R. c. Lacroix, 2009 QCCS 4519 (CanLII)
Lien vers la décision
[14] Notre système de justice criminelle sanctionne les criminels et pas uniquement les crimes.
[15] L'imposition d'une peine basée uniquement sur le crime, sans évaluer le profil de son auteur, risque d'engendrer des situations inéquitables pour la société et le délinquant et ne permet pas à la peine de jouer le rôle qui lui est réservé.
[16] Ainsi, notre système ne permet pas d'imposer des peines d'emprisonnement de plusieurs centaines d'années pour des crimes financiers commis par des individus dont l'expectative de vie ne saurait dépasser les 80 ans. D'ailleurs, la peine maximale décrétée par le Parlement en semblable matière est fixée à 14 ans d'incarcération.
[17] L'imposition de peines nettement démesurées, même si bien intentionnées au départ, risquerait de déconsidérer, à moyen et long terme, l'administration de la justice au pays.
[18] Une peine d'emprisonnement n'a de valeur fonctionnelle et ne peut s'acquitter des objectifs de dissuasion et de réprobation que si elle a un sens et un effet pratique.
[19] Or, une peine d'emprisonnement de plusieurs centaines d'années n'a aucun sens pratique et ne remplit pas les objectifs recherchés. Elle peut bien réjouir la galerie mais elle risque de porter atteinte à l'intégrité d'un système de justice fondé sur des valeurs morales et sociales qu'il est essentiel de préserver. Le Tribunal souhaite que notre culture juridique et judiciaire n'emprunte jamais cette voie d'exception.
[20] Qui plus est, le Tribunal est d'opinion que le grand public en général comprend et adhère au processus d'imposition des peines en reconnaissant que le travail réfléchi des juges est basé sur l'évaluation de la preuve et l'application du droit tel que créé par le Parlement.
[21] Ce qui se passe après relève d'un tout autre registre.
[22] Il est important pour le Tribunal de rappeler que la question des libérations conditionnelles relève du Parlement et qu'il appartient aux responsables politiques de répondre de leurs actes ou de leurs omissions.
[23] Les Tribunaux ne peuvent ni ne doivent intégrer dans leur réflexion les conséquences et les modalités des libérations conditionnelles qui ne sont nullement de leur ressort et sur lesquelles ils n'ont aucun contrôle.
[24] L'avocate de Vincent Lacroix exhorte le Tribunal à résister à la tentation d'imposer la loi du Talion.
[25] Le Tribunal partage entièrement cette préoccupation. La vindicte populaire et le recours à l'hallali s'éloignent de nos valeurs sociétales reflétées par les principes de détermination des peines.
[26] L'imposition d'une peine juste et appropriée est toujours un exercice difficile et délicat. Les tribunaux ont le devoir d'imposer une peine d'emprisonnement selon le profil et les facteurs propres à chaque accusé. La peine doit être faite sur mesure compte tenu de l'ensemble des facteurs aggravants et atténuants.
[27] Le Tribunal est d'avis qu'en tout temps, la dissuasion, la dénonciation mais également la réhabilitation, sont les trois valeurs phares de notre système pénal et s'intègrent dans le processus d'imposition d'une peine juste et équitable.
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