vendredi 23 avril 2010

L’obligation de s’enregistrer en vertu de la Loi sur l’enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels constitue-t-elle une peine?

S.C. c. R., 2007 QCCQ 10386 (CanLII)

[5] Les requérants soutiennent que l'obligation de s'enregistrer constitue une peine et qu’en conséquence, l’article 11 de la Charte s’applique.

[6] L’article 11i) de la Charte énonce que l’inculpé a droit « de bénéficier de la peine la moins sévère lorsque la peine qui sanctionne l’infraction dont il est déclaré coupable est modifiée entre le moment de la perpétration de l’infraction et celui de la sentence ».

[7] Certaines ordonnances accessoires peuvent constituer une peine. Par exemple, l’ordonnance d’interdiction de posséder des armes à feu ou l’ordonnance de purger la moitié de la peine d’emprisonnement. Cependant, toutes les ordonnances accessoires ne sont pas assimilées à des peines.

[8] Dans R. c. Rodgers, la Cour suprême décide que l’ordonnance de prélèvement d’échantillons d’ADN ne constitue pas une peine au sens de 11i) de la Charte. Quant à la définition de la peine, elle précise:

Cela ne signifie pas que la « peine » à laquelle renvoient les al. 11h) et i) englobe nécessairement toute conséquence pouvant découler du fait d'être déclaré coupable d'une infraction criminelle, que cette conséquence survienne ou non au moment de la détermination de la peine.

[…]

En règle générale, il me semble que la conséquence constitue une peine lorsqu'elle fait partie des sanctions dont est passible un accusé pour une infraction donnée et qu'elle est conforme à l'objectif et aux principes de la détermination de la peine.

[9] Dans R. c. Cross, la Cour d’appel de Nouvelle-Écosse conclut que l’article 490.012 C. cr. ne constitue pas une peine au sens de la Charte. Le but de la loi n’est pas de punir le délinquant mais de protéger la société en constituant une banque de renseignements sur les déplacements des personnes ciblées par la loi.

[10] Dans R. c. Berthelette, la Cour d’appel du Québec opine dans le même sens. En l'espèce, les avocats des requérants invitent le Tribunal à considérer cet arrêt avec prudence considérant son énoncé laconique et le fait qu’il s’agit d’une entente intervenue entre la poursuite et la défense.

[11] Pourtant, la Cour d’appel se prononce clairement sur cette question:

Considérant l'arrêt de la Cour d'appel de la Nouvelle-Écosse dans la cause de R. c. Cross, 198 C.C.C. (3d) 395;

Considérant l'arrêt majoritaire La Reine c. Rodgers, 2006 CSC 15 (CanLII), 2006 CSC 15 du 27 avril 2006, qui est applicable par analogie;

DÉCLARE que l'article 490.012 du Code criminel ne fait pas partie de la peine, et ne contrevient pas à l'article 11 de la Charte Canadienne.

[12] L’obligation de s’enregistrer prévue aux articles 490.019 et suivants du Code criminel intervient bien longtemps après le prononcé de la peine. Bien qu'il puisse y avoir certains inconvénients à l’obligation de s’enregistrer, cela n’en fait pas une peine pour autant. La loi n’a pas pour but de punir mais plutôt de permettre aux services de police d’avoir accès à des renseignements à jour et fiables sur les délinquants sexuels.

[13] Considérant ce qui précède, le Tribunal conclut que les articles 490.019 à 490.022 C. cr. ne font pas partie de la peine et ne contreviennent pas à l’article 11 de la Charte.

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