R. c. Vigeant-Dubois, 2013 QCCQ 3011 (CanLII)
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[44] L'ignorance volontaire se produit lorsqu'une personne qui ressent le besoin de se renseigner refuse de le faire parce qu'elle ne veut pas connaître la vérité.
[45] La Cour suprême, dans l'arrêt Sansregret, au paragraphe 22, cite avec approbation un très réputé professeur anglais relativement aux dangers et limites de l'ignorance volontaire :
« Glanville Williams signale cependant que la règle de l'ignorance volontaire comporte des dangers et a une application limitée. Il dit, à la page 159 :
[TRADUCTION] La règle selon laquelle l'ignorance volontaire équivaut à la connaissance est essentielle et se rencontre partout dans le droit criminel. En même temps, c'est une règle instable parce que les juges sont susceptibles d'en oublier la portée très limitée. Une cour peut valablement conclure à l'ignorance volontaire seulement lorsqu'on peut presque dire que le défendeur connaissait réellement le fait. Il le soupçonnait; il se rendait compte de sa probabilité; mais il s'est abstenu d'en obtenir confirmation définitive parce qu'il voulait, le cas échéant, être capable de nier qu'il savait. Cela, et cela seulement, constitue de l'ignorance volontaire. Il faut en effet qu'il y ait conclusion que le défendeur a voulu tromper l'administration de la justice. Toute définition plus générale aurait pour effet d'empêcher la distinction entre la doctrine de l'ignorance volontaire et la doctrine civile de la négligence de se renseigner. »
[46] Par ailleurs, la poursuite s'appuie essentiellement sur l'extrait suivant de l'arrêt R. c. Briscoe pour soutenir qu'en l'espèce, la mens rea est prouvée par l'ignorance volontaire de l'accusée :
« L'ignorance volontaire ne définit pas la mens rea requise d'infractions particulières. Au contraire, elle peut remplacer la connaissance réelle chaque fois que la connaissance est un élément de la mens rea. La doctrine de l'ignorance volontaire impute une connaissance à l'accusé qui a des doutes au point de vouloir se renseigner davantage, mais qui choisit délibérément de ne pas le faire. Voir Sansregret c. La Reine, 1985 CanLII 79 (CSC), [1985] 1 R.C.S. 570, et R. c. Jorgensen, 1995 CanLII 85 (CSC), [1995] 4 R.C.S. 55. Comme l'a dit succinctement le juge Sopinka dans Jorgensen (par. 103), < [p]our conclure à l'ignorance volontaire, il faut répondre par l'affirmative à la question suivante : L'accusé a-t-il fermé les yeux parce qu'il savait ou soupçonnait fortement que s'il regardait, il saurait? >».
[47] Suivant cette prétention, si le tribunal répond affirmativement à la question visant à savoir si l'accusée a fermé les yeux parce qu'elle savait ou soupçonnait fortement que si elle regardait, elle saurait, le tribunal, dans ces circonstances, doit déclarer l'accusée coupable.
[48] La défense ne soumet aucune autorité et ramène le débat à une question essentiellement factuelle en affirmant que l'accusée est de bonne foi et doit être crue. Conséquemment, suivant cette prétention, l'accusée n'a pas fait preuve d'ignorance volontaire et doit être acquittée.
[49] Le tribunal constate que la position de la défense fait écho, d'une certaine manière, à l'arrêt de la Cour d'appel du Québec dans l'arrêt R. c. Cedano, où la Cour signale que l'application de la doctrine de l'ignorance volontaire est intimement liée à l'appréciation de la preuve et singulièrement, à l'appréciation de la crédibilité de l'accusée.
[50] À la lumière de ces enseignements et de ceux du plus haut tribunal du pays, le tribunal, retenant la méthodologie de l'arrêt R. c. W. (D.) de même que les précisions apportées par l'arrêt C.L.Y., doit examiner, dans un premier temps, s'il croit la version de l'accusée
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