Rechercher sur ce blogue

vendredi 12 janvier 2018

Les rôles du juge émetteur et du juge réviseur quant à une autorisation judiciaire

Commission de la construction du Québec c. Location Jean Miller inc., 2014 QCCA 2006 (CanLII)

Lien vers la décision

[23]        Dans Procureur général du Québec c. Mathieu, notre Cour soulignait que le juge émetteur doit, avant d’autoriser une perquisition, être convaincu :
(1) que les biens recherchés ont un rapport avec l’infraction reprochée dans la dénonciation;
(2) qu’il existe des motifs raisonnables de croire que les biens recherchés fourniront la preuve de cette infraction; et,
(3) que les biens recherchés sont suffisamment décrits pour que la saisie ne constitue pas une recherche à l’aveuglette.
[24]        Le juge émetteur doit par ailleurs avoir la conviction qu’il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise et que les biens recherchés se trouvent à l’endroit visé par la dénonciation, à la lumière des faits qui y sont énoncés.
[25]        Finalement, lorsque le dénonciateur s’appuie sur des informations qu’il reçoit d’un informateur, il doit expliquer en quoi ce dernier est fiable et crédible. En démontrant que les renseignements provenant de tiers sont convaincants, que leur source est fiable et que les renseignements ont été confirmés par l’enquête, il permet ainsi que cette information puisse à son tour convaincre le juge[.
[26]        Les principes énoncés dans l’affaire Hunter c. Southam ont été repris et résumés quelques années plus tard par la Cour suprême dans l’arrêt Thomson Newspapers Ltd. c. Canada.
[27]        Par la suite, dans l’affaire Comité paritaire de l’industrie de la chemise c. Potash, la Cour suprême a également précisé que les critères qui servent à évaluer le caractère raisonnable d’une perquisition lors d’une enquête criminelle ou pénale diffèrent de ceux d’un contexte administratif, notamment dans le cas d’entreprises œuvrant dans un secteur hautement réglementé, où les critères seront généralement moins sévères et plus souples. Ce faisant, la Cour suprême n’a pas pour autant modifié le principe voulant qu’en matière d’infractions pénales, les critères demeurent ceux d’une enquête criminelle ou pénale.
[28]        La Cour supérieure peut être appelée à réviser le fondement de la demande d’autorisation dans le contexte d’une demande de révision judiciaire qui fait suite à la délivrance d’un mandat de perquisition. Sa compétence se limite alors à déterminer s’il existait quelque élément de preuve fiable sur lequel le juge émetteur pouvait raisonnablement se fonder pour accorder l’autorisation, tel que défini par la Cour suprême d’abord dans R. c. Garofoli, puis dans R. c. Araujo, et tel que résumé par notre Cour dans l’affaire Centre de traitement en imagerie virtuelle inc. c. Québec (Ministre du Revenu) :
[50]      Le rôle du juge de révision ne consiste pas à procéder à une nouvelle audition de la demande d'autorisation et il ne peut substituer son opinion à celle du juge qui a accordé l'autorisation. Il doit seulement se demander si, une fois mises de côté les allégations erronées, fausses ou illégalement acquises, il existait "quelque élément de preuve fiable auquel le juge aurait pu raisonnablement ajouter foi pour accorder l'autorisation".

On ne peut pas avancer une violation constitutionnelle en plaidoirie s'il n'y a eu aucun débat à ce sujet durant la preuve

Beladjat c. R., 2006 QCCA 588 (CanLII)

Lien vers la décision

[4]               L’appelant ne s’est pas opposé à cette preuve au moment de sa production mais a préféré attendre le moment de sa plaidoirie pour soulever la question de l’arrestation illégale, sans toutefois demander spécifiquement l’exclusion de la preuve pour cette raison.  Ce n’est que devant cette Cour que l’appelant en demande précisément, pour la première fois, l’exclusion.  Cette façon de faire est inappropriée puisqu’elle prive la Cour d’un jugement de première instance et d’une base factuelle complète permettant aux deux parties de faire valoir leur point de vue. 

Est-ce qu'un bâton télescopique est nécessairement une arme prohibée?

R. c. Allard, 2014 QCCQ 13779 (CanLII)

Lien vers la décision

[80]        Quant au chef concernant la possession d'une arme prohibée en contravention de l'article 91(2)(3)b) du Code criminel, à savoir un bâton télescopique, il faut nécessairement s’en remettre d’abord à l'article 84(1)b) C.cr. qui nous donne la définition de ce qu’est une arme prohibée :
« 84. (1) Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente partie.
« arme prohibée »
[…]
b) toute arme — qui n’est pas une arme à feu — désignée comme telle par règlement.
[81]        Tandis que l'article du 4 Règlement édicte que les armes énumérées à la Partie 3 de l'annexe sont désignées armes prohibées pour l'application de l'alinéa b) de la définition de « armes prohibées » au paragraphe 84(1) du Code criminel, l'article 13 de la Partie 3 de l'annexe du même règlement stipule que :
« Les instruments communément appelés " Kiyoga Baton " ou " Steel Cobra " et tout instrument semblable consistant en un fouet télescopique à ressort déclenché manuellement et terminé en pointe de frappe de fort calibre… »
[82]        Puisque, à l'article 13 de la Partie 3 de l'annexe du Règlement, le législateur utilise le terme « consistant », lequel est suivi de différentes caractéristiques, cela démontre clairement qu’il a voulu que les attributs qui y sont énoncés soient existants pour qu'un instrument soit qualifié de semblable à un " Kiyoga Baton " ou un " Steel Cobra ".
[83]        D'ailleurs, dans l'affaire La Reine c Melbrew,  la Cour du Québec a statué que le terme « consistant » référait « à être composé de », de sorte que pour être qualifié d’«instrument semblable », l'arme doit posséder les caractéristiques suivantes, soit :
1-         fouet télescopique;
2.         muni d'un ressort déclenché manuellement;
3.         terminé en pointe de frappe de fort calibre.
[84]        Puisqu'en matière pénale la loi doit s'interpréter de façon restrictive, le Tribunal, en accord avec la décision du juge Gilles Cadieux dans l'affaire Melbrew, déclare qu’il était de la responsabilité de la Poursuivante d’établir la preuve que le bâton télescopique utilisé par l'accusé rencontrait les exigences du Code criminel.
[85]        La seule information que la preuve révèle en la présente affaire est celle fournie par un des policiers, qui déclare qu'il s'agit d'un bâton télescopique à gravité et non à ressort.
[86]        Considérant qu'il s'agit de la seule preuve qui a été présentée devant le Tribunal et vu qu'aucune autre preuve établissant que les qualités propres du bâton télescopique utilisé par l'accusé rencontrent les critères du Code criminel, le Tribunal acquitte l’accusé du quatrième chef.

La seule autorité de l’employeur sur l’employé ne suffit pas pour que ce dernier se qualifie comme étant une personne en situation d’autorité

Coulombe c. R., 2009 QCCQ 17410 (CanLII)

Lien vers la décision

[14]            De l’arrêt R. c. Hodgson, on comprend que l'accusé a le fardeau de démontrer qu’une personne, qui n’est pas un agent de la paix identifié comme tel, est une personne en autorité au sens de la règle des confessions. Ce fardeau est un fardeau de présentation et non de persuasion, c’est-à-dire que « [d]ans la très grande majorité des cas, l’accusé s’acquittera de ce fardeau de présentation en prouvant qu’il connaissait l’existence du lien entre la personne recevant la déclaration et la police ou les autorités chargées des poursuites. »
[15]            La personne en autorité est celle qui participe officiellement à l’arrestation, à la détention, à l’interrogatoire ou à la poursuite de l’accusé et il faut l'évaluer selon le point de vue de l'accusé, c.-à-d. un point de vue subjectif, lequel doit demeurer raisonnable eu égard aux circonstances dans lesquelles est faite la déclaration.
[16]            Pour illustrer l'aspect subjectif, le juge Cory approuve l’arrêt R. c. Berger dans lequel on précise qu'il faut rechercher à savoir si l'accusé croit que la personne à qui il s'adresse a un pouvoir d’influencer les poursuites judiciaires :
L’approche adoptée par le juge McIntyre (plus tard juge de notre Cour) dans R. c. Berger (1975), 27 C.C.C. (2d) 357 (C.A.C.‑B.), aux pp. 385 et 386 constitue, à mon avis, un exposé clair du droit pertinent:
[TRADUCTIONIl est établi, en droit, que la personne en situation d’autorité est une personne concernée par les poursuites judiciaires et qui, de l’avis de l’accusé, peut en influencer le déroulement. Le critère à appliquer pour décider si les déclarations faites à des personnes ayant de tels liens avec les poursuites judiciaires sont volontaires est subjectif. En d’autres mots, que pensait l’accusé? À qui croyait‑il parler? […] Avait‑il l’impression que s’il ne parlait pas à cette personne, qui avait le pouvoir d’influencer les poursuites judiciaires, il en subirait un préjudice, ou croyait‑il qu’une déclaration lui permettrait d’obtenir un avantage ou une récompense? Si l’accusé n’avait pas une telle impression, la personne à laquelle la déclaration a été faite n’est pas considérée comme une personne en situation d’autorité et la déclaration est admissible.
(Soulignés ajoutés)
[17]            L’accusé doit croire raisonnablement à l’existence d’un lien de mandataire ou d’une collaboration étroite entre la personne recevant la déclaration et les policiers ou le ministère public, que la personne recevant la déclaration était un allié des autorités étatiques et pouvait influencer l’enquête ou les poursuites le visant.
[18]            Qui plus est, dans l’arrêt R. c. Grandinetti, la juge Abella pour la Cour a expliqué l’aspect subjectif de la notion. Elle écrit:     
La notion de « personne en situation d’autorité » est très subjective et repose sur la perception qu’a l’accusé de la personne à qui il fait la déclaration. Il faut se demander si, compte tenu de sa perception du pouvoir de son interlocuteur d’influencer la poursuite, l’accusé croyait qu’il subirait un préjudice s’il refusait de faire une déclaration ou qu’il bénéficierait d’un traitement favorable s’il parlait.
[19]            Cela étant, dans l’arrêt Hodgson, le juge Cory rappelle aussi que « le simple fait [que l’employeur peut] exercer une certaine autorité personnelle sur l’accusé, ne suffit pas à faire [de lui une personne] en situation d’autorité pour l’application de la règle des confessions ». L'accusé doit le croire et cette croyance doit être raisonnable. Le juge Cory écrit :
Au contraire, elle commande un examen au cas par cas de la croyance de l’accusé au sujet de la capacité de la personne qui reçoit sa déclaration d’influencer l’enquête ou la poursuite du crime. En d’autres mots, le juge du procès doit déterminer si l’accusé croyait raisonnablement que la personne qui a reçu la déclaration agissait pour le compte de la police ou des autorités chargées des poursuites.Cette conception de l’exigence relative à la personne en situation d’autorité reste inchangée.
[20]            Finalement, si l'accusé ne peut pas faire la preuve qu'il connaissait ce lien, cela met un terme à l'analyse. Le juge Cory écrit:
La question de la qualité de personne en situation d’autorité de la personne qui a reçu la déclaration se pose seulement si l’accusé connaissait cette qualité. Si l’accusé ne peut pas prouver qu’il connaissait la qualité de la personne ayant reçu sa déclaration (par exemple, dans le cas d’un agent double) ou l’existence d’un lien étroit avec les autorités (comme dans le cas des personnes agissant pour le compte de l’État), l’examen de la question de savoir si la personne ayant reçu la déclaration était une personne en situation d’autorité doit cesser.
ANALYSE
[21]            Sur la question de savoir si la règle des confessions doit s'appliquer à une situation, le test est rigoureux. Il est à la fois subjectif et objectif ce qui signifie que dans la quasi-totalité des cas, l’accusé doit témoigner. Cependant, il est possible que cette perception subjective puisse s’inférer de la preuve. Ce n’est toutefois pas le cas en l’espèce. La seule autorité de l’employeur sur l’employé ne suffit pas. C'est le lien entre l’employeur et l’État qui est déterminant.
[22]            La preuve démontre que la rencontre avec le service de sécurité de l’entreprise s’est déroulée conformément aux règles établies par la convention collective. Rien ne permet de croire que cette procédure est extraordinaire. Au contraire, il est normal de penser que l’employeur souhaite interroger les employés qui ont été en contact avec la disparition d’un sac contenant 233 000$. L’employé lui-même n’a aucune raison de s’en étonner et rien dans la preuve indique ou permet d’inférer que le contexte était étonnant ou anormal pour M. Coulombe.
[23]            Selon la preuve, si le service de sécurité de l'entreprise collabore parfois avec les policiers, mais ce n’est pas toujours le cas et rien dans la preuve ne permet d’inférer que M. Coulombe le savait ou même qu’il croyait raisonnablement, voire même peut-être erronément, que c’était le cas dans la situation spécifique qui l’a amené à rencontrer MM. Blanchette et Lanielle le 29 janvier 2003.
[24]            Le point focal est sur ce que la personne croit et non sur ce que la preuve révèle quant aux véritables objectifs de la personne qui recueille la déclaration. Ainsi, comme l’a rappelé la Cour suprême dans R. c. Grandinetti, un policier agent double dont le statut est inconnu de l'accusé n’est pas, sauf circonstances exceptionnelles, une personne en situation d’autorité à son égard. Ce n’est pas la qualité de la personne qui détermine si elle est une personne en autorité, mais la connaissance de cette qualité par l’accusé.
[25]            Rien dans la preuve présentée dans le voir dire permet de conclure qu‘objectivement les enquêteurs de l’employeur étaient des alliés de l’État dans le sens décrit par la Cour suprême et rien ne permet d’inférer que M. Coulombe croyait raisonnablement que c’était le cas.

Comment valablement apprécier si une personne se qualifie comme étant en situation d'autorité

R. c. C. S., 2006 NBCP 7 (CanLII)

Lien vers la décision

[41]     Dans l’arrêt Hodgson, le juge Cory a réitéré que le fait que le défendeur croit subjectivement que la personne est en situation d’autorité est important pour déterminer la véritable qualité de la personne qui a reçu la déclaration. Il a toutefois ajouté qu’il doit y avoir un fondement raisonnable à la croyance subjective que la personne qui reçoit la déclaration a quelque influence sur le déroulement des poursuites judiciaires. Il a ajouté, aux paragraphes 33 et 34 :

[33]  Notre Cour a adopté l’approche subjective à l’égard de l’exigence relative à la personne en situation d’autorité. Voir l’arrêt Rothman, précité, à la p. 663. L’approche adoptée par le juge McIntyre (plus tard juge de notre Cour) dans R. c. Berger (1975), 27 C.C.C. (2d) 357 (C.A.C.‑B.), aux pp. 385 et 386 constitue, à mon avis, un exposé clair du droit pertinent :

[TRADUCTION] Il est établi, en droit, que la personne en situation d’autorité est une personne concernée par les poursuites judiciaires et qui, de l’avis de l’accusé, peut en influencer le déroulement. Le critère à appliquer pour décider si les déclarations faites à des personnes ayant de tels liens avec les poursuites judiciaires sont volontaires est subjectif. En d’autres mots, que pensait l’accusé? À qui croyait‑il parler? [. . .] Avait‑il l’impression que s’il ne parlait pas à cette personne, qui avait le pouvoir d’influencer les poursuites judiciaires, il en subirait un préjudice, ou croyait‑il qu’une déclaration lui permettrait d’obtenir un avantage ou une récompense? Si l’accusé n’avait pas une telle impression, la personne à laquelle la déclaration a été faite n’est pas considérée comme une personne en situation d’autorité et la déclaration est admissible.
[34]  Toutefois, j’ajouterais à cet énoncé que la croyance de l’accusé qu’il parle à une personne en situation d’autorité doit également être raisonnable eu égard aux circonstances dans lesquelles il fait la déclaration. […]
[42]     Le juge a ensuite donné, au paragraphe 35, plusieurs exemples de personnes en situation d’autorité :
[35]  Au fil des ans, les tribunaux ont établi à quel moment et dans quelles circonstances une personne est réputée être une personne en situation d’autorité pour l’application de la règle des confessions. Voir, p. ex., R. c. Trenholme(1920), 1920 CanLII 461 (QC CA)35 C.C.C. 341 (B.R. Qué.) (il a été jugé que le père du plaignant est une personne en situation d’autorité lorsqu’il a un certain pouvoir sur les poursuites contre l’accusé); R. c. Wilband,1966 CanLII 3 (SCC)[1967] R.C.S. 14 (un psychiatre n’est pas une personne en situation d’autorité lorsqu’il n’a ni pouvoir ni influence sur le déroulement des procédures); R. c. Downey (1976), 32 C.C.C. (2d) 511 (C.S.N.‑É., Div. app.) (la victime est une personne en situation d’autorité si l’accusé croyait raisonnablement qu’elle avait un certain pouvoir sur les procédures); A.B., précité (le père ou la mère ne sont pas, en droit, des personnes en situation d’autorité s’il n’y a aucun lien étroit entre la décision d’appeler les autorités et l’encouragement donné à un enfant pour qu’il fasse une déclaration); R. c. Sweryda (1987), 1987 ABCA 75 (CanLII)34 C.C.C. (3d) 325 (C.A. Alb.)(une travailleuse sociale est une personne en situation d’autorité si l’accusé savait qu’elle enquêtait sur des allégations de mauvais traitements infligés à des enfants et croyait que cela pouvait entraîner son arrestation). Ces décisions n’ont pas dérogé à la règle directrice qui définit la personne en situation d’autorité en fonction de la perception qu’a l’accusé du rôle que joue, dans l’enquête ou la poursuite du crime, la personne à laquelle il fait la déclaration; et elles n’ont pas non plus défini la personne en situation d’autorité en fonction uniquement de l’autorité personnelle que cette personne peut exercer sur l’accusé. Dans les cas où les tribunaux ont jugé que la personne qui avait reçu la déclaration était une personne en situation d’autorité, ils ont systématiquement conclu que l’accusé croyait que cette personne était un allié des autorités étatiques et pouvait influencer l’enquête ou les poursuites le visant.
[43]     D’autres remarques qu’il a faites au paragraphe 36 sont importantes pour la décision à rendre en l’espèce :
[36] Le facteur important à souligner dans toutes ces affaires est que, hormis les agents de la paix et les gardiens de prison, il n’existe aucune liste de personnes qui sont considérées d’office comme des personnes en situation d’autorité du seul fait de leur qualité. Un parent, un médecin, un enseignant ou un employeur peuvent tous être considérés comme des personnes en situation d’autorité si les circonstances le justifient, mais leur qualité, ou le simple fait qu’ils peuvent exercer une certaine autorité personnelle sur l’accusé, ne suffit pas à faire d’eux des personnes en situation d’autorité pour l’application de la règle des confessions. […] [C’est moi qui ajoute l’italique.]
[44]     Pour que la question soit soulevée au procès, la preuve présentée doit au moins satisfaire au critère énoncé aux paragraphes 37 et 38 de l’arrêt Hodgson :

[37] […] Toutefois, eu égard à l’exigence relative à la personne en situation d’autorité, la preuve requise pour établir si une personne doit être considérée comme une personne en situation d’autorité incombera souvent principalement à l’accusé. Ce dernier a donc une certaine obligation relativement à cet aspect de la règle des confessions. Il s’agit d’un fardeau de présentation et non de persuasion. Voir, p. ex., R. c. Scott (1984), 1 O.A.C. 397, à la p. 399. Dans The Law of Evidence in Canada (1992), aux pp. 56 et 57, John Sopinka, Sidney N. Lederman et Alan W. Bryant expliquent ainsi la différence entre ces deux fardeaux:

[TRADUCTION] L’expression fardeau de présentation signifie qu’une partie a la responsabilité de s’assurer qu’il y a au dossier suffisamment d’éléments de preuve de l’existence ou l’inexistence d’un fait ou d’un point litigieux pour satisfaire au critère préliminaire applicable à ce fait ou à cette question. [. . .] Par contre, l’expression fardeau de la preuve signifie qu’une partie a l’obligation de prouver ou de réfuter un fait ou un point litigieux eu égard à la norme en matière criminelle ou civile. Le fait de ne pas convaincre le juge des faits suivant la norme applicable signifie que la partie n’aura pas gain de cause sur ce point.

Le fardeau de présentation qui incombe à l’accusé dans une affaire criminelle est décrit de la manière suivante (à la p. 138) :

[TRADUCTION] Lorsque le fardeau de présentation relativement à une question incombe au défendeur dans une affaire criminelle, par exemple la légitime défense, l’accusé est tenu de s’assurer qu’il y a au dossier des éléments de preuve permettant d’en faire une question en litige. Les éléments nécessaires pour satisfaire au fardeau de présentation peuvent se trouver dans la preuve du ministère public ou de la défense.

[38]  Dans la très grande majorité des cas, l’accusé s’acquittera de ce fardeau de présentation en prouvant qu’il connaissait l’existence du lien entre la personne recevant la déclaration et la police ou les autorités chargées des poursuites. Par exemple, le fait que la déclaration ait été faite à un agent de police en uniforme ou qui s’est identifié comme étant un agent de la paix permettra à l’accusé de s’acquitter du fardeau de présentation en ce qui concerne l’exigence relative à la personne en situation d’autorité. Voir, p. ex., Morris c. La Reine1979 CanLII 243 (CSC),[1979] 2 R.C.S. 1041, à la p. 1066. Une fois que l’accusé s’acquitte du fardeau de présentation, le fardeau ultime de la preuve incombe au ministère public. Voir R. c. McKenzie[1965] 3 C.C.C. 6 (C.S. Alb., Div. app.), à la p. 28. Dans R. c. Postman (1977), 1977 ALTASCAD 92 (CanLII)3 A.R. 524, à la p. 542, la Cour suprême de l’Alberta, Division d’appel, a statué, à juste titre à mon avis, que lorsqu’un témoin n’est pas à première vue une personne en situation d’autorité (dans cette affaire, il s’agissait d’un médecin), [TRADUCTION] « il est loisible à l’avocat de la défense de contester la preuve prima facie et d’exiger que des éléments de preuve soient produits pour permettre de statuer sur les faits de l’espèce ». Ainsi, une fois que la défense s’acquitte de son fardeau et établit que la preuve confirme la prétention que la personne qui a reçu la déclaration était une personne en situation d’autorité, il appartient alors au ministère public de prouver hors de tout doute raisonnable soit que la personne qui a reçu la déclaration n’était pas une personne en situation d’autorité, soit, s’il est impossible de faire cette preuve, que la déclaration a été faite volontairement.
[45]     C’est le même critère qui s’appliquerait pour qu’un défendeur puisse présenter une défense affirmative à un procès criminel. Ainsi, la question doit respecter le critère ou avoir assez de vraisemblance, si une preuve présentée par le ministère public ou la défense ou qui ressort du dossier lui-même pourrait permettre à un jury ayant reçu des directives appropriées et agissant de façon raisonnable, dans le cas d’une affaire donnant lieu à une défense affirmative, de prononcer l’acquittement. Voir R. c. Cinous2002 CSC 29 (CanLII)[2002] 2 R.C.S. 3 (C.S.C.)R. c. Fontaine, 2004 CSC 27 (CanLII)[2004] 1 R.C.S. 702 (C.S.C.), aux paragraphes 64 à 74, R. c. Cornejo (2003),2003 CanLII 26893 (ON CA)18 C.R. (6th) 124 (C.A. Ont.)R. c. O’Brien (R.S.) (2003), 2003 NBCA 28 (CanLII)257 R.N.‑B. (2e) 243(C.A.N.‑B.), aux paragraphes 113, 114, 116 et 120, et R. c. T.K.E., [2005] A.N.‑B. no 91 (C.A.N.‑B.), au paragraphe 34.
[46]     Dans sa conclusion sur la question, le juge Cory a donné un résumé utile des principes applicables pour évaluer, d’une part, si une déclaration a été faite à une personne en situation d’autorité, et, d’autre part, si elle était volontaire. Les points 3, 4 et 5 du résumé donné au paragraphe 48 de l’arrêt Hodgson sont particulièrement pertinents quant à la question de la personne en situation d’autorité :

3. La règle s’applique lorsque l’accusé fait une déclaration à une personne en situation d’autorité. Bien qu’il ne soit ni nécessaire ni souhaitable de définir de manière absolue l’expression « personne en situation d’autorité », cette expression vise habituellement les personnes qui participent officiellement à l’arrestation, à la détention, à l’interrogatoire ou à la poursuite de l’accusé. En conséquence, elle s’applique aux personnes tels les policiers et les gardiens de prison. Lorsque la déclaration de l’accusé est faite à un policier ou à un gardien de prison, un voir‑dire doit être tenu pour déterminer si la déclaration est admissible en tant que déclaration volontaire, sauf si l’avocat de l’accusé renonce au voir-dire.

4. Peuvent aussi être des personnes en situation d’autorité les personnes qui, selon ce que croit raisonnablement l’accusé, agissent pour le compte de la police ou des autorités chargées des poursuites et pourraient, de ce fait, avoir quelque influence ou autorité sur les poursuites engagées contre lui. Cette question doit être tranchée au cas par cas.

5. Pour déterminer qui est une personne en situation d’autorité, il faut examiner la question subjectivement, du point de vue de l’accusé. Toutefois, la croyance de l’accusé que la personne qui entend sa déclaration est une personne en situation d’autorité doit avoir un fondement raisonnable.

Illustration jurisprudentielle de conséquences découlant de transactions qui sont civiles et non pas criminelles

R. c. Varin, 1997 CanLII 10049 (QC CA)

Lien vers la décision

La preuve révèle clairement que l'offre initiale de 75 000 $ a été acceptée sans réserve par Guay et que le contrat de vente a été conclu, pour l'essentiel, en conformité des termes convenus.  Le prix de vente a entièrement été payé à Guay.  La même situation prévaut dans le cas de Lefort.  C'est subséquemment à l'acceptation par Guay de l'offre de 75 000 $ que l'immeuble a été transigé avec Lefort.  C'est sur la base de cette preuve que le premier juge a donné son aval à la thèse du ministère public qui reprochait à l'appelant 1) une fraude aux dépens de Guay qui se plaignait de n'avoir obtenu que 75 000 $ au lieu des 81 000 $ payés par Lefort, et 2) une fraude à l'endroit de Lefort qui, en corollaire, aurait dû payer 75 000 $ au lieu des 81 000 $ qu'il a déboursés.

            Avec égards pour l'opinion du premier juge, rien, dans la preuve, ne permet de voir que l'appelant aurait réalisé une appropriation matérielle à la suite d'un consentement obtenu par des moyens dolosifs.  Que l'acheteur Belisle ait convenu de revendre la propriété à profit et que l'appelant, un agent d'immeubles, ait agi à titre d'intermédiaire dans cette vente, ne changent rien à l'affaire.  Si des conséquences résultent de ces transactions, elles sont civiles et non pas criminelles.  Aucune utilisation d'un moyen dolosif ayant entraîné une privation malhonnête ne transpire de la preuve. (voir Vermette c. R.,(1995) 63 Q.A.C. 231Perreault c. R., (1992) 1992 CanLII 3282 (QC CA)R.J.Q. 1829Matthers c. R., J.E. 92-1500).

La réticence / dissimulation de faits importants en matière de fraude

Dumont c. R., 2001 CanLII 10280 (QC CA)

Lien vers la décision

[32]           Dans l'affaire Zlatic, madame la juge McLachlin énumère certaines situations qui sont comprises dans l'expression «tout autre moyen dolosif»:
Toutefois, la troisième catégorie de l'«autre moyen dolosif» a servi à justifier des déclarations de culpabilité dans un certain nombre de situations où il est impossible de démontrer l'existence d'une supercherie ou d'un mensonge.  Ces situations incluent, à ce jour, l'utilisation des ressources financières d'une compagnie à des fins personnelles, la dissimulation de faits importants, l'exploitation de la faiblesse d'autrui, le détournement de fonds et l'usurpation de fonds ou de biens: [Citations volontairement omises.]
[33]           Ici, l'appelant a caché à la CSST des faits importants et cette réticence était de nature à l'induire en erreur.  Si l'appelant avait dénoncé à la CSST qu'il occupait un emploi et s'il avait révélé son revenu réel, la CSST aurait cessé le versement de l'IRR.
[34]           Les réticences de l'appelant ont donc entraîné une perte pour la CSST.

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

Un dossier médical peut être déposé en vertu de l’article 30 de la Loi sur la preuve au Canada

R. c. Drouin, 2015 QCCS 6651  Lien vers la décision [ 8 ]             L’ article 30(1)  de la  Loi sur la preuve au Canada [3]  précise que ...