Complaisance c. R., 2013 QCCA 616 (CanLII)
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[8] Le fardeau qui repose sur la partie qui recherche l'intervention d'une cour d'appel à l'égard d'une peine imposée est très lourd. À ce propos, je reproduis ce que j'écrivais dans R. c. Chicoine 2012 QCCA 1621 (CanLII), (2012 QCCA 1621), aux paragraphes 36 à 38 de mes motifs (incluant les références):
[36] Une cour d'appel doit faire preuve d'une grande déférence lorsqu'elle examine la peine infligée en première instance.
[37] Elle ne doit intervenir qu'en cas d'erreur de principe ou que si elle est convaincue que la peine infligée n'est manifestement pas indiquée.
[38] En somme, « une cour d'appel ne devrait intervenir afin de réduire au minimum la disparité entre les peines que dans les cas où la peine infligée par le juge du procès s'écarte de façon marquée et substantielle des peines qui sont habituellement infligées à des délinquants similaires ayant commis des crimes similaires » car bien que les fourchettes de peine représentent des lignes directrices, elles ne sauraient s'appliquer de façon absolue.
[9] Le juge énonce correctement et avec précisions la position de chacune des parties. Il fait état des facteurs atténuants et des facteurs aggravants ainsi que de la situation individualisée de l'accusé. Il identifie spécifiquement les passages du rapport présentenciel dont il fait usage (aucun d'eux n'ayant donné lieu à l'objection dont parle le procureur de l'accusé dans sa requête pour permission d'appeler) Il envisage le sursis et note des cas où il a été appliqué, mais, cela fait, et en expliquant pourquoi (jurisprudence à l'appui) il retient que cette peine ne permettrait pas de rencontrer les critères de l'article 718 C. cr. dans le cas d'espèce.
[10] Dans ces circonstances, ayant lu l'ensemble des notes sténographiques ainsi que le rapport présentenciel mentionné par l'avocat de l'accusé, tenant compte de la norme d'intervention applicable en l'espèce, je suis convaincue qu'un appel serait voué à l'échec
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vendredi 10 mai 2013
Le seul écoulement du temps avant l'inculpation ne peut constituer une violation des droits d'un accusé puisque cela équivaudrait à imposer une prescription à l'égard des infractions criminelles
Charbonneau c. R., 2012 QCCA 1709 (CanLII)
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[19] Parmi les autres moyens d'appel, l'appelant avance que le juge aurait dû accueillir la requête en arrêt des procédures en raison des délais écoulés entre la connaissance des faits générateurs des accusations et le début de son procès.
[20] La requête fait voir que les délais ont entraîné la perte ou la destruction de documents ainsi que la disparition de certains témoins qui sont décédés durant la même période.
[21] Les délais sont certes pertinents. Encore faut-il, cependant, que l'appelant démontre un véritable préjudice pour justifier l'anathème recherché.
[22] En l'espèce, le juge a rejeté le remède proposé puisqu'il a conclu que l'appelant n'avait pas établi de préjudice suffisamment significatif de nature à affecter l'équité de son procès.
[23] L'appelant n'a pas convaincu la Cour que ce jugement était erroné. Rien n'indique que la preuve manquante était disculpatoire et que sa non-disponibilité lui a causé préjudice.
[24] Dans l'arrêt Lepage c. R., la Cour soulignait :
21 Tout d'abord, le délai préinculpatoire, en lui-même, n'est pas suffisant pour justifier un arrêt des procédures, à moins que l'accusé n'établisse un préjudice réel dû à ce délai. Le seul écoulement du temps avant l'inculpation ne peut constituer une violation des droits d'un accusé puisque cela équivaudrait à imposer une prescription à l'égard des infractions criminelles. De plus, l'arrêt des procédures ne sera accordé que dans "les cas les plus manifestes" lorsqu'il serait impossible de remédier au préjudice causé au droit de l'accusé à une défense pleine et entière ou lorsque la continuation des procédures causerait un préjudice irréparable.
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[19] Parmi les autres moyens d'appel, l'appelant avance que le juge aurait dû accueillir la requête en arrêt des procédures en raison des délais écoulés entre la connaissance des faits générateurs des accusations et le début de son procès.
[20] La requête fait voir que les délais ont entraîné la perte ou la destruction de documents ainsi que la disparition de certains témoins qui sont décédés durant la même période.
[21] Les délais sont certes pertinents. Encore faut-il, cependant, que l'appelant démontre un véritable préjudice pour justifier l'anathème recherché.
[22] En l'espèce, le juge a rejeté le remède proposé puisqu'il a conclu que l'appelant n'avait pas établi de préjudice suffisamment significatif de nature à affecter l'équité de son procès.
[23] L'appelant n'a pas convaincu la Cour que ce jugement était erroné. Rien n'indique que la preuve manquante était disculpatoire et que sa non-disponibilité lui a causé préjudice.
[24] Dans l'arrêt Lepage c. R., la Cour soulignait :
21 Tout d'abord, le délai préinculpatoire, en lui-même, n'est pas suffisant pour justifier un arrêt des procédures, à moins que l'accusé n'établisse un préjudice réel dû à ce délai. Le seul écoulement du temps avant l'inculpation ne peut constituer une violation des droits d'un accusé puisque cela équivaudrait à imposer une prescription à l'égard des infractions criminelles. De plus, l'arrêt des procédures ne sera accordé que dans "les cas les plus manifestes" lorsqu'il serait impossible de remédier au préjudice causé au droit de l'accusé à une défense pleine et entière ou lorsque la continuation des procédures causerait un préjudice irréparable.
Détermination de la peine en matière de fraude fiscale substantielle
R. c. Chicoine, 2012 QCCA 1621 (CanLII)
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[115] Les caractéristiques des deux fraudes dont l'une donne lieu, au surplus, au recyclage de produits de la criminalité, le degré d'implication de Ronald Chicoine quant à chacune d'elles et les circonstances aggravantes précédemment décrites pourraient conduire à l'imposition d'une peine globale de 8 ans comme le réclame la poursuivante, et peut-être même à l'imposition d'une peine encore plus sévère comme l'illustrent notamment les affaires Wilder, Bjellebo et Minchella.
[116] Dans le cas de Wilder qui était accusé d'une fraude fiscale de 38 millions de dollars, échelonnée sur 2 années, consistant à déclarer des dépenses de recherche et de développement plus élevées que les dépenses réellement engendrées dans le cadre d'un programme de crédit fiscal pour la recherche scientifique et de possession de produits de la criminalité, la peine imposée et confirmée en appel est de 9 ans.
[117] Dans les cas de Bjellebo et Minchella, respectivement qualifiés de tête dirigeante ou d'intervenant important, ils étaient accusés de fraude fiscale de 24 millions de dollars, échelonnée sur 7 années, et d'avoir contrefait des documents. Leurs peines imposées et confirmées en appel sont de 10 ans et de 7 ans respectivement.
[118] D'autres arrêts ou décisions ont été rendus en matière de fraudes fiscales de plus d'un million de dollars au cours des dernières années. Dans chacun de ces cas, le montant et la durée de la fraude sont significativement inférieurs à ceux de la présente affaire alors que plusieurs d'entre eux ne présentent pas un degré aussi élevé de planification et de sophistication, et que certains révèlent des circonstances atténuantes particulières. J'en fais le survol.
[119] Dans l'affaire DiGiuseppe, une affaire de fraude fiscale de 3,5 millions de dollars échelonnée sur une période de 1 an et demi, consistant à ne pas déclarer les profits générés par le prix d'entrée chargé aux clients des deux clubs opérés, une peine d'emprisonnement de 6 ans a été infligée à l'accusé et cette peine a été confirmée par la Cour d'appel de l'Ontario en 2010. Les caractéristiques propres à cette affaire se résument à ceci : procès difficile; accusé présentant des problèmes de santé (cholestérol, hypertension, dépression, anxiété); accusé ayant agi avec la complicité d'un cercle restreint d'employés de confiance et de certains membres de sa famille; subterfuge découvert par hasard; enquête policière d'une grande ampleur; absence totale de remords; abus de confiance du public (718.2 C.cr.); sophistication de la fraude; utilisation de prête-noms; fraude motivée par le désir d'enrichissement personnel; fraude dissimulée, même au propre contrôleur financier de l'accusé.
[120] Dans l'affaire Leo-Mensah, une affaire de fraude fiscale de près de 3,3 millions de dollars échelonnée sur une durée de 1 an et demi, la Cour d'appel de l'Ontario intervient pour porter la peine d'emprisonnement totale à 3,8 années, alors que le tribunal de première instance l'avait fixée à une seule journée tenant compte de la détention provisoire de 22 mois. La Cour d'appel reproche au premier juge d'avoir omis le facteur aggravant obligatoire se rattachant à une fraude de plus d'un million de dollars, d'avoir mis trop d'emphase sur les obligations et l'implication de l'accusé dans des œuvres de charité pour enfants et d'avoir omis de considérer les autres facteurs aggravants présents en l'espèce. Les caractéristiques propres à cette affaire se résument à ceci : l'accusé plaide coupable; selon lui, son crime est motivé par son désir d'aide charitable en Afrique de l'Ouest et non par la cupidité; sa famille dépend de lui financièrement; l'accusé est l'instigateur du stratagème qui implique une multitude de participants; il s'agit d'une fraude planifiée et organisée donnant lieu à de l'abus de confiance.
[121] Dans l'affaire Prokofiew, une affaire de fraude fiscale de 3,25 millions de dollars consistant à procéder à des ventes fictives de machinerie lourde et à ne pas remettre aux autorités gouvernementales les taxes de vente par ailleurs collectées, une peine globale d'emprisonnement de 3 ans a été jugée raisonnable par la Cour d'appel de l'Ontario.
[122] Dans l'affaire Taylor, une fraude fiscale de près de 3,2 millions de dollars, s'échelonnant sur une période de 5 ans, consistant à omettre de remettre de multiples déductions à la source à l'Agence du revenu du Canada, le Tribunal a imposé une peine d'emprisonnement de 3 ans et demi. Les circonstances propres à cette affaire se résument ainsi : plaidoyer de culpabilité qui intervient tôt et permet d'éviter un long procès; accusée qui s'est impliquée dans sa communauté; fraude importante et planifiée; profits de la fraude sont dissipés alors que l'accusée déclare faillite en 2005; problèmes financiers au moment de la fraude et accusée qui en accepte l'entière responsabilité.
[123] Dans l'affaire Ratelle, une fraude fiscale de 2,5 millions de dollars à laquelle le comptable plaide coupable, s'échelonnant sur une période d'environ 4 années et demie et résultant de fausses pertes déclarées par ce dernier au nom de 205 contribuables de qui il empoche une commission sur ces pertes déclarées, notre Cour est intervenue pour modifier la peine imposée à ce dernier par le juge de première instance et y substituer une peine d'emprisonnement de 18 mois.
[124] Finalement, dans l'affaire Fontaine, une fraude fiscale de 2 millions de dollars, s'échelonnant sur une période de 9 ans, consistant à détourner des sommes par le biais de paiements illégaux à des compagnies de consultation fictives, une peine d'emprisonnement de 3 ans a été infligée. Les circonstances propres à cette affaire se résument à ceci : plaidoyer de culpabilité qui a permis d'éviter un procès long et complexe; fraude préméditée et sophistiquée; efforts nombreux par l'accusé pour cacher la fraude.
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[115] Les caractéristiques des deux fraudes dont l'une donne lieu, au surplus, au recyclage de produits de la criminalité, le degré d'implication de Ronald Chicoine quant à chacune d'elles et les circonstances aggravantes précédemment décrites pourraient conduire à l'imposition d'une peine globale de 8 ans comme le réclame la poursuivante, et peut-être même à l'imposition d'une peine encore plus sévère comme l'illustrent notamment les affaires Wilder, Bjellebo et Minchella.
[116] Dans le cas de Wilder qui était accusé d'une fraude fiscale de 38 millions de dollars, échelonnée sur 2 années, consistant à déclarer des dépenses de recherche et de développement plus élevées que les dépenses réellement engendrées dans le cadre d'un programme de crédit fiscal pour la recherche scientifique et de possession de produits de la criminalité, la peine imposée et confirmée en appel est de 9 ans.
[117] Dans les cas de Bjellebo et Minchella, respectivement qualifiés de tête dirigeante ou d'intervenant important, ils étaient accusés de fraude fiscale de 24 millions de dollars, échelonnée sur 7 années, et d'avoir contrefait des documents. Leurs peines imposées et confirmées en appel sont de 10 ans et de 7 ans respectivement.
[118] D'autres arrêts ou décisions ont été rendus en matière de fraudes fiscales de plus d'un million de dollars au cours des dernières années. Dans chacun de ces cas, le montant et la durée de la fraude sont significativement inférieurs à ceux de la présente affaire alors que plusieurs d'entre eux ne présentent pas un degré aussi élevé de planification et de sophistication, et que certains révèlent des circonstances atténuantes particulières. J'en fais le survol.
[119] Dans l'affaire DiGiuseppe, une affaire de fraude fiscale de 3,5 millions de dollars échelonnée sur une période de 1 an et demi, consistant à ne pas déclarer les profits générés par le prix d'entrée chargé aux clients des deux clubs opérés, une peine d'emprisonnement de 6 ans a été infligée à l'accusé et cette peine a été confirmée par la Cour d'appel de l'Ontario en 2010. Les caractéristiques propres à cette affaire se résument à ceci : procès difficile; accusé présentant des problèmes de santé (cholestérol, hypertension, dépression, anxiété); accusé ayant agi avec la complicité d'un cercle restreint d'employés de confiance et de certains membres de sa famille; subterfuge découvert par hasard; enquête policière d'une grande ampleur; absence totale de remords; abus de confiance du public (718.2 C.cr.); sophistication de la fraude; utilisation de prête-noms; fraude motivée par le désir d'enrichissement personnel; fraude dissimulée, même au propre contrôleur financier de l'accusé.
[120] Dans l'affaire Leo-Mensah, une affaire de fraude fiscale de près de 3,3 millions de dollars échelonnée sur une durée de 1 an et demi, la Cour d'appel de l'Ontario intervient pour porter la peine d'emprisonnement totale à 3,8 années, alors que le tribunal de première instance l'avait fixée à une seule journée tenant compte de la détention provisoire de 22 mois. La Cour d'appel reproche au premier juge d'avoir omis le facteur aggravant obligatoire se rattachant à une fraude de plus d'un million de dollars, d'avoir mis trop d'emphase sur les obligations et l'implication de l'accusé dans des œuvres de charité pour enfants et d'avoir omis de considérer les autres facteurs aggravants présents en l'espèce. Les caractéristiques propres à cette affaire se résument à ceci : l'accusé plaide coupable; selon lui, son crime est motivé par son désir d'aide charitable en Afrique de l'Ouest et non par la cupidité; sa famille dépend de lui financièrement; l'accusé est l'instigateur du stratagème qui implique une multitude de participants; il s'agit d'une fraude planifiée et organisée donnant lieu à de l'abus de confiance.
[121] Dans l'affaire Prokofiew, une affaire de fraude fiscale de 3,25 millions de dollars consistant à procéder à des ventes fictives de machinerie lourde et à ne pas remettre aux autorités gouvernementales les taxes de vente par ailleurs collectées, une peine globale d'emprisonnement de 3 ans a été jugée raisonnable par la Cour d'appel de l'Ontario.
[122] Dans l'affaire Taylor, une fraude fiscale de près de 3,2 millions de dollars, s'échelonnant sur une période de 5 ans, consistant à omettre de remettre de multiples déductions à la source à l'Agence du revenu du Canada, le Tribunal a imposé une peine d'emprisonnement de 3 ans et demi. Les circonstances propres à cette affaire se résument ainsi : plaidoyer de culpabilité qui intervient tôt et permet d'éviter un long procès; accusée qui s'est impliquée dans sa communauté; fraude importante et planifiée; profits de la fraude sont dissipés alors que l'accusée déclare faillite en 2005; problèmes financiers au moment de la fraude et accusée qui en accepte l'entière responsabilité.
[123] Dans l'affaire Ratelle, une fraude fiscale de 2,5 millions de dollars à laquelle le comptable plaide coupable, s'échelonnant sur une période d'environ 4 années et demie et résultant de fausses pertes déclarées par ce dernier au nom de 205 contribuables de qui il empoche une commission sur ces pertes déclarées, notre Cour est intervenue pour modifier la peine imposée à ce dernier par le juge de première instance et y substituer une peine d'emprisonnement de 18 mois.
[124] Finalement, dans l'affaire Fontaine, une fraude fiscale de 2 millions de dollars, s'échelonnant sur une période de 9 ans, consistant à détourner des sommes par le biais de paiements illégaux à des compagnies de consultation fictives, une peine d'emprisonnement de 3 ans a été infligée. Les circonstances propres à cette affaire se résument à ceci : plaidoyer de culpabilité qui a permis d'éviter un procès long et complexe; fraude préméditée et sophistiquée; efforts nombreux par l'accusé pour cacher la fraude.
La nature du processus de la détermination de la peine
R. c. Lacroix, 2009 QCCS 4519 (CanLII)
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[14] Notre système de justice criminelle sanctionne les criminels et pas uniquement les crimes.
[15] L'imposition d'une peine basée uniquement sur le crime, sans évaluer le profil de son auteur, risque d'engendrer des situations inéquitables pour la société et le délinquant et ne permet pas à la peine de jouer le rôle qui lui est réservé.
[16] Ainsi, notre système ne permet pas d'imposer des peines d'emprisonnement de plusieurs centaines d'années pour des crimes financiers commis par des individus dont l'expectative de vie ne saurait dépasser les 80 ans. D'ailleurs, la peine maximale décrétée par le Parlement en semblable matière est fixée à 14 ans d'incarcération.
[17] L'imposition de peines nettement démesurées, même si bien intentionnées au départ, risquerait de déconsidérer, à moyen et long terme, l'administration de la justice au pays.
[18] Une peine d'emprisonnement n'a de valeur fonctionnelle et ne peut s'acquitter des objectifs de dissuasion et de réprobation que si elle a un sens et un effet pratique.
[19] Or, une peine d'emprisonnement de plusieurs centaines d'années n'a aucun sens pratique et ne remplit pas les objectifs recherchés. Elle peut bien réjouir la galerie mais elle risque de porter atteinte à l'intégrité d'un système de justice fondé sur des valeurs morales et sociales qu'il est essentiel de préserver. Le Tribunal souhaite que notre culture juridique et judiciaire n'emprunte jamais cette voie d'exception.
[20] Qui plus est, le Tribunal est d'opinion que le grand public en général comprend et adhère au processus d'imposition des peines en reconnaissant que le travail réfléchi des juges est basé sur l'évaluation de la preuve et l'application du droit tel que créé par le Parlement.
[21] Ce qui se passe après relève d'un tout autre registre.
[22] Il est important pour le Tribunal de rappeler que la question des libérations conditionnelles relève du Parlement et qu'il appartient aux responsables politiques de répondre de leurs actes ou de leurs omissions.
[23] Les Tribunaux ne peuvent ni ne doivent intégrer dans leur réflexion les conséquences et les modalités des libérations conditionnelles qui ne sont nullement de leur ressort et sur lesquelles ils n'ont aucun contrôle.
[24] L'avocate de Vincent Lacroix exhorte le Tribunal à résister à la tentation d'imposer la loi du Talion.
[25] Le Tribunal partage entièrement cette préoccupation. La vindicte populaire et le recours à l'hallali s'éloignent de nos valeurs sociétales reflétées par les principes de détermination des peines.
[26] L'imposition d'une peine juste et appropriée est toujours un exercice difficile et délicat. Les tribunaux ont le devoir d'imposer une peine d'emprisonnement selon le profil et les facteurs propres à chaque accusé. La peine doit être faite sur mesure compte tenu de l'ensemble des facteurs aggravants et atténuants.
[27] Le Tribunal est d'avis qu'en tout temps, la dissuasion, la dénonciation mais également la réhabilitation, sont les trois valeurs phares de notre système pénal et s'intègrent dans le processus d'imposition d'une peine juste et équitable.
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[14] Notre système de justice criminelle sanctionne les criminels et pas uniquement les crimes.
[15] L'imposition d'une peine basée uniquement sur le crime, sans évaluer le profil de son auteur, risque d'engendrer des situations inéquitables pour la société et le délinquant et ne permet pas à la peine de jouer le rôle qui lui est réservé.
[16] Ainsi, notre système ne permet pas d'imposer des peines d'emprisonnement de plusieurs centaines d'années pour des crimes financiers commis par des individus dont l'expectative de vie ne saurait dépasser les 80 ans. D'ailleurs, la peine maximale décrétée par le Parlement en semblable matière est fixée à 14 ans d'incarcération.
[17] L'imposition de peines nettement démesurées, même si bien intentionnées au départ, risquerait de déconsidérer, à moyen et long terme, l'administration de la justice au pays.
[18] Une peine d'emprisonnement n'a de valeur fonctionnelle et ne peut s'acquitter des objectifs de dissuasion et de réprobation que si elle a un sens et un effet pratique.
[19] Or, une peine d'emprisonnement de plusieurs centaines d'années n'a aucun sens pratique et ne remplit pas les objectifs recherchés. Elle peut bien réjouir la galerie mais elle risque de porter atteinte à l'intégrité d'un système de justice fondé sur des valeurs morales et sociales qu'il est essentiel de préserver. Le Tribunal souhaite que notre culture juridique et judiciaire n'emprunte jamais cette voie d'exception.
[20] Qui plus est, le Tribunal est d'opinion que le grand public en général comprend et adhère au processus d'imposition des peines en reconnaissant que le travail réfléchi des juges est basé sur l'évaluation de la preuve et l'application du droit tel que créé par le Parlement.
[21] Ce qui se passe après relève d'un tout autre registre.
[22] Il est important pour le Tribunal de rappeler que la question des libérations conditionnelles relève du Parlement et qu'il appartient aux responsables politiques de répondre de leurs actes ou de leurs omissions.
[23] Les Tribunaux ne peuvent ni ne doivent intégrer dans leur réflexion les conséquences et les modalités des libérations conditionnelles qui ne sont nullement de leur ressort et sur lesquelles ils n'ont aucun contrôle.
[24] L'avocate de Vincent Lacroix exhorte le Tribunal à résister à la tentation d'imposer la loi du Talion.
[25] Le Tribunal partage entièrement cette préoccupation. La vindicte populaire et le recours à l'hallali s'éloignent de nos valeurs sociétales reflétées par les principes de détermination des peines.
[26] L'imposition d'une peine juste et appropriée est toujours un exercice difficile et délicat. Les tribunaux ont le devoir d'imposer une peine d'emprisonnement selon le profil et les facteurs propres à chaque accusé. La peine doit être faite sur mesure compte tenu de l'ensemble des facteurs aggravants et atténuants.
[27] Le Tribunal est d'avis qu'en tout temps, la dissuasion, la dénonciation mais également la réhabilitation, sont les trois valeurs phares de notre système pénal et s'intègrent dans le processus d'imposition d'une peine juste et équitable.
jeudi 9 mai 2013
Ce que signifie la collaboration au niveau de la détermination de la peine relativement à une infraction de fraude au sens normalement retenu par la jurisprudence
R. c. Perrier, 2013 QCCS 1658 (CanLII)
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[65] La question de la collaboration mérite quelques commentaires. Faciliter une confiscation inévitable est certes un geste de collaboration avec les autorités, mais il ne s'agit pas de la collaboration au sens normalement retenu par la jurisprudence, comme dans le cas de M. Cantin qui, dans la présente affaire, a collaboré avec les autorités policières et a témoigné à plusieurs reprises devant les tribunaux.
[66] En effet, on parle généralement de collaboration lorsque le délinquant collabore réellement avec les autorités en fournissant de l'information et en témoignant lors d'un procès.
[67] Les auteurs de la huitième édition de l'ouvrage Sentencing écrivent :
The circumstances in which credit should be given for assistance to the police are deliberately broad. In order to insure that such encouragement is given, the appropriate reward for providing assistance should be given, whatever the offender's motive may have been in giving it, be it genuine remorse or simply self-interest. Insofar as an offender is prepared to implicate himself further and to help solve outstanding crimes, their is both a saving to the public purse and an indication the person is prepared to leave crime behind. What is to be encouraged is full and frank cooperation on the part of the offender, whatever be his motive.
The extent of the discount will depend to a large degree upon the willingness with which the disclosure is made. The offender will not receive any discount at all where he tailors his disclosure so as to reveal only information which he knows is already in the possession of the authorities. The discount will rarely be substantial unless the offender discloses everything he knows. To this extent, the inquiry is into the subjective nature of the offender's cooperation.
If the motive is genuine remorse, that circumstance may well warrant even greater leniency being extended, but contrition is not a necessary ingredient which must be shown in order to obtain a lesser sentence for giving assistance to the authorities. The reward for providing assistance should be given if the offender has genuinely cooperated with the authorities whether or not the information supplied turns out in fact to have been effective. The information which he gives must be such as could significantly assist the authorities. The information must, of course, be true; a false disclosure attracts no benefit at all. What is relevant here is the potential of the information to assist the authorities, as comprehended by the offender himself.
[68] Le jugement de la Cour d'appel ne permet pas de déterminer avec précision l'impact de la collaboration à la confiscation des biens en termes de réduction de la peine d'emprisonnement. Cet impact n'a pu être que marginal.
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[65] La question de la collaboration mérite quelques commentaires. Faciliter une confiscation inévitable est certes un geste de collaboration avec les autorités, mais il ne s'agit pas de la collaboration au sens normalement retenu par la jurisprudence, comme dans le cas de M. Cantin qui, dans la présente affaire, a collaboré avec les autorités policières et a témoigné à plusieurs reprises devant les tribunaux.
[66] En effet, on parle généralement de collaboration lorsque le délinquant collabore réellement avec les autorités en fournissant de l'information et en témoignant lors d'un procès.
[67] Les auteurs de la huitième édition de l'ouvrage Sentencing écrivent :
The circumstances in which credit should be given for assistance to the police are deliberately broad. In order to insure that such encouragement is given, the appropriate reward for providing assistance should be given, whatever the offender's motive may have been in giving it, be it genuine remorse or simply self-interest. Insofar as an offender is prepared to implicate himself further and to help solve outstanding crimes, their is both a saving to the public purse and an indication the person is prepared to leave crime behind. What is to be encouraged is full and frank cooperation on the part of the offender, whatever be his motive.
The extent of the discount will depend to a large degree upon the willingness with which the disclosure is made. The offender will not receive any discount at all where he tailors his disclosure so as to reveal only information which he knows is already in the possession of the authorities. The discount will rarely be substantial unless the offender discloses everything he knows. To this extent, the inquiry is into the subjective nature of the offender's cooperation.
If the motive is genuine remorse, that circumstance may well warrant even greater leniency being extended, but contrition is not a necessary ingredient which must be shown in order to obtain a lesser sentence for giving assistance to the authorities. The reward for providing assistance should be given if the offender has genuinely cooperated with the authorities whether or not the information supplied turns out in fact to have been effective. The information which he gives must be such as could significantly assist the authorities. The information must, of course, be true; a false disclosure attracts no benefit at all. What is relevant here is the potential of the information to assist the authorities, as comprehended by the offender himself.
[68] Le jugement de la Cour d'appel ne permet pas de déterminer avec précision l'impact de la collaboration à la confiscation des biens en termes de réduction de la peine d'emprisonnement. Cet impact n'a pu être que marginal.
La requête pour procès séparé et les risques d'injustice
Lévesque c. R., 2007 QCCA 1291 (CanLII)
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[52] La décision d’ordonner la tenue de procès séparés relève de la discrétion du juge de première instance. En 2005, la Cour suprême du Canada a précisé quelle était la norme d’intervention de la Cour d’appel par rapport à cette décision:
De même, dans Torbiak and Gillis, p. 199, la Cour d’appel de l’Ontario a souligné la [traduction] « [règle] bien établie selon laquelle [. . .] lorsque l’essentiel de la preuve porte que (sic) les accusés ont agi de concert, ils devraient être inculpés et jugés conjointement, et une cour d’appel ne saurait intervenir dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire du juge du procès, sauf si celui‑ci n’a pas exercé son pouvoir de manière judiciaire ou si sa décision a entraîné une erreur judiciaire ».
[53] La Cour d’appel devra donc faire preuve de retenue. La jurisprudence reconnaît que la tenue de procès distincts constitue l’exception et non la règle.
[54] Notre Cour a énoncé plusieurs facteurs à considérer pour ordonner la tenue de procès séparés:
Les tribunaux ont retenu un ensemble de facteurs visant à évaluer la nécessité de tenir des procès séparés: (1) la suffisance du lien factuel et juridique entre les divers chefs d'accusation, (2) le risque d'arriver à des verdicts contradictoires, (3) la possibilité d'avoir recours à une preuve d'actes similaires, (4) la complexité et la durée du procès en regard de la nature de la preuve administrée, (5) le préjudice causé à l'accusé relativement à son droit à un procès dans un délai raisonnable, (6) le préjudice causé aux coaccusés, (7) les défenses incompatibles, (8) l'irrecevabilité d'une preuve contre un coaccusé, (9) le désir manifesté par l'accusé de témoigner à l'égard de certains chefs, etc.
Évidemment, les tribunaux doivent considérer également les inconvénients administratifs et les coûts additionnels engendrés par la tenue d'un procès séparé. Toutefois, il est bien entendu que ces dernières considérations ne sont pas de nature à l'emporter sur les intérêts ni les droits constitutionnels d'un accusé.
[55] La Cour suprême précise, dans l’arrêt Crawford, ce qui est susceptible de constituer une injustice pour l’accusé :
Même si le juge du procès a le pouvoir discrétionnaire d'ordonner la tenue de procès distincts, il doit exercer ce pouvoir en tenant compte de principes juridiques, y compris celui voulant que la tenue de procès distincts ne soit ordonnée que s'il est établi qu'un procès conjoint causerait une injustice à l'accusé. Le seul fait qu'un coaccusé a recours à une défense «traîtresse» n'est pas suffisant en soi. Dans l'arrêt Pelletier, précité, on a autorisé un accusé à contre-interroger un coaccusé relativement à la déclaration qu'il avait faite à la police et dont le caractère volontaire n'avait pas été établi. En appel de sa déclaration de culpabilité, il a soutenu que, s'il avait été poursuivi séparément, le contre-interrogatoire n'aurait pas été autorisé. Il a donc fait valoir que la tenue de procès distincts aurait dû être ordonnée. En rejetant ce moyen, le juge Hinkson dit ce qui suit au nom de la cour, à la p. 539:
[traduction] Il faut se rappeler, à cet égard, que le juge du procès a le pouvoir discrétionnaire de faire droit ou non à une demande de procès distincts. La règle générale en la matière veut que les personnes qui ont pris part à une entreprise commune soient jugées conjointement, sauf si l'on peut démontrer qu'un procès conjoint causerait une injustice à l'une d'elles: R. c. Black and six others, reflex, [1970] 4 C.C.C. 251, aux pp. 267 et 268, 10 C.R.N.S. 17, aux pp. 35 et 36, 72 W.W.R. 407. En l'espèce, le juge du procès n'était pas convaincu qu'il était opportun d'ordonner la tenue de procès distincts. Je ne conclus pas qu'il a commis une erreur dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire. » (pages 880 et 881)
*** Note de l'auteur de ce blog: cet arrêt est antérieur à l'arrêt Last de la cour suprême - R. c. Last, 2009 CSC 45, [2009] 3 R.C.S. 146 ***
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[52] La décision d’ordonner la tenue de procès séparés relève de la discrétion du juge de première instance. En 2005, la Cour suprême du Canada a précisé quelle était la norme d’intervention de la Cour d’appel par rapport à cette décision:
De même, dans Torbiak and Gillis, p. 199, la Cour d’appel de l’Ontario a souligné la [traduction] « [règle] bien établie selon laquelle [. . .] lorsque l’essentiel de la preuve porte que (sic) les accusés ont agi de concert, ils devraient être inculpés et jugés conjointement, et une cour d’appel ne saurait intervenir dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire du juge du procès, sauf si celui‑ci n’a pas exercé son pouvoir de manière judiciaire ou si sa décision a entraîné une erreur judiciaire ».
[53] La Cour d’appel devra donc faire preuve de retenue. La jurisprudence reconnaît que la tenue de procès distincts constitue l’exception et non la règle.
[54] Notre Cour a énoncé plusieurs facteurs à considérer pour ordonner la tenue de procès séparés:
Les tribunaux ont retenu un ensemble de facteurs visant à évaluer la nécessité de tenir des procès séparés: (1) la suffisance du lien factuel et juridique entre les divers chefs d'accusation, (2) le risque d'arriver à des verdicts contradictoires, (3) la possibilité d'avoir recours à une preuve d'actes similaires, (4) la complexité et la durée du procès en regard de la nature de la preuve administrée, (5) le préjudice causé à l'accusé relativement à son droit à un procès dans un délai raisonnable, (6) le préjudice causé aux coaccusés, (7) les défenses incompatibles, (8) l'irrecevabilité d'une preuve contre un coaccusé, (9) le désir manifesté par l'accusé de témoigner à l'égard de certains chefs, etc.
Évidemment, les tribunaux doivent considérer également les inconvénients administratifs et les coûts additionnels engendrés par la tenue d'un procès séparé. Toutefois, il est bien entendu que ces dernières considérations ne sont pas de nature à l'emporter sur les intérêts ni les droits constitutionnels d'un accusé.
[55] La Cour suprême précise, dans l’arrêt Crawford, ce qui est susceptible de constituer une injustice pour l’accusé :
Même si le juge du procès a le pouvoir discrétionnaire d'ordonner la tenue de procès distincts, il doit exercer ce pouvoir en tenant compte de principes juridiques, y compris celui voulant que la tenue de procès distincts ne soit ordonnée que s'il est établi qu'un procès conjoint causerait une injustice à l'accusé. Le seul fait qu'un coaccusé a recours à une défense «traîtresse» n'est pas suffisant en soi. Dans l'arrêt Pelletier, précité, on a autorisé un accusé à contre-interroger un coaccusé relativement à la déclaration qu'il avait faite à la police et dont le caractère volontaire n'avait pas été établi. En appel de sa déclaration de culpabilité, il a soutenu que, s'il avait été poursuivi séparément, le contre-interrogatoire n'aurait pas été autorisé. Il a donc fait valoir que la tenue de procès distincts aurait dû être ordonnée. En rejetant ce moyen, le juge Hinkson dit ce qui suit au nom de la cour, à la p. 539:
[traduction] Il faut se rappeler, à cet égard, que le juge du procès a le pouvoir discrétionnaire de faire droit ou non à une demande de procès distincts. La règle générale en la matière veut que les personnes qui ont pris part à une entreprise commune soient jugées conjointement, sauf si l'on peut démontrer qu'un procès conjoint causerait une injustice à l'une d'elles: R. c. Black and six others, reflex, [1970] 4 C.C.C. 251, aux pp. 267 et 268, 10 C.R.N.S. 17, aux pp. 35 et 36, 72 W.W.R. 407. En l'espèce, le juge du procès n'était pas convaincu qu'il était opportun d'ordonner la tenue de procès distincts. Je ne conclus pas qu'il a commis une erreur dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire. » (pages 880 et 881)
*** Note de l'auteur de ce blog: cet arrêt est antérieur à l'arrêt Last de la cour suprême - R. c. Last, 2009 CSC 45, [2009] 3 R.C.S. 146 ***
Ce qu'est l'ignorance volontaire
R. c. Vigeant-Dubois, 2013 QCCQ 3011 (CanLII)
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[44] L'ignorance volontaire se produit lorsqu'une personne qui ressent le besoin de se renseigner refuse de le faire parce qu'elle ne veut pas connaître la vérité.
[45] La Cour suprême, dans l'arrêt Sansregret, au paragraphe 22, cite avec approbation un très réputé professeur anglais relativement aux dangers et limites de l'ignorance volontaire :
« Glanville Williams signale cependant que la règle de l'ignorance volontaire comporte des dangers et a une application limitée. Il dit, à la page 159 :
[TRADUCTION] La règle selon laquelle l'ignorance volontaire équivaut à la connaissance est essentielle et se rencontre partout dans le droit criminel. En même temps, c'est une règle instable parce que les juges sont susceptibles d'en oublier la portée très limitée. Une cour peut valablement conclure à l'ignorance volontaire seulement lorsqu'on peut presque dire que le défendeur connaissait réellement le fait. Il le soupçonnait; il se rendait compte de sa probabilité; mais il s'est abstenu d'en obtenir confirmation définitive parce qu'il voulait, le cas échéant, être capable de nier qu'il savait. Cela, et cela seulement, constitue de l'ignorance volontaire. Il faut en effet qu'il y ait conclusion que le défendeur a voulu tromper l'administration de la justice. Toute définition plus générale aurait pour effet d'empêcher la distinction entre la doctrine de l'ignorance volontaire et la doctrine civile de la négligence de se renseigner. »
[46] Par ailleurs, la poursuite s'appuie essentiellement sur l'extrait suivant de l'arrêt R. c. Briscoe pour soutenir qu'en l'espèce, la mens rea est prouvée par l'ignorance volontaire de l'accusée :
« L'ignorance volontaire ne définit pas la mens rea requise d'infractions particulières. Au contraire, elle peut remplacer la connaissance réelle chaque fois que la connaissance est un élément de la mens rea. La doctrine de l'ignorance volontaire impute une connaissance à l'accusé qui a des doutes au point de vouloir se renseigner davantage, mais qui choisit délibérément de ne pas le faire. Voir Sansregret c. La Reine, 1985 CanLII 79 (CSC), [1985] 1 R.C.S. 570, et R. c. Jorgensen, 1995 CanLII 85 (CSC), [1995] 4 R.C.S. 55. Comme l'a dit succinctement le juge Sopinka dans Jorgensen (par. 103), < [p]our conclure à l'ignorance volontaire, il faut répondre par l'affirmative à la question suivante : L'accusé a-t-il fermé les yeux parce qu'il savait ou soupçonnait fortement que s'il regardait, il saurait? >».
[47] Suivant cette prétention, si le tribunal répond affirmativement à la question visant à savoir si l'accusée a fermé les yeux parce qu'elle savait ou soupçonnait fortement que si elle regardait, elle saurait, le tribunal, dans ces circonstances, doit déclarer l'accusée coupable.
[48] La défense ne soumet aucune autorité et ramène le débat à une question essentiellement factuelle en affirmant que l'accusée est de bonne foi et doit être crue. Conséquemment, suivant cette prétention, l'accusée n'a pas fait preuve d'ignorance volontaire et doit être acquittée.
[49] Le tribunal constate que la position de la défense fait écho, d'une certaine manière, à l'arrêt de la Cour d'appel du Québec dans l'arrêt R. c. Cedano, où la Cour signale que l'application de la doctrine de l'ignorance volontaire est intimement liée à l'appréciation de la preuve et singulièrement, à l'appréciation de la crédibilité de l'accusée.
[50] À la lumière de ces enseignements et de ceux du plus haut tribunal du pays, le tribunal, retenant la méthodologie de l'arrêt R. c. W. (D.) de même que les précisions apportées par l'arrêt C.L.Y., doit examiner, dans un premier temps, s'il croit la version de l'accusée
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[44] L'ignorance volontaire se produit lorsqu'une personne qui ressent le besoin de se renseigner refuse de le faire parce qu'elle ne veut pas connaître la vérité.
[45] La Cour suprême, dans l'arrêt Sansregret, au paragraphe 22, cite avec approbation un très réputé professeur anglais relativement aux dangers et limites de l'ignorance volontaire :
« Glanville Williams signale cependant que la règle de l'ignorance volontaire comporte des dangers et a une application limitée. Il dit, à la page 159 :
[TRADUCTION] La règle selon laquelle l'ignorance volontaire équivaut à la connaissance est essentielle et se rencontre partout dans le droit criminel. En même temps, c'est une règle instable parce que les juges sont susceptibles d'en oublier la portée très limitée. Une cour peut valablement conclure à l'ignorance volontaire seulement lorsqu'on peut presque dire que le défendeur connaissait réellement le fait. Il le soupçonnait; il se rendait compte de sa probabilité; mais il s'est abstenu d'en obtenir confirmation définitive parce qu'il voulait, le cas échéant, être capable de nier qu'il savait. Cela, et cela seulement, constitue de l'ignorance volontaire. Il faut en effet qu'il y ait conclusion que le défendeur a voulu tromper l'administration de la justice. Toute définition plus générale aurait pour effet d'empêcher la distinction entre la doctrine de l'ignorance volontaire et la doctrine civile de la négligence de se renseigner. »
[46] Par ailleurs, la poursuite s'appuie essentiellement sur l'extrait suivant de l'arrêt R. c. Briscoe pour soutenir qu'en l'espèce, la mens rea est prouvée par l'ignorance volontaire de l'accusée :
« L'ignorance volontaire ne définit pas la mens rea requise d'infractions particulières. Au contraire, elle peut remplacer la connaissance réelle chaque fois que la connaissance est un élément de la mens rea. La doctrine de l'ignorance volontaire impute une connaissance à l'accusé qui a des doutes au point de vouloir se renseigner davantage, mais qui choisit délibérément de ne pas le faire. Voir Sansregret c. La Reine, 1985 CanLII 79 (CSC), [1985] 1 R.C.S. 570, et R. c. Jorgensen, 1995 CanLII 85 (CSC), [1995] 4 R.C.S. 55. Comme l'a dit succinctement le juge Sopinka dans Jorgensen (par. 103), < [p]our conclure à l'ignorance volontaire, il faut répondre par l'affirmative à la question suivante : L'accusé a-t-il fermé les yeux parce qu'il savait ou soupçonnait fortement que s'il regardait, il saurait? >».
[47] Suivant cette prétention, si le tribunal répond affirmativement à la question visant à savoir si l'accusée a fermé les yeux parce qu'elle savait ou soupçonnait fortement que si elle regardait, elle saurait, le tribunal, dans ces circonstances, doit déclarer l'accusée coupable.
[48] La défense ne soumet aucune autorité et ramène le débat à une question essentiellement factuelle en affirmant que l'accusée est de bonne foi et doit être crue. Conséquemment, suivant cette prétention, l'accusée n'a pas fait preuve d'ignorance volontaire et doit être acquittée.
[49] Le tribunal constate que la position de la défense fait écho, d'une certaine manière, à l'arrêt de la Cour d'appel du Québec dans l'arrêt R. c. Cedano, où la Cour signale que l'application de la doctrine de l'ignorance volontaire est intimement liée à l'appréciation de la preuve et singulièrement, à l'appréciation de la crédibilité de l'accusée.
[50] À la lumière de ces enseignements et de ceux du plus haut tribunal du pays, le tribunal, retenant la méthodologie de l'arrêt R. c. W. (D.) de même que les précisions apportées par l'arrêt C.L.Y., doit examiner, dans un premier temps, s'il croit la version de l'accusée
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