Rechercher sur ce blogue

jeudi 25 septembre 2014

Il n'existe aucun secret professionnel entre le ministère public et le témoin / Les contours de « privilège relatif au litige », appliqué en droit criminel, restent à définir

R.L. c. R., 2014 QCCA 1743 (CanLII)

Lien vers la décision

[7]           En accueillant aussi rapidement l’objection du ministère public, le juge commet une erreur qui empêche la défense de connaître l’existence et la nature des déclarations du témoin lors des différentes rencontres avec le procureur du D.P.C.P. Or, l’objection, telle que formulée, aurait dû être rejetée. 
[8]           Le secret professionnel couvre les communications confidentielles entre un avocat et son client qui comportent une consultation ou un avis juridique. Disons simplement qu’il est difficile de voir comment le ministère public pourrait s’engager dans une telle relation dans la préparation du témoignage d’un témoin dans un dossier criminel.  Notamment, le droit constitutionnel à la communication de la preuve oblige la divulgation des informations pertinentes à des accusations.
[9]           Quant au « privilège relatif au litige », lorsqu’il est invoqué et contesté, le juge doit en contrôler le bien-fondé. L’intimée le reconnaît d’ailleurs dans son mémoire. Les contours précis de ce privilège, appliqué en droit criminel, restent à définir. Toutefois, en l’espèce, le dossier de première instance est incomplet sur cette question puisque le ministère public n’a pas invoqué ce privilège. Par conséquent, il n’y a pas eu de débat et le juge ne l’a jamais tranché.
[10]        Dans les circonstances, l’effet concret de cette erreur du juge a manifestement créé un obstacle à l’exploration légitime, par le contre-interrogatoire, des versions données par la plaignante. Contrairement à ce qu’avance le ministère public, elle rendait inutile toute autre tentative de l’avocat de questionner le témoin sur ses rencontres avec le procureur du D.P.C.P.

Il est bien acquis qu’une seule condamnation antérieure qui ne comporte aucun élément de malhonnêteté sera en principe peu utile pour apprécier la crédibilité de l’accusé

R.L. c. R., 2014 QCCA 1743 (CanLII)

Lien vers la décision

[13]        L’appelant a raison. Il est maintenant bien acquis qu’une seule condamnation antérieure qui ne comporte aucun élément de malhonnêteté sera en principe peu utile pour apprécier la crédibilité de l’accusé. Au surplus, elle est similaire aux accusations, ce qui n’est pas sans susciter un risque d’un raisonnement fondé sur la propension. Bien que l’arrêt Trudel mette en cause un procès devant jury et qu’il faille reconnaître que le danger d’une mauvaise utilisation d’un élément de preuve est moindre dans un procès devant juge seul, il n’est pas inexistant en raison du caractère parfois pernicieux du préjudice moral, même pour un juge. En l’espèce, l’absence d’explications sur la façon dont la condamnation antérieure peut affecter la crédibilité de l’appelant, et à l’audience le ministère public n’en donne pas, indique qu’elle n’avait aucune pertinence relativement à cette question. Elle apportait toutefois une couleur préjudiciable à la personne même de l’appelant. Le juge aurait dû clairement indiquer qu’il l’écartait alors qu’il l’a pris en compte.

L'opportunité d'imposer une peine consécutive ou concurrente

Courtois c. R., 2013 QCCA 2100 (CanLII)

Lien vers la décision

[12]        Par ailleurs, il n'a pas été démontré que le juge a commis une erreur de principe en ordonnant que la peine infligée pour méfait soit purgée de manière consécutive aux autres peines. La commission de cette infraction est survenue dans une séquence d’événements distincts et séparés des autres infractions pour lesquelles l’appelant a été trouvé coupable. La révision par une cour d'appel de l'opportunité d'imposer une peine consécutive ou concurrente exige la même retenue que celle dont elle doit faire montre au moment de se prononcer sur le caractère raisonnable de sa durée. Notre intervention ne s'impose pas davantage sous ce rapport.

Dans certaines circonstances, un bond important dans l’évolution des peines imposées à un récidiviste est justifié

Courtois c. R., 2013 QCCA 2100 (CanLII)


[7]           Il ne suffit pas de plaider qu'une peine s'écarte d'une peine moins lourde imposée dans une affaire présentant des similitudes avec la nôtre pour autoriser une cour d'appel à intervenir. Encore faut-il que la peine contestée ne puisse se justifier sous l'éclairage des circonstances de l'espèce. Certes, les sanctions imposées au requérant sont sévères, mais le juge ne s'est pas trompé en faisant prévaloir leur caractère dissuasif dans le respect de la règle de la proportionnalité. Notre collègue le juge Doyon écrivait à ce sujet :
[45]      La dissuasion générale autorise donc un tribunal à imposer une peine plus sévère pour faire en sorte de transmettre un message en vue de dissuader d'autres personnes de commettre une telle infraction, mais encore faut-il que le délinquant le mérite. Cette idée selon laquelle le délinquant doit mériter la peine qui lui est infligée nous renvoie nécessairement au principe fondamental de proportionnalité énoncé par le législateur à l'art. 718.1 C.cr. :
La peine est proportionnelle à la gravité de l'infraction et au degré de responsabilité du délinquant.
[8]           Le juge, aux fins de sa décision, n'a pas ignoré les objectifs et principes directeurs énoncés à l'article 718 C.cr. et il a aussi tenu compte du principe fondamental en matière de peine selon lequel la sanction doit être proportionnelle à la gravité de l'infraction et au degré de responsabilité du délinquant.
[9]           Il est vrai qu'en l'espèce les peines imposées constituent un bond important si on tient compte de la dernière peine infligée au requérant pour une condamnation de conduite avec facultés affaiblies (120 jours).
[10]        Cependant, cet écart s'explique par le contexte accablant dans lequel sont survenus les différents délits commis par le requérant, par sa personnalité criminelle persistante, son mépris pour les ordonnances de cour et aussi en raison du danger qu'il représente pour la sécurité du public.
[11]        La détermination d'une peine est un processus individualisé. À moins qu'elle soit nettement excessive, l'arrêt R. c. L.M. rappelle l'importance pour les cours d'appel de faire montre de réserve à l'égard du pouvoir discrétionnaire du juge d'instance en cette matière. Cette règle est d'autant plus justifiée que le juge qui a imposé la peine est celui-là même qui a entendu tout le procès, ce qui le place dans une position privilégiée puisqu'il a vu et entendu les témoins des différents délits commis par le requérant

mardi 23 septembre 2014

Il doit y avoir preuve d'un préjudice particulier par le requérant dans le cadre d'un entiercement

Constructions Louisbourg ltée c. Agence du revenu du Québec, 2011 QCCA 1636 (CanLII)


[12]           De plus, la seule preuve d'un préjudice que pourrait causer le refus d'entiercement se retrouve au paragr. 8 de la déclaration assermentée du 2 août 2011 jointe à la demande d'entiercement amendée, qui est ainsi libellé :
Si l'entiercement n'est pas accordé, les requérants subiront un préjudice sérieux et irréparable en ce que l'Agence du revenu du Québec continuera d'avoir accès aux documents saisis.
[13]           Il n'y a donc pas de preuve d'un préjudice particulier, de sorte qu'il faut conclure que, selon les appelants, une demande de certiorari, fondée sur des motifs sérieux, devrait toujours entraîner une ordonnance d'entiercement. Cela ne peut être la règle, d'autant que d'autres mesures de réparation pourront être envisagées dans l'hypothèse où les mandats étaient annulés par la Cour supérieure.

Exposé du droit assez exhaustif sur la question de l'entiercement

Stein c. R., 2006 QCCS 4319 (CanLII)



Le droit

[25]            Les règles applicables en matière d’entiercement ont été rappelées par la Cour suprême dans l’arrêt 143471 Canada inc. c. Québec (P.G.), dans lequel la Cour reprend les enseignements des arrêts Metropolitan Store Ltd. et R.J.R. MacDonald.
a)     question de droit sérieuse;
b)     préjudice irréparable;
c)      prépondérance des inconvénients.
[28]            Une lecture attentive de l’arrêt Tabah (c’est le nom donné à la cause 143471 Canada inc.) incite à la nuance du propos.
[29]            Tout d’abord, dans cette affaire, il importe de rappeler que la requérante contestait la validité et la constitutionnalité d’une partie de la Loi sur le ministère du Revenu, alléguant que les perquisitions qui y étaient autorisées contrevenaient aux articles 7 et 8 de la Charte canadienne des droits et libertés.

*     *     *     *     *

Discussion

[33]            Il faut donc se garder d’importer stricto sensu tous les arguments des juges de la Cour suprême prononcés dans un dossier précis et de les imposer sans les nuances qui s’imposent dans un recours aux fondements différents (voir notamment à ce sujet : R. c. Henry).
[34]            Si les requérants ont raison de réclamer l’entiercement dès qu’ils invoquent violation de droits constitutionnels, la mesure devient automatique.
[35]            Or, l’entiercement est un exercice discrétionnaire de la Cour qui doit s’interroger sur l’opportunité de l’accorder à la lumière des faits propres à la cause et compte tenu des règles applicables précitées.
[36]            La nuance est de taille.

*     *     *     *     *

[37]            D’entrée de jeu, il faut dire que la preuve des requérants est bien mince. Une série d’allégations, un affidavit, aucune audition de témoins.
[38]            Plusieurs reproches ont trait au fait que la dénonciation ne contenait pas de motifs suffisants pour permettre au juge de paix d’autoriser la perquisition. Ce n’est pas au stade de l’entiercement, et avec la preuve soumise à ce jour, qu’il peut en être décidé.
[39]            Une perquisition est toujours désagréable, intrusive et choquante. Existe-t-il une façon délicate de faire les choses lorsqu’un groupe d’enquêteurs envahissent un logement? Chaque cas doit être examiné à son mérite.

Question de droit sérieuse
[45]            Les allégations ne sont ni futiles ni dilatoires et paraissent invoquer une question de droit sérieuse.

Préjudice irréparable

[46]            Les faits mis en preuve à ce stade ne montrent pas que les requérants ont prouvé qu’ils subiraient un préjudice irréparable.
[50]            La perquisition concerne des informations de nature financière et commerciale liées à cette infraction alléguée. En cette matière, les attentes du citoyen sont réduites quant au respect de la vie privée (R. c. Jarvis).
[51]            Dans l’arrêt Centre de traitement en imagerie virtuelle inc. c. Le Ministre du Revenu du Québec, la Cour d’appel souligne :
Après avoir étudié le dossier et entendu les parties, [la Cour] conclut que dans les circonstances de l’espèce, notamment en tenant compte de la prescription édictée à la Loi sur le ministère du Revenu du Québec de même que la possibilité de l’exclusion d’une preuve à une autre étape, les requérants n’ont pas établi qu’ils subiront un préjudice irréparable si les autorités fiscales prenaient connaissance du contenu des documents saisis, non plus que la prépondérance des inconvénients commandent à ce stade-ci une intervention de la Cour.
[52]            Les requérants ne satisfont pas au deuxième critère.

La prépondérance des inconvénients

[53]            S’opposent deux intérêts divergents. Les prétentions des requérants précitées et l’intérêt public qui veut que l’enquête suive son cours et que des accusations soient déposées, le cas échéant, dans les meilleurs délais tout en ne perdant pas de vue la prescription.
[54]            L’évasion fiscale est l’une des sources les plus persistantes du désenchantement de la population envers l’intégrité du système démocratique.
[55]            Il faut donc pondérer le poids des valeurs en jeu comme nous y invite le juge Cory dans Knox Contracting Ltd. c. Canada.
[56]            En l’instance, les requérants ne satisfont pas au troisième critère.

samedi 20 septembre 2014

Il existe des principes jurisprudentiels qui interdisent les contestations incidentes des jugements des tribunaux (attaque collatérale)

Québec (Procureur général) c. Laroche, [2002] 3 RCS 708, 2002 CSC 72 (CanLII)

Lien vers la décision

73                              Il existe indéniablement des principes jurisprudentiels bien établis qui interdisent, en règle générale, les contestations indirectes ou incidentes des jugements des tribunaux.  Un jugement demeure valable et lie les parties aussi longtemps qu’il n’est pas modifié ou cassé à la suite de l’exercice des droits d’appel ou de correction pertinents, comme le rappelait le juge McIntyre dans des commentaires toujours pertinents :

Selon un principe fondamental établi depuis longtemps, une ordonnance rendue par une cour compétente est valide, concluante et a force exécutoire, à moins d’être infirmée en appel ou légalement annulée.  De plus, la jurisprudence établit très clairement qu’une telle ordonnance ne peut faire l’objet d’une attaque indirecte; l’attaque indirecte peut être décrite comme une attaque dans le cadre de procédures autres que celles visant précisément à obtenir l’infirmation, la modification ou l’annulation de l’ordonnance ou du jugement.  Lorsqu’on a épuisé toutes les possibilités d’appel et que les autres moyens d’attaquer directement un jugement ou une ordonnance, comme par exemple les procédures par brefs de prérogative ou celles visant un contrôle judiciaire, se sont révélés inefficaces, le seul recours qui s’offre à une personne qui veut faire annuler l’ordonnance d’une cour est une action en révision devant la Haute Cour, lorsqu’il y a des motifs de le faire.

(Wilson c. La Reine, 1983 CanLII 35 (CSC), [1983] 2 R.C.S. 594 p. 599-600; voir aussi R. c. Meltzer1989 CanLII 68 (CSC), [1989] 1 R.C.S. 1764; Canada (Commission des droits de la personne) c. Taylor1990 CanLII 26 (CSC), [1990] 3 R.C.S. 892, p. 972-973, le juge McLachlin (maintenant Juge en chef).)


74                              Ces jugements de notre Cour n’encouragent certainement pas les contestations dites « collatérales » ou indirectes  (R. c. O’Connor1995 CanLII 51 (CSC), [1995] 4 R.C.S. 411, par. 179, le juge L’Heureux-Dubé (dissidente sur cette question)).  Cependant, dans l’arrêt Wilson, le juge McIntyre admettait la possibilité d’exceptions à la prohibition générale, en mentionnant les cas de fraude ou de vice apparent à la face même de l’autorisation contestée.  D’autres décisions ont aussi apporté des atténuations limitées à ce principe.  Ainsi dans l’arrêt R. c. Litchfield1993 CanLII 44 (CSC), [1993] 4 R.C.S. 333, le juge Iacobucci avait reconnu la possibilité de réviser une ordonnance préparatoire relative à la division d’un procès.  Il permettrait à une cour, dans une matière qui concernait le contrôle de sa propre procédure et la conduite de ses affaires de remédier à une décision si erronée qu’elle vicierait fondamentalement le processus judiciaire.  La forme ne devait pas l’emporter sur le fond (voir Litchfield, précité, p. 348-350; voir au même effet :Dagenais c. Société Radio-Canada1994 CanLII 39 (CSC), [1994] 3 R.C.S. 835, p. 870-872; R. c. Beaulac1999 CanLII 684 (CSC), [1999] 1 R.C.S. 768, par. 11, le juge Bastarache).


75                              Une analyse particulièrement intéressante de la portée de la prohibition des contestations indirectes se retrouve dans un arrêt de la Cour d’appel de l’Ontario, dans R. c. Domm 1996 CanLII 1331 (ON CA), (1996), 111 C.C.C. (3d) 449.  Dans cette affaire, la Cour d’appel rejeta une contestation incidente d’une ordonnance de non-publication rendue dans un procès criminel très médiatisé.  Condamné pour violation de cette ordonnance, Domm tenta de plaider l’invalidité constitutionnelle de l’ordonnance en défense aux accusations portées contre lui, alors qu’il aurait pu l’obtenir dans le débat relatif à celle-ci et dans un appel éventuel.  Sa contestation échoua.  Le juge de première instance et la Cour d’appel invoquèrent les règles interdisant les contestations indirectes.  Cependant, le juge Doherty, auteur de l’opinion unanime de la Cour d’appel, souligna que ce principe devait connaître des exceptions au nom des intérêts fondamentaux du système d’administration de la justice, notamment, pour assurer le respect de la règle de droit.  Cet objectif exige alors de préserver la réputation de la justice, en garantissant son fonctionnement ordonné et efficace.  Dans la mesure où elles contribuent à préserver ces valeurs, des limites restreintes peuvent être apportées à l’interdiction des contestations indirectes comme on le voit, selon lui, dans les jugements de notre Cour, comme l’arrêt Litchfield, auxquels il renvoyait pour illustrer ses réflexions (Domm, p. 460-462).  Le juge Doherty rappelait à ce propos que, pour préserver l’intégrité de la règle de droit, il convient d’assurer un accès utile à des tribunaux indépendants capables d’accorder des réparations  appropriées aux individus dont les droits ont été violés (Domm, p. 455).  Il ajoutait que cet aspect des valeurs impliquées prenait une importance particulière dans le cas d’une violation de la Constitution qui représente l’élément fondateur de l’ordre juridique de notre pays : [TRADUCTION]  « lorsque des droits constitutionnels sont en jeu, le tribunal doit prêter une attention particulière à la possibilité d’accorder une réparation efficace autre que l’attaque indirecte, lorsqu’il se demande s’il y a lieu de faire exception à la règle interdisant l’attaque indirecte » (Domm, p. 460).  Il importait alors d’éviter de rendre des décisions judiciaires imperméables à toute forme de révision ou de contrôle (Domm, p. 462).

76                              Des exceptions limitées et contrôlées par les tribunaux à l’interdiction des contestations incidentes ne portent pas atteinte au principe de stabilité des décisions judiciaires qui demeure un élément central d’une saine administration de la justice et d’un système juridique ordonné.  Leur reconnaissance permet par contre de préserver également l’intégrité de la règle de droit fondamentale, en assurant son respect dans des situations où des droits constitutionnels seraient autrement lésés de façon grave, à défaut d’un tel remède.

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

Un dossier médical peut être déposé en vertu de l’article 30 de la Loi sur la preuve au Canada

R. c. Drouin, 2015 QCCS 6651  Lien vers la décision [ 8 ]             L’ article 30(1)  de la  Loi sur la preuve au Canada [3]  précise que ...