Lévesque c. R., 2007 QCCA 1291 (CanLII)
Lien vers la décision
[52] La décision d’ordonner la tenue de procès séparés relève de la discrétion du juge de première instance. En 2005, la Cour suprême du Canada a précisé quelle était la norme d’intervention de la Cour d’appel par rapport à cette décision:
De même, dans Torbiak and Gillis, p. 199, la Cour d’appel de l’Ontario a souligné la [traduction] « [règle] bien établie selon laquelle [. . .] lorsque l’essentiel de la preuve porte que (sic) les accusés ont agi de concert, ils devraient être inculpés et jugés conjointement, et une cour d’appel ne saurait intervenir dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire du juge du procès, sauf si celui‑ci n’a pas exercé son pouvoir de manière judiciaire ou si sa décision a entraîné une erreur judiciaire ».
[53] La Cour d’appel devra donc faire preuve de retenue. La jurisprudence reconnaît que la tenue de procès distincts constitue l’exception et non la règle.
[54] Notre Cour a énoncé plusieurs facteurs à considérer pour ordonner la tenue de procès séparés:
Les tribunaux ont retenu un ensemble de facteurs visant à évaluer la nécessité de tenir des procès séparés: (1) la suffisance du lien factuel et juridique entre les divers chefs d'accusation, (2) le risque d'arriver à des verdicts contradictoires, (3) la possibilité d'avoir recours à une preuve d'actes similaires, (4) la complexité et la durée du procès en regard de la nature de la preuve administrée, (5) le préjudice causé à l'accusé relativement à son droit à un procès dans un délai raisonnable, (6) le préjudice causé aux coaccusés, (7) les défenses incompatibles, (8) l'irrecevabilité d'une preuve contre un coaccusé, (9) le désir manifesté par l'accusé de témoigner à l'égard de certains chefs, etc.
Évidemment, les tribunaux doivent considérer également les inconvénients administratifs et les coûts additionnels engendrés par la tenue d'un procès séparé. Toutefois, il est bien entendu que ces dernières considérations ne sont pas de nature à l'emporter sur les intérêts ni les droits constitutionnels d'un accusé.
[55] La Cour suprême précise, dans l’arrêt Crawford, ce qui est susceptible de constituer une injustice pour l’accusé :
Même si le juge du procès a le pouvoir discrétionnaire d'ordonner la tenue de procès distincts, il doit exercer ce pouvoir en tenant compte de principes juridiques, y compris celui voulant que la tenue de procès distincts ne soit ordonnée que s'il est établi qu'un procès conjoint causerait une injustice à l'accusé. Le seul fait qu'un coaccusé a recours à une défense «traîtresse» n'est pas suffisant en soi. Dans l'arrêt Pelletier, précité, on a autorisé un accusé à contre-interroger un coaccusé relativement à la déclaration qu'il avait faite à la police et dont le caractère volontaire n'avait pas été établi. En appel de sa déclaration de culpabilité, il a soutenu que, s'il avait été poursuivi séparément, le contre-interrogatoire n'aurait pas été autorisé. Il a donc fait valoir que la tenue de procès distincts aurait dû être ordonnée. En rejetant ce moyen, le juge Hinkson dit ce qui suit au nom de la cour, à la p. 539:
[traduction] Il faut se rappeler, à cet égard, que le juge du procès a le pouvoir discrétionnaire de faire droit ou non à une demande de procès distincts. La règle générale en la matière veut que les personnes qui ont pris part à une entreprise commune soient jugées conjointement, sauf si l'on peut démontrer qu'un procès conjoint causerait une injustice à l'une d'elles: R. c. Black and six others, reflex, [1970] 4 C.C.C. 251, aux pp. 267 et 268, 10 C.R.N.S. 17, aux pp. 35 et 36, 72 W.W.R. 407. En l'espèce, le juge du procès n'était pas convaincu qu'il était opportun d'ordonner la tenue de procès distincts. Je ne conclus pas qu'il a commis une erreur dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire. » (pages 880 et 881)
*** Note de l'auteur de ce blog: cet arrêt est antérieur à l'arrêt Last de la cour suprême - R. c. Last, 2009 CSC 45, [2009] 3 R.C.S. 146 ***
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