critère juridique applicable et justifient l’autorisation. Idéalement, il devrait non seulement être complet et sincère, mais aussi clair et concis. Nul besoin de faire état par le menu de l’enquête policière menée jusqu’alors, depuis des mois ou même des années.
[45] Dans les arrêts R. c. Allain (S.) (1998), 205 R.N.‑B. (2e) 201, et R. c. Shalala, [2000] A.N.‑B. no 14, la Cour d’appel du Nouveau-Brunswick a eu l’occasion d’examiner en profondeur les principes que doivent appliquer à des requêtes du genre les juges qui siègent en révision. La Cour d’appel a statué que, malgré le fait que les arrêts Garofoli et Araujo ont porté sur la révision de dénonciations visant à obtenir des autorisations d’écoute électronique, les principes qui ont été élaborés en conséquence s’appliquent tout aussi bien à la révision de dénonciations visant à obtenir des mandats de perquisition.
[46] À la suite de ces deux décisions, je résumerais les principes comme suit :
1) Le mandat de perquisition et la dénonciation contestés sont présumés valides.
2) Étant donné la présomption de validité, il incombe au requérant de convaincre le juge qui siège en révision que la dénonciation visant à obtenir un mandat de perquisition n’est pas conforme aux exigences de fond établies par la loi.
3) Lorsqu’il évalue quant au fond la qualité de la dénonciation, le tribunal de révision ne doit pas s’en tenir à la preuve qui y est mentionnée. Le juge qui décerne le mandat a le droit de tirer des déductions raisonnables de la preuve présentée dans la dénonciation.
4) Dans son évaluation, le tribunal de révision doit prendre en considération la totalité de la dénonciation et en interpréter les différentes parties en contexte. Il n’y a pas lieu de soumettre la dénonciation à une analyse microscopique de chaque partie et d’en considérer des extraits sans tenir compte du contexte général.
5) Le sens des termes utilisés dans la dénonciation ne devrait pas être soumis à une interprétation excessivement stricte.
6) Le juge saisi de la révision doit déterminer s’il existait une preuve sur laquelle le juge qui a décerné le mandat, agissant de façon judiciaire, pouvait se fonder pour décerner le mandat. Le tribunal siégeant en révision ne peut pas substituer son opinion à celle du premier juge quant à la question de savoir s’il existe une preuve suffisante.
7) Le juge saisi de la révision doit retrancher toute partie de la dénonciation qui est considérée frauduleuse, délibérément trompeuse ou contenant une déclaration erronée intentionnelle.
8) Si le juge saisi de la révision conclut que des extraits de la dénonciation visant à obtenir un mandat contiennent des déclarations frauduleuses, trompeuses ou intentionnellement erronées, ces extraits blâmables doivent être retranchés du document.
9) Le juge saisi de la révision doit ensuite examiner la dénonciation expurgée et décider s’il existe toujours des motifs raisonnables de décerner le mandat de perquisition, compte tenu des suppressions. Il faut répondre à la question suivante : le mandat pourrait-il être décerné sur le fondement de la preuve qui reste?
[47] Le juge Cromwell, de la Cour d’appel de la Nouvelle-Écosse, dans l’affaire R. c. Morris, [1998] N.S.J. No. 492, a eu l’occasion de commenter les principes qui inspirent les juges siégeant en révision dans des affaires du genre. Il donne le résumé utile qui suit :
[TRADUCTION]
Il pourrait être utile de résumer les principes de révision que j’ai adoptés, dans un voir-dire sur l’article 8 auquel a donné lieu le procès, relativement à un mandat fondé sur une dénonciation qui est valide à première vue :
1. Le juge du procès doit déterminer si le juge de paix a pu décerner validement le mandat
2. En procédant à cette révision, le juge du procès peut entendre et considérer des éléments de preuves pertinents concernant l’exactitude et les motifs d’inclusion de l’information contenue dans la dénonciation visant à obtenir un mandat de perquisition.
3. Des renseignements frauduleux ou délibérément trompeurs dans la dénonciation n’invalident pas automatiquement le mandat. Toutefois, ils peuvent avoir un tel effet si le juge qui siège en révision conclut, d’après l’ensemble des circonstances, que la manière dont la police a abordé le processus d’autorisation préalable était si apte à le saper que le mandat devrait être invalidé. De plus, les renseignements frauduleux ou délibérément trompeurs devraient être retranchés pour qu’on n’en tienne pas compte.
4. En évaluant la validité du mandat, le juge du procès, en général, a le droit de tenir compte de tous les éléments de preuve concernant l’existence effective de motifs raisonnables dont la police était visiblement au courant lorsque le mandat a été sollicité. Toutefois, de tels éléments de preuve ne peuvent être utilisés s’ils ont été obtenus par des moyens anticonstitutionnels ou (je suis porté à le croire) pour amplifier des renseignements frauduleux ou délibérément trompeurs de la dénonciation visant à obtenir un mandat.
mardi 20 avril 2010
Il est possible d'être complice d'une infraction sans pour autant avoir participé à un complot
Trudeau c. R., 2007 QCCA 505 (CanLII)
[3] Bien qu'en l'espèce, le juge d'instance ait acquitté l'appelant de complot, cela ne l'empêchait aucunement de le trouver coupable des trois premiers chefs d'accusation selon l'article 21 du Code criminel. Il ne pouvait y avoir de complot puisque, selon la preuve, les infractions commises n'étaient pas planifiées mais ont été commises de façon spontanée et ponctuelle. Le juge a plutôt appliqué le concept de complicité. Le complot est une infraction criminelle alors que le concept de complicité fait référence aux règles de participation criminelle. Il est donc possible d'être complice d'une infraction sans pour autant avoir participé à un complot.
[4] Considérant que les accusations de complot et de complicité sont tout à fait indépendantes l'une de l'autre, le juge avait devant lui suffisamment de preuve pour tirer la conclusion que l'appelant avait encouragé Pelletier à commettre les voies de faits, se rendant ainsi coupable des trois premiers chefs d'accusation.
[5] Il faut aussi noter que:
En droit pénal canadien, il n'existe pas différents degrés de responsabilité criminelle selon la plus ou moins grande participation d'une personne à la perpétration d'un crime. La loi ne fait aucune distinction entre celui qui commet réellement l'acte et celui qui l'encourage. C'est pourquoi ce dernier sera accusé de l'infraction substantive et non de complicité
[3] Bien qu'en l'espèce, le juge d'instance ait acquitté l'appelant de complot, cela ne l'empêchait aucunement de le trouver coupable des trois premiers chefs d'accusation selon l'article 21 du Code criminel. Il ne pouvait y avoir de complot puisque, selon la preuve, les infractions commises n'étaient pas planifiées mais ont été commises de façon spontanée et ponctuelle. Le juge a plutôt appliqué le concept de complicité. Le complot est une infraction criminelle alors que le concept de complicité fait référence aux règles de participation criminelle. Il est donc possible d'être complice d'une infraction sans pour autant avoir participé à un complot.
[4] Considérant que les accusations de complot et de complicité sont tout à fait indépendantes l'une de l'autre, le juge avait devant lui suffisamment de preuve pour tirer la conclusion que l'appelant avait encouragé Pelletier à commettre les voies de faits, se rendant ainsi coupable des trois premiers chefs d'accusation.
[5] Il faut aussi noter que:
En droit pénal canadien, il n'existe pas différents degrés de responsabilité criminelle selon la plus ou moins grande participation d'une personne à la perpétration d'un crime. La loi ne fait aucune distinction entre celui qui commet réellement l'acte et celui qui l'encourage. C'est pourquoi ce dernier sera accusé de l'infraction substantive et non de complicité
lundi 19 avril 2010
L'analyse du consentement au stade de la mens rea de l'agression sexuelle - Importance primordiale de la vraisemblance de la défense
R. c. A.B. / 2010 QCCQ 2582 / N° : 500-01-003255-087 / DATE :
Le 14 avril 2010
[157] L'arrêt Esau 1997 2 RCS 77 donne un éclairage sur la vraisemblance.
(Par. 15) … pour qu'une cour soit tenue d'examiner la croyance sincère mais erronée ou de donner au jury des directives à cet égard, cette croyance doit d'abord être appuyée par une preuve plausible de façon que la défense acquière une vraisemblance. En l'espèce, la preuve plausible vient des témoignages de la plaignante et de l'intimé et des circonstances entourant l'agression sexuelle reprochée. Le témoignage de l'intimé constitue davantage qu'une simple affirmation de croyance ou consentement. Il a rapporté des paroles et des actes précis de la plaignante, qui l'ont amené à croire qu'elle était consentante. À lui seul, ce témoignage peut donner ouverture au moyen de défense. Cependant, il y a plus. Le témoignage de la plaignante n'a pas contredit celui de l'intimé, car elle ne peut pas se rappeler ce qui s'est passé après qu'elle fut entrée dans sa chambre. De plus, il n'y a aucune preuve de violence, de lutte ou d'emploi de force.
[158] Dans l'arrêt Osolin 1993 4 RCS 595 , on débat la question de savoir s'il convient de soumettre la défense de croyance sincère mais erronée au consentement lorsque les témoignages des parties sont "diamétralement opposés".
[159] Également dans Park 1995 2 RCS 836 .
(Par. 25) La question qui se pose est donc de savoir si, en l'absence d'autres éléments de preuve conférant une vraisemblance à la défense d'erreur honnête un jury raisonnable pourrait combiner une partie de la preuve de la plaignante et une partie de la preuve de l'accusé, pour servir de justification suffisante à ce moyen de défense… En d'autres termes, un jury qui a reçu des directives appropriées et qui agit judicieusement peut-il, de façon réaliste, retenir une partie du témoignage de chacun des intéressés relativement à l'incident pour en arriver à un ensemble de faits, raisonnablement cohérent et appuyé par la preuve, qui soit susceptible de justifier la défense de croyance erronée au consentement?
[160] Il en ressort donc, que des témoignages diamétralement opposés, mais qui peuvent être combinés de manière cohérente, rencontrent les critères du test de la vraisemblance.
[165] À ce stade-ci, la vraisemblance ne s'intéresse pas à la force probante des éléments de preuve ni à des évaluations de crédibilité.
[167] Le Tribunal est d'avis que l'étape de la vraisemblance est donc franchie et passe à l'étape de l'évaluation de la défense de croyance erronée mais sincère au consentement.
[168] D'entrée de jeu, il n'existe pas de consentement "tacite" en droit criminel canadien. (Ewanchuk, par. 31).
[169] D'autre part, le fait de croire que le silence, la passivité ou le comportement ambigu de la plaignante valent consentement de sa part ne constitue pas un moyen de défense. (Ewanchuk, par. 51).
[170] De plus, on ne peut se fier au silence ou au comportement équivoque de la plaignante pour en déduire qu'il y a consentement, non plus que se livrer à des attouchements sexuels afin de "voir ce qui va se passer". (Ewanchuk, par. 52).
[171] Il est faux de prétendre que la plaignante doive opposer un minimum de résistance, par des paroles ou des gestes, et que l'absence de résistance équivaut à consentement. (M. (M.L.) 1994 2 RCS 3 ).
[172] Les suppositions de l'accusé relativement à ce qui se passe dans l'esprit de la plaignante ne constituent pas un moyen de défense. (Ewanchuk, par. 46).
[175] En résumé:
· … pour être sincère, la croyance de l'accusé ne doit pas être le fruit de son insouciance ou de son aveuglement volontaire, ni être viciée par la connaissance de l'un des autres facteurs énumérés au par. 273.1(2) et à l'art. 273.2. (Ewanchuk,par. 65).
· L'article 273.1(2) se lie comme suit:
"Le consentement du plaignant ne se déduit pas, pour l'application des art. 271, 272, 273 des cas où:
a. …
b. il est incapable de le former.
Le 14 avril 2010
[157] L'arrêt Esau 1997 2 RCS 77 donne un éclairage sur la vraisemblance.
(Par. 15) … pour qu'une cour soit tenue d'examiner la croyance sincère mais erronée ou de donner au jury des directives à cet égard, cette croyance doit d'abord être appuyée par une preuve plausible de façon que la défense acquière une vraisemblance. En l'espèce, la preuve plausible vient des témoignages de la plaignante et de l'intimé et des circonstances entourant l'agression sexuelle reprochée. Le témoignage de l'intimé constitue davantage qu'une simple affirmation de croyance ou consentement. Il a rapporté des paroles et des actes précis de la plaignante, qui l'ont amené à croire qu'elle était consentante. À lui seul, ce témoignage peut donner ouverture au moyen de défense. Cependant, il y a plus. Le témoignage de la plaignante n'a pas contredit celui de l'intimé, car elle ne peut pas se rappeler ce qui s'est passé après qu'elle fut entrée dans sa chambre. De plus, il n'y a aucune preuve de violence, de lutte ou d'emploi de force.
[158] Dans l'arrêt Osolin 1993 4 RCS 595 , on débat la question de savoir s'il convient de soumettre la défense de croyance sincère mais erronée au consentement lorsque les témoignages des parties sont "diamétralement opposés".
[159] Également dans Park 1995 2 RCS 836 .
(Par. 25) La question qui se pose est donc de savoir si, en l'absence d'autres éléments de preuve conférant une vraisemblance à la défense d'erreur honnête un jury raisonnable pourrait combiner une partie de la preuve de la plaignante et une partie de la preuve de l'accusé, pour servir de justification suffisante à ce moyen de défense… En d'autres termes, un jury qui a reçu des directives appropriées et qui agit judicieusement peut-il, de façon réaliste, retenir une partie du témoignage de chacun des intéressés relativement à l'incident pour en arriver à un ensemble de faits, raisonnablement cohérent et appuyé par la preuve, qui soit susceptible de justifier la défense de croyance erronée au consentement?
[160] Il en ressort donc, que des témoignages diamétralement opposés, mais qui peuvent être combinés de manière cohérente, rencontrent les critères du test de la vraisemblance.
[165] À ce stade-ci, la vraisemblance ne s'intéresse pas à la force probante des éléments de preuve ni à des évaluations de crédibilité.
[167] Le Tribunal est d'avis que l'étape de la vraisemblance est donc franchie et passe à l'étape de l'évaluation de la défense de croyance erronée mais sincère au consentement.
[168] D'entrée de jeu, il n'existe pas de consentement "tacite" en droit criminel canadien. (Ewanchuk, par. 31).
[169] D'autre part, le fait de croire que le silence, la passivité ou le comportement ambigu de la plaignante valent consentement de sa part ne constitue pas un moyen de défense. (Ewanchuk, par. 51).
[170] De plus, on ne peut se fier au silence ou au comportement équivoque de la plaignante pour en déduire qu'il y a consentement, non plus que se livrer à des attouchements sexuels afin de "voir ce qui va se passer". (Ewanchuk, par. 52).
[171] Il est faux de prétendre que la plaignante doive opposer un minimum de résistance, par des paroles ou des gestes, et que l'absence de résistance équivaut à consentement. (M. (M.L.) 1994 2 RCS 3 ).
[172] Les suppositions de l'accusé relativement à ce qui se passe dans l'esprit de la plaignante ne constituent pas un moyen de défense. (Ewanchuk, par. 46).
[175] En résumé:
· … pour être sincère, la croyance de l'accusé ne doit pas être le fruit de son insouciance ou de son aveuglement volontaire, ni être viciée par la connaissance de l'un des autres facteurs énumérés au par. 273.1(2) et à l'art. 273.2. (Ewanchuk,par. 65).
· L'article 273.1(2) se lie comme suit:
"Le consentement du plaignant ne se déduit pas, pour l'application des art. 271, 272, 273 des cas où:
a. …
b. il est incapable de le former.
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